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dimanche 12 mai 2024

La responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise en Droit marocain

 


Introduction générale :

     Le régime de la responsabilité[1] pénale des dirigeants de l’entreprise touche à la matière du droit pénal des affaires, à la matière du droit pénal économique, à la matière de la délinquance en col blanc[2] ou encore à la matière de l’intervention du droit pénal dans la vie des affaires.

Ce régime, qui est régi par un arsenal de règles juridiques qui trouvent leur source dans des textes législatifs et dans la jurisprudence, constitue la pierre angulaire du droit pénal des affaires en général et du droit des sociétés et des entreprises en difficulté en particulier. Le droit pénal des affaires se présente comme une constellation hétérogène d’infractions. Cela tient essentiellement à l’approximation du terme affaires. En effet, l’expression affaires renvoie aussi bien au droit commercial qu’aux droit civil, fiscal, du travail, de la concurrence, etc. cette expression n’a guère de borne juridique à la différence du droit des sociétés ou du droit commercial.

Nonobstant cette difficulté de définition, le droit pénal des affaires peut s’entendre de l’ensemble des règles de droit relatives d’une part aux infractions susceptibles d’être caractérisées dans la vie des affaires et d’autre part à l’ensemble des règles économiques qui peuvent être sanctionnées pénalement. [3]

Force est de constater qu’il n’existe pas en droit marocain à l’instar du droit français d’un code pénal des affaires qui regrouperait toutes les infractions ce qu’on qualifierait, de ce fait, de délinquance d’affaires . En effet, le droit pénal des affaires s’efforce d’imposer la loyauté dans le monde des affaires, pour assurer la sécurité des transactions et dans l’intérêt des affaires en général.

Il a deux rôles : Le premier est un rôle préventif  en ce sens que le législateur a réglementé l’accès aux doubles professions commerciales et industrielles, afin d’enfermer l’accès aux gens douteux.  Le second tient à un rôle répressif dans la mesure où le législateur sanctionne certains comportements intolérables pratiqués par certains hommes d’affaires. En somme, le droit pénal des affaires vise la protection des intérêts patrimoniaux et moraux de la communauté sociale par la prévention et la répression des agissements portant atteinte au fonctionnement harmonieux et à la transparence du système économique. Ce droit collabore donc à travers les mêmes mécanismes et principes du droit pénal général, à la protection des intérêts économiques et financiers de la société. Certains auteurs parlent même du droit pénal économique qu’on peut définir comme étant une législation qui s’occupe à prévenir et à réprimer des infractions englobant pratiquement tous les domaines de l’activité économique de production, de circulation et de consommation des biens et services.

La délinquance économique soulève des questions juridiques, criminologiques, sociales et éthiques.

Les questions juridiques concernent notamment l’application des principes généraux du droit  pénal par ex : la mise en œuvre de l’imputabilité morale ou de l’état de nécessité. Les questions criminologiques mettent spécialement en exergue ce qui est communément appelé « le chiffre noir », à savoir la délinquance non apparente, non découverte, non répertorié. Les questions sociales, quant à elles, insistent sur les répercussions économiques et sociales qui frappent les tiers, spécialement les travailleurs, touchés indirectement mais parfois plus durement que les dirigeants indélicats, par les sanctions pénales prononcées contre les entreprises.

Enfin, les questions éthiques s’interrogent sur la nécessité de l’intervention du droit pénal à l’encontre des entreprises.

Il va sans dire donc que l’entreprise, agent économique, dont la fonction principale est la production de biens et services destinés à être vendus sur un marché, forme une partie importante du tissu économique d’un pays donné dans un moment donné. Elle se trouve de ce fait-là au noyau de l’arsenal diversifié et complexe du droit pénal des affaires.

De nos jours, l’entreprise vit au sein d’un système  hyper complexe en ce sens qu’elle doit être appréhendée d’une manière dynamique. Les multiples variables quantitatives et qualitatives, directes et indirectes, externes et internes influençant les décisions rendent difficile la gestion des entreprises, d’autant qu’elles sont en interdépendance tout en étant parfois des antagonistes.

Dans cet esprit, l’entreprise se trouve donc investie de responsabilités de nature diverse. Ces responsabilités sont censés être assumées et exercées au nom de l’entreprise par ses dirigeants qui sont tenus à rendre compte aux différents acteurs de la vie économique et sociale intéressés par ses actions de manière directe ou indirecte. Le dirigeant de l’entreprise expose donc cette dernière à des risques de condamnation morale, sociale et/ou juridique. Le dirigeant a donc un pouvoir de protection de l’intégrité morale et patrimoniale de son entreprise et ce tout au long de l’existence de celle-ci, pour le meilleur et pour le pire.

Force est de préciser qu’il n’existe aucune définition juridique de la notion de dirigeant de l’entreprise bien qu’elle soit parfois utilisée par les textes sous des appellations diverses et variées dont la plus usitée est celle de chef d’entreprise. Cela présente un intérêt évident du point de vue de l’identification des personnes, dites dirigeantes, pénalement responsables et les réponses ne semblent pas être aisées, notamment en ce qui concerne le droit marocain des sociétés.

Pour approcher utilement cette notion pour la présente étude, on notera que la doctrine et la jurisprudence (notamment françaises) s’accordent pour considérer comme dirigeant, celui qui exerce des pouvoirs d’administration et/ou de direction et de gestion de l’entreprise, prend à cet effet des décisions qui engagent l’entreprise vis-à-vis de ses partenaires internes et externes et veille à leur exécution par des instructions données aux structures de la société. Sur cette base, elles distinguent, ainsi que la loi, le dirigeant de droit et le dirigeant de fait d’une part, et le dirigeant en fonction et le dirigeant ayant cessé ses fonctions d’autre part.

On essaiera à travers cette étude à présenter ces différentes notions en se plaçant essentiellement sur le champ du droit des sociétés et du droit des entreprises en difficulté en considérant l’entreprises comme une forme sociétaire jouissant de la personnalité morale.

Tout ceci nous amène donc à poser la question suivante : quelles sont donc les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité pénale des dirigeants des l’entreprise  d’un côté et de l’autre côté celles qui tiennent plutôt à leur irresponsabilité ?

Il va falloir donc traiter la question dans sa globalité et ce en procédant à une étude dans une première partie des conditions d’engagement de la responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise  dans un premier chapitre tandis que le second sera consacré aux conditions d’exonération de leur responsabilité pénale. La seconde partie, fera l’objet, quant à elle, d’une illustration du régime de responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise à travers le cas de deux infractions principales qui nous paraissent les plus pertinentes par leur actualité et leur importance du point de vue de la problématique de la responsabilité pénale des dirigeants, l’une concernant le droit de l’entreprise in bonis, l’abus des biens sociaux (ABS),et elle sera traitée dans le premier chapitre tandis que l’autre concernant, l’entreprise en difficulté, la banqueroute, sera analysée dans un second chapitre.

En effet, le domaine de la responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise est très vaste et très varié. Le droit ayant investi, et continuant à investir, tous les domaines des activités économiques et industrielles des entreprises, les obligations pesant sur l’entreprise et ses dirigeants tendent à se multiplier et à se diversifier. Le non respect de ces obligations expose le dirigeant à des risques de sanctions civiles mais aussi de plus en plus pénales. Aux risques pénaux communs, découlent des lois et règlements généraux édictés pour toutes les entreprises( droit des sociétés, droit du travail et droit social, droit fiscal, droit de l’entreprise en difficulté, droit de la concurrence…), s’ajoutent les risques pénaux spécifiques aux secteurs d’activités propres aux entreprises liés aux obligations particulières mises à la charge des entreprises par les lois et règlements régissant ces secteurs.

Aborder le problème de la responsabilité pénale du dirigeant  de l’entreprise sous l’angle de tous ces droits serait certes intéressant mais dépasserait le cadre de notre étude. Or nous estimons que ce régime s’est d’abord forgé dans le terreux du droit des sociétés commerciales et du droit de l’entreprise en difficultés, notamment en France.

Par ailleurs, la modernisation du droit marocain des affaires au cours de la dernière décennie du 20ème siècle, illustrée notamment par la réforme du droit des sociétés et la réforme du code de commerce, profondément inspirée de la législation française, a également touché la responsabilité pénale du dirigeant de l’entreprise marocaine comme l’atteste l’arsenal des sanctions pénales édictées par ces textes. L’étude de ce régime, en se fondant sur les solutions dégagées notamment par la jurisprudence et la doctrine françaises en la matière, paraît donc pertinente et pourrait permettre de préciser la portée du régime de la responsabilité pénale à appliquer au cas marocain et contribuer ainsi à éclairer les tribunaux marocains sur les solutions à retenir aux cas d’espèces, notamment aux affaires concernant les biens sociaux et la banqueroute.

Force est de prévoir que ce régime de la responsabilité des dirigeants de l’entreprise pourrait, dans les années à venir, prendre une importance particulière dans le contexte marocain caractérisé par la volonté des pouvoirs publics d’introduire une plus grande transparence dans les affaires et d’assainir le fonctionnement de l’économie afin d’améliorer l’attractivité des investissements, notamment étrangers, à la recherche d’un environnement juridique sain et d’une justice impartiale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La 1ère partie : la responsabilité pénale du dirigeant de l’entreprise : Entre pénalisation  et dépénalisation

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

     La responsabilité pénale d’une personne est engagée lorsqu’elle commet une infraction à la loi sanctionnée par une peine (Amende, emprisonnement, etc..), laquelle infraction comprend trois éléments constitutifs :

Tout d’abord, un élément légal qui signifie que l’infraction doit être prévue par une disposition légale, ensuite, un élément matériel qui a pour objet un comportement humain, de manifestation extérieure de l’infraction (par action ou omission) et enfin, un élément moral qui tient à l’intention ou à la volonté de commettre l’infraction.

Ce sont évidemment ces mêmes principes qui président au régime juridique de la responsabilité pénale en droit des affaires et plus précisément de la responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise. Engage donc sa responsabilité pénale tout dirigeante d’entreprise qui, dans l’exercice de sa fonction de « chef d’entreprise ayant un pouvoir de commandement et d’instruction » commet une infraction prévue par la loi et pour lequel sont retenus un fait matériel et une intention délibérée et volontaire de commettre ce fait.

Encore faut-il définir ce qu’on entend par « dirigeant d’entreprise » ? En effet, la jurisprudence et la doctrine notamment françaises distinguent, ainsi d’ailleurs que la loi, entre le dirigeant de droit et le dirigeant de fait d’une part, et le dirigeant en fonction et le dirigeant ayant cessé ses fonctions d’autre part.

L’erreur à éviter est de penser que seul le dirigeant de droit est responsable puisque désigné dans les statuts de la société. En effet, l’inscription d’un patronyme dans le pacte social ne fait pas obstacle à la recherche d’une autre responsabilité comme celle du dirigeant de fait.

Le dirigeant de droit est la personne titulaire de la fonction de direction, désignée par les statuts de la société ou par la loi pour exercer les pouvoirs qui s’attachent à cette fonction de direction et de gestion prévue par le texte régissant le type de société considérée.

Partant de ce double critère de la fonction et des pouvoirs, il est relativement aisé d’identifier les dirigeants pénalement responsables pour ce qui est de des dirigeants de la société à responsabilité limitée, et de la société en nom collectif, et de la société en commandite simple et de la société anonyme simplifiée. Pour ce qui est de la société anonyme et de la société en commandite par actions, elles posent, à notre avis, quelques problèmes au regard du double critère de la fonction et des pouvoirs.

Dans la SARL, la direction de la société est désignée sous l’appellation de gérance et la fonction de dirigeant est assurée par un ou plusieurs gérants personnes physiques[4].

A l’inverse de  SARL, la pluralité des gérants est de droit[5]  en ce qui concerne la gérance de la société en nom collectif, sauf si les statuts désignent un ou plusieurs gérants parmi les associés qui doivent tous avoir la qualité de commerçants. Les mêmes dispositions qui sont prévues pour la SNC, pour ce qui est du dirigeant de droit sont applicables à la société en commandite simple[6]. Pour la société en commandite par actions la loi distingue deux types de dirigeants de droit[7].Cette distinction a pour but de fixer les limites de la responsabilité pénale du dirigeant de la SNA selon qu’il est premier gérant, donc ayant la qualité de fondateur, ou gérant au cours de l’existence de la société c'est-à-dire postérieurement à la date de l’acquisition par la société de la personnalité morale par l’effet de son immatriculation au registre de commerce. Sauf à être reconduite par l’assemblée générale ordinaire pour être gérant après l’acquisition de la personnalité morale, la personne investie de la fonction de premier gérant n’engagerait sa responsabilité pénale qu’au titre des infractions relatives à la constitution de la société. Le gérant dit « permanent » ne verrait sa responsabilité pénale engagée que pour les faits constitutifs d’infractions prévues par la loi 05-96 autres que celles  relatives à la constitution commis postérieurement à sa désignation comme gérant « au cours de l’existence de la société » laquelle « existence » n’étant juridiquement établie qu’à compter de l’immatriculation qui lui confère la personnalité morale.

En ce qui concerne les sociétés anonymes, le titre XIV  intitulé sanctions pénales de la loi 17-95 sur les SA mentionne dans l’article 373 : « l’expression « membres des organes d’administration, de direction ou de gestion » désigne :

Dans les sociétés anonymes à conseil d’administration, les membres du conseil d’administration y compris, le président et les directeurs généraux extérieurs au conseil et les directeurs généraux délégués ;

Dans les sociétés anonymes à directoire et à conseil de surveillance, les membres de ces organes selon leurs attributions respectives. »

En effet, les fonctions de président et de directeurs généraux ne soulèvent pas de difficultés dans la mesure où, à ces fonctions, correspondent des pouvoirs de direction et de gestion suffisamment déterminés pour les considérer comme des dirigeants de droit pénalement responsables[8]. Seulement ce qui fait difficulté ce sont les autres membres du conseil d’administration, et plus précisément les administrateurs. Peuvent-ils être considérés comme des dirigeants de droit au sens de titulaires d’une fonction impliquant des pouvoirs de gestion et de direction et pouvant par conséquent entraîner la mise en jeu de leur responsabilité pénale ? La question peut paraître superflue du point de vue d’une interprétation stricte des dispositions de la loi 17-95 et notamment celles de son titre 14 susvisé : ce titre semble en effet viser tous les membres des organes du conseil d’administration y compris les administrateurs. La question mérite pourtant d’être examinée à la lumière de certains éléments, certes peu nombreux, empruntés à la loi, à la jurisprudence et à la doctrine.

Tout d’abord, la loi confère certes aux administrateurs, à travers les pouvoirs du conseil d’administration, les pouvoirs les plus étendus pour prendre en toutes circonstances toutes décisions nécessaires à la réalisation de son objet social, au nom de la société et ce conformément à l’article 69 de la loi17-95 sur la SA. Mais elle distingue aussi entre les administrateurs dirigeants  et les administrateurs non dirigeants[9]. Or, les fonctions de contrôle de la gestion et du suivi des audits sont injustement à l’opposé de la direction et de la gestion et relèvent plutôt du « gouvernent d’entreprise » qui préconisent la séparation des deux types de fonction avec les conséquences que cela peut signifier pour la partie susceptible de se voir engager sa responsabilité pénale.

Cette distinction est admise par la doctrine française. En effet, et bien que les dispositions du code de commerce français applicables aux sociétés commerciales ne font pas de distinction entre l’administrateur-dirigeant et l’administrateur non dirigeant, cette doctrine française éprouve des incertitudes quant à la véritable nature de la fonction d’administrateur. Ainsi le professeur Paul Le Cannu[10] souligne l’ambigüité qui entoure la nature de la fonction d’administrateur non dirigeant, dont les tâches ne sont pas comparables à celles de la direction générale et qu’on ne peut ranger parmi les mandataires sociaux car la réalité des pouvoirs appartient au conseil et non pas aux administrateurs individuellement.

Il apparaît donc, du moins en droit dans le cas marocain, que la responsabilité pénale du dirigeant de droit de la société anonyme à conseil d’administration ne concerne que les administrateurs dirigeants à l’exclusion des administrateurs non dirigeant.

 Quant au cas de la société anonyme à directoire et à conseil de surveillance, si l'identification, en droit marocain des sociétés, du dirigeant de droit ne pose pas de problèmes en ce qui concerne les membres du directoire, l'absence de distinction expresse par ce droit, à l'instar de la SA, entre administrateur dirigeant et administrateur non dirigeant autorise-t-elle les mêmes interprétations ?

Opérant une distinction entre la gestion et la direction de la Société Anonyme, qui sont attribuées au directoire, et la surveillance de sa gestion attribuée au conseil de surveillance, la doctrine française estime que « le conseil de surveillance ne participe pas à la gestion et n'assume aucune fonction de direction ; donc ses membres ne peuvent se voir appliquer une quelconque responsabilité en vertu de la loi du 25 janvier 1985. La limite de cette « « intouchabilité » des membres du conseil de surveillance est leur cantonnement strict au rôle que leur a attribué la loi du 24 juillet 1966 »16(*) . Par exemple « les membres du conseil de surveillance ne peuvent être condamnés en tant que dirigeants de droit au comblement du passif et aux autres sanctions frappant ces dirigeants dans le cadre des procédures collectives », sauf s'ils s'immiscent dans la gestion, auquel cas ils peuvent être poursuivis et condamnés en tant que dirigeants de fait.

Bien que le problème soit posé de manière identique en droit marocain, il ne semble pas que ces analyses soient, du point de vue d'une stricte interprétation du droit pénal, admises dans le cas du conseil de surveillance de la SA marocaine à directoire et conseil de surveillance. En effet, si dans le cas de la SA à conseil d'administration, la loi marocaine 17-95, dans son article76, laisse entendre qu'une distinction puisse être faite entre l'administrateur non dirigeant et l'administrateur dirigeant (ce qui n'est pas le cas de la SA française), le silence de cette loi sur cette distinction en ce qui concerne les membres du conseil de surveillance ne semble pas permettre d'enlever à la totalité de ces membres la qualité de dirigeants de droit sur la base du seul critère de la séparation entre les fonctions et les pouvoirs de direction confiés au directoire et la fonction de contrôle de la gestion de ce directoire confiées au conseil de surveillance. En d'autres termes, le critère de la séparation des fonctions de direction et des fonctions de contrôle est nécessaire mais il n'est pas suffisant. Il faut aussi que le législateur en tire expressément les conséquences au plan de la qualité à attribuer au membre du conseil de surveillance comme il l'a fait pour les membres du conseil d'administration. En l'absence d'une telle volonté de la part du législateur, et en application du principe de stricte interprétation des dispositions pénales, peuvent engager leur responsabilité pénale, en application du titre XIV de la loi 17-95, tous les membres du conseil de surveillance même si leur fonction est strictement limitée au contrôle de la gestion du directoire.

Mais le législateur a prévu aussi le cas d'exercice des fonctions de direction et de gestion par des personnes sans y être régulièrement habilitées à cet effet. Ils prennent donc des actes de gestion et de direction qui engagent la société vis-à-vis des tiers ou assument, de fait, sa représentation. Se faisant, ils agissent en tant que dirigeants de fait[11] à la place du dirigeant légal et doivent donc être tenus pour responsables des infractions au titre de la direction de fait.

Ainsi après l’identification du dirigeant pénalement responsable, il convient donc de mettre en exergue dans un premier chapitre les conditions dans lesquelles sa responsabilité pénale est engagée tandis que le second fera l’objet d’une étude de l’effet exonératoire de sa responsabilité pénale.

En droit, la responsabilité pénale du chef d’entreprise est de principe, les juges étant assez sévères puisque même absent il peut voir sa responsabilité pénale engagée. Mais il n’en reste pas moins qu’il peut s’exonérer en prouvant l’existence d’une délégation de pouvoir. Pour ce faire le chef d’entreprise, le délégant, va déléguer une partie de ses fonctions à un salarié, le délégataire.

Chapitre 1 : les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des dirigeants :

     Il ne saurait être question dans cette étude de traiter de l’ensemble des infractions ayant trait aux différentes branches de droit  ni de les approfondir toutes, mais d’examiner les infractions les plus classiques et les plus connues. Ainsi, il nous apparaît utile de limiter les cas de figures de cette responsabilité aux infractions relatives aux règles de droit commun et aux infractions spéciales prévues, notamment par  le code du droit des sociétés commerciales et le  Titre V du Livre V du code de commerce portant  sanctions à l' encontre des dirigeants de l’entreprise.

Section 1 : infractions aux règles générales :

     L’étude de ces infractions revêt,  pour nous, une importance particulière  et il ne saurait être question de les écarter car elles permettent de mieux comprendre les autres infractions spéciales (infractions au droit des sociétés et au droit des entreprises en difficulté) qui seront précisées à l’occasion. Les délits de droit commun, communément appelés des infractions aux règles générales, peuvent être relevés dans la constitution et l’administration d’une société : escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux. La seule remarque à faire est la large application du délit d'abus de confiance (art.547C.pén), parce qu’il marque la persistance du caractère juridique du mandataire qui est attribué aux dirigeants  et que les moyens par lesquels les dirigeants peuvent s’approprier les fonds sociaux sont très variés.

Au regard de leur ressemblance nous allons étudier le délit d’escroquerie et d’abus de confiance dans le premier paragraphe tandis que le second sera consacré, quant à lui, au délit de faux et usage de faux.

Par 1 :l’escroquerie et abus de confiance :

     L’escroquerie[12] est un délit tendant  comme le vol à l’appropriation frauduleuse de la chose d’autrui, mais la méthode d’appropriation en diffère très nettement. Au lieu de soustraire la chose qu’il convoite, l’escroc en provoque la remise volontaire par son possesseur à l’aide de moyens frauduleux destinés à induire en erreur.

En effet, l’escroquerie apparaît comme une infraction complexe nécessitant la mise en mouvement de moyens caractérisés et très spécifiques. Il en résulte que la preuve du délit reste asse délicate à rapporter dans bien des cas. Malgré une interprétation extensive par la jurisprudence des éléments constituent de l’infraction, cette méthode s’impose pour assurer la répression souhaitable ; mais l’escroquerie constitue par excellence le domaine de délinquance d’astuce et les tribunaux demeurent parfois impuissants en face de l’habilité sans cesse renouvelée pour ne pas parler de génie déployé par certains délinquants. A ce propos nous relevons deux remarques :

La première est d’ordre sociologiques, l’escroc à la différence du voleur est généralement intelligent car la fraude exige souvent une mise en scène perfectionnée. Il est presque toujours adulte, souvent récidiviste.

La deuxième remarque est d’ordre juridique. Bien que complexe et s’étendant souvent sur une longue période, l’escroquerie est une infraction instantanée et non successive.

Ainsi, les dirigeants sont déclarés coupables, en règle générale, lorsqu’ils ont employé des manœuvres frauduleuses aux fins de procurer des fonds à leur entreprise. Les manœuvres frauduleuses sont des plus diverses, et notamment :

Présentation de bilans falsifiés pour obtenir un emprunt auprès d’une banque ;

Réalisation d’une augmentation fictive de capital aux fins de tromper un prêteur éventuel ;

Les manœuvres doivent avoir été déterminantes dans la remise des fonds ou des  valeurs ou dans la fourniture d’un service. L’intention du dirigeant de commettre l’infraction doit par ailleurs impérativement être établie.

La loi prévoit une peine unique pour l’escroquerie et les infractions assimilables. L’article 540 prévoit une circonstance aggravante en cas d’appel au public[13]. L’aggravation des pénalités est attachée non à la qualité de l’agent mais à la circonstance que l’infraction a été réalisée par le moyen de l’appel au public. Ainsi, la circonstance aggravante a un caractère réel et no personnel. Cependant, il y a appel public dès qu’une société ou firme industrielle ou commerciale au lieu de s’adresser par des tractations particulières à des capitalistes de son choix en vue de se procurer un capital ou des moyens d’action supplémentaires sollicite le public par des procédés de publicité quelconque annonces, journaux, prospectus, circulaires…

Les titres émis peuvent être des titres de toute nature : actions, obligations, bons de caisse et même des effets de commerce.

Qu’en est-il maintenant de l’abus de confiance ?

L’article 547 du code pénal définit cette infraction[14] « quiconque de mauvaise foi détourne ou dissipe au préjudice des propriétaires possesseurs ou détenteurs soit des effets, des deniers (argent public) ou marchandises…est coupable d’abus de confiance ».

Cet article ne réprime pas tous les abus moraux à la confiance d’autrui. Ce texte ne sanctionne que les abus matériels, c’est-à-dire les détournements, les dissipations d’une chose remise à charge de la vendre ou de l’utiliser d’une certaine façon. C’est ce qui différencie cette infraction du vol car il n’y a plus soustraction et par rapport à l’escroquerie car il y a absence de manœuvres frauduleuses.

L’auteur de l’abus de confiance détourne une chose qui lui a été remise d’une manière parfaitement normale. L’article 547 ne parle pas de tentative, celle-ci ne pouvant être caractérisée en matière de confiance ou on aperçoit difficilement quels sont les actes qui pourraient constituer un commencement d’exécution du détournement sans que ce détournement soit accomplit.

En résumé, on peut dire pour qu’il y ait abus de confiance, il faut deux conditions : confiance et abus.

La confiance  suppose qu’une chose ait été remise par contrat, c’est-à-dire que celui qui a remis la chose a fait confiance à celui à qui il l’a remise. C’est ce contrat qui est au contre de l’infraction. Pour qu’il y ait abus de confiance, il faut trois conditions, d’une part un détournement ou dissipation, d’autre part un préjudice et enfin une intention frauduleuse.

Les dirigeants d’entreprise sont déclarés coupables d’abus de confiance le plus souvent pour avoir  détourné des fonds qu’ils avaient reçus en qualité de mandataire.

Il en est ainsi du dirigeant qui avait reçu, à titre de mandat, les versements effectués par des souscripteurs à une augmentation de capital, les avait affectés aux besoins généraux de la trésorerie sociale, ladite augmentation ayant échoué, la société avait déposé son bilan et les souscripteurs n’avaient pu rentrer en possession des fonds remis.

Par 2 : le faux et usage de faux :

     Le faux[15] englobe toutes les formes de tromperies, mensonges et déformations d’écritures comptables. L’élément moral dans ce crime est très déterminant dans la sentence prononcée par le juge. Le faux et’l’usage de faux est un crime qui a souvent concerné des affaires mineures dans la jurisprudence marocaine. Les tribunaux de commerce, qui ont le pouvoir de juger des affaires dont la valeur dépasse 3.000 DH[16], ont été encombrés par ce genre d’affaires où la responsabilité pénale des parties au litige est facile à démontrer.

Il faut souligner que le droit pénal des affaires retient toujours la mauvaise foi des auteurs de faux. Juridiquement, le faux est «toute altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice (sans définir lequel) et accomplie par quelque moyen que ce soit…[17]». Cette définition juridique très vague, nous paraît-elle, «tente en fait d’élargir le champ d’intervention de la loi et veut surtout suivre l’évolution technique très dangereuse qui donne naissance au faux».

Le faux, à notre point de vue, «englobe toutes les formes possibles de tromperies, mensonges et déformation d’écritures ou de signatures qui peuvent naître à l’occasion de contrats signés. Ou, comme c’est le cas, pour les billets de banque lorsque c’est l’Etat qui en est victime».

Il faut dire que la collectivité publique peut être aussi impliquée dans le cas d’écritures comptables inexactes, tendant par exemple à baisser les droits d’impôts dus. Pourtant, «la tolérance» de la loi oblige parfois à tempérer la définition de l’usage de faux. Le code pénal marocain retient lui-même la notion de faux comme un crime contre la paix publique, et «une atteinte à la confiance publique». Ceci démontre en quelque sorte que «la mauvaise foi de l’auteur du faux est claire et sans aucune équivoque. L’élément moral dans ce crime est très déterminant dans la sentence prononcée par le juge».

Devant le juge, ce sont les preuves matérielles qui prévalent. Le juge mesure aussi le degré du préjudice causé par l’usage du faux. Au même titre que le degré de la réparation demandée.

Souvent, les amendes pénales accompagnant les sentences contre l’usage de faux sont très élevées. Ceci pour dissuader les auteurs potentiels quant à la possibilité de réaliser des gains au détriment d’autrui.

Est ainsi constitutif de délit de faux, l’établissement de procès-verbaux d’assemblées prétendument tenues et non effectivement réunies.

Cela dit, les dirigeants peuvent se rendent coupables aussi d’autres infractions qu’on ne pourrait pas toutes traitées ; il s’agit notamment du recel, du blanchiment, de la discrimination, des atteintes au secret professionnel, de la diffamation, de la banqueroute…

Section 2 : infractions aux règles spéciales :

     En effet, les infractions aux règles spéciales sont diverses et  nombreuses. Elles concernent plusieurs branches de droit : les règles du droit social ; Il s’agit notamment des accidents du travail, de la dissimulation d’emploi, du prêt de main d’œuvre, du travail au noir, du délit d’entrave, du non paiement du précompte des cotisations salariales, des atteintes à la personne…, les règles du droit commercial ; Il s’agit notamment de l’entente et de l’abus de position dominante, de la revente à perte, du refus de vente, des prix imposés, du délit de contrefaçon, de la publicité mensongère, de la corruption…,les règles du droit fiscal : la fraude ,l’évasion fiscale, les règles du droit de la consommation ;il y a lieu de citer à titre d’exemple la publicité mensongère Etc. Il nous a apparu opportun de distinguer sous cette rubrique entre d’une part les infractions relatives aux règles du droit des sociétés (par1) et d’autre part celles tenant aux règles du droit des entreprises en difficultés (par2).

Par1 : Infractions au droit des sociétés :

     Ainsi, à titre d’exemple, en prenant en considération l’ensemble des infractions à caractère pénal prévues par les nouvelles lois sur les sociétés, on dénombre 338 infractions, dont 172 contenues dans 48 articles pour les sociétés anonymes. Du point de vue du législateur, cette exhaustivité s’expliquait par la volonté de codifier la plupart des obligations et de regrouper dans un seul texte l’essentiel des infractions pénales et leurs sanctions en ce qui concerne la constitution, la direction et l’administration de la société anonyme, ainsi que celles relatives aux assemblées générales, aux modifications du capital social et à la dissolution. Du point de vue des chefs d’entreprises, la responsabilisation des dirigeants des sociétés, tant à l’égard des associés qu’à l’égard des tiers, est une disposition fondamentale à consolider. Cependant, le risque serait que cette disposition soit utilisée pour alimenter les différends à caractère personnel. Le caractère familial des entreprises marocaines aurait dû conduire à l’adoption de dispositions moins contraignantes, tout en réformant les textes anciens dans le sens du renforcement des principes de la transparence et de la modernité. D’ailleurs, les opérateurs économiques ont «voté cette loi avec les pieds»: depuis la mise en vigueur de la loi sur les sociétés anonymes, ils ont préféré se tourner vers d’autres formes de sociétés, et notamment la société à responsabilité limitée qui, à leurs yeux, présente moins de contraintes, en particulier sur le plan des sanctions pénales.

Force est d’essayer d’établir une distinction entre ces infractions selon qu’elles sont commises par les dirigeants lors de la constitution de la société où au cours de la vie de cette dernière.

Pour les premières, celles commises lors de la constitution de la société, ii y a lieu d’énumérer quelques unes : Délit de surévaluation des apports en nature[18] , émission irrégulière des valeurs mobilières ;[19]simulation de souscriptions, de versements ou fausse publication[20]etc. Pour les secondes, celles commises  au cours de la vie sociale, concernent  le délit d’abus des biens sociaux,[21] la présentation des comptes annuels inexacts[22], la distribution de dividendes fictifs[23], défaut d’avis de réunion[24], non désignation d’un commissaire aux comptes[25], obstacle  à la mission du commissaire aux comptes[26]etc.

Force est de constater, à la lumière d’une lecture du droit des sociétés commerciales marocaines, que les principaux délits relatifs à l’administration de la société sont l’abus des biens sociaux ou du crédit et des pouvoirs ou des voix. Il existe un autre délit qui est un cas d’abus, mais qui n’est pas prévu par le code des sociétés commerciales. C’est le délit habituellement dénommé délit d’initié, prévu par ailleurs.[27] Ce délit est prévu par l’art .25 du dahir du 21 septembre 1993. Ce texte énonce que « toute personne disposant, dans l’exercice de sa profession ou ses fonctions, d’informations privilégiées et qui les aura utilisées pour réaliser ou permettre sciemment de réaliser sur le marché, soit directement, soit par personne interposée, une ou plusieurs opérations, sera punie.. ». Le texte précise ce qu’il faut entendre par « informations privilégiées » : il s’agit de « Toute information relative à la marche technique, commerciale ou financière d’un émetteur ou aux perspectives d’évolution d’une valeur mobilière, encore inconnue du public et susceptible d’affecter la décision d’un investisseur ». en effet, toute personne qui aura utilisé l’information pour « réaliser directement une ou plusieurs opérations » est présumée responsable. Un arrêt de la Cour de cassation française[28]se prononce, en effet, sur la portée de cette présomption, en observant que le dirigeant d’une banque avait utilisé les informations privilégiées dont il disposait, révélant la situation financière critique de la société dont était actionnaire, a revendu sur le marché à terme, pendant que les titres étaient encore à la hausse, l’essentiel des actions qu’il détenait de la société. Elle censure la décision de relaxe du banquier, car il appartenait au prévenu de combattre la présomption édictée par la loi en administrant la preuve contraire. Le dirigeant de la banque avait soutenu pour sa défense, devant le Cour d’appel de renvoi, une délégation de pouvoirs consentie à l’un de ses collaborateurs. Or, le dirigeant s’était constamment tenu informé par un compte rendu quotidien de l’exécution de l’ordre de vente et avait donc pris une part personnelle dans la commission de l’infraction. Il résulte de cette espèce que le chef d’une entreprise peut échapper à la responsabilité pénale pour une faute présumée en établissant qu’il a transféré sur autrui l’obligation de veiller au respect de la réglementation, à la condition qu’il n’ait pas pris une part personnelle à la réalisation de l’infraction[29]. Mais dans le cas présent, où de surcroit, la délégation de pouvoirs était plus alléguée que démontrée, la culpabilité du dirigeant ne pouvait être écartée.

D’après la circulaire n°06/97 du C.D.V.M, les personnes susceptibles d’être mises  en cause sont celles qui disposent, dans l’exercice de leur profession ou de leur fonction d’informations privilégiées sont, outre les dirigeants de droit, tout personnel non dirigeant de la société émettrice ou de ses filiales, pourvu qu’il ait pu prendre connaissance d’une information privilégiée. Le délit d’initié est puni, conformément à l’art 25 du dahir du 21 septembre 1993, d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et/ou d’une amende pouvant atteindre le quintriple du profit éventuellement réalisé, sans qu’elle puisse être inférieure à200 000DH.

Par2 : Infractions au droit des entreprises en difficulté :

     L’exercice d’une activité économique connaît parfois des périodes de difficulté. Lorsque les affaires vont mal, le droit pénal intervient pour assurer la protection de l’entreprise et les créanciers de celle-ci, notamment en réprimant les actes frauduleux qui mettraient gravement en péril plusieurs des intérêts en cause.

Dans de telle entreprise, « éprouvant des difficultés de nature économiques, financières, techniques, juridiques, etc », le législateur a prévu des faits ou actes constitutifs d’infraction, laquelle consiste en « un acte ou une omission interdits par la loi sous menace d’une peine.»[30]

Cela dit, les infractions ayant pour cadre les entreprises en difficulté, objet de notre étude, peuvent être définies comme un ensemble d’actes frauduleux ou omissions, préjudiciables à l’entreprise et aux créanciers de celle-ci et dont se rendent coupables le débiteur personne physique, les proches de celui-ci, les dirigeants sociaux ainsi que toutes autres personnes y compris celles qui ont participé à une procédure collective à quelque titre que ce soit.

Les dirigeants de l’entreprise en difficulté peuvent ainsi commettre différents délits au cours de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Le débiteur, personne physique ou le dirigeant d’une personne morale qui sollicite l’ouverture d’une procédure de sauvegarde n’échappe à toute sanction qu’au titre de la banqueroute[31]. L’infraction principale qu’encourt le dirigeant de l’entreprise en difficulté est le délit de banqueroute.

Au fil des réformes, le champ d’application du délit de banqueroute a été étendu. Sont visés non seulement les commerçants mais aussi notamment toute personne exerçant une activité professionnelle indépendante et les dirigeants en droit ou en fait des personnes morales de droit privé. En cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, le Code de commerce énumère quatre faits répréhensibles, chacun d’eux étant constitutif du délit de banqueroute (L.721)[32].

En pratique, les tribunaux prononcent la culpabilité des dirigeants le plus souvent pour détournement d’actif d’une part ou carence dans la comptabilité d’autre part.

Détournement d’actif : De très nombreux faits sont qualifiés de détournement d’actif par les tribunaux. Certains ont un caractère répréhensible évident. Il en est ainsi notamment de la rémunération excessive des dirigeants ou de la prise en charge par la société en redressement judiciaire des dépenses personnelles du dirigeant et de son épouse.

Il en va différemment lorsqu’il s’agit du détournement de clientèle. A partir de quel moment intervient-il ? De nombreux groupes ont des clients communs à plusieurs de leurs sociétés, qui ont souvent des activités imbriquées. Dès lors que l’une de ses sociétés est en difficulté, comment éviter que les clients communs reportent leurs commandes vers la structure jugée la plus pérenne ou la plus réactive ? Comment aussi peut-on attendre d’un dirigeant d’une société en difficulté qu’il laisse partir les clients à la concurrence plutôt que de les orienter vers une autre structure dans laquelle il aurait un intérêt ?

La situation des dirigeants est alors d’autant plus critique que l’intérêt de groupe ne peut être invoqué comme fait justificatif et que la qualification de banqueroute ne nécessite pas la recherche d’un intérêt personnel.

Carence dans la comptabilité : La loi prévoit deux situations constitutives chacune du délit de banqueroute.

En premier lieu, il s’agit du fait d’avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation. Cependant, la jurisprudence assimile le retard dans la présentation des comptes à un tel fait.

En second lieu, il s’agit du fait d’avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales. Cette incrimination est délicate car elle repose non pas sur la mauvaise foi du dirigeant mais seulement sur le caractère « manifeste » du manquement ou de l’irrégularité. Cependant, ce caractère « manifeste » est laissé à l’appréciation du tribunal. Le dirigeant ne peut que s’en remettre au juge, devenu maître de l’incrimination.

En synthèse, il apparaît que c’est le jour de l’audience que le sort du dirigeant se joue. Tout pronostic est délicat. La défense doit être d’autant plus soigneusement préparée que les sanctions encourues sont lourdes. Un emprisonnement de cinq ans peut être prononcé[33]. S’il est souvent assorti d’un sursis, il est généralement accompagné par une sanction de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer. Pour le dirigeant d’entreprise, c’est une peine dramatique lorsqu’il n’a pas la faculté de trouver un poste de salarié. C’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de seniors ayant dépassé l’âge de cinquante ans.

La question de la sanction de la responsabilité pénale des dirigeants des entreprises restera toujours posée. En ce sens, la mise en œuvre de la loi exigera nécessairement une formation plus poussée des juges en matière de droit des affaires, et l’augmentation du nombre des experts comptables. Il ne faudrait pas perdre de vue que la pertinence d’une loi ne vaut que par les conditions de son application. Le principe est que la responsabilité des dirigeants est une responsabilité personnelle quel que soit l'auteur du fait générateur de cette responsabilité dès lors que ce fait est accompli dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi et les statuts pour réaliser l'objet social de la société.

En effet, la mise en œuvre de ces pouvoirs exige l'intervention, dans le processus décisionnel et exécutif, d'autres personnes que les dirigeants de droit mais qui sont sous les ordres de ces dirigeants. Cette intervention est effectuée au moyen de la délégation de pouvoirs consentie par les dirigeants de droit à leurs collaborateurs pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise afin de s'assurer que les décisions prises dans le cadre de l'exercice des pouvoirs du dirigeant produisent leurs effets aux différents échelons de l'organisation de l'entreprise. Dès lors, « pour s'exonérer de leur responsabilité personnelle, les dirigeants peuvent être tentés d'invoquer les délégations de pouvoirs qu'ils ont données. Cette excuse n'est en principe pas admise puisque la gestion de la société relève toute entière du dirigeant. Toutefois, la jurisprudence s'est assouplie, pour des raisons pragmatiques, et notamment en raison des situations injustes que ce principe peut susciter en matière pénale »[34]. Sans doute cet assouplissement trouve-t-il son fondement dans la règle générale posée par le code pénal selon laquelle « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ».

Chapitre 2 : la délégation de pouvoir une cause spécifique d’irresponsabilité

      En effet, dès 1902, la cour de cassation de Paris a, dans un arrêt de principe [35], inauguré cet assouplissement en admettant, après avoir rappelé que « le chef d'entreprise est tenu pénalement responsable, comme s'il en était l'auteur, des contraventions commises dans l'entreprise qu'il administre directement », que «la responsabilité pénale de celles qui se produisent dans des départements dont il a délégué la direction, pèsent au même titre sur le directeur, gérant ou préposé qui l'y représente comme chef immédiat, avec les compétences et l'autorité nécessaires pour y veiller efficacement à l'observation des lois ».

Cet arrêt allait par la suite, et en l'absence de dispositions légales spécifiques, ouvrir la voie à la construction jurisprudentielle d'un véritable régime de la délégation de pouvoirs en tant que cause d'exonération de la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise. Elle a peu à peu affiné ce régime pour l'adapter à la subdélégation.

Seul le dirigeant d'une société peut conclure des actes au nom et pour le compte de celle-ci. Toutefois, il peut être difficile pour ce dernier d'assumer seul l'ensemble des fonctions qui lui incombent. Il est donc assez fréquent, en particulier dans les grandes sociétés, qu'un dirigeant de société recourt à la délégation de pouvoirs, ce qui lui permet de transférer à une autre personne, appelée délégataire ou « fondé de pouvoirs », une partie de ses pou. Pour être valable, une délégation de pouvoir répond à des conditions strictes imposées par les tribunaux. Le régime juridique de la délégation de pouvoirs est jurisprudentiel. Les statuts de l’entreprise ne doivent pas l’exclure expressément et, le cas échéant, respecter les conditions auxquelles les statuts soumettent toute délégation de pouvoirs.

Section 1 : conditions de validité de la délégation de pouvoirs :

      Le représentant légal d'une société a donc la faculté de déléguer ses pouvoirs à une ou plusieurs personnes de son choix (sauf restrictions imposées par les statuts). Il ne peut donc évidemment déléguer que des pouvoirs qu'il détient lui-même. Ainsi, ne peut-il pas conférer au délégataire des pouvoirs appartenant à d'autres organes de la société (conseil d'administration, assemblée des associés...). En outre, il ne peut déléguer qu'une partie de ses pouvoirs et non l'intégralité. Sauf stipulations particulières des statuts, le délégant est libre de choisir son délégataire parmi les associés ou les salariés de la société, voire les personnes étrangères à celle-ci. Sauf si le dirigeant souhaite transférer sa responsabilité pénale en même temps que ses pouvoirs, auquel cas il doit choisir comme délégataire un salarié de la société.

Pour que la délégation de pouvoirs soit valable et efficace, le délégataire doit disposer pleinement de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour accomplir la mission qui lui est ainsi confiée. Si tel est le cas, il engage la société en lieu et place de son représentant légal dans les limites des attributions de ce dernier et du mandat qui lui a été donné.

Par1 : Conditions concernant le délégataire :

     En principe, le bénéficiaire de la délégation doit avoir la qualité de préposé c'est-à-dire un salarié titulaire d'un contrat de travail [36]et quel que soit sa situation par rapport à la hiérarchie de l'entreprise[37] . En effet, la délégation suppose en principe un lien de subordination du délégataire envers le délégant.

Il doit en outre remplir trois caractères cumulatifs pour que la délégation puisse valablement fonder une exonération de la responsabilité pénale du délégant :

La compétence : elle s’entend de toutes les connaissances techniques permettant au délégataire d’apprécier les contraintes à respecter dans le cadre de l’activité de l’entreprise et de toutes les connaissances juridiques nécessaires à la maîtrise des textes légaux dont il doit surveiller l’application.

L'autorité : Elle désigne le pouvoir  que le délégataire exerce sur le personnel placé sous sa responsabilité, et grâce auquel il peut obtenir l’obéissance nécessaire au respect de la réglementation dont il a la charge .Elle ne se traduit pas par la seule place du délégataire dans la hiérarchie, mais par un véritable pouvoir de décision [38]et qui ne donne aucun pouvoir précis de sanction n'est pas valable[39].L'autorité sous entend donc l'indépendance du délégataire pour la mise en œuvre effective des pouvoirs délégués. Ainsi, il a été jugé que « qu'un supérieur hiérarchique qui s'immisce dans le déroulement des tâches en rapport avec la mission du délégataire supprime l'autonomie d'initiative inhérente à toute délégation effective ».

Les moyens nécessaires : La compétence et l'autorité sont insuffisantes pour qualifier une délégation d'acte valide. Il faut, en plus, doter le délégataire de moyens humains, techniques et matériels pour accomplir réellement la mission.

Par2 : Conditions concernant le délégant :

      Le délégant doit appartenir à une entreprise d’une taille suffisante et doit être dans l’impossibilité d’assurer personnellement une surveillance effective des activités et du personnel de l’entreprise [40]mais il n’a pas à établir obligatoirement une impossibilité totale d’accomplir personnellement la mission objet de la délégation[41].La délégation doit résulter d’éléments clairs et précis qui peuvent être factuels ou tirés du contexte[42]. La délégation doit être précise et limitée dans son champ et dans le temps[43].La délégation ne  doit concerner qu’un secteur des fonctions et/ou des missions déterminées[44].La délégation doit être permanente[45].

La doctrine est divergente sur la question de savoir si l’acceptation du délégataire est une condition de validité ou non de la délégation. La jurisprudence ne s’est jamais prononcée directement mais relève souvent si la délégation a été acceptée ou non. Une délégation de pouvoirs peut être valide, qu’elle soit verbale ou écrite, et elle n’a pas à faire apparaître certaines mentions obligatoires. La délégation peut donc se déduire  des dires, du comportement du délégataire, etc.

Il convient d’informer le délégataire du contenu de la délégation (nature des pouvoirs transférés, objet et étendue de la mission dont il est chargé, réglementation applicable…), mais aussi de ses obligations et de la responsabilité pénale qu’il encourt éventuellement. La délégation valide peut être verbale ou écrite, sachant que l’écrit facilite la preuve.

En somme et pour se prévaloir de l’exonération de la responsabilité pénale, le dirigeant doit d’une part pouvoir apporter la preuve de l’existence d’une délégation valide, d’autre part ne pas participer à la réalisation de l’infraction. Autrement dit,  Lorsque la délégation a été consentie en bonne et due forme et que l'acte incriminé relève du domaine de la compétence déléguée, seul le délégataire s'expose alors aux poursuites pénales. Sachant que le dirigeant ne peut évidemment pas échapper à sa propre responsabilité pénale en invoquant l'existence d'une délégation de pouvoirs s'il a personnellement pris part à la commission de l'infraction ou s'il y a lui-même consenti!

Force est de constater  donc que l’abus de délégation pourrait conduire à une dépénalisation totale du dirigeant quand bien même que ce dernier soit dans la mesure d’assumer lui-même les responsabilités sans qu’il aura besoin de les déléguer.

Il n’en reste pas moins que l'autorisation du délégant n'est pas une condition de validité de la subdélégation, la délégation de pouvoirs inclut donc la possibilité, pour le délégataire, de subdéléguer, ce qui implique qu'il ait la compétence et l'autorité nécessaires pour subdéléguer à une autre personne qui aura, elle aussi, la compétence, l'autorité et les moyens nécessaires pour exercer sa mission.

Qu’en est-il maintenant des effets de la délégation des pouvoirs ?

Section 2 : les effets de la délégation de pouvoirs :

     Selon le principe de la délégation de pouvoirs à l’origine, le délégataire ne représente que son délégant, c'est-à-dire la personne physique et jamais la personne morale. L’effet recherché de la délégation de pouvoirs est le principe de non-cumul de responsabilités. Ce qui signifie que la délégation de pouvoir entraîne une responsabilité alternative ainsi l’on ne devrait pas à la fois condamner un préposé délégataire et son employeur délégant pour la même infraction.

En effet, la délégation, la codélégation ou encore la subdélégation de pouvoir ont des effets sur la responsabilité pénale du délégant, du délégataire et de la personne morale. Le transfert de la responsabilité pénale du délégant vers le délégataire.

la responsabilité pénale du délégant est transférée à la personne du délégataire dans la limite des pouvoirs délégués. Elle exonère donc, pour ces pouvoirs, le délégant de sa responsabilité pénale. Naturellement, cette exonération ne vaut que pour les infractions non intentionnelles (par exemple, la négligence). Cependant, les obligations attachées à la personne même du chef d’entreprise et à ses fonctions ne sont pas susceptibles de transfert. Cette notion regroupe, selon la jurisprudence, les mesures ressortissant de son pouvoir propre de direction. Par exemple, en matière de délit d’entrave concernant ses devoirs envers le comité d’entreprise.

Quant au délégataire,  il devient responsable aux lieu et place du délégant. Ainsi, le délégataire devra prouver son absence de faute. Le cas échéant, il pourra s’exonérer en prouvant qu’il a lui-même subdélégué le pouvoir. Lorsqu’il y a plusieurs codélégataires, on recherchera quel est celui qui détient le pouvoir auquel la responsabilité pénale est attachée.

Le délégant et le délégataire peuvent voir leurs responsabilités pénales cumulativement engagées dans le cas où ils sont coauteurs ou complices dans l’hypothèse où chacun a pris part à la commission de la même infraction.

Il convient donc de traiter la délégation de pouvoirs comme étant le seul moyen d’exonération pour le dirigeant d’une entreprise et ce sera dans un (Par1), tandis que le (Par2) fera l’objet d’une étude d’un cumul de responsabilités.

Par 1 : seul moyen d’exonération pour le dirigeant :

     En se basant sur l’article 2 du Code pénal[46], le dirigeant pourrait peut être invoquer son ignorance de la loi pénale ou le sens de celle-ci. Toutefois, il pèse sur lui une présomption renforcée de connaissance de la loi et nous ne pouvons admettre que l’ignorance de la loi pénale soit une cause d’exonération en application de l’adage : « nul n’est censé ignorer la loi ».

Puis, l’imputabilité du dirigeant implique l’absence de contrainte et de démence. La jurisprudence se montre très exigeante à ce sujet mais l’admet dans quelques cas. Dans l’arrêt WIDERKHER, la simple absence du prévenu lors de l’infraction ne suffit pas à exonérer le dirigeant car ne constitue pas une impossibilité d’observer la loi pénale. Mais, elle a admis la contrainte dans certaines affaires (28/04/1977).Ensuite, il faut savoir que la faute de la victime n’exonère pas le dirigeant car celui-ci est pénalement responsable dès lors qu’il a lui-même commis une faute personnelle ayant concouru à la réalisation de l’accident.

Enfin, on peut imaginer que le dirigeant invoque la force majeure qui doit être imprévisible et irrésistible pour s’exonérer. Il peut encore évoquer le fait d’un tiers qui lui a été retenu par la jurisprudence[47]: le fait d’un tiers peut exonérer le chef d’entreprise s’il constitue la cause exclusive et unique du dommage. En l’espèce, cette cause d’exonération a été retenue lorsqu’à l’occasion de travaux par un sous-traitant, un incendie a causé la mort de plusieurs personnes sans qu’aucune faute ne puisse être retenue à la charge du dirigeant.

Nous constatons donc qu’en pratique, la délégation de pouvoirs est quasiment le seul moyen pour le dirigeant d’échapper à sa responsabilité pénale et constitue par la même une cause spécifique d’irresponsabilité pénale.

La mise en jeu de la responsabilité d’un dirigeant étant facilement caractérisée, il paraissait alors logique, pour éviter une responsabilité « automatique », que les conditions de  la délégation de  pouvoirs soient assouplies.

La prise en considération de la délégation comme cause d’exonération nous renseigne alors sur le fondement de la responsabilité pénale du dirigeant du fait de ses préposés. Il est vrai que pour apprécier la responsabilité pénale du dirigeant, il faut d’abord savoir s’il a ou non déléguer ses pouvoirs auquel cas, il est exonéré de sa responsabilité patronale. C’est le dirigeant qui doit rapporter la preuve de la réalité de la délégation.

La faute semble alors la seule explication de la responsabilité patronale. En effet, sans délégation de pouvoirs, il y a faute du dirigeant alors que si la délégation est réelle, il n’existe aucune faute donc aucune responsabilité pénale. En se déchargeant sur un délégataire compétent, il lui a en du coup transféré l’obligation de faire respecter la réglementation : sa culpabilité disparait car il n’est alors plus l’auteur de la violation de la loi. Cette théorie de la faute personnelle semble la plus appropriée car, au surplus, on sait que la jurisprudence, en plus d’exiger une faute du préposé pour retenir la responsabilité d’un dirigeant, exige une faute personnelle du dirigeant qui est le plus souvent une négligence, une omission.

Certains auteurs voient dans la responsabilité du dirigeant du fait de son préposé, une application de la théorie du risque (notion civiliste). Le dirigeant, soumis aux obligations légales de sa profession, accepterait par la même le risque de leur inexécution. Toutefois, cette théorie semble incorrecte en l’espèce car incompatible avec les principes fondamentaux du droit pénal qui subordonne la responsabilité à l’existence de la faute personnelle.

En réalité, il s’agit donc d’une véritable responsabilité du fait personnel conforme aux principes du Droit pénal et il n’y a qu’une « apparence » de responsabilité pénale du fait d’autrui.

Par2 : le cumul de responsabilité avec la personne morale :

     Que dit la loi PERBEN II [48]sur le cumul des responsabilités entre personnes morales et personnes physiques ?

La circulaire du 13 février 2006, précise : « En cas d’infraction intentionnelle, la règle devra en principe consister dans l’engagement de poursuites à la fois contre la personne physique auteur ou complice des faits, et contre la personne morale, dès lors que les faits ont été commis pour son compte par un de ses organes ou représentants. En cas d’infraction non intentionnelle, mais également en cas d’infraction de nature technique pour laquelle l’intention coupable peut résulter, les poursuites contre la seule personne morale devront être privilégiées, et la mise en cause de la personne physique ne devra intervenir que si une faute personnelle est suffisamment établie à son encontre pour justifier une condamnation pénale. ». La Circulaire qui n’a aucune force obligatoire en droit pénal a émis l’idée qu’en cas d’infraction intentionnelle, il faudrait poursuivre en priorité les personnes physiques auteurs ou complices de l’infraction. En revanche, en cas d’infraction non-intentionnelle ou de nature technique, il faudrait privilégier les poursuites contre la personne morale : les poursuites contre la personne physique ne devant être engagées que si une faute personnelle est suffisamment établie à son encontre pour justifier la condamnation pénale.

 A la lecture donc de la circulaire on pourrait déduire qu’en cas d’infraction intentionnelle, des poursuites peuvent être engagées à la fois contre la personne morale et la personne physique.

Le principe de responsabilité alternative ne s’appliquera donc pas. Le cumul non obligatoire mais possible des responsabilités entre personnes morales et personnes physiques, parait s’opposer aux effets impliqués par le mécanisme même de la délégation, qui sont ceux d’une responsabilité alternative. Il semble essentiel de préciser notamment les conséquences de l’infraction intentionnelle ou non dans la délégation de pouvoir et d’y insérer une définition de ’infraction intentionnelle. La définition est essentielle car en cas d’infraction non intentionnelle la poursuite contre la seule personne morale devra être privilégiée selon la circulaire. L’infraction technique et l’infraction d’imprudence semblent être assimilées à une infraction non intentionnelle. La délégation des pouvoirs doit être précise sur ces définitions, qui doivent être comprises par tous les délégants, et les délégataires.

     Force est de conclure cette partie par un constat fort évident qui revient au fait que le législateur marocain à l’instar de son homologue français ont adapté le régime de la responsabilité pénale à l’impératif d’efficacité et d’utilité de la sanction pénale en insérant cette politique dans le double mouvement de pénalisation des actes les plus graves et de dépénalisation des actes ayant un caractère non intentionnel ou une portée limitée. Mais que ce soit au Maroc ou en France, toujours utile que les infractions fondatrices du noyau du droit pénal des sociétés se ramènent aux délits d’ABS et de banqueroute. Cependant, et en dépit de la multiplicité des infractions pénales auxquelles sont exposées les dirigeants durant mandat au Maroc, une réalité incontestable, nous pousse à dire que le Maroc est bel et bien un paradis pénal au lieu qu’il soit un paradis fiscal. Cette idée a pour base, semble-t-il, la rareté des décisions prononcées dans ce sens par les tribunaux marocains. Ajoutons à cela, la jeunesse de ce droit au Maroc qui n’a que 16 ans dans sa vie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La 2ème partie : illustration de la responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise à travers le délit  d’abus des biens sociaux et le délit de banqueroute

 

 

 

 

 

 

 

        Après avoir abordé dans la première partie les conditions de la responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise et celles  tenants à leur irresponsabilité. Cette présente partie se voudrait une contribution au débat autour de cette  responsabilité qui touche les acteurs des sociétés d’une manière générale et surtout  de l’illustrer à travers  deux délits fréquents commis  par les dirigeants. Ce sont le délit d’abus des biens sociaux et le délit de banqueroute qui sont des délits dit de  « fonction » qui mettent en cause des dirigeants exerçant un mandat social en vertu des dispositions légales et statutaires. En effet, l’étude de ces cas d’espèces d’infractions ont suscité des réflexions doctrinales et jurisprudentielle qui ont mis l’accent sur la bonne gouvernance de l’entreprise. Commençons d’abord par le  délit D’ABS. En droit Français, la genèse de ce délit montre qu'il  est la fois fort ancien et relativement récent, Ancien dans la mesure où la jurisprudence réprimait ce délit à travers le délit d'abus de confiance sur le fondement de l'article 408 du code pénal et récent dans la mesure où dans sa définition légale il est apparu en 1935 pour la première fois, en tant que délit autonome suite à des affaires de criminalité d'affaires retentissantes dont la plus célèbre était l'affaire STAVISKY.

En effet, avant 1935, date à laquelle l'infraction a été érigée en délit autonome, les juges réprimaient l'abus de biens sociaux en se référant à un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 2 août 1845 rendu sur le fondement dudit article. Cette jurisprudence avait fait l'objet de nombreuses critiques tenant à la fois aux principes du droit pénal et aux interprétations trop larges qu'ils permettaient au juge d'avancer pour incriminer des faits constitutifs d'ABS. Ainsi, non seulement il était considéré comme violant le principe de la légalité des délits et des peines, mais il permettait des condamnations même si le fait n'est pas commis dans un intérêt personnel, les juges se contentant d'apporter la preuve que les fonds détournés ont été utilisés à des fins autres que celles convenues dans le mandat des dirigeants.

Cette extension de l'article 408 avait été critiquée par de nombreux auteurs. Notamment, Donnedieu de Vabres y voyait une violation du principe de la légalité des délits et des peines. De plus, l'article 408 restait un texte mal adapté au droit des sociétés car, il ne permettait pas d'appréhender toutes les situations dommageables. Par exemple, l'abus de confiance ne pouvait être retenu à l'encontre d'un administrateur ayant donné à bail un immeuble social à un prix dérisoire, moyennant une commission personnelle donnée par le locataire. En effet l'abus de confiance ne concerne que les biens mobiliers. C'est afin de combler ces lacunes que le législateur a adopté le décret-loi d'août 1935.

L'incrimination de l'abus de biens sociaux sous l'empire de l'article 408 ancien du code pénal était à la fois plus étendue et plus restreinte par rapport à l'incrimination actuelle résultant de la loi de 1966, laquelle reprend les éléments constitutifs de l'abus de biens sociaux défini par le décret-loi de 1935. En effet, avant ce dernier, ni les poursuites ni les condamnations n'exigeaient que les dirigeants aient agi dans leur intérêt personnel. La jurisprudence était celle de l'abus de confiance et, il suffisait d'établir que les fonds avaient été utilisés à des fins étrangères à celles auxquelles ils étaient destinés. Les condamnations étaient donc fréquentes. De plus, les poursuites visaient aussi bien le dirigeant social que n'importe quel mandataire social ou représentant social. Aujourd'hui, le délit d'abus de biens sociaux ne concerne que le président, l'administrateur, les directeurs généraux ou les gérants et, il n'exige pas un détournement de fonds au sens strict, dans la mesure où tout usage abusif des biens ou du crédit de la société est répréhensible.

Ainsi, Le décret-loi du 8 août 1935 créa finalement pour les sociétés par actions deux délits: l'abus de biens sociaux ou du crédit de la société, et l'abus des pouvoirs ou des voix. Repris par la loi française de 1966 sur les sociétés, laquelle a fait l'objet de modernisation et de codification par le nouveau code de commerce

Au Maroc, et jusqu'en 1996, le droit des sociétés n'a pas connu la même évolution. En effet, l'ABS institué par le décret-loi français de 1935 n'a pas été étendu à ce droit et cela bien que le Dahir du 11 août 1922 sur les sociétés par actions ne faisait qu'étendre au territoire du protectorat du Maroc la loi française du 24 Juillet 1867, y compris ses dispositions pénales, laquelle loi avait été remplacée par la loi de 1966 qui, elle-même, a fait l'objet depuis sa publication d'un nombre incalculable de modifications. C'est dire qu'en matière de responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise et singulièrement d'ABS ni le législateur du protectorat ni celui du Maroc indépendant n'ont procédé à des bouleversements notables de cette responsabilité malgré les occasions de modifications du dahir du 11 août 1922 intervenues entre 1931 et 1955 puis dans les années soixante dix. Si bien qu'un « parallélisme absolu entre la législation marocaine et l'ancienne législation française, en matière de sociétés anonymes, est donc loin d'exister » et toute « similitude est encore bien moins apparente depuis la publication de la loi française du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

Le délit de Banqueroute  il est prévu par la loi 05-96 formant code de commerce aux articles 721 à 723. Ces articles figurent au chapitre III du titre le titre V du livre V de cette loi intitulé les difficultés de l'entreprise.

Ces articles font partie du dispositif régissant la responsabilité des dirigeants de l'entreprise en difficulté prévue par ledit titre V. En effet, l'article 702 dispose que les « dispositions du présent Titre s'appliquent aux dirigeants de l'entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l'objet d'une procédure qu'ils soient de droit ou de fait, rémunérés ou non.

Quel est le champ d’application de l’ABS ?

 

 

Chapitre 1 : Le champ d’application de l’abus des biens sociaux (ABS) :

     Cerner le champ d’application de l’abus des biens sociaux nous pousse naturellement à l’envisager du point de vue de la victime  et du point de vue de l’auteur de l’infraction. La loi a exigé de la victime la réunion de certaines conditions pour qu’elle prenne en considération l’infraction.[49]

Section1 : Conditions tenant aux caractéristiques juridiques de la victime :

     Plusieurs conditions doivent être réunies, qui tiennent surtout à ses caractéristiques juridiques.

Par 1 : Conditions générales :

     Comme nous l’avons indiqué la victime doit être une entreprise à forme sociétaire et ne faisant pas l’objet d’une procédure collective cette première acception nous amène d’exclure du champ de l’ABS.

les personnes morales à forme sociétaire n’ayant pas encore acquis la personnalité morale telles que les sociétés en cours de formation .En principe, la société en participation doit être exclue du champ d’application de l’ABS et selon la doctrine cette société n’est pas censée être connue des tiers et que les associés ne se sont pas mis d’accord de la doter d’une personnalité morale, chose qui n’a pas été faite malheureusement par le législateur Marocain qui l’intègre jusqu’à présent dans ce champ d’application.

Les entreprises individuelles dirigées par des personnes physiques exerçant leur  activité commerciale à titre personnel, ce qui empêche leur poursuite au titre de l’ABS.

En cas de l’ouverture de la procédure de banqueroute, les sociétés concernées par cette procédure collective ,qui suppose la cessation de paiement, ne rentrent pas dans le champ d’application de l’ABS,  sauf les cas où la cessation du paiement a été causée par des détournements. Cependant,  ce délit est prévu par les articles 556 à 569 du code pénal.

Par2 : Conditions particulières :

     Elles tiennent compte à la catégorie de personne morale à forme sociétaire considérée. l’ABS en tant qu’une infraction sanctionnée par les lois relatives aux sociétés commerciales, nous  pousse à l’analyser à la lumière du droit Marocain et du droit Français pour en appréhender beaucoup plus son étendue et ses effets sur la politique pénale en général.

En effet la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes a prévu ce délit dans son article 384 et qui dispose :[50]

« Seront punis d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de DH ou de l’une de ces deux peines seulement, les membres des organes d’administration, de direction ou de gestion d’une SA

Qui de mauvaise foi auront fait, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savaient contraire aux intérêts économiques de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement.»

4) Qui de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu’ils possédaient et /ou de voix dont ils disposaient, en cette qualité, un usage qu’ils savaient contraire aux intérêts économiques de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ».

Il en est de même la loi relative[51] au (SARL , SNC , SCA ) qui a prévu ce délit dans son chapitre II et surtout dans article 107 qui sanctionne sévèrement les gérants des sociétés sus-indiqués .

En effet, dans un point de vue juridique et logique on peut critiquer l’étendue de ce délit (ABS) aux sociétés de personnes et ce par la raison suivante « l’infraction ne peut être commise par ces sociétés car leurs membres ne sont tenus que d’une responsabilité personnelle et indéfinie ».

On pourrait dire que cette application de l’ABS ne doit pas s’étendre aux sociétés en participation et ce pour la raison suivante « une société qui est dépourvue d’une personnalité morale et qui est conclue intuitu personae ne devrait pas être sanctionnée par cette infraction spécifique mais plutôt par  le délit d’abus de confiance

En effet, la démarche législative Marocaine  avait exclu certaines sociétés d’être Imputables par ce délit telles que les sociétés en collectif, les sociétés de fait. Par contre en France dès 1935 le champ d’application de l’ABS a été élargi à d’autres formes de sociétés que les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions. Il a ainsi été étendu d’abord à la SARL puis à d’autres formes de sociétés tels que l’EURL ou encore la SAS ou la SASU. Cependant, cette application limitée à ce délit sur lesdites sociétés avait suscité une critique par la doctrine française.[52] En effet, il s’agit pour celle-ci une sorte de complication de la tâche effectuée par le juriste de chercher ou de trouver l’élément légal de cette infraction. Elle a en outre conclu que l’intention étant de protéger l’épargne, le délit doit se trouver dans les sociétés où l’épargne peut être menacée et notamment dans les sociétés anonymes. Cet élargissement du délit à l’EURL ou encore à la SAS ou à la SASU a été mal raisonné surtout lorsque ces entreprises ne procèdent pas à l’épargne, et comme nous l’avons dit ce genre des sociétés  de personne et qu’elles devraient normalement  être sanctionnées  par le délit de confiance et non pas par l’abus des biens sociaux

Section 2 : Conditions tenant aux caractéristiques juridiques de l’auteur de l’infraction :

     A rappeler que la formulation du délit de biens sociaux prévue par le nouveau code de commerce français, reprend largement la définition de la loi française de 1966, qui a elle-même inspiré le législateur marocain. Avec quelques différences assez nuancées. On essaiera d'analyser plus loin la portée juridique, on retrouvera les mêmes éléments constitutifs d'abus de biens sociaux :

- un usage des biens de la société, du crédit, des pouvoirs ou des voix,

- un usage contraire à l'intérêt social,

- un usage dans un but personnel ;

- la mauvaise foi du dirigeant. ;

L'étude de tous ces éléments montre la richesse de la « production » jurisprudentielle française à laquelle ce type d'infraction a donné lieu. La problématique centrale posée par les cas traités par cette jurisprudence se ramène principalement à la recherche de la preuve établissant l'ABS. Etant donné leur similitude avec les éléments posés par le droit marocain, l'examen des solutions dégagées par cette jurisprudence présente donc un intérêt certain afin d'en dégager les enseignements et les limites en matière d'application éventuelle au contexte marocain.

Par1 : Usage, objet de l’usage, le but de l’usage et ‘l’intention  criminelle de l’usage :

A- L'usage

La loi[53]  incrimine le fait, pour les dirigeants qui de mauvaise foi, font des biens ou du crédit de la société, des pouvoirs ou de voix qu’ils possèdent un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt économique de la société «  à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils (sont) intéressés, directement ou indirectement. 

La définition de cette notion est de la plus haute importance du point de vue du droit pénal car elle constitue la clé de voûte de l'élément matériel de cette infraction. C'est ce qui explique l'abondance de la jurisprudence française en la matière.

Bien que certains pensent que cette notion n'a pas besoin d'interprétation large, le simple usage étant suffisant même sans détournement et même sans disposition [54]la notion d'usage est interprétée largement et souplement par la jurisprudence française.

Matériellement, il peut s'agir d'actes de disposition visant l'appropriation ou la dissipation des biens appartenant à la société : Il en ainsi le fait pour le président d’avoir fait effectuer pour sa société d’importants travaux dans sa propriété personnelle et de n’avoir pas réglé ces travaux. [55]

Le dirigeant utilise des sommes prélevées dans la trésorerie de l'entreprise pour payer des dépenses personnelles; il s'octroie personnellement ou à son épouse des rémunérations manifestement abusives eu égard aux fonctions exercées,[56] il utilise le personnel de son entreprise pour faire effectuer des travaux à son domicile, il fait cautionné par la société des dettes personnelles, il paie l'essence de son véhicule personnel avec l'argent de l'entreprise ; il verse sur son compte personnel des sommes dues à la société.

L'usage peut également consister en des actes d'administration (prêts, avances d'argent). Mais qu'il s'agisse d'actes d'administration ou de disposition, l'usage ne consiste pas seulement en des actes positifs mais il peut résulter d'une omission ou en des omissions.

A ce sujet, la jurisprudence française a été constante : ainsi un arrêt récent de la chambre criminelle de la Cour de cassation, [57]en précisant clairement que l'acte d'usage peut résulter non seulement d'une action, mais également d'une omission volontaire qui a la nature d'un acte contraire à l'intérêt social », a confirmé le principe annoncé par cette chambre,[58] que l'abstention volontaire du dirigeant caractérise l'infraction d'ABS lorsqu'elle est contraire à l'intérêt social (en l'espèce il s'agissait d'une omission intentionnelle du dirigeant de réclamer une créance que la société détient sur une autre entreprise dans laquelle il a des intérêts).

La jurisprudence française se montre intransigeante en matière d'ABS dans la mesure où elle n'exonère pas un dirigeant de sa responsabilité pénale lorsqu'il restitue les sommes prélevées en considérant qu'un un usage même temporaire suffit à qualifier l'acte d'abusif.

L’élément matériel de l’infraction se présente sous deux aspects complémentaires 1° il  faut un usage des biens ou du crédit de la société contraire à l’intérêt de celle-ci 2°il faut que cet usage ait été dans un intérêt personnel.

B- L'objet de l'usage

La loi précise que l'usage doit porter sur les biens, les pouvoirs ou les voix.

En effet, la notion d’usage des biens ou du crédit peut se caractériser par une appropriation définitive mais constituant un risque de perte pour la société. L’usage incriminé peut aussi prendre la forme d’un non usage. Force et de reconnaître que ce terme est très large ; il englobe les actes de disposition et les actes d’administration. Il vise le fait de se servir de façon temporaire  de biens appartenant à la société, et comme nous l’avons remarqué, le cas d’une appropriation définitive de ces mêmes biens[59] par exemple le fait pour le président d’avoir fait effectuer par sa société d’importants travaux dans sa propriété personnelle et de n’avoir pas réglé ces travaux.[60]

L’usage de crédit s’entend généralement de la réputation de la société ou de sa solvabilité. Concrètement, il s’agit d’opérations qui n’emportent pas décaissement immédiat. L’usage de crédit consiste à utiliser la surface financière de la société, sa capacité d’emprunter ou de garantir un emprunt, imposant à celle-ci un risque anormal et contraire à son intérêt. En réalité le crédit vise la réputation de la société, la confiance qu'elle suscite à l'égard des tiers. Par exemple : cautionnement des dettes personnelles du dirigeant ; signature comme endosseur ou avaliseur d'une lettre de change émise pour une cause étrangère aux affaires sociales. 

En ce qui concerne l’usage des pouvoirs il s’étend aux prérogatives de gestion, d’administration, de direction reconnus aux dirigeants sociaux. L’abus de pouvoirs peut résulter d’une abstention. Le dirigeant n’utilise pas ses pouvoirs dans son propre intérêt ou conclut des contrats qui ne procurent à la société aucun profit.

La coexistence dans les textes d'incrimination d'objets matériels de l'usage (les biens) et d'objets non matériels (crédit, pouvoirs, voix) a suggéré à certains auteurs que l'infraction d'ABS est en fait constituée de deux « grands délits »: l'usage abusif des biens ou du crédit de la société d'une part, et l'usage des pouvoirs et/ou des voix d'autre part. Sans doute cette interprétation découle-t-elle de l'énumération légale de ces deux catégories d'objets de l'usage dans deux paragraphes séparés. En tout cas, elle fait craindre un « dérapage » de la jurisprudence qui pourrait ouvrir par le biais de l'abus de pouvoir la voie à une immixtion du juge pénal dans la gestion de l'entreprise et par conséquent une large répression.

 Ces distinctions relatives à l'objet de l'acte d'usage sont assez difficiles à mettre en œuvre pour les juges du fond car souvent les cas sont mêlés[61], et  il faut noter que dans la majorité des cas, l'usage abusif des biens sociaux suppose un abus de pouvoirs... ». Ainsi, il a été jugé que constitue un abus de pouvoirs, mais également de biens, le fait pour un dirigeant d'organiser une fusion-absorption dans un but avantageux pour lui mais sans utilité économique pour la société. [62]

C- Le but de l'usage

Aussi bien la loi marocaine que la loi française exigent que l'usage des biens, du crédit, des pouvoirs et/ou des voix soit contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles. Cette formulation pose deux problèmes :

Le premier problème est relatif à la nature et au contenu de l'intérêt social : Sur cet aspect les réponses de la jurisprudence française sont d'une portée limitée pour l'interprétation des dispositions législatives marocaines de cette notion ;

Le deuxième problème est relatif à la question de savoir s'il est nécessaire d'établir que « l'instrumentalisation » de l'usage des biens et des pouvoirs vise cumulativement la contrariété des intérêts de la société « et » la recherche du but personnel, ou bien seulement l'une ou l'autre ?

D - L'intention criminelle de l'usage

C'est l'élément moral constitutif de l'infraction d'ABS  qui se caractérise par « l’appauvrissement d’un patrimoine pour l’enrichissement d’un autre » qui n'existe que si le dirigeant commet l'abus intentionnellement en ayant conscience qu'il porte atteinte à l'intérêt de l'entreprise et qu'il poursuit un but personnel contrariant cet intérêt social. C'est la signification des termes « mauvaise foi » utilisés aussi bien par la loi française que par les lois marocaines.

Alors que souvent le législateur Marocain ne se prononce pas sur l’élément moral, en matière d’abus des biens sociaux, il a pris partie sur la nécessité d’un élément moral : le dirigeant doit avoir agi de mauvaise foi. Sans doute, dans le code pénal, Tous les crimes et délits sont nécessairement intentionnels, sauf les cas où la loi prend en compte l’imprudence ou la mise en danger délibérée. Mais la question reste importante pour les textes restés hors du Code pénal.

 Un point est essentiel c’est que la mauvaise foi du dirigeant doit être établie, une erreur ou une faute, même lourde, ne suffit pas à caractériser le délit. Mais il faut bien s’entendre sur le terme «  mauvaise foi » : l’intention de porter atteinte au patrimoine de la société n’est pas exigée, la simple conscience qu’a le dirigeant que l’acte a été contraire à l’intérêt social tout en lui étant bénéfique suffit ».[63]

Un  Professeur[64] estime que l'exigence de ce dol général pour la qualification du délit aurait pu restreindre le champ d'application du délit d'abus de biens sociaux. « Cependant, regrette-t-elle, la Cour de cassation considère que la preuve de l'intention de nuire n'a pas à être rapportée formellement,[65] Selon cette cour, « il suffit que le dirigeant ait conscience que l'acte accompli est contraire à l'intérêt Social. Cette conscience découle implicitement des faits matériels objets de la poursuite (Le dirigeant aura d'autant plus de difficultés à rapporter la preuve de sa bonne foi, que sa qualité joue en sa défaveur. En effet, un dirigeant de par ses fonctions, doit savoir apprécier les conséquences de ses actes). On arrive ainsi, à créer une présomption de mauvaise foi que le dirigeant devra renverser pour éviter l'engagement de sa responsabilité pénale (Ainsi, la constitution d'une caisse noire par un dirigeant, par des prélèvements occultes de fonds sociaux, fait présumer de son intérêt personnel.[66]

Par2 : Notion d’intérêt de la société ou intérêt social : Nature et contenu.

     Force est d’avouer que la détermination de l’usage contraire à l’intérêt social a posé le problème de savoir à qui revenait-il de procéder à cette appréciation et à quel moment fallait-il se placer pour apprécier l’utilité de l’opération pour la société, et enfin quels pouvaient être les intérêts protégés au regard de la qualification pénale à propos (la nature de l’intérêt social).

 Pour déterminer si un acte d’usage était ou non contraire à l’intérêt social il faut évidement apprécier ce qu’était, dans la situation particulière où elle se trouvait, l’intérêt de la société. La détermination de l’intérêt social dans la SA appartient normalement à l’organe compétent (le président, le conseil d’administration ou l’assemblée générale).

Le législateur marocain n'a pas laissé beaucoup d'incertitudes quant à l'interprétation de la notion de l'intérêt de l'entreprise. Pour lui il s'agit des seuls« intérêts économiques » de la société. L'expression ainsi utilisée ne semble pas devoir laisser une grande marge au juge pénal marocain qui ne devrait prendre en considération pour l'incrimination du chef de l'ABS que les actes portant atteinte aux « intérêts économiques » de la société. Par contre, l'expression pourrait l'inviter à préciser le contenu de ces intérêts économiques. En tout état de cause, on peut penser que par cette formule le législateur marocain a entendu limiter les poursuites aux actes ayant des conséquences graves sur la viabilité et la pérennité de l'entreprise, la notion « d'intérêts économiques » renvoyant aux aspects structurels de la gestion de l'entreprise, à son équilibre financier, à sa viabilité et à sa pérennité.

Si telle était l'intention du législateur marocain, avisé peut être par le caractère « attrape-tout » accolé à l'ABS français et soucieux de maîtriser d'éventuels débordements en la matière, on peut penser que le dirigeant marocain serait à l'abri des risques de poursuites tous azimuts du chef de cette infraction que les associés pourraient abusivement tenter d'engager contre les dirigeants. L'ABS échapperait en tout cas, dans le contexte sociologique spécifique au monde marocain des affaires, aux critiques avancées à l'endroit des nombreuses sanctions pénales empruntées par les lois marocaines à la législation française sur les sociétés et justifiées, entre autres, par le risque d'instrumentalisation de ces sanctions à des fins « de négociation, de menace, ou de représailles dans les relations entre dirigeants et associés »

A l'inverse, la juge pénal marocain irait-il, au nom de la stabilité de ces relations, jusqu'à exonérer des actes d'une certaine gravité au motif que les intérêts visés ne sont pas de nature économique ou qu'il admette, à l'instar d'une partie de la jurisprudence initiale française, que des actes illégaux ou illicites, telle que la corruption par exemple, puissent échapper aux sanctions au motif qu'ils servent les intérêts économiques de l'entreprise.[67] L'infraction de travail dissimulé était constituée, par conséquent, le but illicite, au sens de la jurisprudence de 1992, paraissait manifeste. La Cour de cassation, jugeant que l'intérêt de l'entreprise était sauvegardé, n'a pas retenu la qualification d'abus de biens sociaux ). Pour conclure, il reste à espérer que des formations économiques et financières de haut niveau, verront le jour pour permettre aux magistrats de combattre l'abus de biens sociaux dans une vision plus économique de l'intérêt social.[68]

En tout cas la jurisprudence française a elle-même très sensiblement évolué et cette évolution pourrait inspirer le juge pénal marocain en matière d'incrimination d'actes contrariant les « intérêts économiques » de l'entreprise. Une jurisprudence française récente et désormais constante retient la qualification d'Abus de Biens sociaux lorsque cet abus est commis dans un but illégal et illicite exposant l'entreprise à des « risques anormaux.[69]Désormais, avec cette jurisprudence, l'ABS « s'apparente à une infraction de mise en danger de la société qui n'est pas sans évoquer - adapté au droit des sociétés - le délit général de mise en danger d'autrui incriminé par l'article 121-3 du code pénal »

Mais cette notion face au pouvoir légal, ne peut plus être lue à la lumière du mandat donné par les associés. Dans cette conception de l’intérêt social, il ne s’agit pas seulement de sauvegarder des intérêts patrimoniaux, ceux du capital, mais de prendre en considération l’ensemble des catégories d’intérêt de l’entreprise[70]

A ce sujet, l'exemple belge pourrait être également instructif : en introduisant le critère de « l'usage ...significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux » de la personne morale. le législateur belge a sans doute voulu éviter de transposer les inconvénients de la formulation française de cette infraction. Une combinaison des deux critères quantitatif et qualitatif du seuil significativement préjudiciable permettrait d'éviter des poursuites au titre de l'ABS lorsque le préjudice est de minime importance ou ne porte pas atteinte à un élément essentiel de la personne morale et de ses activités

Qu’en est-il maintenant de la détermination de la notion d’intérêt (s) de l'entreprise « et » « ou » intérêt (s) personnel (s) ?

Cette question revêt un aspect  philosophique eu égard aux problèmes qu’il fait resurgir au sein des tribunaux. Cette question importante met en cause le principe de la légalité des délits et des peines et, au-delà, les limites de l'intervention du juge qui risquent de déborder sa fonction d'interprétation stricte de la règle pénale et porter atteinte à la liberté individuelle et à la liberté d'entreprendre.

Pour une large partie de la doctrine française, le cumul ne fait pas de doute et il n'y a pas de problèmes d'interprétation de la loi: « L'acte d'usage contraire à l'intérêt social n'est pas suffisant à la réalisation de l'infraction, la loi exige en outre, que le dirigeant ait agi à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.... En conséquence, un acte contraire à l'intérêt social qui n'est pas réalisé dans un but personnel ne devrait pas être constitutif du délit d'abus de biens sociaux, en application des termes de la loi »

Nous partageons cette interprétation qui paraît juridiquement fondée sur un double plan :

Tout d'abord sur le plan de la spécificité de l'ABS par rapport à d'autres infractions et notamment de l'abus de confiance. En effet, ce qui fait l'autonomie et la particularité de l'ABS, c'est précisément la nécessité de démontrer que le délit est commis dans un double but : un but contraire aux intérêts de la société et un but personnel. L'ABS est venue combler un vide juridique en évitant que l'abus de bien sociaux ne soit plus poursuivi sur la base de l'abus de confiance, qui n'exige pas la démonstration du but personnel ;

Ensuite sur le plan de la cohérence de la jurisprudence. Celle-ci admet, nous l'avons vu, l'incrimination non seulement de l'acte positif mais aussi l'acte passif c'est-à-dire l'omission. Concernant cette dernière, on peut par exemple, soutenir qu'un dirigeant qui néglige de recouvrer une créance de son entreprise commet une erreur de gestion non susceptible d'incrimination d'abus de bien sociaux lorsque cette négligence n'est pas motivée par un intérêt personnel. « En effet, si par cette omission le dirigeant obtient un avantage, comme celui du règlement d'une commission occulte, celui-ci userait, de manière indirecte et à des fins personnelles, du crédit de l'être moral qu'il dirige et qu'il s'agirait là d'un acte positif qui répondrait aux conditions légales du délit d'abus de biens sociaux. »60(*). Ainsi, la négligence de recouvrement de la créance est contraire à l'intérêt de la personne morale mais cela ne suffit pas pour la qualifier d'abus de biens sociaux. Il faut, pour cela que le dirigeant en tire un profit personnel au détriment du profit de son entreprise.

Pourtant, la jurisprudence française n'a pas été d'une grande lisibilité sur cette question « En effet, souvent la Cour de cassation écarte cet élément constitutif au mépris de la règle de l'interprétation stricte de la loi pénale, lorsqu'elle admet la condamnation sur le fondement de l'abus de biens sociaux de tous les actes qui ont pour objet la commission d'un délit, sans rechercher si ce délit profite personnellement aux prévenus. La Cour de cassation met ainsi clairement l'accent sur l'usage contraire à l'intérêt social qui est considéré comme l'élément déterminant de l'infraction, et se montre en revanche peu exigeante quant à la preuve du dol spécial ».  

D'un autre côté, il faut bien reconnaître que la jurisprudence n'est pas d'une lisibilité parfaite. Pourquoi ? Parce qu'on nous a dit que dans un groupe de sociétés, on pouvait parfaitement, sous réserve de rester raisonnable, et de certaines limites, admettre qu'il puisse y avoir un prêt d'argent d'une société à une autre. Il s'agit du « fait justificatif du groupe ». Bien sûr, il n'y a pas ici d'intérêt personnel. Donc, dans certaines affaires, il n'y a pas d'intérêt personnel mais on nous dit « abus de biens », et, dans d'autres cas, il n'y a pas d'intérêt personnel et on dit « il n'y a pas abus de biens ». C'est pour cette raison que je dis que la jurisprudence n'est pas toujours lisible. De fait, depuis le 4 février 1985, il est dit que dans les groupes de société, on peut admettre à certaines conditions des transferts de fonds (il faut que cela reste limité dans le temps, qu'il y ait contrepartie, etc.)... Et donc ici nous avons une certaine entraide familiale qui est admise au sein des sociétés. Ces derniers temps, on a pu observer que la jurisprudence est, peut-être, un peu plus apaisée. En tout cas, les effets médiatiques sont moins voyants qu'à certaines époques.

 

Chapitre 2 : le champ d’application de la banqueroute :

     Le délit de Banqueroute est prévu par la loi 05-96 formant code de commerce aux articles 721 à 723. Ces articles figurent au chapitre III du titre le titre V du livre V de cette loi intitulé les difficultés de l'entreprise.

Ces articles font partie du dispositif régissant la responsabilité des dirigeants de l'entreprise en difficulté prévue par ledit titre V. En effet, l'article 702 dispose que les « dispositions du présent Titre s'appliquent aux dirigeants de l'entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l'objet d'une procédure qu'ils soient de droit ou de fait, rémunérés ou non ». Ce titre prévoit trois catégories de sanctions :

- les sanctions patrimoniales qui sont de deux ordres : l'action en comblement du passif et l'extension de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire aux dirigeants,[71]

- la déchéance commerciale,[72]

- la banqueroute et autres infractions.

S'agissant de la Banqueroute l'article 721 définit réprime les faits constitutifs de cette infraction comme suit :

 « En cas d'ouverture d'une procédure de traitement, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l'article 702 contre lesquelles a été relevé l'un des faits ci-après :

1° avoir dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de traitement, soit fait des achats en vue d'une revente au dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ; 

2°) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur ;

3°) avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;

4°) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la société ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait obligation ».

Cette infraction est punie de un à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 10.000 à 100.000 Dh ou de l'une de ces deux peines seulement et qu'encourent également les complices même s'ils n'ont pas la qualité de dirigeants de l'entreprise. Les dirigeants personnes reconnues coupables des faits constitutifs de banqueroute encourent également, à titre de peine accessoire, la déchéance commerciale

En outre le code de commerce prévoit des règles de procédure spécifiques à la banqueroute (725 à 727).

Nous examinerons donc successivement :

- le domaine et le champ d'application de la banqueroute

Section 1 : Les faits constitutifs de banqueroute :

     Ils sont au nombre de quatre et sont quasi identiques dans leur formulation aux quatre premiers faits prévus par l'article L. 654-2 du code de commerce français (qui prévoit un cinquième fait). Nous étudierons donc ces quatre faits à la lumière des apports de la doctrine et de la jurisprudence française.

Par1 : l’intention de retarder l’ouverture d’une procédure de traitement et le fait de  détourner ou dissimuler tout ou partie de l’actif du débiteur :

     Sur cette question et concernant, tout d’abord, cette intention qui a pour objet de retarder l’ouverture d’une procédure de traitement judiciaire ; il convient de préciser que la seule différence avec le texte français concerne, comme nous l'avons dit, ci-dessus, son étendue. Les poursuites pour ce fait peuvent être engagées, pensons-nous, lorsque ce dernier « le fait » vise à retarder « la procédure de traitement » entendue au sens large y compris les procédures non judicaires à la différence du texte français qui exige que le fait vise à retarder uniquement l'ouverture d'une procédure de redressement judicaire. En dehors de cette précision nous pensons que les solutions retenues par la doctrine et la jurisprudence françaises relativement aux éléments matériel et moral de ce fait peuvent être retenues dans le cas du texte marocain.

Ainsi, à titre d’exemple et concernant une première hypothèse relative à l'achat en vue de la revente au dessus du cours, il s'agit de la revente à perte, celle-ci pouvant être constatée en comparant le prix d'achat effectif, entendu comme le prix porté sur les factures, avec le prix de vente.

Concernant une deuxième hypothèse tenant cette-fois-ci à l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, le juge répressif est appelé à apprécier le caractère ruineux.

Tout d'abord il doit s'agir d'un acte positif, car la « notion d'emploi de fonds suppose un ou des actes permettant d'obtenir ou de faire rentrer des fonds et non pas une simple abstention de payer une dette légitimement préexistante ».

Ensuite, pour être caractérisé d'emploi ruineux, il faut que l'acte lèse l'entreprise : ainsi « la revente systématique de matériels sans remboursement de crédits consentis à la société ne caractérise pas l'emploi de moyens ruineux dès lors que les prix de vente étaient normaux et que la société n'a pas été lésée ». En revanche, « constitue le délit de Banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds l'escompte de fausses factures et de traites de complaisance dont le coût ne peut qu'aggraver la situation financière de l'entreprise ».

En second lieu et par rapport au détournement d’actif, il s'agit ici de sanctionner l'atteinte aux biens de l'entreprise qui constituent le gage des créanciers. La jurisprudence considère comme détournement ou dissimulation de biens tout acte de dissipation volontaire que cet acte soit positif ou négatif. « Par exemple des retraits de fonds injustifiés, des augmentations de salaire sans motifs, la location de locaux inutiles pour léser les créanciers en diminuant l'étendue du patrimoine social...:[73] un paiement en espèces peut constituer un détournement d'actif si le débiteur et le créancier sont une seule et même personne agissant sous deux qualités[74]: dissimulation du prix de vente d'un élément d'actif »

La problématique posée par les actes de détournement est celle de leur distinction de l'abus de biens sociaux. L'enjeu est important, car les éléments matériels et moraux de ces deux types de délits étant différents, leur qualification est différente et donc l'étendue des poursuites n'est pas la même. Ainsi, il est plus facile de poursuivre le délit de Banqueroute qui n'exige pas la preuve de la poursuite du but personnel que le délit d'abus de biens sociaux qui nécessite l'apport de cette preuve.

La jurisprudence française a résolu ce problème en considérant qu'en dehors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, les actes de détournements seraient constitutifs d'abus de biens sociaux. Mais dès lors qu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est ouverte, la qualification de banqueroute doit être retenue. Le critère de choix entre les deux qualifications est chronologique : avant la date de cessation des paiements, la qualification retenue est celle d'abus de biens sociaux puisque l'entreprise est in bonis ; après la date de cessation des paiements, le juge pénal doit retenir la qualification de banqueroute puisque l'entreprise est soumise aux règles spéciales de la procédure collective. Cette solution est réaffirmée dans des arrêts récents par la Cour de cassation.

Comme nous l'avons essayé de le démontrer à propos du domaine d'application de la banqueroute en droit marocain, l'application intégrale de cette solution au contexte marocain ne paraît pas évidente. En effet, nous avons souligné que les formulations de la loi marocaine semblent permettraient la poursuite du délit de banqueroute même en cas de procédures non judiciaires de traitement des difficultés de l'entreprise, tel que les procédures de prévention interne ou externe (règlement amiable) qui n'exigent pas la cessation de paiement. Aussi et pour qualifier l'acte de détournement de délit de banqueroute ou d'abus de bien sociaux, le juge marocain serait appelé à distinguer selon que l'acte est commis avant ou après l'ouverture de la procédure de traitement considérée (non judiciaire ou judiciaire, selon les cas) et non pas nécessairement selon le critère de la date de cessation de paiement.

Par2 : Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur et le fait de tenir une comptabilité fictive :

     Pour examiner la portée de chacun des termes de ces faits constitutifs de Banqueroute, on peut s'inspirer des interprétions de la jurisprudence française.

Est considérée comme fictive, aux yeux de la jurisprudence, une comptabilité qui ne retrace pas des opérations réelles de l'entreprise, et qui donne en apparence une image avantageuse de l'entreprise, par exemple l'enregistrement de factures fictives ;

La disparition des documents comptables peut être totale ou partielle et réalisée par soustraction ou destruction. Le retard dans la fourniture des comptes aux organes de la procédure est assimilé à une absence de comptabilité ; Il faut donc déduire de cette jurisprudence que la non-production spontanée d'une comptabilité dont l'existence n'est pas apparemment remise en cause puisque sa réalité était attestée par l'expert-comptable, est assimilable à une disparition de documents comptables. Cette « solution est critiquable car elle est contraire à deux principes fondamentaux en matière pénale : le principe de l'interprétation stricte de la loi et celui, qui en découle, de l'interdiction faite aux juges répressifs de recourir à l'interprétation analogique. »

L'absence de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation s'entend de l'absence totale de comptabilité exigée par ces textes pouvant concerner des exercices comptables antérieurs à l'ouverture de la procédure considérée.

L'article 626-2 du code de commerce français comporte un cinquième fait passible de sanctions au titre de banqueroute : « Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales ». L'objectif du législateur était de combler les lacunes de la répression concernant les malversations comptables qui ne pouvaient pas tomber sous le coup de la loi pénale en l'absence de texte d'incrimination. En effet, le quatrième cas de banqueroute ne permettait pas légalement de sanctionner les comptabilités dans lesquelles il manquait des pièces, ce qui ne pouvait pas être assimilé à une absence de comptabilité. Le cinquième cas de banqueroute vise deux hypothèses : la première consiste en la tenue d'une comptabilité manifestement incomplète. Cela correspond à la situation où des pièces comptables essentielles font défaut, par exemple l'absence de certains livres obligatoires ou celle du bilan. La seconde concerne la tenue d'une comptabilité en violation des principes comptables imposé par le code de commerce de fidélité, prudence, permanence et loyauté, ce qui est un instrument de transparence et de contrôle,[75]Ce dernier cas n'a pas été modifié par la loi nouvelle, donc il ne peut s'appliquer qu'aux hypothèses où la loi - entendu au sens strict - impose la tenue d'une comptabilité.

Section 2 : Répression, prescription et voies de recours :

     Quant aux sanctions il y a lieu de relever leur particularité dans le cas du droit marocain : comme pour l'ABS, la banqueroute est punie de peines d'emprisonnement et de peines d'amendes ou de l'une de ces peines seulement. Toutefois, le degré de sévérité de chacune de ces peines est différent. 

Par 1 : Répression :

     Aux termes de l'article 725 du code de commerce marocain, « la juridiction répressive est saisie soit sur la poursuite du ministère public, soit sur constitution de partie civile du syndic ». Les décisions intervenues dans ce cadre « sont notifiées aux parties par le secrétaire greffier. Elles sont mentionnées au registre du commerce, publiées par un extrait dans un journal d'annonces légales et au Bulletin Officiel, et affichées au panneau réservé à cet effet au tribunal.

Par 2 : Prescription et voies de recours :

     La prescription de l'action publique ne court que du jour du jugement prononçant l'ouverture de la procédure de traitement lorsque les faits sont apparus avant cette date (article 725).

La constitution de partie civile est très limitée dans le code marocain : elle n'est admise que pour le syndic et par conséquent seulement en cas de procédure de redressement et de liquidation judiciaire puisque cet organe des procédures de traitement des difficultés de l'entreprise n'est institué qu'en cas d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et de l'ouverture de la liquidation judiciaire. Cette constitution n'est donc pas recevable en cas de poursuite lors des procédures de traitement non judiciaire de ces difficultés. Le code de commerce français limite également la constitution de partie civile aux cas de poursuites engagées dans le cadre des procédures de redressement et de liquidation judiciaires, mais la constitution de partie civile est ouverte à tous les organes et autres parties intéressées par les procédures : à l'administrateur, au mandataire judiciaire, au représentant des salariés, au commissaire à l'exécution du plan , au liquidateur et à la majorité des créanciers nommés contrôleurs dans l'hypothèse où le mandataire n'exercerait pas les actions. Mais le créancier à titre individuel n'est pas admis à se constituer partie civile : « Cette situation est d'autant plus fâcheuse que les constitutions de partie civile des mandataires de justice sont rarissimes »79(*).

D'ailleurs, la chambre criminelle atténue la rigueur de l'éviction du créancier individuel civil de la procédure en admettant la recevabilité des constitutions de partie civile par le créancier à titre individuel, sur le fondement de la banqueroute, en application de l'article 2 du code français de procédure pénale qui dispose que l'action civile en réparation du dommage appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par un crime ou un délit. Cette jurisprudence est parfaitement applicable dans le cas marocain dont le code de procédure pénale édicte une règle identique : « l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement subi un dommage corporel, matériel ou moral, directement causé par l'infraction » (article 7). Les mêmes conditions exigées par cette jurisprudence devraient alors être remplies : le préjudice doit être actuel, certain, personnel au créancier qui met l'action civile en mouvement et directement causé par l'infraction poursuivie (Si le créancier ne remplit pas ces conditions, irrecevabilité de la constitution de partie civile. Voire[76] il peut s'agir d'un préjudice moral.

Quant aux sanctions il y a lieu de relever leur particularité dans le cas du droit marocain : comme pour l'ABS, la banqueroute est punie de peines d'emprisonnement et de peines d'amendes ou de l'une de ces peines seulement. Toutefois, le degré de sévérité de chacune de ces peines est différent : Dans l'ABS, le législateur privilégie la sanction pécuniaire qui peut varier entre 100.000 et 1.000.000 DH (entre 8000 et 80.000 euros) , la peine d'emprisonnement étant relativement clémente (entre un et six mois) ; dans la banqueroute, la peine d'emprisonnement est sévère (un an à cinq ans), la peine pécuniaire pouvant varier entre 10.000 DH (800 euros) et 100.000 DH (8000 euros). Elles sont plus sévères dans la loi française qui prévoit le cumul de la peine d'emprisonnement (cinq ans) et de l'amende (75 000 euros). La loi marocaine laisse la possibilité au juge de prononcer la peine de l'emprisonnement (de un an à cinq ans) et la peine d'amende (10.000 à 100.000 DH) ou l'une de ces deux peines seulement.

Les personnes coupables, encourent également, à titre de peine accessoire, la déchéance commerciale (article 723). La déchéance commerciale emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, et toute société commerciale ayant une activité économique (Article 711) pour qui ne peut être inférieure à cinq ans (article 719).

Les recours contre les décisions rendues en matière de banqueroute et autres sanctions sont soumis aux dispositions du code de procédure pénale (article 732)

Après l'analyse jurisprudentielle faite sur le délit de banqueroute et des infractions assimilées au Sénégal, nous retenons, en effet, quelques difficultés relatives aux éléments basiques de ces infractions.

Cependant, la distinction faite par certaines législations entre la banqueroute frauduleuse et la banqueroute simple doit être dépassée. Ce serait bien que le législateur dépasse cette distinction traditionnelle sur les deux types de banqueroutes à savoir la banqueroute frauduleuse et la banqueroute simple.

En France la reforme intervenue avec la loi n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises a supprimé la distinction antérieure entre les deux types de banqueroutes et restreint le nombre des cas. Cette réforme facilite sans doute le travail du juge dans ce cas, dans la mesure où il ne se posera plus la question de savoir devant quel cas de banqueroute est-il saisi ?

Par ailleurs, il importe aussi de soulever le cas de la notion « d’état de cessation de paiement » qui est, elle, aussi un élément qui parfois obstacle pour ne pas dire écran à la réalisation du délit de banqueroute.

Tantôt le juge retient la banqueroute sans constatation de l'état de cessation des paiements, tantôt il ne retient pas la banqueroute pour absence de cessation des paiements.

Mais cette réaction peut se comprendre parce que c'est le législateur OHADA, dont le Maroc n’est pas membre, qui accorde, lui-même, un caractère facultatif à l'état de cessation des paiements pour la réalisation du délit de banqueroute. En effet il précise que la banqueroute peut être retenue même si le débiteur n'a pas constaté l'état de cessation des paiements.

Pour régler cette situation il serait mieux, nous parait –il, pour le législateur de cette organisation panafricaine de considérer l'état de cessation des paiements comme un élément nécessaire pour la réalisation de la banqueroute comme l’a fait le législateur Français et marocain.

      En somme, ces délits dits «  de fonction » c’est-à-dire ceux qui mettent en cause principalement des dirigeants exerçant un mandat spécial en vertu des dispositions légales ou statutaires de l’entreprise et, à ce titre, ont donné lieu à des réflexions doctrinales et à une jurisprudence abondante en l’occurrence en France qui dénotent la sensibilité des questions relatives à une bonne gouvernance de l’entreprise.

A la tête  donc des infractions potentielles liées au droit des affaires, figure en bonne place l'abus de biens sociaux. Ce délit est l'un des plus importants et des plus graves du droit pénal des affaires pour la simple raison du flou qui entoure sa définition et son application, et des larges possibilités d'interprétation et de qualification pénale. En effet, peu de textes pénaux suscitent autant d'interrogations, de contestations et d'inquiétudes. Le chef d'entreprise qui utilise ses pouvoirs, les biens ou le crédit de la société dans un but contraire à l'intérêt de celle-ci et à des fins personnelles commet un délit d'abus de biens sociaux.

Il va sans dire que le critère d'appréciation de la mauvaise foi devrait être appréhendé à l'aide de l'intérêt pour le bénéficiaire de l'acte contraire à l'intérêt économique de la société. La date d'appréciation de la mauvaise foi constitue une difficulté. Autrement dit, un délit peut-il être régularisé par une décision postérieure d'approbation du conseil d'administration ou de l'assemblée des associés? ou bien, faudrait-il rechercher l'intérêt de l'acte au moment ou celui-ci est accompli? En réponse, la logique voudrait que l'acte soit appréhendé dans le contexte temporel de sa survenance.

Il est indéniable qu’une rémunération excessive du dirigeant social impacte largement sur le bon fonctionnement d’une entreprise. Cependant et en guise de conclusion il saurait judicieux de soulever certaines questions sur la rémunération excessive du dirigeant social. Celles-ci sont gérées par le droit pénal. La loi sanctionne une rémunération, dont le montant excessif, qui va au-delà de la capacité financière de la société, est considéré comme un fonds détourné. Le délit se base essentiellement sur le risque que fait encourir le sujet à l’entreprise, pour des intérêts personnels. La loi considère néanmoins le travail fourni par le dirigeant, incluant sa qualité professionnelle et ses compétences. Le délit d’abus de biens sociaux forme un point essentiel du droit pénal des affaires. Le délit de banqueroute par détournement d’actifs en est une branche. Il s’agit d’un ABS réalisé au sein d’une entreprise en cessation de paiement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie :

H.CHARKAOUI, Société anonyme, 1er édition 1997.

Paul Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien, 2ème édition, 2003.

Droit pénal des affaires : Réflexions sur la banqueroute par détournement ou dissimulation/ d'actifs : Abdelaziz EL IDRISSI « la  Revue marocaine de droit des affaires et des entreprises (16 (05/2009) ».

La responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise par Ahmed HALOUIISCAE et Université de Toulouse I- Sciences Sociales - Mastère Spécialisé en Droit de l'Entreprise 2006.

Jen Paul Antona, Philippe Colin et François Lengarlt : la responsabilité pénale des cadres et des dirigeants dans le monde des affaires, Dalloz-Delta, 1996 ; MEDEF, « la délégation de pouvoirs », GPA « droit de l'entreprise », Décembre 2004.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Table des matières :

 

Introduction générale3

La 1ère partie : la responsabilité pénale du dirigeant de l’entreprise : entre pénalisation  et dépénalisation…………………………………………………7

 

Chapitre 1 : les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des dirigeants 12

Section 1 : infractions aux règles générales 13

Par 1 :l’escroquerie et abus de confiance 13

Par 2 : le faux et usage de faux  15

 

   Section 2 : infractions aux règles spéciales 17

   Par1 : Infractions au droit des sociétés : 17

   Par2 : Infractions au droit des entreprises en difficulté 20

 

 

Chapitre 2 : la délégation de pouvoir une cause spécifique d’irresponsabilité 23

Section 1 : conditions de validité de la délégation de pouvoirs 24

Par1 : conditions concernant le délégataire 24

Par2 : conditions concernant le délégant : 25

 

  Section 2 : les effets de la délégation de pouvoirs 26

   Par 1 : seul moyen d’exonération pour le dirigeant 27

Par2 : le cumul de responsabilité avec la personne morale 28

 

La 2ème partie : illustration de la responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise à travers le délit  d’abus des biens sociaux et le délit de banqueroute30

Chapitre 1 : le champ d’application de délit de l’abus des biens sociaux…............................................................................................................33

 

Section1 : conditions tenant aux caractéristiques juridiques de la victime 33

    Par 1 : conditions générales : 33

     Par2 : conditions particulières : 33

 

Section 2 : Conditions tenant aux caractéristiques juridiques de l’auteur de l’infraction     35

Par1 : Usage, objet de l’usage, le but de l’usage et ‘l’intention  criminelle de l’usage : 35

Par2 : notion d’intérêt de la société ou intérêt social : nature et contenu………………..39

 

Chapitre 2 : le champ d’application de la banqueroute 43

 

Section 1 : les faits constitutifs de banqueroute 44

   Par1 : l’intention de retarder l’ouverture d’une procédure de traitement et le fait de  détourner ou dissimuler tout ou partie de l’actif du débiteur44

   Par2 : Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur et le fait de tenir une comptabilité fictive46

 

Section 2 : répression, prescription et voies de recours 47

   Par 1 : répression47

Par 2 : prescription et voie de recours 47

          Conclusion générale

 



[1]  Etymologiquement, le mot responsabilité dérive de « responsum » qui dérive lui-même de « respondere » « répondre ». Être responsable signifie donc, en termes simples, assumer ses actes et leurs conséquences et accepter d’en répondre. La responsabilité implique donc pour la personne un double engagement volontaire : l’engagement d’un agent conscient à l’égard des actes qu’il a réellement voulu (idée de liberté) et l’engagement d’accepter de rendre compte des effets de ces actes.

[2] De nos jours, l'expression col blanc est un terme d'argot utilisé pour désigner des individus faisant partie des élites, du monde des affaires et de l'entreprise en particulier, parfois aussi de la politique. On peut aussi parler de bureaucrate.

[3] Il est difficile de donner une définition plus précise,  car il est impossible de donner une définition ni même un critère juridique ou économique des affaires. Par conséquent, aucune notion ne cerne le cadre spécifique de la

délinquance d’affaires.

[4] Aux termes de l’article 63 de la loi 05-96 du 13 février 1997 : « dans les rapports entre associés, les pouvoirs des gérants sont déterminés par les statuts, et dans le silence de ceux-ci, chaque associé peut effectuer tout acte de gestion dans l’intérêt de la société ». cet article ajoute « dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés ».

Le principe de la responsabilité des gérants est posé par l’art 67 qui prévoit que ceux –ci sont responsables individuellement ou collectivement, envers la société ou envers les tiers, s’ils commettent des infractions aux dispositions légales applicables aux sociétés à responsabilité limitée. 

[5] Art 6 de la loi 05-96 du 13 février 1997 : « tous les associés sont gérants, sauf stipulation contraire des statuts qui peuvent désigner un ou plusieurs gérants, associés ou nom, ou en prévoir la désignation par un acte ultérieur… »

[6] Art 21 de la loi 05-96 : « les dispositions relatives aux sociétés en nom collectif sont applicables aux sociétés en commandite simple, sous réserve des règles prévues au présent chapitre ».

[7] Art 32 de la loi 05-96 : « Le ou les premiers gérants sont désignés par les statuts. Ils accomplissent les formalités de constitution dont sont chargés les fondateurs de sociétés anonymes. Aux cours de l’existence de la société, sauf clause contraire des statuts, le ou les gérants sont désignés par l’assemblée générale ordinaire des actionnaires avec l’accord de tous les associés commandités… »

[8] Art 74 de la loi 17-95 « …le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour  agir en toutes circonstances au nom de la société. »

[9] Art 76 de la loi 17-95 « les administrateurs non dirigeants sont particulièrement chargés au sein du conseil, du contrôle de la gestion et du suivi des audits internes et externes. Ils peuvent constituer entre eux un comité des investissements et un comité des traitements et rémunérations. »

[10] Paul Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien, 2ème édition, 2003, p213.

[11] Ainsi, l'article 100 de la loi 05-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation, dispose dans son titre VII relatif aux infractions et sanctions pénales « visant les gérants des sociétés objet de la présente loi seront applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura en fait , exercé la gestion de ces sociétés sous le couvert ou aux lieu et place de leurs représentants légaux. ».

Dans des termes identiques, l'article 374 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes précise que les dispositions de son titre XIV relatives aux sanctions pénales « visant les membres des organes d'administration, de direction ou de gestion seront applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura, en fait, exercé la direction, l'administration ou la gestion des sociétés anonymes sous le couvert ou aux lieu et place de leurs représentants légaux ».

[12] Art 540 du C.pén : «Quiconque, en vue de se procurer ou de procurer à un tiers, un profit pécuniaire illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses, ou par la dissimulation de faits vrais, ou exploite astucieusement l'erreur où se trouvait une personne et la détermine ainsi à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est coupable d'escroquerie et puni de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 500 à 5.000 dirhams.

[13] Art540 du C.pén : « La peine d'emprisonnement est portée au double et le maximum de l'amende à 100.000 dirhams si le coupable est une personne ayant fait appel au public en vue de l'émission d'actions, obligations, bons, parts ou titres quelconques, soit d'une société, soit d'une entreprise commerciale ou industrielle. »

[14] Art 547 du C.pén : « Quiconque de mauvaise foi détourne ou dissipe au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, soit des effets, des deniers ou marchandises, soit des billets, quittances, écrits de toute nature contenant ou opérant obligations ou décharges et qui lui avaient été remis à la condition de les rendre ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé, est coupable d'abus de confiance et puni de l'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 200 à 2.000 dirhams.

Si le préjudice subi est de faible valeur, la durée de la peine d'emprisonnement sera d'un mois à deux ans et l'amende de 200 à 250 dirhams sous réserve de l'application des causes d'aggravation prévues aux articles 549 et 550. »

[15] Art 357 du C.pén : « Toute personne qui de l'une des manières prévues à l'article 354 commet ou tente de commettre un faux en écritures de commerce ou de banque est punie de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 250 à 20.000 dirhams.

Le coupable peut, en outre, être frappé de l'interdiction de l'un ou plusieurs des droits mentionnés à l'article 40 et d'une interdiction de séjour qui ne peut excéder cinq ans.

La peine peut être portée au double du maximum prévu au premier alinéa lorsque le coupable de l'infraction est un banquier, un administrateur de société et, en général, une personne ayant fait appel au public en vue de l'émission d'actions, obligations, bons, parts ou titres quelconques, soit d'une société, soit d'une entreprise commerciale ou industrielle ».

[16]  Après la publication de loi n° 42-10 portant organisation des juridictions de proximité afin de désengorger les tribunaux de première instance.ces juridictions de proximité sont compétentes jusqu’à la valeur de 5000 DH. Elles sont compétents  en dernier ressort pour des actions personnelles et mobilières n'excédant pas le montant de 5 000 dirhams, à l'exception des affaires de statut personnel et de celles se rapportant à l'immobilier, aux affaires sociales et à l'expulsion;

[17] Art 351du C. Pén : « Le faux en écritures est l'altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie dans un écrit par un des moyens déterminés par la loi ».

[18] Art 379-dernier alinéa de la loi 17-95 :« 4) ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature une évaluation supérieure à sa valeur réelle ». Et l’art 106 de la loi 05-96 : « Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2.000 à 20.000 dirhams ou de l'une de ces peines seulement, les gérants qui auront, frauduleusement, fait attribuer à un apport en nature, une évaluation supérieure à sa valeur réelle. ».

[19] Art 378 de la loi 17-95 dispose : « Seront punis d' une amende de 4.000 à 20.000 dirhams, les fondateurs, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui auront émis des actions, soit avant l' immatriculation de ladite société au registre du commerce, soit à une époque quelconque, si l' immatriculation a été obtenue par fraude, soit encore sans que les formalités de constitution de ladite société aient été régulièrement accomplies. Un emprisonnement de un à six mois pourra, en outre, être prononcé si les actions ont été émises sans que les actions de numéraire aient été libérées à la souscription d’un quart au moins ou sans que les actions d’apport aient été intégralement libérées antérieurement à l’immatriculation de la société au registre du commerce. Seront punies des peines prévues à l’alinéa précédent, les mêmes personnes qui n'auront pas maintenu les actions de numéraire en la forme nominative jusqu'à leur entière libération. Les peines prévues au présent article pourront être portées au double, lorsqu'il s'agira de société anonyme faisant publiquement appel à l’épargne ». l’art 114 de la loi 05-96 énonce : « Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2.000 à 30.000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement, les gérants d'une société à responsabilité limitée qui auront émis, pour le compte de la société, des valeurs mobilières quelconques, soit directement soit par personne interposée ».

[20] Art 379 de la loi 17-95 énonce : « … 2) ceux qui, sciemment, par simulation de souscriptions ou de versements, ou par publication de souscriptions ou de versements qui n'existent pas ou de tous autres faits faux, auront obtenu ou tenté d' obtenir des souscriptions ou des versements;3) ceux qui, sciemment, pour provoquer des souscriptions ou des versements, auront publié les noms de personnes, désignées contrairement à la vérité comme étant ou devant être attachées à la société à un titre quelconque;..)

[21] Art 384 de la loi 17-95 dispose : « …. 3) qui, de mauvaise foi, auront fait, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts économiques de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ;4) qui, de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu'ils possédaient et/ou des voix dont ils disposaient, en cette

Qualité, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts économiques de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ». L’art 107 de la loi 05-96 prévoit le même délit dans des termes identiques que la loi 17-95.

[22] Art384 de la loi 17-95 : « … 2) qui, même en l' absence de toute distribution de dividendes, auront sciemment publié ou présenté aux actionnaires, en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des états de synthèse annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine, à l' expiration de cette période;.. ». l’art 107 de la loi 05-96 prévoit les mêmes dispositions.

[23] Art 384 de la loi 17-95 : « … 1) qui, en l’absence d’inventaire ou au moyen d’inventaires frauduleux, auront, sciemment, opéré entre les actionnaires la répartition de dividendes fictifs ;… ».l’art 107 de la loi 05-96 reprend les mêmes termes.

[24] Art 388 de la loi 17-95 : « Seront punis d' une amende de 60.000 à 600 000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui n'auront pas réuni l' assemblée générale ordinaire dans les six mois de la clôture de l' exercice ou pendant la période de sa prorogation ou, qui n'auront pas soumis à l' approbation de ladite assemblée les états de synthèse annuels et le rapport de gestion. ».L’art 110 al-dernier de la loi 05-96 prévoit les mêmes dispositions.

[25] Art 403 de la loi 17-95 énonce : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 10.000 à 50.000 dirhams, ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui n'auront pas provoqué la désignation des commissaires aux comptes de la société ou ne les auront pas convoqués à toute assemblée d' actionnaires. ». L’art 104-al2 de la loi 05-96 dispose : « Les dispositions de l'article 403 de la loi précitée sont applicables aux gérants de la société si celle-ci est tenue de désigner un ou plusieurs commissaires aux comptes ».

[26] Art 406 de la loi 17-95 dispose : « Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 6.000 à 30.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion ou toute personne au service de la société qui auront, sciemment, mis obstacle aux vérifications ou contrôles des experts ou des commissaires aux comptes nommés en exécution des articles 157 et 159 ou qui leur auront refusé la communication sur place de toutes les pièces utiles à l' exercice de leur mission, et notamment de tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux. ». Les mêmes dispositions sont prévues par l’art 104 de la loi 05-96 dans son dernier alinéa

[27] Dahir  du 21 septembre 1993 relatif au conseil déontologique des valeurs mobilières (cdvm) et aux informations exigées des personnes morales faisant appel public à l’épargne. BO.N°4223p.520.

[28] Cass.du 19 oct.1995.rev.soc1996p.323, note Bouloc.

[29] Voir note sous les arrêts du 11 Mars1993,Rev.SC.Crim.1994.101.STEFANI-LEVASSEUR ET BOULOC, Droit pénal général, 15ème édition.N°362. 

[30] - La faute par omission : Elle découle d'une attitude passive ou négligente du dirigeant. Se désintéresser de la gestion d'une société en la laissant à un dirigeant de fait, ne pas tenter de prévenir une situation déficitaire, ne pas mettre en œuvre de procédure de sauvegarde peuvent constituer une faute de gestion.

- La faute par commission : Cela recouvre la réalisation d'actes de gestion contraires à l'intérêt de la société. On peut citer à titre d'exemple un investissement excessif au regard de la situation financière de l'entreprise, la poursuite d'une exploitation déficitaire, des emprunts supérieurs aux capacités de remboursement de l'entreprise. Il s'agit généralement de mauvais résultats de gestion mais le simple fait de ne pas avoir atteint les objectifs fixés n'est pas répréhensible. Les fautes par commission, comme celles par omission, engagent la responsabilité civile des dirigeants.

[31]  Le délit de banqueroute est prévu par la loi -05-96 formant code de commerce aux articles 721à723. Ces articles figurant au chapitre  III du titre V du livre V de cette loi intitulée les difficultés des entreprises.

[32] Article 721 : « En cas d’ouverture d' une procédure de traitement, sont coupables de banqueroute les

Personnes mentionnées à l’article 702 contre lesquelles a été relevé l’un des faits ci-après:

1) avoir dans l' intention d' éviter ou de retarder l' ouverture de la procédure de traitement, soit fait des

achats en vue d' une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se

Procurer des fonds;

2) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur;

3) avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur;

4) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou

de la société ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait l’obligation. »

[33] art 722 : « Article 722 : La banqueroute est punie de un an à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 10.000 à 100.000 dirhams ou d' une de ces deux peines seulement. »

[34] Paul Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien, 2ème édition, 2003, page285

[35] Cité dans : « La responsabilité des dirigeants des sociétés commerciales », mémoire collectif préparé sous la direction du Professeur Yves Chaput, Université de paris I Panthéon, année académique 2004-2005.

[36] cassation.crim, 14 décembre 1999

[37] (cass.Crim, 22 avril 1996)

[38] (Cass. Crim., 31 mai 1983, n°82-93578)

[39] Cass. Crim 4 juin 1998

[40] (Cass. Ch. Crim, 3 janvier 1964, Gaz. Pal. 1964. 1. 313, Rev. sc. Crim, 1965, p. 651, obs. Legal ; Cass. Crim, 11 mars 1993, Bull Crim, n° 112, p. 270)

[41] (Cass. Ch. Crim, 22 mars 1995, pourvoi n°94-80117)

[42]  (Cass. Ch. Crim, 30 avril 2002, n°01-84405)

[43] (Cass. Ch. Crim., 20 octobre 1999, n°98-83562)

[44] (Cass. Crim, 21 octobre 1975, n°75-90427)

[45]  (Cass. Ch. Crim, 21 novembre 1973, Bull Crim, n°431)

[46]  Dahir du (26 NOVEMBRE 1962) PORTANT APPROBATION DU TEXTE DU CODE PÉNAL.

[47] (Chambre criminelle, 09/03/1976)

[48] La Loi Perben II, ou plus précisément la « loi du 9 mars 2004 portant sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité », est une loi française essentiellement destinée à lutter contre la « délinquance » et la criminalité organisée. Elle a été publiée le 10 mars 2004 dans le Journal officiel et tire son nom du garde des sceaux du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, Dominique Perben (UMP)

[49] Art 384 du code des sociétés

[50] Art 348 de la loi 17-95 relative  aux sociétés  anonymes.

[51]  La loi  05-96. Art 107

[52] Madame Annie soulignait le manque de logique dans cette différenciation lors d’un colloque tenu à paris en 2004

[53] L’article. 384,3°4° du code des sociétés commerciales

[54]  Cass. Crim. 8 déc. Rev. Soc. 1972 p .  514

[55] Rouen 20 avr. 1977 / 20 p. 14.

[56] (Crim. 25 nov. 1975, Bull.crim. n° 257 , JCP 1976, II, 18476 note Delmas-Marty)

[57] ( Crim. 28 janvier 2004, RJDA 6/2004 n°4)

[58] en 1972 (Crim. 15 mars 1972, Bull. crim n°107)

[59] Voy. B. BOULOC. Pal. 1996 p .20

[60] Rouén 20 avr. 1977 B.R.D.A. 1977/20 P. 14

[61] Madame le Professeur Corinne Mascala

[62] (Crim. 10 juillet 1995 bulletin crim. n° 253

[63] Cass. Crim 25 nov. 1995, Bull Crim. 1975 n°257.

[64] Madame le professeur  Corinne Mascala

[65] (Crim.3 fév.1970 , Bull.crim.n° 47).

[66] (Crim. 20 juin 1996, Bull.crim. n°271). ».

[67]  (Arrêt Rosemain Crim. 11 janvier 1996 , Bull.crim. n°21, Dr.pénal 1996, comm. n° 108; Rev.soc. 1996, 586 note Bouloc. En l'espèce, les dirigeants d'une société avaient constitué une caisse noire en prélevant périodiquement des fonds dans la trésorerie de l'entreprise, pour rémunérer des travailleurs dissimulés

[68] (Olivier de Benoist, Marc-Antoine Maury, Alain Monkam : l'abus de biens sociaux et les actes anormaux de gestion, Maîtrise en droit privé, mention droit des affaires et droit fiscal - 1996-97, Faculté Jean Monnet - Université Paris-Sud

[69] ».( CA Paris 23 mars 1999, JCP, E, 1999 p. 1657) qui peuvent être d'ordre pénal ou fiscal (Cass.crim. 10 mars 2004, D. 2004, AJ, p.1240).

[70] Cass. Crim. 10 juil. 1995 J.CP 199 ? 2D.G.II-22572 , J.PAILLUSEAU.

[71] (articles 703 à 710).

[72] (articles 711 à 720).

[73] Crim. 11 mai 1995, Bull. n° 172 ; 23 oct . 1997, JCP 1999, E,321

[74]  29 mars 2000, Bull. n° 141

[75] Art. L. 123-14 alinéa 1 et L. 123-17 du code de commerce.

 

[76] Par ex. Cass.crim. 10 avril 1995, Rev.proc.coll. 1996,p.137 n°5 obs . C. Mascala)

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