Introduction
générale :
Le régime de la
responsabilité[1] pénale des dirigeants de l’entreprise touche à la matière du droit
pénal des affaires, à la matière du droit pénal économique, à la matière de la
délinquance en col blanc[2] ou encore à la matière de l’intervention du droit pénal dans la
vie des affaires.
Ce régime, qui
est régi par un arsenal de règles juridiques qui trouvent leur source dans des
textes législatifs et dans la jurisprudence, constitue la pierre angulaire du
droit pénal des affaires en général et du droit des sociétés et des entreprises
en difficulté en particulier. Le droit pénal des affaires se présente comme une
constellation hétérogène d’infractions. Cela tient essentiellement à
l’approximation du terme affaires. En effet, l’expression affaires renvoie
aussi bien au droit commercial qu’aux droit civil, fiscal, du travail, de la
concurrence, etc. cette expression n’a guère de borne juridique à la différence
du droit des sociétés ou du droit commercial.
Nonobstant
cette difficulté de définition, le droit pénal des affaires peut s’entendre de
l’ensemble des règles de droit relatives d’une part aux infractions
susceptibles d’être caractérisées dans la vie des affaires et d’autre part à
l’ensemble des règles économiques qui peuvent être sanctionnées
pénalement. [3]
Force est de
constater qu’il n’existe pas en droit marocain à l’instar du droit français
d’un code pénal des affaires qui regrouperait toutes les infractions ce qu’on
qualifierait, de ce fait, de délinquance d’affaires . En effet, le droit
pénal des affaires s’efforce d’imposer la loyauté dans le monde des affaires,
pour assurer la sécurité des transactions et dans l’intérêt des affaires en
général.
Il a deux rôles
: Le premier est un rôle préventif en ce
sens que le législateur a réglementé l’accès aux doubles professions
commerciales et industrielles, afin d’enfermer l’accès aux gens douteux. Le second tient à un rôle répressif dans la
mesure où le législateur sanctionne certains comportements intolérables
pratiqués par certains hommes d’affaires. En somme, le droit pénal des affaires
vise la protection des intérêts patrimoniaux et moraux de la communauté sociale
par la prévention et la répression des agissements portant atteinte au
fonctionnement harmonieux et à la transparence du système économique. Ce droit
collabore donc à travers les mêmes mécanismes et principes du droit pénal
général, à la protection des intérêts économiques et financiers de la société.
Certains auteurs parlent même du droit pénal économique qu’on peut définir
comme étant une législation qui s’occupe à prévenir et à réprimer des
infractions englobant pratiquement tous les domaines de l’activité économique
de production, de circulation et de consommation des biens et services.
La délinquance
économique soulève des questions juridiques, criminologiques, sociales et
éthiques.
Les questions
juridiques concernent notamment l’application des principes généraux du
droit pénal par ex : la mise en œuvre de
l’imputabilité morale ou de l’état de nécessité. Les questions criminologiques
mettent spécialement en exergue ce qui est communément appelé « le chiffre noir
», à savoir la délinquance non apparente, non découverte, non répertorié. Les
questions sociales, quant à elles, insistent sur les répercussions économiques
et sociales qui frappent les tiers, spécialement les travailleurs, touchés
indirectement mais parfois plus durement que les dirigeants indélicats, par les
sanctions pénales prononcées contre les entreprises.
Enfin, les
questions éthiques s’interrogent sur la nécessité de l’intervention du droit
pénal à l’encontre des entreprises.
Il va sans dire
donc que l’entreprise, agent économique, dont la fonction principale est la
production de biens et services destinés à être vendus sur un marché, forme une
partie importante du tissu économique d’un pays donné dans un moment donné.
Elle se trouve de ce fait-là au noyau de l’arsenal diversifié et complexe du
droit pénal des affaires.
De nos jours,
l’entreprise vit au sein d’un système
hyper complexe en ce sens qu’elle doit être appréhendée d’une manière
dynamique. Les multiples variables quantitatives et qualitatives, directes et
indirectes, externes et internes influençant les décisions rendent difficile la
gestion des entreprises, d’autant qu’elles sont en interdépendance tout en
étant parfois des antagonistes.
Dans cet
esprit, l’entreprise se trouve donc investie de responsabilités de nature
diverse. Ces responsabilités sont censés être assumées et exercées au nom de
l’entreprise par ses dirigeants qui sont tenus à rendre compte aux différents
acteurs de la vie économique et sociale intéressés par ses actions de manière
directe ou indirecte. Le dirigeant de l’entreprise expose donc cette dernière à
des risques de condamnation morale, sociale et/ou juridique. Le dirigeant a
donc un pouvoir de protection de l’intégrité morale et patrimoniale de son
entreprise et ce tout au long de l’existence de celle-ci, pour le meilleur et
pour le pire.
Force est de
préciser qu’il n’existe aucune définition juridique de la notion de dirigeant
de l’entreprise bien qu’elle soit parfois utilisée par les textes sous des
appellations diverses et variées dont la plus usitée est celle de chef
d’entreprise. Cela présente un intérêt évident du point de vue de
l’identification des personnes, dites dirigeantes, pénalement responsables et
les réponses ne semblent pas être aisées, notamment en ce qui concerne le droit
marocain des sociétés.
Pour approcher
utilement cette notion pour la présente étude, on notera que la doctrine et la
jurisprudence (notamment françaises) s’accordent pour considérer comme dirigeant,
celui qui exerce des pouvoirs d’administration et/ou de direction et de gestion
de l’entreprise, prend à cet effet des décisions qui engagent l’entreprise
vis-à-vis de ses partenaires internes et externes et veille à leur exécution
par des instructions données aux structures de la société. Sur cette base,
elles distinguent, ainsi que la loi, le dirigeant de droit et le dirigeant de
fait d’une part, et le dirigeant en fonction et le dirigeant ayant cessé ses
fonctions d’autre part.
On essaiera à travers
cette étude à présenter ces différentes notions en se plaçant essentiellement
sur le champ du droit des sociétés et du droit des entreprises en difficulté en
considérant l’entreprises comme une forme sociétaire jouissant de la
personnalité morale.
Tout ceci nous
amène donc à poser la question suivante : quelles sont donc les conditions
de la mise en œuvre de la responsabilité pénale des dirigeants des
l’entreprise d’un côté et de l’autre
côté celles qui tiennent plutôt à leur irresponsabilité ?
Il va falloir
donc traiter la question dans sa globalité et ce en procédant à une étude dans
une première partie des conditions d’engagement de la responsabilité pénale des
dirigeants de l’entreprise dans un
premier chapitre tandis que le second sera consacré aux conditions
d’exonération de leur responsabilité pénale. La seconde partie, fera l’objet,
quant à elle, d’une illustration du régime de responsabilité pénale des
dirigeants de l’entreprise à travers le cas de deux infractions principales qui
nous paraissent les plus pertinentes par leur actualité et leur importance
du point de vue de la problématique de la responsabilité pénale des dirigeants,
l’une concernant le droit de l’entreprise in bonis, l’abus des biens sociaux
(ABS),et elle sera traitée dans le premier chapitre tandis que l’autre
concernant, l’entreprise en difficulté, la banqueroute, sera analysée dans un
second chapitre.
En effet, le
domaine de la responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise est très
vaste et très varié. Le droit ayant investi, et continuant à investir, tous les
domaines des activités économiques et industrielles des entreprises, les
obligations pesant sur l’entreprise et ses dirigeants tendent à se multiplier
et à se diversifier. Le non respect de ces obligations expose le dirigeant à
des risques de sanctions civiles mais aussi de plus en plus pénales. Aux
risques pénaux communs, découlent des lois et règlements généraux édictés pour
toutes les entreprises( droit des sociétés, droit du travail et droit social,
droit fiscal, droit de l’entreprise en difficulté, droit de la concurrence…),
s’ajoutent les risques pénaux spécifiques aux secteurs d’activités propres aux
entreprises liés aux obligations particulières mises à la charge des
entreprises par les lois et règlements régissant ces secteurs.
Aborder le
problème de la responsabilité pénale du dirigeant de l’entreprise sous l’angle de tous ces
droits serait certes intéressant mais dépasserait le cadre de notre étude. Or
nous estimons que ce régime s’est d’abord forgé dans le terreux du droit des
sociétés commerciales et du droit de l’entreprise en difficultés, notamment en
France.
Par ailleurs,
la modernisation du droit marocain des affaires au cours de la dernière
décennie du 20ème siècle, illustrée notamment par la réforme du
droit des sociétés et la réforme du code de commerce, profondément inspirée de
la législation française, a également touché la responsabilité pénale du
dirigeant de l’entreprise marocaine comme l’atteste l’arsenal des sanctions
pénales édictées par ces textes. L’étude de ce régime, en se fondant sur les
solutions dégagées notamment par la jurisprudence et la doctrine françaises en
la matière, paraît donc pertinente et pourrait permettre de préciser la portée
du régime de la responsabilité pénale à appliquer au cas marocain et contribuer
ainsi à éclairer les tribunaux marocains sur les solutions à retenir aux cas
d’espèces, notamment aux affaires concernant les biens sociaux et la
banqueroute.
Force est de
prévoir que ce régime de la responsabilité des dirigeants de l’entreprise
pourrait, dans les années à venir, prendre une importance particulière dans le
contexte marocain caractérisé par la volonté des pouvoirs publics d’introduire
une plus grande transparence dans les affaires et d’assainir le fonctionnement
de l’économie afin d’améliorer l’attractivité des investissements, notamment
étrangers, à la recherche d’un environnement juridique sain et d’une justice
impartiale.
La 1ère partie : la responsabilité pénale du dirigeant
de l’entreprise : Entre pénalisation et
dépénalisation
La responsabilité pénale d’une personne
est engagée lorsqu’elle commet une infraction à la loi sanctionnée par une
peine (Amende, emprisonnement, etc..), laquelle infraction comprend trois
éléments constitutifs :
Tout d’abord,
un élément légal qui signifie que l’infraction doit être prévue par une
disposition légale, ensuite, un élément matériel qui a pour objet un
comportement humain, de manifestation extérieure de l’infraction (par action ou
omission) et enfin, un élément moral qui tient à l’intention ou à la volonté de
commettre l’infraction.
Ce sont
évidemment ces mêmes principes qui président au régime juridique de la
responsabilité pénale en droit des affaires et plus précisément de la
responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise. Engage donc sa
responsabilité pénale tout dirigeante d’entreprise qui, dans l’exercice de sa
fonction de « chef d’entreprise ayant un pouvoir de commandement et
d’instruction » commet une infraction prévue par la loi et pour lequel sont
retenus un fait matériel et une intention délibérée et volontaire de commettre
ce fait.
Encore faut-il
définir ce qu’on entend par « dirigeant d’entreprise » ? En effet, la
jurisprudence et la doctrine notamment françaises distinguent, ainsi d’ailleurs
que la loi, entre le dirigeant de droit et le dirigeant de fait d’une part, et
le dirigeant en fonction et le dirigeant ayant cessé ses fonctions d’autre
part.
L’erreur à
éviter est de penser que seul le dirigeant de droit est responsable puisque
désigné dans les statuts de la société. En effet, l’inscription d’un patronyme
dans le pacte social ne fait pas obstacle à la recherche d’une autre
responsabilité comme celle du dirigeant de fait.
Le dirigeant de
droit est la personne titulaire de la fonction de direction, désignée par les
statuts de la société ou par la loi pour exercer les pouvoirs qui s’attachent à
cette fonction de direction et de gestion prévue par le texte régissant le type
de société considérée.
Partant de ce
double critère de la fonction et des pouvoirs, il est relativement aisé
d’identifier les dirigeants pénalement responsables pour ce qui est de des
dirigeants de la société à responsabilité limitée, et de la société en nom
collectif, et de la société en commandite simple et de la société anonyme
simplifiée. Pour ce qui est de la société anonyme et de la société en
commandite par actions, elles posent, à notre avis, quelques problèmes au
regard du double critère de la fonction et des pouvoirs.
Dans la SARL,
la direction de la société est désignée sous l’appellation de gérance et la
fonction de dirigeant est assurée par un ou plusieurs gérants personnes
physiques[4].
A l’inverse
de SARL, la pluralité des gérants est de
droit[5] en ce qui concerne la
gérance de la société en nom collectif, sauf si les statuts désignent un ou
plusieurs gérants parmi les associés qui doivent tous avoir la qualité de
commerçants. Les mêmes dispositions qui sont prévues pour la SNC, pour ce qui
est du dirigeant de droit sont applicables à la société en commandite simple[6]. Pour la société en commandite par actions la loi distingue deux
types de dirigeants de droit[7].Cette distinction a pour but de fixer les limites de la
responsabilité pénale du dirigeant de la SNA selon qu’il est premier gérant,
donc ayant la qualité de fondateur, ou gérant au cours de l’existence de la
société c'est-à-dire postérieurement à la date de l’acquisition par la société
de la personnalité morale par l’effet de son immatriculation au registre de
commerce. Sauf à être reconduite par l’assemblée générale ordinaire pour être
gérant après l’acquisition de la personnalité morale, la personne investie de
la fonction de premier gérant n’engagerait sa responsabilité pénale qu’au titre
des infractions relatives à la constitution de la société. Le gérant dit «
permanent » ne verrait sa responsabilité pénale engagée que pour les faits
constitutifs d’infractions prévues par la loi 05-96 autres que celles relatives à la constitution commis
postérieurement à sa désignation comme gérant « au cours de l’existence de la
société » laquelle « existence » n’étant juridiquement établie qu’à compter de
l’immatriculation qui lui confère la personnalité morale.
En ce qui
concerne les sociétés anonymes, le titre XIV
intitulé sanctions pénales de la loi 17-95 sur les SA mentionne dans
l’article 373 : « l’expression « membres des organes d’administration, de
direction ou de gestion » désigne :
Dans les
sociétés anonymes à conseil d’administration, les membres du conseil
d’administration y compris, le président et les directeurs généraux extérieurs
au conseil et les directeurs généraux délégués ;
Dans les
sociétés anonymes à directoire et à conseil de surveillance, les membres de ces
organes selon leurs attributions respectives. »
En effet, les
fonctions de président et de directeurs généraux ne soulèvent pas de
difficultés dans la mesure où, à ces fonctions, correspondent des pouvoirs de
direction et de gestion suffisamment déterminés pour les considérer comme des
dirigeants de droit pénalement responsables[8]. Seulement ce qui fait difficulté ce sont les autres membres du
conseil d’administration, et plus précisément les administrateurs. Peuvent-ils
être considérés comme des dirigeants de droit au sens de titulaires d’une
fonction impliquant des pouvoirs de gestion et de direction et pouvant par
conséquent entraîner la mise en jeu de leur responsabilité pénale ? La question
peut paraître superflue du point de vue d’une interprétation stricte des
dispositions de la loi 17-95 et notamment celles de son titre 14 susvisé : ce
titre semble en effet viser tous les membres des organes du conseil
d’administration y compris les administrateurs. La question mérite pourtant
d’être examinée à la lumière de certains éléments, certes peu nombreux, empruntés
à la loi, à la jurisprudence et à la doctrine.
Tout d’abord,
la loi confère certes aux administrateurs, à travers les pouvoirs du conseil
d’administration, les pouvoirs les plus étendus pour prendre en toutes
circonstances toutes décisions nécessaires à la réalisation de son objet
social, au nom de la société et ce conformément à l’article 69 de la loi17-95
sur la SA. Mais elle distingue aussi entre les administrateurs dirigeants et les administrateurs non dirigeants[9]. Or, les fonctions de contrôle de la gestion et du suivi des
audits sont injustement à l’opposé de la direction et de la gestion et relèvent
plutôt du « gouvernent d’entreprise » qui préconisent la séparation des deux
types de fonction avec les conséquences que cela peut signifier pour la partie
susceptible de se voir engager sa responsabilité pénale.
Cette
distinction est admise par la doctrine française. En effet, et bien que les
dispositions du code de commerce français applicables aux sociétés commerciales
ne font pas de distinction entre l’administrateur-dirigeant et l’administrateur
non dirigeant, cette doctrine française éprouve des incertitudes quant à la
véritable nature de la fonction d’administrateur. Ainsi le professeur Paul Le
Cannu[10] souligne l’ambigüité qui entoure la nature de la fonction
d’administrateur non dirigeant, dont les tâches ne sont pas comparables à
celles de la direction générale et qu’on ne peut ranger parmi les mandataires
sociaux car la réalité des pouvoirs appartient au conseil et non pas aux
administrateurs individuellement.
Il apparaît
donc, du moins en droit dans le cas marocain, que la responsabilité pénale du
dirigeant de droit de la société anonyme à conseil d’administration ne concerne
que les administrateurs dirigeants à l’exclusion des administrateurs non
dirigeant.
Quant au cas de la société anonyme à
directoire et à conseil de surveillance, si l'identification, en droit marocain
des sociétés, du dirigeant de droit ne pose pas de problèmes en ce qui concerne
les membres du directoire, l'absence de distinction expresse par ce droit, à
l'instar de la SA, entre administrateur dirigeant et administrateur non
dirigeant autorise-t-elle les mêmes interprétations ?
Opérant une
distinction entre la gestion et la direction de la Société Anonyme, qui sont attribuées
au directoire, et la surveillance de sa gestion attribuée au conseil de
surveillance, la doctrine française estime que « le conseil de surveillance ne
participe pas à la gestion et n'assume aucune fonction de direction ; donc ses
membres ne peuvent se voir appliquer une quelconque responsabilité en vertu de
la loi du 25 janvier 1985. La limite de cette « « intouchabilité » des membres
du conseil de surveillance est leur cantonnement strict au rôle que leur a
attribué la loi du 24 juillet 1966 »16(*) . Par exemple « les membres du
conseil de surveillance ne peuvent être condamnés en tant que dirigeants de
droit au comblement du passif et aux autres sanctions frappant ces dirigeants
dans le cadre des procédures collectives », sauf s'ils s'immiscent dans la
gestion, auquel cas ils peuvent être poursuivis et condamnés en tant que
dirigeants de fait.
Bien que le
problème soit posé de manière identique en droit marocain, il ne semble pas que
ces analyses soient, du point de vue d'une stricte interprétation du droit
pénal, admises dans le cas du conseil de surveillance de la SA marocaine à
directoire et conseil de surveillance. En effet, si dans le cas de la SA à
conseil d'administration, la loi marocaine 17-95, dans son article76, laisse
entendre qu'une distinction puisse être faite entre l'administrateur non
dirigeant et l'administrateur dirigeant (ce qui n'est pas le cas de la SA
française), le silence de cette loi sur cette distinction en ce qui concerne
les membres du conseil de surveillance ne semble pas permettre d'enlever à la
totalité de ces membres la qualité de dirigeants de droit sur la base du seul
critère de la séparation entre les fonctions et les pouvoirs de direction
confiés au directoire et la fonction de contrôle de la gestion de ce directoire
confiées au conseil de surveillance. En d'autres termes, le critère de la
séparation des fonctions de direction et des fonctions de contrôle est
nécessaire mais il n'est pas suffisant. Il faut aussi que le législateur en
tire expressément les conséquences au plan de la qualité à attribuer au membre
du conseil de surveillance comme il l'a fait pour les membres du conseil
d'administration. En l'absence d'une telle volonté de la part du législateur,
et en application du principe de stricte interprétation des dispositions
pénales, peuvent engager leur responsabilité pénale, en application du titre
XIV de la loi 17-95, tous les membres du conseil de surveillance même si leur
fonction est strictement limitée au contrôle de la gestion du directoire.
Mais le législateur
a prévu aussi le cas d'exercice des fonctions de direction et de gestion par
des personnes sans y être régulièrement habilitées à cet effet. Ils prennent
donc des actes de gestion et de direction qui engagent la société vis-à-vis des
tiers ou assument, de fait, sa représentation. Se faisant, ils agissent en tant
que dirigeants de fait[11] à la place du dirigeant légal et doivent donc être tenus pour
responsables des infractions au titre de la direction de fait.
Ainsi après
l’identification du dirigeant pénalement responsable, il convient donc de
mettre en exergue dans un premier chapitre les conditions dans lesquelles sa
responsabilité pénale est engagée tandis que le second fera l’objet d’une étude
de l’effet exonératoire de sa responsabilité pénale.
En droit, la
responsabilité pénale du chef d’entreprise est de principe, les juges étant
assez sévères puisque même absent il peut voir sa responsabilité pénale
engagée. Mais il n’en reste pas moins qu’il peut s’exonérer en prouvant
l’existence d’une délégation de pouvoir. Pour ce faire le chef d’entreprise, le
délégant, va déléguer une partie de ses fonctions à un salarié, le délégataire.
Chapitre
1 : les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des dirigeants :
Il ne saurait
être question dans cette étude de traiter de l’ensemble des infractions ayant
trait aux différentes branches de droit
ni de les approfondir toutes, mais d’examiner les infractions les plus
classiques et les plus connues. Ainsi, il nous apparaît utile de limiter les cas
de figures de cette responsabilité aux infractions relatives aux règles de
droit commun et aux infractions spéciales prévues, notamment par le code du droit des sociétés commerciales et
le Titre V du Livre V du code de
commerce portant sanctions à l' encontre
des dirigeants de l’entreprise.
Section 1 :
infractions aux règles générales :
L’étude de ces infractions revêt, pour nous, une importance particulière et il ne saurait être question de les écarter
car elles permettent de mieux comprendre les autres infractions spéciales
(infractions au droit des sociétés et au droit des entreprises en difficulté)
qui seront précisées à l’occasion. Les délits de droit commun, communément
appelés des infractions aux règles générales, peuvent être relevés dans la
constitution et l’administration d’une société : escroquerie, abus de
confiance, faux et usage de faux. La seule remarque à faire est la large
application du délit d'abus de confiance (art.547C.pén), parce qu’il marque la
persistance du caractère juridique du mandataire qui est attribué aux
dirigeants et que les moyens par
lesquels les dirigeants peuvent s’approprier les fonds sociaux sont très
variés.
Au regard de
leur ressemblance nous allons étudier le délit d’escroquerie et d’abus de
confiance dans le premier paragraphe tandis que le second sera consacré, quant
à lui, au délit de faux et usage de faux.
Par 1 :l’escroquerie et abus de confiance :
L’escroquerie[12] est un délit tendant comme
le vol à l’appropriation frauduleuse de la chose d’autrui, mais la méthode
d’appropriation en diffère très nettement. Au lieu de soustraire la chose qu’il
convoite, l’escroc en provoque la remise volontaire par son possesseur à l’aide
de moyens frauduleux destinés à induire en erreur.
En effet,
l’escroquerie apparaît comme une infraction complexe nécessitant la mise en
mouvement de moyens caractérisés et très spécifiques. Il en résulte que la
preuve du délit reste asse délicate à rapporter dans bien des cas. Malgré une
interprétation extensive par la jurisprudence des éléments constituent de
l’infraction, cette méthode s’impose pour assurer la répression souhaitable ;
mais l’escroquerie constitue par excellence le domaine de délinquance d’astuce
et les tribunaux demeurent parfois impuissants en face de l’habilité sans cesse
renouvelée pour ne pas parler de génie déployé par certains délinquants. A ce
propos nous relevons deux remarques :
La première est
d’ordre sociologiques, l’escroc à la différence du voleur est généralement
intelligent car la fraude exige souvent une mise en scène perfectionnée. Il est
presque toujours adulte, souvent récidiviste.
La deuxième
remarque est d’ordre juridique. Bien que complexe et s’étendant souvent sur une
longue période, l’escroquerie est une infraction instantanée et non successive.
Ainsi, les
dirigeants sont déclarés coupables, en règle générale, lorsqu’ils ont employé
des manœuvres frauduleuses aux fins de procurer des fonds à leur entreprise.
Les manœuvres frauduleuses sont des plus diverses, et notamment :
Présentation de
bilans falsifiés pour obtenir un emprunt auprès d’une banque ;
Réalisation
d’une augmentation fictive de capital aux fins de tromper un prêteur
éventuel ;
Les manœuvres
doivent avoir été déterminantes dans la remise des fonds ou des valeurs ou dans la fourniture d’un service.
L’intention du dirigeant de commettre l’infraction doit par ailleurs
impérativement être établie.
La loi prévoit
une peine unique pour l’escroquerie et les infractions assimilables. L’article
540 prévoit une circonstance aggravante en cas d’appel au public[13]. L’aggravation des pénalités est attachée non à la qualité de
l’agent mais à la circonstance que l’infraction a été réalisée par le moyen de
l’appel au public. Ainsi, la circonstance aggravante a un caractère réel et no
personnel. Cependant, il y a appel public dès qu’une société ou firme
industrielle ou commerciale au lieu de s’adresser par des tractations
particulières à des capitalistes de son choix en vue de se procurer un capital
ou des moyens d’action supplémentaires sollicite le public par des procédés de
publicité quelconque annonces, journaux, prospectus, circulaires…
Les titres émis
peuvent être des titres de toute nature : actions, obligations, bons de caisse
et même des effets de commerce.
Qu’en
est-il maintenant de l’abus de confiance ?
L’article 547
du code pénal définit cette infraction[14] « quiconque de mauvaise foi détourne ou dissipe au préjudice des
propriétaires possesseurs ou détenteurs soit des effets, des deniers (argent
public) ou marchandises…est coupable d’abus de confiance ».
Cet article ne
réprime pas tous les abus moraux à la confiance d’autrui. Ce texte ne
sanctionne que les abus matériels, c’est-à-dire les détournements, les
dissipations d’une chose remise à charge de la vendre ou de l’utiliser d’une
certaine façon. C’est ce qui différencie cette infraction du vol car il n’y a
plus soustraction et par rapport à l’escroquerie car il y a absence de
manœuvres frauduleuses.
L’auteur de
l’abus de confiance détourne une chose qui lui a été remise d’une manière parfaitement
normale. L’article 547 ne parle pas de tentative, celle-ci ne pouvant être
caractérisée en matière de confiance ou on aperçoit difficilement quels sont
les actes qui pourraient constituer un commencement d’exécution du détournement
sans que ce détournement soit accomplit.
En résumé, on
peut dire pour qu’il y ait abus de confiance, il faut deux conditions :
confiance et abus.
La
confiance suppose qu’une chose ait été
remise par contrat, c’est-à-dire que celui qui a remis la chose a fait
confiance à celui à qui il l’a remise. C’est ce contrat qui est au contre de
l’infraction. Pour qu’il y ait abus de confiance, il faut trois conditions,
d’une part un détournement ou dissipation, d’autre part un préjudice et enfin
une intention frauduleuse.
Les dirigeants
d’entreprise sont déclarés coupables d’abus de confiance le plus souvent pour
avoir détourné des fonds qu’ils avaient
reçus en qualité de mandataire.
Il en est ainsi
du dirigeant qui avait reçu, à titre de mandat, les versements effectués par
des souscripteurs à une augmentation de capital, les avait affectés aux besoins
généraux de la trésorerie sociale, ladite augmentation ayant échoué, la société
avait déposé son bilan et les souscripteurs n’avaient pu rentrer en possession
des fonds remis.
Par 2 : le faux et usage de faux :
Le faux[15] englobe toutes les formes de tromperies, mensonges et déformations
d’écritures comptables. L’élément moral dans ce crime est très déterminant dans
la sentence prononcée par le juge. Le faux et’l’usage de faux est un crime qui
a souvent concerné des affaires mineures dans la jurisprudence marocaine. Les
tribunaux de commerce, qui ont le pouvoir de juger des affaires dont la valeur
dépasse 3.000 DH[16], ont été encombrés par ce genre d’affaires où la responsabilité pénale
des parties au litige est facile à démontrer.
Il faut
souligner que le droit pénal des affaires retient toujours la mauvaise foi des
auteurs de faux. Juridiquement, le faux est «toute altération frauduleuse de la
vérité de nature à causer un préjudice (sans définir lequel) et accomplie par
quelque moyen que ce soit…[17]». Cette définition juridique très vague, nous paraît-elle, «tente
en fait d’élargir le champ d’intervention de la loi et veut surtout suivre
l’évolution technique très dangereuse qui donne naissance au faux».
Le faux, à
notre point de vue, «englobe toutes les formes possibles de tromperies,
mensonges et déformation d’écritures ou de signatures qui peuvent naître à
l’occasion de contrats signés. Ou, comme c’est le cas, pour les billets de banque
lorsque c’est l’Etat qui en est victime».
Il faut dire
que la collectivité publique peut être aussi impliquée dans le cas d’écritures
comptables inexactes, tendant par exemple à baisser les droits d’impôts dus.
Pourtant, «la tolérance» de la loi oblige parfois à tempérer la définition de
l’usage de faux. Le code pénal marocain retient lui-même la notion de faux
comme un crime contre la paix publique, et «une atteinte à la confiance
publique». Ceci démontre en quelque sorte que «la mauvaise foi de l’auteur du
faux est claire et sans aucune équivoque. L’élément moral dans ce crime est
très déterminant dans la sentence prononcée par le juge».
Devant le juge,
ce sont les preuves matérielles qui prévalent. Le juge mesure aussi le degré du
préjudice causé par l’usage du faux. Au même titre que le degré de la
réparation demandée.
Souvent, les
amendes pénales accompagnant les sentences contre l’usage de faux sont très
élevées. Ceci pour dissuader les auteurs potentiels quant à la possibilité de
réaliser des gains au détriment d’autrui.
Est ainsi
constitutif de délit de faux, l’établissement de procès-verbaux d’assemblées
prétendument tenues et non effectivement réunies.
Cela dit, les
dirigeants peuvent se rendent coupables aussi d’autres infractions qu’on ne
pourrait pas toutes traitées ; il s’agit notamment du recel, du
blanchiment, de la discrimination, des atteintes au secret professionnel, de la
diffamation, de la banqueroute…
Section 2 :
infractions aux règles spéciales :
En effet, les infractions aux règles
spéciales sont diverses et nombreuses.
Elles concernent plusieurs branches de droit : les règles du droit
social ; Il s’agit notamment des accidents du travail, de la dissimulation
d’emploi, du prêt de main d’œuvre, du travail au noir, du délit d’entrave, du
non paiement du précompte des cotisations salariales, des atteintes à la
personne…, les règles du droit commercial ; Il s’agit notamment de
l’entente et de l’abus de position dominante, de la revente à perte, du refus
de vente, des prix imposés, du délit de contrefaçon, de la publicité
mensongère, de la corruption…,les règles du droit fiscal : la fraude
,l’évasion fiscale, les règles du droit de la consommation ;il y a lieu de
citer à titre d’exemple la publicité mensongère Etc. Il nous a apparu opportun
de distinguer sous cette rubrique entre d’une part les infractions relatives
aux règles du droit des sociétés (par1) et d’autre part celles tenant aux
règles du droit des entreprises en difficultés (par2).
Par1 : Infractions au droit des sociétés :
Ainsi, à titre d’exemple, en prenant en
considération l’ensemble des infractions à caractère pénal prévues par les
nouvelles lois sur les sociétés, on dénombre 338 infractions, dont 172
contenues dans 48 articles pour les sociétés anonymes. Du point de vue du
législateur, cette exhaustivité s’expliquait par la volonté de codifier la
plupart des obligations et de regrouper dans un seul texte l’essentiel des
infractions pénales et leurs sanctions en ce qui concerne la constitution, la
direction et l’administration de la société anonyme, ainsi que celles relatives
aux assemblées générales, aux modifications du capital social et à la
dissolution. Du point de vue des chefs d’entreprises, la responsabilisation des
dirigeants des sociétés, tant à l’égard des associés qu’à l’égard des tiers,
est une disposition fondamentale à consolider. Cependant, le risque serait que
cette disposition soit utilisée pour alimenter les différends à caractère
personnel. Le caractère familial des entreprises marocaines aurait dû conduire
à l’adoption de dispositions moins contraignantes, tout en réformant les textes
anciens dans le sens du renforcement des principes de la transparence et de la
modernité. D’ailleurs, les opérateurs économiques ont «voté cette loi avec les
pieds»: depuis la mise en vigueur de la loi sur les sociétés anonymes, ils ont
préféré se tourner vers d’autres formes de sociétés, et notamment la société à
responsabilité limitée qui, à leurs yeux, présente moins de contraintes, en
particulier sur le plan des sanctions pénales.
Force est
d’essayer d’établir une distinction entre ces infractions selon qu’elles sont
commises par les dirigeants lors de la constitution de la société où au cours
de la vie de cette dernière.
Pour les premières,
celles commises lors de la constitution de la société, ii y a lieu d’énumérer
quelques unes : Délit de surévaluation des apports en nature[18] , émission irrégulière des valeurs mobilières ;[19]simulation de souscriptions, de versements ou fausse publication[20]etc. Pour les secondes, celles commises au cours de la vie sociale, concernent le délit d’abus des biens sociaux,[21] la présentation des comptes annuels inexacts[22], la distribution de dividendes fictifs[23], défaut d’avis de réunion[24], non désignation d’un commissaire aux comptes[25], obstacle à la mission du
commissaire aux comptes[26]etc.
Force est de
constater, à la lumière d’une lecture du droit des sociétés commerciales
marocaines, que les principaux délits relatifs à l’administration de la société
sont l’abus des biens sociaux ou du crédit et des pouvoirs ou des voix. Il
existe un autre délit qui est un cas d’abus, mais qui n’est pas prévu par le
code des sociétés commerciales. C’est le délit habituellement dénommé délit
d’initié, prévu par ailleurs.[27] Ce délit est prévu par l’art .25 du dahir du 21 septembre 1993. Ce
texte énonce que « toute personne disposant, dans l’exercice de sa
profession ou ses fonctions, d’informations privilégiées et qui les aura
utilisées pour réaliser ou permettre sciemment de réaliser sur le marché, soit
directement, soit par personne interposée, une ou plusieurs opérations, sera
punie.. ». Le texte précise ce qu’il faut entendre
par « informations privilégiées » : il s’agit
de « Toute information relative à la marche technique, commerciale ou
financière d’un émetteur ou aux perspectives d’évolution d’une valeur
mobilière, encore inconnue du public et susceptible d’affecter la décision d’un
investisseur ». en effet, toute personne qui aura utilisé l’information
pour « réaliser directement une ou plusieurs
opérations » est présumée responsable. Un arrêt de la Cour de
cassation française[28]se prononce, en effet, sur la portée de cette présomption, en
observant que le dirigeant d’une banque avait utilisé les informations
privilégiées dont il disposait, révélant la situation financière critique de la
société dont était actionnaire, a revendu sur le marché à terme, pendant que
les titres étaient encore à la hausse, l’essentiel des actions qu’il détenait
de la société. Elle censure la décision de relaxe du banquier, car il
appartenait au prévenu de combattre la présomption édictée par la loi en
administrant la preuve contraire. Le dirigeant de la banque avait soutenu pour
sa défense, devant le Cour d’appel de renvoi, une délégation de pouvoirs consentie
à l’un de ses collaborateurs. Or, le dirigeant s’était constamment tenu informé
par un compte rendu quotidien de l’exécution de l’ordre de vente et avait donc
pris une part personnelle dans la commission de l’infraction. Il résulte de
cette espèce que le chef d’une entreprise peut échapper à la responsabilité
pénale pour une faute présumée en établissant qu’il a transféré sur autrui
l’obligation de veiller au respect de la réglementation, à la condition qu’il
n’ait pas pris une part personnelle à la réalisation de l’infraction[29]. Mais dans le cas présent, où de surcroit, la délégation de
pouvoirs était plus alléguée que démontrée, la culpabilité du dirigeant ne
pouvait être écartée.
D’après la
circulaire n°06/97 du C.D.V.M, les personnes susceptibles d’être mises en cause sont celles qui disposent, dans
l’exercice de leur profession ou de leur fonction d’informations privilégiées
sont, outre les dirigeants de droit, tout personnel non dirigeant de la société
émettrice ou de ses filiales, pourvu qu’il ait pu prendre connaissance d’une
information privilégiée. Le délit d’initié est puni, conformément à l’art 25 du
dahir du 21 septembre 1993, d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et/ou
d’une amende pouvant atteindre le quintriple du profit éventuellement réalisé,
sans qu’elle puisse être inférieure à200 000DH.
Par2 : Infractions au droit des entreprises en difficulté :
L’exercice d’une activité économique
connaît parfois des périodes de difficulté. Lorsque les affaires vont mal, le
droit pénal intervient pour assurer la protection de l’entreprise et les
créanciers de celle-ci, notamment en réprimant les actes frauduleux qui
mettraient gravement en péril plusieurs des intérêts en cause.
Dans de telle
entreprise, « éprouvant des difficultés de nature économiques,
financières, techniques, juridiques, etc », le législateur a prévu des
faits ou actes constitutifs d’infraction, laquelle consiste en « un acte ou une
omission interdits par la loi sous menace d’une peine.»[30]
Cela dit, les
infractions ayant pour cadre les entreprises en difficulté, objet de notre
étude, peuvent être définies comme un ensemble d’actes frauduleux ou omissions,
préjudiciables à l’entreprise et aux créanciers de celle-ci et dont se rendent
coupables le débiteur personne physique, les proches de celui-ci, les
dirigeants sociaux ainsi que toutes autres personnes y compris celles qui ont
participé à une procédure collective à quelque titre que ce soit.
Les dirigeants
de l’entreprise en difficulté peuvent ainsi commettre différents délits au
cours de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Le
débiteur, personne physique ou le dirigeant d’une personne morale qui sollicite
l’ouverture d’une procédure de sauvegarde n’échappe à toute sanction qu’au
titre de la banqueroute[31].
L’infraction principale qu’encourt le dirigeant de l’entreprise en difficulté
est le délit de banqueroute.
Au fil des
réformes, le champ d’application du délit de banqueroute a été étendu. Sont
visés non seulement les commerçants mais aussi notamment toute personne
exerçant une activité professionnelle indépendante et les dirigeants en droit
ou en fait des personnes morales de droit privé. En cas d'ouverture d'une
procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, le Code de
commerce énumère quatre faits répréhensibles, chacun d’eux étant constitutif du
délit de banqueroute (L.721)[32].
En pratique,
les tribunaux prononcent la culpabilité des dirigeants le plus souvent pour
détournement d’actif d’une part ou carence dans la comptabilité d’autre part.
Détournement
d’actif : De très nombreux faits sont qualifiés de détournement d’actif
par les tribunaux. Certains ont un caractère répréhensible évident. Il en est
ainsi notamment de la rémunération excessive des dirigeants ou de la prise en
charge par la société en redressement judiciaire des dépenses personnelles du
dirigeant et de son épouse.
Il en va
différemment lorsqu’il s’agit du détournement de clientèle. A partir de quel
moment intervient-il ? De nombreux groupes ont des clients communs à plusieurs
de leurs sociétés, qui ont souvent des activités imbriquées. Dès lors que l’une
de ses sociétés est en difficulté, comment éviter que les clients communs
reportent leurs commandes vers la structure jugée la plus pérenne ou la plus
réactive ? Comment aussi peut-on attendre d’un dirigeant d’une société en
difficulté qu’il laisse partir les clients à la concurrence plutôt que de les
orienter vers une autre structure dans laquelle il aurait un intérêt ?
La situation
des dirigeants est alors d’autant plus critique que l’intérêt de groupe ne peut
être invoqué comme fait justificatif et que la qualification de banqueroute ne
nécessite pas la recherche d’un intérêt personnel.
Carence dans la
comptabilité : La loi prévoit deux situations constitutives chacune du
délit de banqueroute.
En premier
lieu, il s’agit du fait d’avoir tenu une comptabilité fictive ou fait
disparaître des documents comptables ou s'être abstenu de tenir toute
comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation. Cependant, la
jurisprudence assimile le retard dans la présentation des comptes à un tel
fait.
En second lieu,
il s’agit du fait d’avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou
irrégulière au regard des dispositions légales. Cette incrimination est
délicate car elle repose non pas sur la mauvaise foi du dirigeant mais
seulement sur le caractère « manifeste » du manquement ou de l’irrégularité.
Cependant, ce caractère « manifeste » est laissé à l’appréciation du tribunal.
Le dirigeant ne peut que s’en remettre au juge, devenu maître de
l’incrimination.
En synthèse, il
apparaît que c’est le jour de l’audience que le sort du dirigeant se joue. Tout
pronostic est délicat. La défense doit être d’autant plus soigneusement
préparée que les sanctions encourues sont lourdes. Un emprisonnement de cinq
ans peut être prononcé[33].
S’il est souvent assorti d’un sursis, il est généralement accompagné par une
sanction de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer. Pour le dirigeant
d’entreprise, c’est une peine dramatique lorsqu’il n’a pas la faculté de
trouver un poste de salarié. C’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de seniors
ayant dépassé l’âge de cinquante ans.
La question de
la sanction de la responsabilité pénale des dirigeants des entreprises restera
toujours posée. En ce sens, la mise en œuvre de la loi exigera nécessairement
une formation plus poussée des juges en matière de droit des affaires, et
l’augmentation du nombre des experts comptables. Il ne faudrait pas perdre de
vue que la pertinence d’une loi ne vaut que par les conditions de son
application. Le principe est que la responsabilité des dirigeants est une
responsabilité personnelle quel que soit l'auteur du fait générateur de cette
responsabilité dès lors que ce fait est accompli dans le cadre des pouvoirs qui
leur sont conférés par la loi et les statuts pour réaliser l'objet social de la
société.
En effet, la
mise en œuvre de ces pouvoirs exige l'intervention, dans le processus
décisionnel et exécutif, d'autres personnes que les dirigeants de droit mais
qui sont sous les ordres de ces dirigeants. Cette intervention est effectuée au
moyen de la délégation de pouvoirs consentie par les dirigeants de droit à
leurs collaborateurs pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise afin de
s'assurer que les décisions prises dans le cadre de l'exercice des pouvoirs du
dirigeant produisent leurs effets aux différents échelons de l'organisation de
l'entreprise. Dès lors, « pour s'exonérer de leur responsabilité personnelle,
les dirigeants peuvent être tentés d'invoquer les délégations de pouvoirs
qu'ils ont données. Cette excuse n'est en principe pas admise puisque la
gestion de la société relève toute entière du dirigeant. Toutefois, la
jurisprudence s'est assouplie, pour des raisons pragmatiques, et notamment en
raison des situations injustes que ce principe peut susciter en matière pénale
»[34].
Sans doute cet assouplissement trouve-t-il son fondement dans la règle générale
posée par le code pénal selon laquelle « nul n'est responsable pénalement que de
son propre fait ».
Chapitre 2 : la
délégation de pouvoir une cause spécifique d’irresponsabilité
En effet, dès 1902, la cour de cassation
de Paris a, dans un arrêt de principe [35],
inauguré cet assouplissement en admettant, après avoir rappelé que « le chef
d'entreprise est tenu pénalement responsable, comme s'il en était l'auteur, des
contraventions commises dans l'entreprise qu'il administre directement », que
«la responsabilité pénale de celles qui se produisent dans des départements
dont il a délégué la direction, pèsent au même titre sur le directeur, gérant
ou préposé qui l'y représente comme chef immédiat, avec les compétences et
l'autorité nécessaires pour y veiller efficacement à l'observation des lois ».
Cet arrêt
allait par la suite, et en l'absence de dispositions légales spécifiques,
ouvrir la voie à la construction jurisprudentielle d'un véritable régime de la
délégation de pouvoirs en tant que cause d'exonération de la responsabilité
pénale du dirigeant de l'entreprise. Elle a peu à peu affiné ce régime pour
l'adapter à la subdélégation.
Seul le
dirigeant d'une société peut conclure des actes au nom et pour le compte de
celle-ci. Toutefois, il peut être difficile pour ce dernier d'assumer seul
l'ensemble des fonctions qui lui incombent. Il est donc assez fréquent, en
particulier dans les grandes sociétés, qu'un dirigeant de société recourt à la
délégation de pouvoirs, ce qui lui permet de transférer à une autre personne,
appelée délégataire ou « fondé de pouvoirs », une partie de ses pou. Pour être
valable, une délégation de pouvoir répond à des conditions strictes imposées
par les tribunaux. Le régime juridique de la délégation de pouvoirs est
jurisprudentiel. Les statuts de l’entreprise ne doivent pas l’exclure
expressément et, le cas échéant, respecter les conditions auxquelles les
statuts soumettent toute délégation de pouvoirs.
Section 1 :
conditions de validité de la délégation de pouvoirs :
Le représentant légal d'une société a
donc la faculté de déléguer ses pouvoirs à une ou plusieurs personnes de son
choix (sauf restrictions imposées par les statuts). Il ne peut donc évidemment
déléguer que des pouvoirs qu'il détient lui-même. Ainsi, ne peut-il pas
conférer au délégataire des pouvoirs appartenant à d'autres organes de la société
(conseil d'administration, assemblée des associés...). En outre, il ne peut
déléguer qu'une partie de ses pouvoirs et non l'intégralité. Sauf stipulations
particulières des statuts, le délégant est libre de choisir son délégataire
parmi les associés ou les salariés de la société, voire les personnes
étrangères à celle-ci. Sauf si le dirigeant souhaite transférer sa
responsabilité pénale en même temps que ses pouvoirs, auquel cas il doit
choisir comme délégataire un salarié de la société.
Pour que la délégation
de pouvoirs soit valable et efficace, le délégataire doit disposer pleinement
de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour accomplir la
mission qui lui est ainsi confiée. Si tel est le cas, il engage la société en
lieu et place de son représentant légal dans les limites des attributions de ce
dernier et du mandat qui lui a été donné.
Par1 : Conditions concernant le délégataire :
En principe, le bénéficiaire de la
délégation doit avoir la qualité de préposé c'est-à-dire un salarié titulaire
d'un contrat de travail [36]et
quel que soit sa situation par rapport à la hiérarchie de l'entreprise[37] . En
effet, la délégation suppose en principe un lien de subordination du
délégataire envers le délégant.
Il doit en
outre remplir trois caractères cumulatifs pour que la délégation puisse
valablement fonder une exonération de la responsabilité pénale du délégant :
La compétence : elle s’entend de toutes les connaissances techniques permettant
au délégataire d’apprécier les contraintes à respecter dans le cadre de
l’activité de l’entreprise et de toutes les connaissances juridiques
nécessaires à la maîtrise des textes légaux dont il doit surveiller l’application.
L'autorité : Elle désigne le pouvoir
que le délégataire exerce sur le personnel placé sous sa responsabilité,
et grâce auquel il peut obtenir l’obéissance nécessaire au respect de la
réglementation dont il a la charge .Elle ne se traduit pas par la seule place
du délégataire dans la hiérarchie, mais par un véritable pouvoir de décision [38]et
qui ne donne aucun pouvoir précis de sanction n'est pas valable[39].L'autorité
sous entend donc l'indépendance du délégataire pour la mise en œuvre effective
des pouvoirs délégués. Ainsi, il a été jugé que « qu'un supérieur hiérarchique
qui s'immisce dans le déroulement des tâches en rapport avec la mission du
délégataire supprime l'autonomie d'initiative inhérente à toute délégation
effective ».
Les moyens nécessaires
: La compétence et l'autorité sont insuffisantes pour qualifier une
délégation d'acte valide. Il faut, en plus, doter le délégataire de moyens
humains, techniques et matériels pour accomplir réellement la mission.
Par2 : Conditions concernant le délégant :
Le délégant doit appartenir à une
entreprise d’une taille suffisante et doit être dans l’impossibilité d’assurer
personnellement une surveillance effective des activités et du personnel de
l’entreprise [40]mais il
n’a pas à établir obligatoirement une impossibilité totale d’accomplir
personnellement la mission objet de la délégation[41].La
délégation doit résulter d’éléments clairs et précis qui peuvent être factuels
ou tirés du contexte[42]. La
délégation doit être précise et limitée dans son champ et dans le temps[43].La
délégation ne doit concerner qu’un
secteur des fonctions et/ou des missions déterminées[44].La
délégation doit être permanente[45].
La doctrine est
divergente sur la question de savoir si l’acceptation du délégataire est une
condition de validité ou non de la délégation. La jurisprudence ne s’est jamais
prononcée directement mais relève souvent si la délégation a été acceptée ou
non. Une délégation de pouvoirs peut être valide, qu’elle soit verbale ou
écrite, et elle n’a pas à faire apparaître certaines mentions obligatoires. La
délégation peut donc se déduire des
dires, du comportement du délégataire, etc.
Il convient
d’informer le délégataire du contenu de la délégation (nature des pouvoirs
transférés, objet et étendue de la mission dont il est chargé, réglementation
applicable…), mais aussi de ses obligations et de la responsabilité pénale
qu’il encourt éventuellement. La délégation valide peut être verbale ou écrite,
sachant que l’écrit facilite la preuve.
En somme et
pour se prévaloir de l’exonération de la responsabilité pénale, le dirigeant
doit d’une part pouvoir apporter la preuve de l’existence d’une délégation
valide, d’autre part ne pas participer à la réalisation de l’infraction.
Autrement dit, Lorsque la délégation a
été consentie en bonne et due forme et que l'acte incriminé relève du domaine
de la compétence déléguée, seul le délégataire s'expose alors aux poursuites
pénales. Sachant que le dirigeant ne peut évidemment pas échapper à sa propre
responsabilité pénale en invoquant l'existence d'une délégation de pouvoirs
s'il a personnellement pris part à la commission de l'infraction ou s'il y a
lui-même consenti!
Force est de
constater donc que l’abus de délégation
pourrait conduire à une dépénalisation totale du dirigeant quand bien même que
ce dernier soit dans la mesure d’assumer lui-même les responsabilités sans
qu’il aura besoin de les déléguer.
Il n’en reste
pas moins que l'autorisation du délégant n'est pas une condition de validité de
la subdélégation, la délégation de pouvoirs inclut donc la possibilité, pour le
délégataire, de subdéléguer, ce qui implique qu'il ait la compétence et
l'autorité nécessaires pour subdéléguer à une autre personne qui aura, elle
aussi, la compétence, l'autorité et les moyens nécessaires pour exercer sa
mission.
Qu’en est-il
maintenant des effets de la délégation des pouvoirs ?
Section 2 : les
effets de la délégation de pouvoirs :
Selon le principe de la délégation de
pouvoirs à l’origine, le délégataire ne représente que son délégant, c'est-à-dire
la personne physique et jamais la personne morale. L’effet recherché de la
délégation de pouvoirs est le principe de non-cumul de responsabilités. Ce qui
signifie que la délégation de pouvoir entraîne une responsabilité alternative
ainsi l’on ne devrait pas à la fois condamner un préposé délégataire et son
employeur délégant pour la même infraction.
En effet, la
délégation, la codélégation ou encore la subdélégation de pouvoir ont des
effets sur la responsabilité pénale du délégant, du délégataire et de la
personne morale. Le transfert de la responsabilité pénale du délégant vers le
délégataire.
la
responsabilité pénale du délégant est transférée à la personne du délégataire
dans la limite des pouvoirs délégués. Elle exonère donc, pour ces pouvoirs, le
délégant de sa responsabilité pénale. Naturellement, cette exonération ne vaut
que pour les infractions non intentionnelles (par exemple, la négligence).
Cependant, les obligations attachées à la personne même du chef d’entreprise et
à ses fonctions ne sont pas susceptibles de transfert. Cette notion regroupe,
selon la jurisprudence, les mesures ressortissant de son pouvoir propre de
direction. Par exemple, en matière de délit d’entrave concernant ses devoirs
envers le comité d’entreprise.
Quant au délégataire, il devient responsable aux lieu et place du
délégant. Ainsi, le délégataire devra prouver son absence de faute. Le cas
échéant, il pourra s’exonérer en prouvant qu’il a lui-même subdélégué le
pouvoir. Lorsqu’il y a plusieurs codélégataires, on recherchera quel est celui
qui détient le pouvoir auquel la responsabilité pénale est attachée.
Le délégant et
le délégataire peuvent voir leurs responsabilités pénales cumulativement
engagées dans le cas où ils sont coauteurs ou complices dans l’hypothèse où
chacun a pris part à la commission de la même infraction.
Il convient
donc de traiter la délégation de pouvoirs comme étant le seul moyen
d’exonération pour le dirigeant d’une entreprise et ce sera dans un (Par1),
tandis que le (Par2) fera l’objet d’une étude d’un cumul de responsabilités.
Par 1 : seul moyen d’exonération pour le dirigeant :
En se basant sur l’article 2 du Code pénal[46], le
dirigeant pourrait peut être invoquer son ignorance de la loi pénale ou le sens
de celle-ci. Toutefois, il pèse sur lui une présomption renforcée de
connaissance de la loi et nous ne pouvons admettre que l’ignorance de la loi
pénale soit une cause d’exonération en application de l’adage : « nul n’est
censé ignorer la loi ».
Puis,
l’imputabilité du dirigeant implique l’absence de contrainte et de démence. La
jurisprudence se montre très exigeante à ce sujet mais l’admet dans quelques
cas. Dans l’arrêt WIDERKHER, la simple absence du prévenu lors de l’infraction
ne suffit pas à exonérer le dirigeant car ne constitue pas une impossibilité
d’observer la loi pénale. Mais, elle a admis la contrainte dans certaines
affaires (28/04/1977).Ensuite, il faut savoir que la faute de la victime
n’exonère pas le dirigeant car celui-ci est pénalement responsable dès lors
qu’il a lui-même commis une faute personnelle ayant concouru à la réalisation
de l’accident.
Enfin, on peut
imaginer que le dirigeant invoque la force majeure qui doit être imprévisible
et irrésistible pour s’exonérer. Il peut encore évoquer le fait d’un tiers qui
lui a été retenu par la jurisprudence[47]: le
fait d’un tiers peut exonérer le chef d’entreprise s’il constitue la cause
exclusive et unique du dommage. En l’espèce, cette cause d’exonération a été
retenue lorsqu’à l’occasion de travaux par un sous-traitant, un incendie a
causé la mort de plusieurs personnes sans qu’aucune faute ne puisse être
retenue à la charge du dirigeant.
Nous constatons
donc qu’en pratique, la délégation de pouvoirs est quasiment le seul moyen pour
le dirigeant d’échapper à sa responsabilité pénale et constitue par la même une
cause spécifique d’irresponsabilité pénale.
La mise en jeu
de la responsabilité d’un dirigeant étant facilement caractérisée, il
paraissait alors logique, pour éviter une responsabilité « automatique », que
les conditions de la délégation de pouvoirs soient assouplies.
La prise en
considération de la délégation comme cause d’exonération nous renseigne alors
sur le fondement de la responsabilité pénale du dirigeant du fait de ses
préposés. Il est vrai que pour apprécier la responsabilité pénale du dirigeant,
il faut d’abord savoir s’il a ou non déléguer ses pouvoirs auquel cas, il est
exonéré de sa responsabilité patronale. C’est le dirigeant qui doit rapporter
la preuve de la réalité de la délégation.
La faute semble
alors la seule explication de la responsabilité patronale. En effet, sans
délégation de pouvoirs, il y a faute du dirigeant alors que si la délégation
est réelle, il n’existe aucune faute donc aucune responsabilité pénale. En se
déchargeant sur un délégataire compétent, il lui a en du coup transféré
l’obligation de faire respecter la réglementation : sa culpabilité disparait
car il n’est alors plus l’auteur de la violation de la loi. Cette théorie de la
faute personnelle semble la plus appropriée car, au surplus, on sait que la
jurisprudence, en plus d’exiger une faute du préposé pour retenir la
responsabilité d’un dirigeant, exige une faute personnelle du dirigeant qui est
le plus souvent une négligence, une omission.
Certains
auteurs voient dans la responsabilité du dirigeant du fait de son préposé, une
application de la théorie du risque (notion civiliste). Le dirigeant, soumis
aux obligations légales de sa profession, accepterait par la même le risque de
leur inexécution. Toutefois, cette théorie semble incorrecte en l’espèce car
incompatible avec les principes fondamentaux du droit pénal qui subordonne la
responsabilité à l’existence de la faute personnelle.
En réalité, il
s’agit donc d’une véritable responsabilité du fait personnel conforme aux
principes du Droit pénal et il n’y a qu’une « apparence » de responsabilité
pénale du fait d’autrui.
Par2 : le cumul de responsabilité avec la personne morale :
Que dit la loi PERBEN II [48]sur
le cumul des responsabilités entre personnes morales et personnes physiques ?
La circulaire
du 13 février 2006, précise : « En cas d’infraction intentionnelle, la règle
devra en principe consister dans l’engagement de poursuites à la fois contre la
personne physique auteur ou complice des faits, et contre la personne morale,
dès lors que les faits ont été commis pour son compte par un de ses organes ou
représentants. En cas d’infraction non intentionnelle, mais également en cas
d’infraction de nature technique pour laquelle l’intention coupable peut
résulter, les poursuites contre la seule personne morale devront être
privilégiées, et la mise en cause de la personne physique ne devra intervenir
que si une faute personnelle est suffisamment établie à son encontre pour
justifier une condamnation pénale. ». La Circulaire qui n’a aucune force
obligatoire en droit pénal a émis l’idée qu’en cas d’infraction intentionnelle,
il faudrait poursuivre en priorité les personnes physiques auteurs ou complices
de l’infraction. En revanche, en cas d’infraction non-intentionnelle ou de nature
technique, il faudrait privilégier les poursuites contre la personne morale :
les poursuites contre la personne physique ne devant être engagées que si une
faute personnelle est suffisamment établie à son encontre pour justifier la
condamnation pénale.
A la lecture donc de la circulaire on pourrait
déduire qu’en cas d’infraction intentionnelle, des poursuites peuvent être
engagées à la fois contre la personne morale et la personne physique.
Le principe de
responsabilité alternative ne s’appliquera donc pas. Le cumul non obligatoire
mais possible des responsabilités entre personnes morales et personnes
physiques, parait s’opposer aux effets impliqués par le mécanisme même de la
délégation, qui sont ceux d’une responsabilité alternative. Il semble essentiel
de préciser notamment les conséquences de l’infraction intentionnelle ou non
dans la délégation de pouvoir et d’y insérer une définition de ’infraction
intentionnelle. La définition est essentielle car en cas d’infraction non
intentionnelle la poursuite contre la seule personne morale devra être
privilégiée selon la circulaire. L’infraction technique et l’infraction
d’imprudence semblent être assimilées à une infraction non intentionnelle. La
délégation des pouvoirs doit être précise sur ces définitions, qui doivent être
comprises par tous les délégants, et les délégataires.
Force est de conclure cette partie par un
constat fort évident qui revient au fait que le législateur marocain à l’instar
de son homologue français ont adapté le régime de la responsabilité pénale à
l’impératif d’efficacité et d’utilité de la sanction pénale en insérant cette
politique dans le double mouvement de pénalisation des actes les plus graves et
de dépénalisation des actes ayant un caractère non intentionnel ou une portée
limitée. Mais que ce soit au Maroc ou en France, toujours utile que les
infractions fondatrices du noyau du droit pénal des sociétés se ramènent aux
délits d’ABS et de banqueroute. Cependant, et en dépit de la multiplicité des
infractions pénales auxquelles sont exposées les dirigeants durant mandat au
Maroc, une réalité incontestable, nous pousse à dire que le Maroc est bel et
bien un paradis pénal au lieu qu’il soit un paradis fiscal. Cette idée a pour
base, semble-t-il, la rareté des décisions prononcées dans ce sens par les
tribunaux marocains. Ajoutons à cela, la jeunesse de ce droit au Maroc qui n’a
que 16 ans dans sa vie.
La 2ème partie :
illustration de la responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise à
travers le délit d’abus des biens
sociaux et le délit de banqueroute
Après avoir abordé dans la première
partie les conditions de la responsabilité pénale des dirigeants de
l’entreprise et celles tenants à leur
irresponsabilité. Cette présente partie se voudrait une contribution au débat
autour de cette responsabilité qui
touche les acteurs des sociétés d’une manière générale et surtout de l’illustrer à travers deux délits fréquents commis par les dirigeants. Ce sont le délit d’abus
des biens sociaux et le délit de banqueroute qui sont des délits dit
de « fonction » qui mettent en cause des dirigeants exerçant un
mandat social en vertu des dispositions légales et statutaires. En effet,
l’étude de ces cas d’espèces d’infractions ont suscité des réflexions
doctrinales et jurisprudentielle qui ont mis l’accent sur la bonne gouvernance
de l’entreprise. Commençons d’abord par le
délit D’ABS. En droit Français, la genèse de ce délit
montre qu'il est la fois fort ancien et
relativement récent, Ancien dans la mesure où la jurisprudence réprimait ce
délit à travers le délit d'abus de confiance sur le fondement de l'article 408
du code pénal et récent dans la mesure où dans sa définition légale il est
apparu en 1935 pour la première fois, en tant que délit autonome suite à des
affaires de criminalité d'affaires retentissantes dont la plus célèbre était
l'affaire STAVISKY.
En effet, avant
1935, date à laquelle l'infraction a été érigée en délit autonome, les juges
réprimaient l'abus de biens sociaux en se référant à un arrêt de la Chambre
criminelle de la Cour de cassation du 2 août 1845 rendu sur le fondement dudit
article. Cette jurisprudence avait fait l'objet de nombreuses critiques tenant
à la fois aux principes du droit pénal et aux interprétations trop larges
qu'ils permettaient au juge d'avancer pour incriminer des faits constitutifs
d'ABS. Ainsi, non seulement il était considéré comme violant le principe de la
légalité des délits et des peines, mais il permettait des condamnations même si
le fait n'est pas commis dans un intérêt personnel, les juges se contentant
d'apporter la preuve que les fonds détournés ont été utilisés à des fins autres
que celles convenues dans le mandat des dirigeants.
Cette extension
de l'article 408 avait été critiquée par de nombreux auteurs. Notamment,
Donnedieu de Vabres y voyait une violation du principe de la légalité des
délits et des peines. De plus, l'article 408 restait un texte mal adapté au
droit des sociétés car, il ne permettait pas d'appréhender toutes les
situations dommageables. Par exemple, l'abus de confiance ne pouvait être
retenu à l'encontre d'un administrateur ayant donné à bail un immeuble social à
un prix dérisoire, moyennant une commission personnelle donnée par le
locataire. En effet l'abus de confiance ne concerne que les biens mobiliers.
C'est afin de combler ces lacunes que le législateur a adopté le décret-loi
d'août 1935.
L'incrimination
de l'abus de biens sociaux sous l'empire de l'article 408 ancien du code pénal
était à la fois plus étendue et plus restreinte par rapport à l'incrimination
actuelle résultant de la loi de 1966, laquelle reprend les éléments
constitutifs de l'abus de biens sociaux défini par le décret-loi de 1935. En
effet, avant ce dernier, ni les poursuites ni les condamnations n'exigeaient
que les dirigeants aient agi dans leur intérêt personnel. La jurisprudence
était celle de l'abus de confiance et, il suffisait d'établir que les fonds avaient
été utilisés à des fins étrangères à celles auxquelles ils étaient destinés.
Les condamnations étaient donc fréquentes. De plus, les poursuites visaient
aussi bien le dirigeant social que n'importe quel mandataire social ou
représentant social. Aujourd'hui, le délit d'abus de biens sociaux ne concerne
que le président, l'administrateur, les directeurs généraux ou les
gérants et, il n'exige pas un détournement de fonds au sens strict, dans
la mesure où tout usage abusif des biens ou du crédit de la société est
répréhensible.
Ainsi, Le
décret-loi du 8 août 1935 créa finalement pour les sociétés par actions deux
délits: l'abus de biens sociaux ou du crédit de la société, et l'abus des
pouvoirs ou des voix. Repris par la loi française de 1966 sur les sociétés,
laquelle a fait l'objet de modernisation et de codification par le nouveau code
de commerce
Au Maroc, et
jusqu'en 1996, le droit des sociétés n'a pas connu la même évolution. En effet,
l'ABS institué par le décret-loi français de 1935 n'a pas été étendu à ce droit
et cela bien que le Dahir du 11 août 1922 sur les sociétés par actions ne
faisait qu'étendre au territoire du protectorat du Maroc la loi française du 24
Juillet 1867, y compris ses dispositions pénales, laquelle loi avait été
remplacée par la loi de 1966 qui, elle-même, a fait l'objet depuis sa
publication d'un nombre incalculable de modifications. C'est dire qu'en matière
de responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise et singulièrement d'ABS
ni le législateur du protectorat ni celui du Maroc indépendant n'ont procédé à
des bouleversements notables de cette responsabilité malgré les occasions de
modifications du dahir du 11 août 1922 intervenues entre 1931 et 1955 puis dans
les années soixante dix. Si bien qu'un « parallélisme absolu entre la
législation marocaine et l'ancienne législation française, en matière de
sociétés anonymes, est donc loin d'exister » et toute « similitude
est encore bien moins apparente depuis la publication de la loi française du 24
juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
Le délit de
Banqueroute il est prévu par la loi
05-96 formant code de commerce aux articles 721 à 723. Ces articles figurent au
chapitre III du titre le titre V du livre V de cette loi intitulé les
difficultés de l'entreprise.
Ces articles
font partie du dispositif régissant la responsabilité des dirigeants de
l'entreprise en difficulté prévue par ledit titre V. En effet, l'article 702
dispose que les « dispositions du présent Titre s'appliquent aux
dirigeants de l'entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l'objet
d'une procédure qu'ils soient de droit ou de fait, rémunérés ou non.
Quel
est le champ d’application de l’ABS ?
Chapitre
1 : Le champ d’application de l’abus des biens sociaux (ABS) :
Cerner le champ d’application de l’abus
des biens sociaux nous pousse naturellement à l’envisager du point de vue de la
victime et du point de vue de l’auteur
de l’infraction. La loi a exigé de la victime la réunion de certaines conditions
pour qu’elle prenne en considération l’infraction.[49]
Section1 :
Conditions tenant aux caractéristiques juridiques de la victime :
Plusieurs
conditions doivent être réunies, qui tiennent surtout à ses caractéristiques
juridiques.
Par 1 : Conditions générales :
Comme nous l’avons indiqué la victime doit
être une entreprise à forme sociétaire et ne faisant pas l’objet d’une
procédure collective cette première acception nous amène d’exclure du champ de
l’ABS.
les personnes
morales à forme sociétaire n’ayant pas encore acquis la personnalité morale
telles que les sociétés en cours de formation .En principe, la société en
participation doit être exclue du champ d’application de l’ABS et selon la
doctrine cette société n’est pas censée être connue des tiers et que les
associés ne se sont pas mis d’accord de la doter d’une personnalité morale,
chose qui n’a pas été faite malheureusement par le législateur Marocain qui
l’intègre jusqu’à présent dans ce champ d’application.
Les entreprises
individuelles dirigées par des personnes physiques exerçant leur activité commerciale à titre personnel, ce
qui empêche leur poursuite au titre de l’ABS.
En cas de
l’ouverture de la procédure de banqueroute, les sociétés concernées par cette
procédure collective ,qui suppose la cessation de paiement, ne rentrent pas
dans le champ d’application de l’ABS, sauf les cas où la cessation du
paiement a été causée par des détournements. Cependant, ce délit est prévu par les articles 556 à 569
du code pénal.
Par2 : Conditions particulières :
Elles tiennent compte à la catégorie de
personne morale à forme sociétaire considérée. l’ABS en tant qu’une infraction
sanctionnée par les lois relatives aux sociétés commerciales, nous pousse à l’analyser à la lumière du droit Marocain
et du droit Français pour en appréhender beaucoup plus son étendue et ses
effets sur la politique pénale en général.
En effet la loi
17-95 relative aux sociétés anonymes a prévu ce délit dans son article 384 et
qui dispose :[50]
« Seront
punis d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 100.000 à
1.000.000 de DH ou de l’une de ces deux peines seulement, les membres des
organes d’administration, de direction ou de gestion d’une SA
Qui de mauvaise
foi auront fait, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savaient
contraire aux intérêts économiques de celle-ci à des fins personnelles ou pour
favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés
directement ou indirectement.»
4) Qui de
mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu’ils possédaient et /ou de voix dont
ils disposaient, en cette qualité, un usage qu’ils savaient contraire aux
intérêts économiques de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser
une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés
directement ou indirectement ».
Il en est de
même la loi relative[51] au
(SARL , SNC , SCA ) qui a prévu ce délit dans son chapitre II et
surtout dans article 107 qui sanctionne sévèrement les gérants des sociétés
sus-indiqués .
En effet, dans
un point de vue juridique et logique on peut critiquer l’étendue de ce délit
(ABS) aux sociétés de personnes et ce par la raison suivante
« l’infraction ne peut être commise par ces sociétés car leurs membres ne
sont tenus que d’une responsabilité personnelle et indéfinie ».
On pourrait
dire que cette application de l’ABS ne doit pas s’étendre aux sociétés en
participation et ce pour la raison suivante « une société qui est
dépourvue d’une personnalité morale et qui est conclue intuitu personae ne
devrait pas être sanctionnée par cette infraction spécifique mais plutôt
par le délit d’abus de confiance
En effet, la
démarche législative Marocaine avait
exclu certaines sociétés d’être Imputables par ce délit telles que les sociétés
en collectif, les sociétés de fait. Par contre en France dès 1935 le champ
d’application de l’ABS a été élargi à d’autres formes de sociétés que les
sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions. Il a ainsi été
étendu d’abord à la SARL puis à d’autres formes de sociétés tels que l’EURL ou
encore la SAS ou la SASU. Cependant, cette application limitée à ce délit sur
lesdites sociétés avait suscité une critique par la doctrine française.[52] En
effet, il s’agit pour celle-ci une sorte de complication de la tâche effectuée
par le juriste de chercher ou de trouver l’élément légal de cette infraction.
Elle a en outre conclu que l’intention étant de protéger l’épargne, le délit
doit se trouver dans les sociétés où l’épargne peut être menacée et notamment
dans les sociétés anonymes. Cet élargissement du délit à l’EURL ou encore à la
SAS ou à la SASU a été mal raisonné surtout lorsque ces entreprises ne
procèdent pas à l’épargne, et comme nous l’avons dit ce genre des sociétés de personne et qu’elles devraient normalement être sanctionnées par le délit de confiance et non pas par
l’abus des biens sociaux
Section
2 : Conditions tenant aux caractéristiques juridiques de l’auteur de
l’infraction :
A rappeler que
la formulation du délit de biens sociaux prévue par le nouveau code de commerce
français, reprend largement la définition de la loi française de 1966, qui a
elle-même inspiré le législateur marocain. Avec quelques différences assez
nuancées. On essaiera d'analyser plus loin la portée juridique, on retrouvera
les mêmes éléments constitutifs d'abus de biens sociaux :
- un usage des
biens de la société, du crédit, des pouvoirs ou des voix,
- un usage
contraire à l'intérêt social,
- un usage dans
un but personnel ;
- la mauvaise
foi du dirigeant. ;
L'étude de tous
ces éléments montre la richesse de la « production »
jurisprudentielle française à laquelle ce type d'infraction a donné lieu. La
problématique centrale posée par les cas traités par cette jurisprudence se
ramène principalement à la recherche de la preuve établissant l'ABS. Etant
donné leur similitude avec les éléments posés par le droit marocain, l'examen
des solutions dégagées par cette jurisprudence présente donc un intérêt certain
afin d'en dégager les enseignements et les limites en matière d'application
éventuelle au contexte marocain.
Par1 : Usage, objet de l’usage, le but de l’usage et ‘l’intention criminelle de l’usage :
A- L'usage
La loi[53] incrimine le fait, pour les dirigeants qui de
mauvaise foi, font des biens ou du crédit de la société, des pouvoirs ou de
voix qu’ils possèdent un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt économique
de la société « à des fins personnelles ou pour favoriser une autre
société ou entreprise dans laquelle ils (sont) intéressés, directement ou
indirectement.
La définition
de cette notion est de la plus haute importance du point de vue du droit pénal
car elle constitue la clé de voûte de l'élément matériel de cette infraction.
C'est ce qui explique l'abondance de la jurisprudence française en la matière.
Bien que
certains pensent que cette notion n'a pas besoin d'interprétation large, le
simple usage étant suffisant même sans détournement et même sans disposition [54]la
notion d'usage est interprétée largement et souplement par la jurisprudence
française.
Matériellement,
il peut s'agir d'actes de disposition visant l'appropriation ou la dissipation
des biens appartenant à la société : Il en ainsi le fait pour le président
d’avoir fait effectuer pour sa société d’importants travaux dans sa propriété
personnelle et de n’avoir pas réglé ces travaux. [55]
Le dirigeant
utilise des sommes prélevées dans la trésorerie de l'entreprise pour payer des
dépenses personnelles; il s'octroie personnellement ou à son épouse des
rémunérations manifestement abusives eu égard aux fonctions exercées,[56] il
utilise le personnel de son entreprise pour faire effectuer des travaux à son
domicile, il fait cautionné par la société des dettes personnelles, il paie
l'essence de son véhicule personnel avec l'argent de l'entreprise ; il verse
sur son compte personnel des sommes dues à la société.
L'usage peut
également consister en des actes d'administration (prêts, avances d'argent).
Mais qu'il s'agisse d'actes d'administration ou de disposition, l'usage ne
consiste pas seulement en des actes positifs mais il peut résulter d'une
omission ou en des omissions.
A ce sujet, la
jurisprudence française a été constante : ainsi un arrêt récent de la
chambre criminelle de la Cour de cassation, [57]en
précisant clairement que l'acte d'usage peut résulter non seulement d'une
action, mais également d'une omission volontaire qui a la nature d'un acte
contraire à l'intérêt social », a confirmé le principe annoncé par cette
chambre,[58] que
l'abstention volontaire du dirigeant caractérise l'infraction d'ABS lorsqu'elle
est contraire à l'intérêt social (en l'espèce il s'agissait d'une omission
intentionnelle du dirigeant de réclamer une créance que la société détient sur une
autre entreprise dans laquelle il a des intérêts).
La
jurisprudence française se montre intransigeante en matière d'ABS dans la
mesure où elle n'exonère pas un dirigeant de sa responsabilité pénale lorsqu'il
restitue les sommes prélevées en considérant qu'un un usage même temporaire
suffit à qualifier l'acte d'abusif.
L’élément
matériel de l’infraction se présente sous deux aspects complémentaires 1°
il faut un usage des biens ou du crédit
de la société contraire à l’intérêt de celle-ci 2°il faut que cet usage ait été
dans un intérêt personnel.
B- L'objet de
l'usage
La loi précise
que l'usage doit porter sur les biens, les pouvoirs ou les voix.
En effet, la
notion d’usage des biens ou du crédit peut se caractériser par une
appropriation définitive mais constituant un risque de perte pour la société.
L’usage incriminé peut aussi prendre la forme d’un non usage. Force et de
reconnaître que ce terme est très large ; il englobe les actes de
disposition et les actes d’administration. Il vise le fait de se servir de
façon temporaire de biens appartenant à
la société, et comme nous l’avons remarqué, le cas d’une appropriation
définitive de ces mêmes biens[59] par
exemple le fait pour le président d’avoir fait effectuer par sa société
d’importants travaux dans sa propriété personnelle et de n’avoir pas réglé ces
travaux.[60]
L’usage de
crédit s’entend généralement de la réputation de la société ou de sa
solvabilité. Concrètement, il s’agit d’opérations qui n’emportent pas
décaissement immédiat. L’usage de crédit consiste à utiliser la surface
financière de la société, sa capacité d’emprunter ou de garantir un emprunt,
imposant à celle-ci un risque anormal et contraire à son intérêt. En réalité le
crédit vise la réputation de la société, la confiance qu'elle suscite à l'égard
des tiers. Par exemple : cautionnement des dettes personnelles du dirigeant ;
signature comme endosseur ou avaliseur d'une lettre de change émise pour une
cause étrangère aux affaires sociales.
En ce qui
concerne l’usage des pouvoirs il s’étend aux prérogatives de gestion,
d’administration, de direction reconnus aux dirigeants sociaux. L’abus de
pouvoirs peut résulter d’une abstention. Le dirigeant n’utilise pas ses
pouvoirs dans son propre intérêt ou conclut des contrats qui ne procurent à la
société aucun profit.
La coexistence
dans les textes d'incrimination d'objets matériels de l'usage (les biens) et
d'objets non matériels (crédit, pouvoirs, voix) a suggéré à certains auteurs
que l'infraction d'ABS est en fait constituée de deux « grands
délits »: l'usage abusif des biens ou du crédit de la société d'une part,
et l'usage des pouvoirs et/ou des voix d'autre part. Sans doute cette
interprétation découle-t-elle de l'énumération légale de ces deux catégories
d'objets de l'usage dans deux paragraphes séparés. En tout cas, elle fait
craindre un « dérapage » de la jurisprudence qui pourrait ouvrir par
le biais de l'abus de pouvoir la voie à une immixtion du juge pénal dans la
gestion de l'entreprise et par conséquent une large répression.
Ces
distinctions relatives à l'objet de l'acte d'usage sont assez difficiles à
mettre en œuvre pour les juges du fond car souvent les cas sont mêlés[61], et
il faut noter que dans la majorité des cas, l'usage abusif des biens
sociaux suppose un abus de pouvoirs... ». Ainsi, il a été jugé que
constitue un abus de pouvoirs, mais également de biens, le fait pour un
dirigeant d'organiser une fusion-absorption dans un but avantageux pour lui
mais sans utilité économique pour la société. [62]
C- Le but de
l'usage
Aussi bien la
loi marocaine que la loi française exigent que l'usage des biens, du crédit,
des pouvoirs et/ou des voix soit contraire aux intérêts de la société, à des
fins personnelles. Cette formulation pose deux problèmes :
Le premier
problème est relatif à la nature et au contenu de l'intérêt social :
Sur cet aspect les réponses de la jurisprudence française sont d'une portée
limitée pour l'interprétation des dispositions législatives marocaines de cette
notion ;
Le deuxième
problème est relatif à la question de savoir s'il est nécessaire d'établir que
« l'instrumentalisation » de l'usage des biens et des pouvoirs vise
cumulativement la contrariété des intérêts de la société « et »
la recherche du but personnel, ou bien seulement l'une ou l'autre ?
D
- L'intention criminelle de l'usage
C'est l'élément
moral constitutif de l'infraction d'ABS
qui se caractérise par « l’appauvrissement d’un patrimoine pour
l’enrichissement d’un autre » qui n'existe que si le dirigeant commet
l'abus intentionnellement en ayant conscience qu'il porte atteinte à l'intérêt
de l'entreprise et qu'il poursuit un but personnel contrariant cet intérêt
social. C'est la signification des termes « mauvaise foi » utilisés
aussi bien par la loi française que par les lois marocaines.
Alors que
souvent le législateur Marocain ne se prononce pas sur l’élément moral, en
matière d’abus des biens sociaux, il a pris partie sur la nécessité d’un
élément moral : le dirigeant doit avoir agi de mauvaise foi. Sans
doute, dans le code pénal, Tous les crimes et délits sont nécessairement
intentionnels, sauf les cas où la loi prend en compte l’imprudence ou la mise
en danger délibérée. Mais la question reste importante pour les textes restés
hors du Code pénal.
Un point est essentiel c’est que la mauvaise
foi du dirigeant doit être établie, une erreur ou une faute, même lourde, ne
suffit pas à caractériser le délit. Mais il faut bien s’entendre sur le terme
« mauvaise foi » : l’intention de porter atteinte au
patrimoine de la société n’est pas exigée, la simple conscience qu’a le
dirigeant que l’acte a été contraire à l’intérêt social tout en lui étant
bénéfique suffit ».[63]
Un Professeur[64]
estime que l'exigence de ce dol général pour la qualification du délit aurait
pu restreindre le champ d'application du délit d'abus de biens sociaux.
« Cependant, regrette-t-elle, la Cour de cassation considère que la preuve
de l'intention de nuire n'a pas à être rapportée formellement,[65]
Selon cette cour, « il suffit que le dirigeant ait conscience que l'acte
accompli est contraire à l'intérêt Social. Cette conscience découle
implicitement des faits matériels objets de la poursuite (Le dirigeant aura
d'autant plus de difficultés à rapporter la preuve de sa bonne foi, que sa
qualité joue en sa défaveur. En effet, un dirigeant de par ses fonctions, doit
savoir apprécier les conséquences de ses actes). On arrive ainsi, à créer une
présomption de mauvaise foi que le dirigeant devra renverser pour éviter
l'engagement de sa responsabilité pénale (Ainsi, la constitution d'une caisse
noire par un dirigeant, par des prélèvements occultes de fonds sociaux, fait
présumer de son intérêt personnel.[66]
Par2 : Notion d’intérêt de la société ou intérêt social : Nature et
contenu.
Force est d’avouer que la détermination de
l’usage contraire à l’intérêt social a posé le problème de savoir à qui
revenait-il de procéder à cette appréciation et à quel moment fallait-il se
placer pour apprécier l’utilité de l’opération pour la société, et enfin quels
pouvaient être les intérêts protégés au regard de la qualification pénale à
propos (la nature de l’intérêt social).
Pour déterminer si un acte d’usage était ou
non contraire à l’intérêt social il faut évidement apprécier ce qu’était, dans
la situation particulière où elle se trouvait, l’intérêt de la société. La détermination
de l’intérêt social dans la SA appartient normalement à l’organe compétent (le
président, le conseil d’administration ou l’assemblée générale).
Le législateur
marocain n'a pas laissé beaucoup d'incertitudes quant à l'interprétation de la
notion de l'intérêt de l'entreprise. Pour lui il s'agit des seuls« intérêts
économiques » de la société. L'expression ainsi utilisée ne
semble pas devoir laisser une grande marge au juge pénal marocain qui ne
devrait prendre en considération pour l'incrimination du chef de l'ABS que les
actes portant atteinte aux « intérêts économiques » de la société.
Par contre, l'expression pourrait l'inviter à préciser le contenu de ces
intérêts économiques. En tout état de cause, on peut penser que par cette formule
le législateur marocain a entendu limiter les poursuites aux actes ayant des
conséquences graves sur la viabilité et la pérennité de l'entreprise, la notion
« d'intérêts économiques » renvoyant aux aspects structurels de la
gestion de l'entreprise, à son équilibre financier, à sa viabilité et à sa
pérennité.
Si telle était
l'intention du législateur marocain, avisé peut être par le caractère
« attrape-tout » accolé à l'ABS français et soucieux de maîtriser
d'éventuels débordements en la matière, on peut penser que le dirigeant
marocain serait à l'abri des risques de poursuites tous azimuts du chef de
cette infraction que les associés pourraient abusivement tenter d'engager
contre les dirigeants. L'ABS échapperait en tout cas, dans le contexte
sociologique spécifique au monde marocain des affaires, aux critiques avancées
à l'endroit des nombreuses sanctions pénales empruntées par les lois marocaines
à la législation française sur les sociétés et justifiées, entre autres, par le
risque d'instrumentalisation de ces sanctions à des fins « de négociation,
de menace, ou de représailles dans les relations entre dirigeants et
associés »
A l'inverse, la
juge pénal marocain irait-il, au nom de la stabilité de ces relations, jusqu'à
exonérer des actes d'une certaine gravité au motif que les intérêts visés ne
sont pas de nature économique ou qu'il admette, à l'instar d'une partie de la
jurisprudence initiale française, que des actes illégaux ou illicites, telle
que la corruption par exemple, puissent échapper aux sanctions au motif qu'ils
servent les intérêts économiques de l'entreprise.[67]
L'infraction de travail dissimulé était constituée, par conséquent, le but
illicite, au sens de la jurisprudence de 1992, paraissait manifeste. La Cour de
cassation, jugeant que l'intérêt de l'entreprise était sauvegardé, n'a pas
retenu la qualification d'abus de biens sociaux ). Pour conclure, il reste à
espérer que des formations économiques et financières de haut niveau, verront
le jour pour permettre aux magistrats de combattre l'abus de biens sociaux dans
une vision plus économique de l'intérêt social.[68]
En tout cas la
jurisprudence française a elle-même très sensiblement évolué et cette évolution
pourrait inspirer le juge pénal marocain en matière d'incrimination d'actes
contrariant les « intérêts économiques » de l'entreprise. Une
jurisprudence française récente et désormais constante retient la qualification
d'Abus de Biens sociaux lorsque cet abus est commis dans un but illégal et
illicite exposant l'entreprise à des « risques anormaux.[69]Désormais,
avec cette jurisprudence, l'ABS « s'apparente à une infraction de mise en
danger de la société qui n'est pas sans évoquer - adapté au droit des sociétés
- le délit général de mise en danger d'autrui incriminé par l'article 121-3 du
code pénal »
Mais cette
notion face au pouvoir légal, ne peut plus être lue à la lumière du mandat
donné par les associés. Dans cette conception de l’intérêt social, il ne s’agit
pas seulement de sauvegarder des intérêts patrimoniaux, ceux du capital, mais
de prendre en considération l’ensemble des catégories d’intérêt de l’entreprise[70]
A ce sujet,
l'exemple belge pourrait être également instructif : en introduisant le
critère de « l'usage ...significativement préjudiciable aux intérêts
patrimoniaux » de la personne morale. le législateur belge a sans doute
voulu éviter de transposer les inconvénients de la formulation française de
cette infraction. Une combinaison des deux critères quantitatif et qualitatif
du seuil significativement préjudiciable permettrait d'éviter des poursuites
au titre de l'ABS lorsque le préjudice est de minime importance ou ne porte pas
atteinte à un élément essentiel de la personne morale et de ses activités
Qu’en est-il
maintenant de la détermination de la notion d’intérêt (s) de l'entreprise
« et » « ou » intérêt (s) personnel (s) ?
Cette question
revêt un aspect philosophique eu égard
aux problèmes qu’il fait resurgir au sein des tribunaux. Cette question
importante met en cause le principe de la légalité des délits et des peines et,
au-delà, les limites de l'intervention du juge qui risquent de déborder sa
fonction d'interprétation stricte de la règle pénale et porter atteinte à la
liberté individuelle et à la liberté d'entreprendre.
Pour une large
partie de la doctrine française, le cumul ne fait pas de doute et il n'y a
pas de problèmes d'interprétation de la loi: « L'acte d'usage contraire à
l'intérêt social n'est pas suffisant à la réalisation de l'infraction, la loi
exige en outre, que le dirigeant ait agi à des fins personnelles ou pour
favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était intéressé
directement ou indirectement.... En conséquence, un acte contraire à l'intérêt
social qui n'est pas réalisé dans un but personnel ne devrait pas être
constitutif du délit d'abus de biens sociaux, en application des termes de la
loi »
Nous partageons
cette interprétation qui paraît juridiquement fondée sur un double plan :
Tout d'abord
sur le plan de la spécificité de l'ABS par rapport à d'autres infractions et
notamment de l'abus de confiance. En effet, ce qui fait l'autonomie et la
particularité de l'ABS, c'est précisément la nécessité de démontrer que le
délit est commis dans un double but : un but contraire aux intérêts de la
société et un but personnel. L'ABS est venue combler un vide juridique en
évitant que l'abus de bien sociaux ne soit plus poursuivi sur la base de l'abus
de confiance, qui n'exige pas la démonstration du but personnel ;
Ensuite sur le
plan de la cohérence de la jurisprudence. Celle-ci admet, nous l'avons vu,
l'incrimination non seulement de l'acte positif mais aussi l'acte passif c'est-à-dire
l'omission. Concernant cette dernière, on peut par exemple, soutenir qu'un
dirigeant qui néglige de recouvrer une créance de son entreprise commet une
erreur de gestion non susceptible d'incrimination d'abus de bien sociaux
lorsque cette négligence n'est pas motivée par un intérêt personnel. « En
effet, si par cette omission le dirigeant obtient un avantage, comme celui du
règlement d'une commission occulte, celui-ci userait, de manière indirecte et à
des fins personnelles, du crédit de l'être moral qu'il dirige et qu'il
s'agirait là d'un acte positif qui répondrait aux conditions légales du délit
d'abus de biens sociaux. »60(*). Ainsi, la négligence de recouvrement de la créance est contraire
à l'intérêt de la personne morale mais cela ne suffit pas pour la qualifier
d'abus de biens sociaux. Il faut, pour cela que le dirigeant en tire un profit
personnel au détriment du profit de son entreprise.
Pourtant, la
jurisprudence française n'a pas été d'une grande lisibilité sur cette question
« En effet, souvent la Cour de cassation écarte cet élément constitutif au
mépris de la règle de l'interprétation stricte de la loi pénale, lorsqu'elle
admet la condamnation sur le fondement de l'abus de biens sociaux de tous les
actes qui ont pour objet la commission d'un délit, sans rechercher si ce délit
profite personnellement aux prévenus. La Cour de cassation met ainsi clairement
l'accent sur l'usage contraire à l'intérêt social qui est considéré comme
l'élément déterminant de l'infraction, et se montre en revanche peu exigeante
quant à la preuve du dol spécial ».
D'un autre
côté, il faut bien reconnaître que la jurisprudence n'est pas d'une lisibilité
parfaite. Pourquoi ? Parce qu'on nous a dit que dans un groupe de sociétés, on
pouvait parfaitement, sous réserve de rester raisonnable, et de certaines
limites, admettre qu'il puisse y avoir un prêt d'argent d'une société à une
autre. Il s'agit du « fait justificatif du groupe ». Bien sûr, il n'y a pas ici
d'intérêt personnel. Donc, dans certaines affaires, il n'y a pas d'intérêt
personnel mais on nous dit « abus de biens », et, dans d'autres cas, il n'y a
pas d'intérêt personnel et on dit « il n'y a pas abus de biens ». C'est pour
cette raison que je dis que la jurisprudence n'est pas toujours lisible. De
fait, depuis le 4 février 1985, il est dit que dans les groupes de société, on
peut admettre à certaines conditions des transferts de fonds (il faut que cela
reste limité dans le temps, qu'il y ait contrepartie, etc.)... Et donc ici nous
avons une certaine entraide familiale qui est admise au sein des sociétés. Ces
derniers temps, on a pu observer que la jurisprudence est, peut-être, un peu
plus apaisée. En tout cas, les effets médiatiques sont moins voyants qu'à
certaines époques.
Chapitre
2 : le champ d’application de la banqueroute :
Le délit de
Banqueroute est prévu par la loi 05-96 formant code de commerce aux articles
721 à 723. Ces articles figurent au chapitre III du titre le titre V du livre V
de cette loi intitulé les difficultés de l'entreprise.
Ces articles
font partie du dispositif régissant la responsabilité des dirigeants de
l'entreprise en difficulté prévue par ledit titre V. En effet, l'article 702
dispose que les « dispositions du présent Titre s'appliquent aux
dirigeants de l'entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l'objet
d'une procédure qu'ils soient de droit ou de fait, rémunérés ou non ». Ce
titre prévoit trois catégories de sanctions :
- les sanctions
patrimoniales qui sont de deux ordres : l'action en comblement du passif
et l'extension de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire aux
dirigeants,[71]
- la déchéance
commerciale,[72]
- la
banqueroute et autres infractions.
S'agissant de
la Banqueroute l'article 721 définit réprime les faits constitutifs de cette
infraction comme suit :
« En cas d'ouverture d'une procédure de
traitement, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l'article
702 contre lesquelles a été relevé l'un des faits ci-après :
1° avoir dans
l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de traitement,
soit fait des achats en vue d'une revente au dessous du cours, soit employé des
moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
2°) avoir
détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur ;
3°) avoir
frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;
4°) avoir tenu
une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de
l'entreprise ou de la société ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité
lorsque la loi en fait obligation ».
Cette
infraction est punie de un à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de
10.000 à 100.000 Dh ou de l'une de ces deux peines seulement et qu'encourent
également les complices même s'ils n'ont pas la qualité de dirigeants de
l'entreprise. Les dirigeants personnes reconnues coupables des faits
constitutifs de banqueroute encourent également, à titre de peine accessoire,
la déchéance commerciale
En outre le
code de commerce prévoit des règles de procédure spécifiques à la banqueroute
(725 à 727).
Nous
examinerons donc successivement :
- le domaine et
le champ d'application de la banqueroute
Section
1 : Les faits constitutifs de banqueroute :
Ils sont au
nombre de quatre et sont quasi identiques dans leur formulation aux quatre
premiers faits prévus par l'article L. 654-2 du code de commerce français (qui
prévoit un cinquième fait). Nous étudierons donc ces quatre faits à la lumière
des apports de la doctrine et de la jurisprudence française.
Par1 : l’intention de retarder l’ouverture d’une procédure de
traitement et le fait de détourner ou
dissimuler tout ou partie de l’actif du débiteur :
Sur cette question et concernant, tout
d’abord, cette intention qui a pour objet de retarder l’ouverture d’une
procédure de traitement judiciaire ; il convient de préciser que la seule
différence avec le texte français concerne, comme nous l'avons dit, ci-dessus,
son étendue. Les poursuites pour ce fait peuvent être engagées, pensons-nous,
lorsque ce dernier « le fait » vise à retarder « la
procédure de traitement » entendue au sens large y compris les procédures
non judicaires à la différence du texte français qui exige que le fait vise à
retarder uniquement l'ouverture d'une procédure de redressement judicaire. En
dehors de cette précision nous pensons que les solutions retenues par la
doctrine et la jurisprudence françaises relativement aux éléments matériel et
moral de ce fait peuvent être retenues dans le cas du texte marocain.
Ainsi, à titre
d’exemple et concernant une première hypothèse relative à l'achat en vue de la
revente au dessus du cours, il s'agit de la revente à perte, celle-ci pouvant
être constatée en comparant le prix d'achat effectif, entendu comme le prix
porté sur les factures, avec le prix de vente.
Concernant une
deuxième hypothèse tenant cette-fois-ci à l'emploi de moyens ruineux pour se
procurer des fonds, le juge répressif est appelé à apprécier le caractère
ruineux.
Tout d'abord il
doit s'agir d'un acte positif, car la « notion d'emploi de fonds suppose
un ou des actes permettant d'obtenir ou de faire rentrer des fonds et non pas
une simple abstention de payer une dette légitimement préexistante ».
Ensuite, pour
être caractérisé d'emploi ruineux, il faut que l'acte lèse l'entreprise :
ainsi « la revente systématique de matériels sans remboursement de crédits
consentis à la société ne caractérise pas l'emploi de moyens ruineux dès lors
que les prix de vente étaient normaux et que la société n'a pas été
lésée ». En revanche, « constitue le délit de Banqueroute par emploi de
moyens ruineux pour se procurer des fonds l'escompte de fausses factures et de
traites de complaisance dont le coût ne peut qu'aggraver la situation
financière de l'entreprise ».
En second lieu
et par rapport au détournement d’actif, il s'agit ici de sanctionner l'atteinte
aux biens de l'entreprise qui constituent le gage des créanciers. La
jurisprudence considère comme détournement ou dissimulation de biens tout acte
de dissipation volontaire que cet acte soit positif ou négatif. « Par
exemple des retraits de fonds injustifiés, des augmentations de salaire sans
motifs, la location de locaux inutiles pour léser les créanciers en diminuant
l'étendue du patrimoine social...:[73] un
paiement en espèces peut constituer un détournement d'actif si le débiteur et
le créancier sont une seule et même personne agissant sous deux qualités[74]:
dissimulation du prix de vente d'un élément d'actif »
La
problématique posée par les actes de détournement est celle de leur distinction
de l'abus de biens sociaux. L'enjeu est important, car les éléments matériels
et moraux de ces deux types de délits étant différents, leur qualification est
différente et donc l'étendue des poursuites n'est pas la même. Ainsi, il est
plus facile de poursuivre le délit de Banqueroute qui n'exige pas la preuve de
la poursuite du but personnel que le délit d'abus de biens sociaux qui
nécessite l'apport de cette preuve.
La
jurisprudence française a résolu ce problème en considérant qu'en dehors d'une
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, les actes de
détournements seraient constitutifs d'abus de biens sociaux. Mais dès lors
qu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est ouverte, la
qualification de banqueroute doit être retenue. Le critère de choix entre
les deux qualifications est chronologique : avant la date de cessation des
paiements, la qualification retenue est celle d'abus de biens sociaux puisque
l'entreprise est in bonis ; après la date de cessation des paiements, le
juge pénal doit retenir la qualification de banqueroute puisque l'entreprise
est soumise aux règles spéciales de la procédure collective. Cette solution est
réaffirmée dans des arrêts récents par la Cour de cassation.
Comme nous
l'avons essayé de le démontrer à propos du domaine d'application de la
banqueroute en droit marocain, l'application intégrale de cette solution au
contexte marocain ne paraît pas évidente. En effet, nous avons souligné que les
formulations de la loi marocaine semblent permettraient la poursuite du délit
de banqueroute même en cas de procédures non judiciaires de traitement des
difficultés de l'entreprise, tel que les procédures de prévention interne ou
externe (règlement amiable) qui n'exigent pas la cessation de paiement. Aussi
et pour qualifier l'acte de détournement de délit de banqueroute ou d'abus de
bien sociaux, le juge marocain serait appelé à distinguer selon que l'acte est
commis avant ou après l'ouverture de la procédure de traitement considérée (non
judiciaire ou judiciaire, selon les cas) et non pas nécessairement selon le
critère de la date de cessation de paiement.
Par2 : Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur et le fait
de tenir une comptabilité fictive :
Pour examiner la portée de chacun des
termes de ces faits constitutifs de Banqueroute, on peut s'inspirer des
interprétions de la jurisprudence française.
Est considérée
comme fictive, aux yeux de la jurisprudence, une comptabilité qui ne retrace
pas des opérations réelles de l'entreprise, et qui donne en apparence une image
avantageuse de l'entreprise, par exemple l'enregistrement de factures
fictives ;
La disparition
des documents comptables peut être totale ou partielle et réalisée par
soustraction ou destruction. Le retard dans la fourniture des comptes aux
organes de la procédure est assimilé à une absence de comptabilité ; Il
faut donc déduire de cette jurisprudence que la non-production spontanée d'une
comptabilité dont l'existence n'est pas apparemment remise en cause puisque sa
réalité était attestée par l'expert-comptable, est assimilable à une
disparition de documents comptables. Cette « solution est critiquable car
elle est contraire à deux principes fondamentaux en matière pénale : le
principe de l'interprétation stricte de la loi et celui, qui en découle, de
l'interdiction faite aux juges répressifs de recourir à l'interprétation
analogique. »
L'absence de
comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation s'entend de
l'absence totale de comptabilité exigée par ces textes pouvant concerner des
exercices comptables antérieurs à l'ouverture de la procédure considérée.
L'article 626-2
du code de commerce français comporte un cinquième fait passible de sanctions
au titre de banqueroute : « Avoir tenu une comptabilité manifestement
incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales ». L'objectif
du législateur était de combler les lacunes de la répression concernant les
malversations comptables qui ne pouvaient pas tomber sous le coup de la loi
pénale en l'absence de texte d'incrimination. En effet, le quatrième cas de
banqueroute ne permettait pas légalement de sanctionner les comptabilités dans
lesquelles il manquait des pièces, ce qui ne pouvait pas être assimilé à une
absence de comptabilité. Le cinquième cas de banqueroute vise deux hypothèses :
la première consiste en la tenue d'une comptabilité manifestement incomplète.
Cela correspond à la situation où des pièces comptables essentielles font
défaut, par exemple l'absence de certains livres obligatoires ou celle du
bilan. La seconde concerne la tenue d'une comptabilité en violation des
principes comptables imposé par le code de commerce de fidélité, prudence,
permanence et loyauté, ce qui est un instrument de transparence et de contrôle,[75]Ce
dernier cas n'a pas été modifié par la loi nouvelle, donc il ne peut
s'appliquer qu'aux hypothèses où la loi - entendu au sens strict - impose la
tenue d'une comptabilité.
Section
2 : Répression, prescription et voies de recours :
Quant aux
sanctions il y a lieu de relever leur particularité dans le cas du droit
marocain : comme pour l'ABS, la banqueroute est punie de peines
d'emprisonnement et de peines d'amendes ou de l'une de ces peines seulement.
Toutefois, le degré de sévérité de chacune de ces peines est différent.
Par 1 : Répression :
Aux termes de l'article 725 du code de
commerce marocain, « la juridiction répressive est saisie soit sur la
poursuite du ministère public, soit sur constitution de partie civile du
syndic ». Les décisions intervenues dans ce cadre « sont notifiées
aux parties par le secrétaire greffier. Elles sont mentionnées au registre du
commerce, publiées par un extrait dans un journal d'annonces légales et au
Bulletin Officiel, et affichées au panneau réservé à cet effet au tribunal.
Par 2 : Prescription et voies de recours :
La prescription de l'action publique ne
court que du jour du jugement prononçant l'ouverture de la procédure de
traitement lorsque les faits sont apparus avant cette date (article 725).
La constitution
de partie civile est très limitée dans le code marocain : elle n'est
admise que pour le syndic et par conséquent seulement en cas de procédure de
redressement et de liquidation judiciaire puisque cet organe des procédures de
traitement des difficultés de l'entreprise n'est institué qu'en cas d'ouverture
de la procédure de redressement judiciaire et de l'ouverture de la liquidation
judiciaire. Cette constitution n'est donc pas recevable en cas de poursuite
lors des procédures de traitement non judiciaire de ces difficultés. Le code de
commerce français limite également la constitution de partie civile aux cas de
poursuites engagées dans le cadre des procédures de redressement et de liquidation
judiciaires, mais la constitution de partie civile est ouverte à tous les
organes et autres parties intéressées par les procédures : à
l'administrateur, au mandataire judiciaire, au représentant des salariés, au
commissaire à l'exécution du plan , au liquidateur et à la majorité des
créanciers nommés contrôleurs dans l'hypothèse où le mandataire n'exercerait
pas les actions. Mais le créancier à titre individuel n'est pas admis à se
constituer partie civile : « Cette situation est d'autant plus fâcheuse
que les constitutions de partie civile des mandataires de justice sont
rarissimes »79(*).
D'ailleurs, la
chambre criminelle atténue la rigueur de l'éviction du créancier individuel
civil de la procédure en admettant la recevabilité des constitutions de partie
civile par le créancier à titre individuel, sur le fondement de la banqueroute,
en application de l'article 2 du code français de procédure pénale qui dispose
que l'action civile en réparation du dommage appartient à tous ceux qui ont
personnellement souffert du dommage directement causé par un crime ou un délit.
Cette jurisprudence est parfaitement applicable dans le cas marocain dont le
code de procédure pénale édicte une règle identique : « l'action civile en
réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention
appartient à tous ceux qui ont personnellement subi un dommage corporel,
matériel ou moral, directement causé par l'infraction » (article 7). Les
mêmes conditions exigées par cette jurisprudence devraient alors être
remplies : le préjudice doit être actuel, certain, personnel au créancier
qui met l'action civile en mouvement et directement causé par l'infraction
poursuivie (Si le créancier ne remplit pas ces conditions, irrecevabilité de la
constitution de partie civile. Voire[76] il
peut s'agir d'un préjudice moral.
Quant aux
sanctions il y a lieu de relever leur particularité dans le cas du droit marocain :
comme pour l'ABS, la banqueroute est punie de peines d'emprisonnement et de
peines d'amendes ou de l'une de ces peines seulement. Toutefois, le degré de
sévérité de chacune de ces peines est différent : Dans l'ABS, le
législateur privilégie la sanction pécuniaire qui peut varier entre 100.000 et
1.000.000 DH (entre 8000 et 80.000 euros) , la peine d'emprisonnement
étant relativement clémente (entre un et six mois) ; dans la
banqueroute, la peine d'emprisonnement est sévère (un an à cinq ans), la peine
pécuniaire pouvant varier entre 10.000 DH (800 euros) et 100.000 DH (8000
euros). Elles sont plus sévères dans la loi française qui prévoit le cumul
de la peine d'emprisonnement (cinq ans) et de l'amende (75 000 euros). La loi
marocaine laisse la possibilité au juge de prononcer la peine de
l'emprisonnement (de un an à cinq ans) et la peine d'amende (10.000 à 100.000
DH) ou l'une de ces deux peines seulement.
Les personnes
coupables, encourent également, à titre de peine accessoire, la déchéance
commerciale (article 723). La déchéance commerciale emporte interdiction de
diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute
entreprise commerciale ou artisanale, et toute société commerciale ayant une
activité économique (Article 711) pour qui ne peut être inférieure à cinq ans
(article 719).
Les recours
contre les décisions rendues en matière de banqueroute et autres sanctions sont
soumis aux dispositions du code de procédure pénale (article 732)
Après l'analyse
jurisprudentielle faite sur le délit de banqueroute et des infractions
assimilées au Sénégal, nous retenons, en effet, quelques difficultés relatives
aux éléments basiques de ces infractions.
Cependant, la
distinction faite par certaines législations entre la banqueroute frauduleuse
et la banqueroute simple doit être dépassée. Ce serait bien que le législateur
dépasse cette distinction traditionnelle sur les deux types de banqueroutes à
savoir la banqueroute frauduleuse et la banqueroute simple.
En France la
reforme intervenue avec la loi
n°85-98 du 25 janvier 1985
relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises a
supprimé la distinction antérieure entre les deux types de banqueroutes et
restreint le nombre des cas. Cette réforme facilite sans doute le travail du
juge dans ce cas, dans la mesure où il ne se posera plus la question de savoir
devant quel cas de banqueroute est-il saisi ?
Par ailleurs, il
importe aussi de soulever le cas de la notion « d’état de cessation de
paiement » qui est, elle, aussi un élément qui parfois obstacle pour ne
pas dire écran à la réalisation du délit de banqueroute.
Tantôt le juge
retient la banqueroute sans constatation de l'état de cessation des paiements,
tantôt il ne retient pas la banqueroute pour absence de cessation des
paiements.
Mais cette
réaction peut se comprendre parce que c'est le législateur OHADA, dont le Maroc
n’est pas membre, qui accorde, lui-même, un caractère facultatif à l'état
de cessation des paiements pour la réalisation du délit de banqueroute. En effet
il précise que la banqueroute peut être retenue même si le débiteur n'a pas
constaté l'état de cessation des paiements.
Pour régler cette
situation il serait mieux, nous parait –il, pour le législateur de cette
organisation panafricaine de considérer l'état de cessation des paiements comme
un élément nécessaire pour la réalisation de la banqueroute comme l’a fait le
législateur Français et marocain.
En somme, ces délits dits « de
fonction » c’est-à-dire ceux qui mettent en cause principalement des
dirigeants exerçant un mandat spécial en vertu des dispositions légales ou
statutaires de l’entreprise et, à ce titre, ont donné lieu à des réflexions
doctrinales et à une jurisprudence abondante en l’occurrence en France qui
dénotent la sensibilité des questions relatives à une bonne gouvernance de
l’entreprise.
A la tête donc des infractions
potentielles liées au droit des affaires, figure en bonne place l'abus de biens
sociaux. Ce délit est l'un des plus importants et des plus graves du droit
pénal des affaires pour la simple raison du flou qui entoure sa définition et
son application, et des larges possibilités d'interprétation et de
qualification pénale. En effet, peu de textes pénaux suscitent autant
d'interrogations, de contestations et d'inquiétudes. Le chef d'entreprise qui
utilise ses pouvoirs, les biens ou le crédit de la société dans un but
contraire à l'intérêt de celle-ci et à des fins personnelles commet un délit
d'abus de biens sociaux.
Il va sans dire
que le critère d'appréciation de la mauvaise foi devrait être appréhendé à
l'aide de l'intérêt pour le bénéficiaire de l'acte contraire à l'intérêt
économique de la société. La date d'appréciation de la mauvaise foi constitue
une difficulté. Autrement dit, un délit peut-il être régularisé par une
décision postérieure d'approbation du conseil d'administration ou de
l'assemblée des associés? ou bien, faudrait-il rechercher l'intérêt de l'acte
au moment ou celui-ci est accompli? En réponse, la logique voudrait que l'acte
soit appréhendé dans le contexte temporel de sa survenance.
Il est
indéniable qu’une rémunération excessive du dirigeant social impacte largement
sur le bon fonctionnement d’une entreprise. Cependant et en guise de conclusion
il saurait judicieux de soulever certaines questions sur la rémunération
excessive du dirigeant social. Celles-ci sont gérées par le droit pénal. La loi
sanctionne une rémunération, dont le montant excessif, qui va au-delà de la
capacité financière de la société, est considéré comme un fonds détourné. Le
délit se base essentiellement sur le risque que fait encourir le sujet à
l’entreprise, pour des intérêts personnels. La loi considère néanmoins le
travail fourni par le dirigeant, incluant sa qualité professionnelle et ses
compétences. Le délit d’abus de biens sociaux forme un point essentiel du droit
pénal des affaires. Le délit de banqueroute par détournement d’actifs en est
une branche. Il s’agit d’un ABS réalisé au sein d’une entreprise en cessation
de paiement.
Bibliographie :
H.CHARKAOUI,
Société anonyme, 1er édition 1997.
Paul Le Cannu,
Droit des sociétés, Montchrestien, 2ème édition, 2003.
Droit pénal des affaires : Réflexions sur la banqueroute par
détournement ou dissimulation/ d'actifs : Abdelaziz EL IDRISSI « la Revue marocaine de droit des affaires et des
entreprises (16 (05/2009) ».
La
responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise par Ahmed HALOUIISCAE et
Université de Toulouse I- Sciences Sociales - Mastère Spécialisé en Droit de
l'Entreprise 2006.
Jen Paul
Antona, Philippe Colin et François Lengarlt : la responsabilité pénale des
cadres et des dirigeants dans le monde des affaires, Dalloz-Delta, 1996 ;
MEDEF, « la délégation de pouvoirs », GPA « droit de l'entreprise », Décembre
2004.
Table des matières :
Introduction générale
La 1ère
partie : la responsabilité pénale du dirigeant de l’entreprise : entre
pénalisation et dépénalisation…………………………………………………7
Chapitre
1 : les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des dirigeants
Section 1 : infractions aux règles générales
Par 1 :l’escroquerie et abus de
confiance
Par 2 : le faux et usage de faux
Section
2 : infractions aux règles spéciales
Par1 : Infractions au droit des
sociétés :
Par2 : Infractions
au droit des entreprises en difficulté
Chapitre
2 : la délégation de pouvoir une cause spécifique d’irresponsabilité
Section 1 : conditions de validité de la délégation de pouvoirs
Par1 : conditions
concernant le délégataire
Par2 : conditions
concernant le délégant :
Section 2 : les effets de la délégation de
pouvoirs
Par 1 : seul moyen d’exonération pour le dirigeant
Par2 : le cumul de
responsabilité avec la personne morale
La 2ème partie :
illustration de la responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise à
travers le délit d’abus des biens
sociaux et le délit de banqueroute
Chapitre 1 : le champ d’application de délit de l’abus des
biens sociaux…............................................................................................................33
Section1 : conditions tenant aux caractéristiques juridiques
de la victime
Par 1 :
conditions générales :
Par2 : conditions particulières :
Section
2 : Conditions tenant aux caractéristiques juridiques de l’auteur de
l’infraction
Par1 : Usage, objet de l’usage, le
but de l’usage et ‘l’intention
criminelle de l’usage :
Par2 : notion d’intérêt de la
société ou intérêt social : nature et contenu
Chapitre
2 : le champ d’application de la banqueroute
Section 1 : les faits constitutifs de banqueroute
Par1 : l’intention de retarder l’ouverture d’une procédure de
traitement et le fait de détourner ou
dissimuler tout ou partie de l’actif du débiteur
Par2 : Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur et le fait
de tenir une comptabilité fictive
Section 2 : répression, prescription et voies de
recours
Par 1 : répression
Par 2 : prescription et voie de
recours
Conclusion générale
[1] Etymologiquement, le mot responsabilité
dérive de « responsum » qui dérive lui-même de
« respondere » « répondre ». Être responsable signifie
donc, en termes simples, assumer ses actes et leurs conséquences et accepter
d’en répondre. La responsabilité implique donc pour la personne un double
engagement volontaire : l’engagement d’un agent conscient à l’égard des
actes qu’il a réellement voulu (idée de liberté) et l’engagement d’accepter de
rendre compte des effets de ces actes.
[2]
De nos jours, l'expression col blanc est un terme d'argot utilisé pour désigner des
individus faisant partie des élites, du monde des affaires et de l'entreprise en
particulier, parfois aussi de la politique. On peut aussi parler de bureaucrate.
[3] Il est
difficile de donner une définition plus précise, car il est impossible de donner une
définition ni même un critère juridique ou économique des affaires. Par
conséquent, aucune notion ne cerne le cadre spécifique de la
délinquance d’affaires.
[4] Aux
termes de l’article 63 de la loi 05-96 du 13 février
1997 : « dans les rapports entre associés, les pouvoirs des
gérants sont déterminés par les statuts, et dans le silence de ceux-ci, chaque
associé peut effectuer tout acte de gestion dans l’intérêt de la société ».
cet article ajoute « dans les rapports avec les tiers, le gérant est
investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de
la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux
associés ».
Le principe de la responsabilité des gérants est posé
par l’art 67 qui prévoit que ceux –ci sont responsables individuellement ou
collectivement, envers la société ou envers les tiers, s’ils commettent des
infractions aux dispositions légales applicables aux sociétés à responsabilité
limitée.
[5] Art 6 de
la loi 05-96 du 13 février 1997 : « tous les associés sont
gérants, sauf stipulation contraire des statuts qui peuvent désigner un ou
plusieurs gérants, associés ou nom, ou en prévoir la désignation par un acte
ultérieur… »
[6] Art 21
de la loi 05-96 : « les dispositions relatives aux sociétés en
nom collectif sont applicables aux sociétés en commandite simple, sous réserve
des règles prévues au présent chapitre ».
[7] Art 32
de la loi 05-96 : « Le ou les premiers gérants sont désignés par
les statuts. Ils accomplissent les formalités de constitution dont sont chargés
les fondateurs de sociétés anonymes. Aux cours de l’existence de la société,
sauf clause contraire des statuts, le ou les gérants sont désignés par
l’assemblée générale ordinaire des actionnaires avec l’accord de tous les
associés commandités… »
[8]
Art 74 de la loi 17-95 « …le directeur général est investi des
pouvoirs les plus étendus pour agir en
toutes circonstances au nom de la société. »
[9] Art 76
de la loi 17-95 « les administrateurs non dirigeants sont
particulièrement chargés au sein du conseil, du contrôle de la gestion et du
suivi des audits internes et externes. Ils peuvent constituer entre eux un
comité des investissements et un comité des traitements et
rémunérations. »
[10] Paul Le
Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien, 2ème édition, 2003, p213.
[11] Ainsi,
l'article 100 de la loi 05-96 sur la société en nom collectif, la société en
commandite simple, la société en commandite par actions, la société à
responsabilité limitée et la société en participation, dispose dans son titre
VII relatif aux infractions et sanctions pénales « visant les gérants des
sociétés objet de la présente loi seront applicables à toute personne qui,
directement ou par personne interposée, aura en fait , exercé la gestion de ces
sociétés sous le couvert ou aux lieu et place de leurs représentants légaux. ».
Dans des termes identiques, l'article 374 de la loi
17-95 relative aux sociétés anonymes précise que les dispositions de son titre
XIV relatives aux sanctions pénales « visant les membres des organes
d'administration, de direction ou de gestion seront applicables à toute
personne qui, directement ou par personne interposée, aura, en fait, exercé la
direction, l'administration ou la gestion des sociétés anonymes sous le couvert
ou aux lieu et place de leurs représentants légaux ».
[12] Art 540
du C.pén : «Quiconque, en vue de se
procurer ou de procurer à un tiers, un profit pécuniaire illégitime, induit
astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses, ou par
la dissimulation de faits vrais, ou exploite astucieusement l'erreur où se
trouvait une personne et la détermine ainsi à des actes préjudiciables à ses
intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est coupable d'escroquerie et puni
de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 500 à 5.000 dirhams.
[13] Art540
du C.pén : « La peine d'emprisonnement est portée au double et
le maximum de l'amende à 100.000 dirhams si le coupable est une personne ayant
fait appel au public en vue de l'émission d'actions, obligations, bons, parts
ou titres quelconques, soit d'une société, soit d'une entreprise commerciale ou
industrielle. »
[14] Art 547
du C.pén : « Quiconque de mauvaise foi détourne ou dissipe au
préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, soit des effets, des
deniers ou marchandises, soit des billets, quittances, écrits de toute nature
contenant ou opérant obligations ou décharges et qui lui avaient été remis à la
condition de les rendre ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé, est
coupable d'abus de confiance et puni de l'emprisonnement de six mois à trois
ans et d'une amende de 200 à 2.000 dirhams.
Si le préjudice subi est de faible valeur, la durée de
la peine d'emprisonnement sera d'un mois à deux ans et l'amende de 200 à 250
dirhams sous réserve de l'application des causes d'aggravation prévues aux
articles 549 et 550. »
[15] Art 357
du C.pén : « Toute personne qui de l'une des manières prévues à
l'article 354 commet ou tente de commettre un faux en écritures de commerce ou
de banque est punie de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 250
à 20.000 dirhams.
Le coupable peut, en outre, être frappé de
l'interdiction de l'un ou plusieurs des droits mentionnés à l'article 40 et
d'une interdiction de séjour qui ne peut excéder cinq ans.
La peine peut être portée au double du maximum prévu
au premier alinéa lorsque le coupable de l'infraction est un banquier, un
administrateur de société et, en général, une personne ayant fait appel au
public en vue de l'émission d'actions, obligations, bons, parts ou titres
quelconques, soit d'une société, soit d'une entreprise commerciale ou
industrielle ».
[16] Après la publication de loi n° 42-10 portant organisation des
juridictions de proximité afin de désengorger les tribunaux
de première instance.ces juridictions de proximité sont compétentes jusqu’à la
valeur de 5000 DH. Elles sont compétents
en dernier ressort pour des actions personnelles et mobilières
n'excédant pas le montant de 5 000 dirhams, à l'exception des affaires de statut
personnel et de
celles se rapportant à l'immobilier, aux affaires sociales et à l'expulsion;
[17] Art
351du C. Pén : « Le faux en écritures est l'altération
frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie dans un
écrit par un des moyens déterminés par la loi ».
[18] Art
379-dernier alinéa de la loi 17-95 :« 4) ceux qui,
frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature une évaluation
supérieure à sa valeur réelle ». Et l’art 106 de la loi 05-96 : « Seront
punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2.000 à 20.000
dirhams ou de l'une de ces peines seulement, les gérants qui auront,
frauduleusement, fait attribuer à un apport en nature, une évaluation
supérieure à sa valeur réelle. ».
[19] Art 378
de la loi 17-95 dispose : « Seront punis d' une amende de
4.000 à 20.000 dirhams, les fondateurs, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui auront
émis des actions, soit avant l' immatriculation de ladite société au registre
du commerce, soit à une époque quelconque, si l' immatriculation a été obtenue
par fraude, soit encore sans que les formalités de constitution de ladite
société aient été régulièrement accomplies. Un emprisonnement de un à six mois
pourra, en outre, être prononcé si les actions ont été émises sans que les
actions de numéraire aient été libérées à la souscription d’un quart au moins
ou sans que les actions d’apport aient été intégralement libérées
antérieurement à l’immatriculation de la société au registre du commerce.
Seront punies des peines prévues à l’alinéa précédent, les mêmes personnes qui
n'auront pas maintenu les actions de numéraire en la forme nominative jusqu'à
leur entière libération. Les peines prévues au présent article pourront être
portées au double, lorsqu'il s'agira de société anonyme faisant publiquement
appel à l’épargne ». l’art 114 de la loi 05-96
énonce : « Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et
d'une amende de 2.000 à 30.000 dirhams ou de l'une de ces deux peines
seulement, les gérants d'une société à responsabilité limitée qui auront émis,
pour le compte de la société, des valeurs mobilières quelconques, soit
directement soit par personne interposée ».
[20] Art 379
de la loi 17-95 énonce : « … 2) ceux qui, sciemment, par
simulation de souscriptions ou de versements, ou par publication de
souscriptions ou de versements qui n'existent pas ou de tous autres faits faux,
auront obtenu ou tenté d' obtenir des souscriptions ou des versements;3) ceux
qui, sciemment, pour provoquer des souscriptions ou des versements, auront
publié les noms de personnes, désignées contrairement à la vérité comme étant
ou devant être attachées à la société à un titre quelconque;..)
[21] Art 384
de la loi 17-95 dispose : « …. 3) qui, de mauvaise foi, auront
fait, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savaient contraire
aux intérêts économiques de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser
une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés
directement ou indirectement ;4) qui, de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs
qu'ils possédaient et/ou des voix dont ils disposaient, en cette
Qualité, un usage qu'ils savaient contraire aux
intérêts économiques de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser
une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés
directement ou indirectement ». L’art 107 de la loi 05-96 prévoit
le même délit dans des termes identiques que la loi 17-95.
[22] Art384
de la loi 17-95 : « … 2) qui, même en l' absence de toute
distribution de dividendes, auront sciemment publié ou présenté aux
actionnaires, en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des
états de synthèse annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle
du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du
patrimoine, à l' expiration de cette période;.. ». l’art 107 de la loi 05-96
prévoit les mêmes dispositions.
[23] Art 384
de la loi 17-95 : « … 1) qui, en l’absence d’inventaire ou
au moyen d’inventaires frauduleux, auront, sciemment, opéré entre les
actionnaires la répartition de dividendes fictifs ;… ».l’art 107 de la loi
05-96 reprend les mêmes termes.
[24] Art 388
de la loi 17-95 : « Seront punis d' une amende de 60.000 à 600
000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de
gestion d' une société anonyme qui n'auront pas réuni l' assemblée générale
ordinaire dans les six mois de la clôture de l' exercice ou pendant la période
de sa prorogation ou, qui n'auront pas soumis à l' approbation de ladite
assemblée les états de synthèse annuels et le rapport de gestion. ».L’art
110 al-dernier de la loi 05-96 prévoit les mêmes dispositions.
[25] Art 403
de la loi 17-95 énonce : Seront punis d' un emprisonnement de un à six
mois et d' une amende de 10.000 à 50.000 dirhams, ou de l' une de ces deux
peines seulement, les membres des organes d' administration, de direction ou de
gestion d' une société anonyme qui n'auront pas provoqué la désignation des
commissaires aux comptes de la société ou ne les auront pas convoqués à toute
assemblée d' actionnaires. ». L’art 104-al2 de la loi 05-96
dispose : « Les dispositions de l'article 403 de la loi précitée
sont applicables aux gérants de la société si celle-ci est tenue de désigner un
ou plusieurs commissaires aux comptes ».
[26] Art 406
de la loi 17-95 dispose : « Seront punis d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 6.000 à 30.000 dirhams ou
de l' une de ces deux peines seulement, les membres des organes d' administration,
de direction ou de gestion ou toute personne au service de la société qui
auront, sciemment, mis obstacle aux vérifications ou contrôles des experts ou
des commissaires aux comptes nommés en exécution des articles 157 et 159 ou qui
leur auront refusé la communication sur place de toutes les pièces utiles à l'
exercice de leur mission, et notamment de tous contrats, livres, documents
comptables et registres de procès-verbaux. ». Les mêmes dispositions sont
prévues par l’art 104 de la loi 05-96 dans son dernier alinéa
[27]
Dahir du 21 septembre 1993 relatif au
conseil déontologique des valeurs mobilières (cdvm) et aux informations exigées
des personnes morales faisant appel public à l’épargne. BO.N°4223p.520.
[28] Cass.du
19 oct.1995.rev.soc1996p.323, note Bouloc.
[29] Voir
note sous les arrêts du 11 Mars1993,Rev.SC.Crim.1994.101.STEFANI-LEVASSEUR ET
BOULOC, Droit pénal général, 15ème édition.N°362.
[30] - La
faute par omission : Elle découle d'une attitude passive ou négligente du
dirigeant. Se désintéresser de la gestion d'une société en la laissant à un
dirigeant de fait, ne pas tenter de prévenir une situation déficitaire, ne pas
mettre en œuvre de procédure de sauvegarde peuvent constituer une faute de
gestion.
- La faute par commission : Cela recouvre la
réalisation d'actes de gestion contraires à l'intérêt de la société. On peut
citer à titre d'exemple un investissement excessif au regard de la situation
financière de l'entreprise, la poursuite d'une exploitation déficitaire, des
emprunts supérieurs aux capacités de remboursement de l'entreprise. Il s'agit
généralement de mauvais résultats de gestion mais le simple fait de ne pas
avoir atteint les objectifs fixés n'est pas répréhensible. Les fautes par
commission, comme celles par omission, engagent la responsabilité civile des
dirigeants.
[31] Le délit de banqueroute est prévu par la loi
-05-96 formant code de commerce aux articles 721à723. Ces articles figurant au
chapitre III du titre V du livre V de
cette loi intitulée les difficultés des entreprises.
[32] Article
721 : « En cas d’ouverture d' une procédure de traitement, sont coupables
de banqueroute les
Personnes mentionnées à l’article 702 contre
lesquelles a été relevé l’un des faits ci-après:
1) avoir dans l' intention d' éviter ou de retarder l'
ouverture de la procédure de traitement, soit fait des
achats en vue d' une revente au-dessous du cours, soit
employé des moyens ruineux pour se
Procurer des fonds;
2) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de
l’actif du débiteur;
3) avoir frauduleusement augmenté le passif du
débiteur;
4) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait
disparaître des documents comptables de l’entreprise ou
de la société ou s'être abstenu de tenir toute
comptabilité lorsque la loi en fait l’obligation. »
[33] art
722 : « Article 722 : La banqueroute est punie de un an à cinq
ans d’emprisonnement et d’une amende de 10.000 à 100.000 dirhams ou d' une de
ces deux peines seulement. »
[34] Paul Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien, 2ème édition, 2003, page285
[35] Cité
dans : « La responsabilité des dirigeants des sociétés commerciales », mémoire
collectif préparé sous la direction du Professeur Yves Chaput, Université de
paris I Panthéon, année académique 2004-2005.
[36] cassation.crim,
14 décembre 1999
[37] (cass.Crim,
22 avril 1996)
[38] (Cass.
Crim., 31 mai 1983, n°82-93578)
[39] Cass.
Crim 4 juin 1998
[40] (Cass.
Ch. Crim, 3 janvier 1964, Gaz. Pal. 1964. 1. 313, Rev. sc. Crim, 1965, p. 651, obs. Legal ; Cass. Crim, 11 mars
1993, Bull Crim, n° 112, p. 270)
[41] (Cass. Ch. Crim, 22 mars 1995,
pourvoi n°94-80117)
[42] (Cass. Ch. Crim, 30 avril 2002, n°01-84405)
[43] (Cass.
Ch. Crim., 20 octobre 1999, n°98-83562)
[44] (Cass.
Crim, 21 octobre 1975, n°75-90427)
[45]
(Cass. Ch. Crim, 21 novembre 1973, Bull Crim, n°431)
[46] Dahir du (26 NOVEMBRE 1962) PORTANT
APPROBATION DU TEXTE DU CODE PÉNAL.
[47] (Chambre
criminelle, 09/03/1976)
[48] La Loi
Perben II, ou plus précisément la « loi du 9 mars 2004 portant sur l'adaptation
de la justice aux évolutions de la criminalité », est une loi française
essentiellement destinée à lutter contre la « délinquance » et la criminalité
organisée. Elle a été publiée le 10 mars 2004 dans le Journal officiel et tire
son nom du garde des sceaux du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, Dominique
Perben (UMP)
[49] Art 384
du code des sociétés
[50] Art 348
de la loi 17-95 relative aux
sociétés anonymes.
[51] La loi 05-96. Art 107
[52] Madame
Annie soulignait le manque de logique dans cette différenciation lors d’un
colloque tenu à paris en 2004
[53]
L’article. 384,3°4° du code des sociétés commerciales
[54]
Cass. Crim. 8 déc. Rev. Soc. 1972 p .
514
[55] Rouen 20 avr. 1977 / 20 p. 14.
[56] (Crim. 25 nov. 1975, Bull.crim. n°
257 , JCP 1976, II, 18476 note Delmas-Marty)
[57] ( Crim. 28 janvier 2004, RJDA
6/2004 n°4)
[58] en 1972 (Crim. 15 mars 1972, Bull.
crim n°107)
[59] Voy. B.
BOULOC. Pal. 1996 p .20
[60] Rouén
20 avr. 1977 B.R.D.A. 1977/20 P. 14
[61] Madame
le Professeur Corinne Mascala
[62]
(Crim. 10 juillet 1995 bulletin
crim. n° 253
[63] Cass. Crim 25 nov. 1995, Bull Crim.
1975 n°257.
[64] Madame
le professeur Corinne Mascala
[65] (Crim.3
fév.1970 , Bull.crim.n° 47).
[66] (Crim.
20 juin 1996, Bull.crim. n°271). ».
[67] (Arrêt Rosemain Crim. 11 janvier 1996 , Bull.crim.
n°21, Dr.pénal 1996, comm. n° 108; Rev.soc. 1996, 586 note Bouloc. En l'espèce,
les dirigeants d'une société avaient constitué une caisse noire en prélevant
périodiquement des fonds dans la trésorerie de l'entreprise, pour rémunérer des
travailleurs dissimulés
[68]
(Olivier de Benoist, Marc-Antoine Maury, Alain Monkam : l'abus de biens sociaux
et les actes anormaux de gestion, Maîtrise en droit privé, mention droit des
affaires et droit fiscal - 1996-97, Faculté Jean Monnet - Université Paris-Sud
[69]
».( CA Paris 23 mars 1999, JCP, E, 1999 p. 1657) qui peuvent être d'ordre pénal
ou fiscal (Cass.crim. 10 mars 2004, D. 2004, AJ, p.1240).
[70] Cass.
Crim. 10 juil. 1995 J.CP 199 ? 2D.G.II-22572 , J.PAILLUSEAU.
[71]
(articles 703 à 710).
[72] (articles 711 à
720).
[73] Crim.
11 mai 1995, Bull. n° 172 ; 23 oct . 1997, JCP 1999, E,321
[74] 29 mars
2000, Bull. n° 141
[75]
Art. L. 123-14 alinéa 1 et L. 123-17 du code de commerce.
[76] Par ex.
Cass.crim. 10 avril 1995, Rev.proc.coll. 1996,p.137 n°5 obs . C. Mascala)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire