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dimanche 26 mai 2024

La preuve électronique selon la jurisprudence comparée




Dans cet article nous allons découvrir la  place de la preuve électronique dans la jurisprudence Française d’une part, et la d’autre part dans la jurisprudence Canadienne.

Si le recours à la jurisprudence française restes logique et raisonnable vue l’inspiration de la loi Marocaine 53-05 de la loi Française 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique.

Le recours à la jurisprudence Canadienne semble inexplicable surtout vue la distance géographique et la différence des deux systèmes juridiques, mais on voit utile d’en parler pour deux raisons principales :

D’abord par ce que la jurisprudence Canadienne touche des points dont on n’a pas trouvé dans la jurisprudence française ; 

Et d’autre part, ça se voit utile de savoir la place de la preuve électronique dans une jurisprudence différente de celle Française.

En fait, les deux arrêts qu’on est entrain d’analyser ont deux sujets différends :

Pour l’arrêt de la cour de cassation Française il s’agit d’un arrêt traitant le courrier électronique, et dans ce cas la on va faire une petite comparaison  entre cet arrêt et l’arrêt de la cour d’appel de commerce de Casablanca qu’on a déjà traité dans le chapitre précédent. 

Pour l’arrêt de la cour de Québec, il s’agit de la reconnaissance de la signature électronique à une procédure judiciaire.

 

la preuve électronique à l’égard de la jurisprudence française :

 A la faveur des différends et du temps, la Cour de cassation rend maintenant ses premiers arrêts portant sur la valeur probatoire des documents électroniques. Ceux-ci sont riches d’enseignements sur la manière dont les justiciables, et parfois les juges, peuvent se méprendre sur la valeur qu’il convient de reconnaître à l’écrit électronique. Un arrêt en date, du 30 septembre 201075, rappelle la logique qui doit guider les juges lorsque la personne à laquelle on oppose, à titre de preuve, un courrier électronique, dénie en être l’auteur.

Un litige opposait un locataire à son bailleur sur le point de départ du préavis de résiliation d’un bail d’habitation et sur l’établissement de l’état des lieux de sortie. Divers courriers électroniques avaient été échangés par les parties notamment pour ce qui concernait la fin du contrat bail. Se fondant sur ces e-mails, le locataire prétendait que la notification de son départ avait été reçue par le bailleur le 28 août 2006. Il en voulait pour preuve un courrier électronique du 13 octobre 2006, prétendument adressé par son bailleur, qui reconnaissait la réception de la notification de préavis le 28 août 2006. Le locataire prétendait également que le propriétaire avait donné son accord pour ne pas établir d’état des lieux de sortie. Il en voulait pour preuve, ici encore, un e-mail de son bailleur du 29 septembre 2006.  Au contraire, le bailleur prétendait n’avoir reçu de notification de résiliation du bail que par une lettre recommandée reçue par lui le 10 septembre 2006. Plus généralement, le bailleur contestait l’authenticité des courriers électroniques produits à son encontre par le locataire.

 1°le courrier électronique ne fait preuve que tant qu’il n’est pas contesté :

La cour d’appel de Dijon a cru pouvoir reconnaître une valeur probatoire aux courriers électroniques émanant du bailleur. Celle-ci a en effet relevé que « l’ensemble des écrits sous forme électronique émanant » du bailleur devait « être admis en preuve dès lors que leur signataire ne [communiquait] aucun document de nature à combattre la présomption de fiabilité édictée par l’article 1316-4 du code civil ». Il y avait là une méprise des juges d’appel sur le sens de cet article 1316-4 du code civil. L’article en question, issu de la loi du 13 mars 2000, dispose que : « La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. [...] Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. » En l’espèce, il ne faisait aucun doute que les écrits électroniques émanant du bailleur n’étaient pas revêtus d’une signature électronique pouvant bénéficier de la présomption de fiabilité énoncée par l’article 1316-4. Une signature électronique n’est en effet présumée fiable que si elle remplit un certain nombre de conditions fixées par un décret en Conseil d’Etat.

C’est le décret n°2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l’application de l’article 1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique qui est venu poser ces conditions techniques de fiabilité d’une signature électronique.  L’article 2 du décret du 30 mars 2001 énonce : « La fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée jusqu’à preuve contraire lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique sécurisée, établie grâce à un dispositif sécurisé de création de signature électronique et que la vérification de cette signature repose sur l’utilisation d’un certificat électronique qualifié ». Cet article pose donc trois conditions à l’acquisition de la présomption de fiabilité d’un procédé de signature électronique : (i) l’utilisation d’une signature électronique sécurisée ; (ii) établie par un dispositif sécurisé de création de signature électronique ; (iii) reposant sur l’utilisation d’un certificat électronique qualifié. En pratique, la seule signature électronique qui permette de réunir les conditions énoncées par 1316-4 alinéa 2 est la signature électronique utilisant une technologie de chiffrement asymétrique et basée sur l’utilisation d’un certificat électronique qualifié. Bien rares sont les utilisateurs d’une telle signature, et certainement pas le bailleur en question. L’arrêt de la cour d’appel est justement cassé par la Cour de cassation dans sa décision du 30 septembre 2010. La Cour de cassation reproche à la cour d’appel de ne pas avoir vérifié, comme elle y était tenue, dès lors que le bailleur déniait être l’auteur des messages produits par le locataire, si les conditions mises par les articles 1316-1 et 1316-4 du code civil à la validité de l’écrit ou de la signature électroniques étaient satisfaites.

Dès lors qu’une personne dénie être l’auteur d’un écrit, qu’il soit électronique ou non, le juge doit faire application de l’article 287 du code de procédure civile. C’est également ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt du 30 septembre 2010. Cet article prévoit que si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée le juge vérifie l’écrit contesté. Si la dénégation ou le refus de reconnaissance porte sur un écrit ou une signature électronique, le juge vérifie si les conditions, mises par les articles 1316-1 et 1316-4 du code civil à la validité de l’écrit ou de la signature électroniques, sont satisfaites.

Qu’en aurait-il été en l’espèce si le juge d’appel avait procédé à cette vérification ?

Il aurait nécessairement constaté que les e-mails émanant prétendument du bailleur n’étaient pas revêtus d’une signature électronique répondant aux conditions fixées par l’article 1361-4 du code civil, à avoir : un procédé fiable d’identification garantissant le lien de la signature avec l’acte auquel il « s’attache ». Le mail simple est parfois « signé » dans le sens où son expéditeur y fait figurer, en fin de message, son nom et son prénom.

Cette signature n’a rien d’une signature électronique fiable pour deux raisons :

-           il ne s’agit pas d’un procédé fiable d’identification : n’importe qui peut signer avec le nom d’une autre personne. En matière électronique, il n’y a même pas la difficulté d’avoir à imiter la signature.

-           elle ne garantit pas le lien avec le contenu du mail : il est, en effet, beaucoup plus simple de modifier le contenu d’un mail que le contenu d’un document papier signé.

En définitive, la Cour de cassation invite les juges d’appel à procéder à une vérification dont on connaît déjà le résultat : le mail simple, s’est à dire non revêtu d’une signature électronique sécurisée, n’est pas un écrit électronique qui peut valablement être admis en preuve lorsqu’il est contesté.

2- le courrier électronique peut valoir commencement de preuve par écrit :

 

Lorsque l’e-mail n’est pas un document électronique répondant aux conditions des articles 1316-1 et 1316-4 du code civil, ce qui est pour ainsi dire toujours le cas en pratique, celui-ci peut néanmoins acquérir une certaine valeur probatoire.

C’est ce que nous enseigne l’arrêt du 20 mai 2010 de la Cour de cassation. Dans cet arrêt, le litige portait sur l’existence d’une commande de travaux d’impression. Pour prouver cette commande, l’imprimeur produisait deux courriers électroniques émanant de la personne ayant prétendument commandé les travaux qui restaient à payer. La Cour d’appel d’Aix-enProvence, au fondement de l’article 1347 du code civil, avait considéré que ces deux courriers électroniques constituaient des « commencements de preuve par écrit » faisant la preuve de la ladite commande. L’article 1347 du code civil définit le commencement de preuve par écrit  comme « tout acte par écrit qui est émané de celui à qui on l’oppose et qui rend vraisemblable le fait allégué », Le texte n’a pas bougé depuis 1804.  Comme son nom l’indique, l’écrit qui vaut commencement de preuve par écrit, ne vaut pas preuve, il doit être complété par d’autres éléments corroborant pour constituer une preuve admise par les juges. Ces éléments peuvent être des témoignages ou des indices : les juges apprécieront souverainement ce qui vient compléter le commencement de preuve. Précisément, c’est ce que la Cour de cassation a reproché au juge d’appel. Si la Cour de cassation n’a pas contesté le fait que des e-mails puissent constituer des commencements de preuve par écrit, l’arrêt est cependant cassé car les juges d’appel n’ont relevé aucun complément de preuve extérieur au commencement de preuve retenu. Les e-mails produits par l’imprimeur à l’appui de sa demande auraient dû être corroborés par d’autres éléments de preuves. Soulignons que dans cet arrêt, le défendeur n’avait semble-t-il pas dénié avoir adressé lesdits mails. On peut penser que ces décisions sont rigoureuses. Qu’elles peuvent permettre d’échapper à facilement à des engagements que l’on aurait pris par mail simplement en réfutant, par la suite, en être l’auteur. La solution est pourtant indispensable pour garantir la sécurité des rapports juridiques laquelle doit nécessairement reposer sur des preuves fiables.

A retenir alors que ; Le courrier électronique, non revêtu d’une signature électronique sécurisée, ne vaut pas preuve lorsqu’il est dénié par la personne à laquelle on l’oppose. Il peut valoir commencement de preuve par écrit mais, dans ce cas, doit être complété par d’autres éléments rendant vraisemblable son contenu.

   La preuve électronique à l’égard de la jurisprudence canadienne :

Le recours à la jurisprudence Canadienne à ses motifs, on va se pencher alors de la place de cette jurisprudence à l’égard de la signature électronique sur un acte de procédure judiciaire.

Il s’agit d’une décision de la cour de Québec, rendue le 15 Mai 2012. Selon les faits de l’affaire, la date limite pour l'inscription de cette cause était le 14 mars 2011 vu l'expiration du délai de 180 jours.

Le 14 mars 2011, les avocats du demandeur déposent au greffe la réponse, l'inscription pour enquête et audition, la déclaration (274.1 C.p.c.) ainsi que plusieurs avis de dépôt de déclarations écrites pour valoir témoignage (294.1 C.p.c.). Chaque document porte la signature électronique de l'avocat du demandeur, « Charbonneau, Avocats conseils » et ils ont préalablement été signifiés au procureur de la défenderesse.

Le greffier ignore l'inscription pour enquête et audition et la déclaration (274.1 C.p.c.) au motif que l'original de ces procédures porte une signature électronique. Quant à l'ensemble des autres procédures, elles sont enregistrées au plumitif.

1 °la signature électronique sur l’original d’une p rocédure judiciaire est elle valable ?

Dans son analyse, le juge résume les dispositions applicables au Quebec pour la validité d’une signature électronique pour arriver à la conclusion suivante :  << la signature, c’est une modalité permettant d’identifier un individu, une façon d'exprimer son consentement à un acte et d'assurer aux tiers que le signataire est bien l'auteur des documents ou de l'acte.

Le Tribunal conclut que la signature électronique d'un avocat sur une procédure est valable et que le greffe aurait dû accepter et noter au plumitif l'inscription et la déclaration (274.1 C.p.c.) >>

Alors toute signature électronique est valable tant que son émetteur peut être connu et identifié, selon les dispositions du code civil Canadien. On remarque alors que ce sont les mêmes conditions exigés par la loi Marocaine et la loi Française.

Mais comment argumente la cour du Québec sa décision ?

2-risque de fraude ou de contrefaçon ne rend pas la signature électronique invalide.

Dans ses arguments d’analyse, le juge fait une remarque très intéressante en disant : << il est possible que le refus du greffe soit associé à la crainte de l’acceptation de la signature éléctronique  pose un danger au greffe de fraude, de contrefaçon, et de fabrication de faux accru. L’avocat n’est pas à l’abri de ces risques, mais s’il en est victime il pourra contester la signature.

Cependant ce fait ou cette possibilité rend toutefois la signature électronique  invalide >>

D’après cette argumentation de la cour, le juge essaie de dire qu’un tel refus de la signature électronique doit être fondé sur des raison objectifs, et non pas des raisons subjectifs et incertains. Il suffit que les conditions de validité de la signature électronique existent pour en accepter. 

Le risque de fraude ou de contrefaçon est un fait subjectif et incertain, et même au cas ou il y a ce fraude, c’est à l’avocat lui même de contester la signature, selon les dispositions de l’article 2828 du code civil du Québec.

Cependant, ce fait ou cette possibilité ne rend toutefois pas pour autant une signature électronique invalide.

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