Les procédures collectives étaient destinées à éliminer
les commerçants défaillants, d’où l’expression « banqueroute » qui traduit
l’aspect symbolique de l’exclusion, dans la mesure où le banc du commerçant visé
était brisée, et on procédait à la répartition du produit de la réalisation des
actifs entre les créanciers.
Ensuite, une évolution dans le sens de moindre sévérité
à l’égard du failli a fait jour. Ainsi, le droit actuel se caractérise par la volonté
de venir en aide aux entreprises qui connaissent des difficultés pour assurer
le paiement de leurs dettes.
Ceci étant, on serait tenté de définir le droit des difficultés
de l’entreprise comme étant « l’ensemble des règles ayant pour objet de prévenir
les difficultés de l’entreprise avant que sa situation ne soit sérieusement
compromise ; d’organiser judiciairement son redressement lorsqu’elle est en
situation de cessation de paiement, et enfin de procéder à sa liquidation
judiciaire lorsque sa situation est irrémédiablement compromise ».
Ainsi, le droit des entreprises en difficultés est plus
large que celui de la faillite et de la liquidation judiciaire, qui était limité
exclusivement aux commerçants en état de cessation de paiement ; On entend par là
l’impossibilité de faire face aux dettes exigées.
Le nouveau droit s’applique désormais à toute
entreprise de droit privé. Celle-ci est définie comme « un ensemble de moyen matériels
et humains organisé en vue d’une certaine production dans le but de réaliser des
bénéfices et de supporter les pertes ».
Toutefois, il y’a lieu de souligner que le livre 5 du
code de commerce ne s’intéresse pas à toute entreprise, mais seulement à celles
précisées à l’article 560 du code de commerce ; à savoir tout commerçant, toute
organisation ou toute société commerciale.
De ce fait, cette procédure ne s’applique pas à toute
entreprise agricole, ou à toute entreprise ayant pour objet une activité civile
ainsi bien entendu qu’à toute entreprise commerciale qui a honorée ses dettes.
Le nouveau droit des difficultés des entreprises
s’inscrit dans le cadre d’une série de reformes entreprises par la Maroc afin
de s’adapter aux grandes mutations socio-économiques intervenue aussi bien au
plan national qu’au plan international.
En effet, la libéralisation des marchés et la révolution
technologique ont donné lieu au phénomène de la globalisation et de la
mondialisation qui ont imposé la rénovation des institutions juridiques et
traditionnelles, en vue de mettre en place un environnement juridique et
judiciaire permettant aux entreprises de mieux affronter les nouveaux défis
d’une concurrence internationale. C’est dans ce sens que le législateur
marocain a décidé de rompre avec l’archaïsme du système de la faillite et de la
liquidation judiciaire.
Ainsi, le nouveau droit des difficultés de l’entreprise
qui constitue une rupture totale avec l’ancienne législation revêt une
importance à la fois économique et juridique.
Sur le plan économique, il a répondu à une attente
certaine du monde des affaires. L’importance au plan économique de la défaillance
de l'entreprise se traduit par la perte d’un grand nombre d’emplois et par
l’immobilisation de sommes d’argent non négligeables dans le cadre des procédures.
L’intérêt, au plan juridique, du droit des difficultés
des entreprises, se manifeste à plusieurs niveaux. Le droit des difficultés des
entreprises constituent l’occasion ou se pose des questions d’une extrême
complexité sur le plan juridique, et qui sont au carrefour d’autres disciplines
telles que le droit civil, la procédure civile, le droit des contrats, le droit
pénal, le droit fiscal, etc.
L’ouverture d’une procédure de traitement des difficultés
de l’entreprise donne très souvent lieu à une réflexion sur des questions
relevant normalement du droit commun ou de législations spéciales.
La nouvelle législation a apporté des innovations
majeures aussi bien au niveau de la forme que du fond :
Au niveau de la forme : l’innovation découle de
l’utilité même du nouveau texte, à savoir, le terme « difficulté d’entreprise » qui s’est substitué à celui de
faillite et de liquidation judiciaire.
Au niveau du fond : le 1er volet de cette refonte
concerne les personnes soumises à la procédure. A la différence de l’ancienne
législation, de la faillite et de la liquidation judiciaire qui étaient appliquées
uniquement aux personnes répondant à la qualification de « commerçant », le nouveau texte vise désormais la notion
d’entreprise, qui est d’avantage une notion économique et qui s’étend aux
artisans y compris les commerçants.
Le 2nd volet de cette refonte se traduit au niveau de
la procédure. Alors que l’ancienne législation n’intervenait qu’à posteriori,
en se limitant à la faillite et à la liquidation judiciaire, le nouveau texte
agit en amont à travers les procédures de prévention des difficultés et de règlement
amiable. Ceci introduit une différence au niveau des objectifs des deux législations.
Désormais, la finalité de la nouvelle législation réside dans le souci de
fournir les moyens juridiques nécessaires et adéquats à la préservation des
entreprises et des emplois, tout en protégeant les intérêts des créanciers à
travers les procédures de prévention et de règlement amiable (Partie 1).
Par ailleurs ces deux procédures sont complétées par le
traitement des difficultés (Partie 2) qui intervient dans le cadre de
redressement judiciaire par la mise en place d’un plan de continuation ou un
plan de cession. C’est seulement en cas d’échec du redressement ou dans le cas
où la situation de l’entreprise est inévitablement compromise que les procédures
de liquidation judiciaire sont ouvertes.
Partie I : Les procédures de
prévention et de règlemente amiable.
Elles constituent une innovation majeure du droit des difficultés
des entreprises
Chapitre I : Les procédures de
prévention.
Ces procédures comportent une double variante, à savoir
la prévention interne et la prévention externe.
Section 1 : La prévention interne.
Nous verrons les faits déclencheurs de la procédure
(paragraphe 1) ainsi que son déroulement (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Faits
déclencheurs
A la lecture des articles 546 et 547 du code de
commerce, nous constatons que le législateur a limité le champ d’application de
la procédure de prévention interne aux entreprises exerçant sous forme de
société:
Lorsqu’il apparaît au commissaire aux comptes, s’il en
existe un, ou à tout associé qu’il y’a des faits de nature à compromettre la
bonne marche de l’exploitation, il doit attirer l’attention du chef d’entreprise
en l’invitant à redresser la situation.
Paragraphe 2 : Déroulement
Le chef d’entreprise doit être informé dans un délai de
8 jours par lettre recommandée avec accusé de réception. Le chef d’entreprise
dispose d’un délai de 15 jours en vue de trouver une solution à même de
redresser la situation. S’il n’y parvient pas personnellement, ou après délibération
du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, il est tenu de faire
délibérer la prochaine assemblée générale afin de statuer sur un rapport du
commissaire aux comptes à ce sujet.
Si l’assemblée générale n’a pas délibéré ou s’il a été constaté
que malgré les décisions prises par l’assemblée générale, la continuité de
l’exploitation demeure toujours compromise, le président du tribunal est informé
par le commissaire aux comptes ou le chef de l’entreprise.
Le droit d’alerte des associés se limite à alerter le
chef d’entreprise. Ils n’ont pas la possibilité de saisir le président du
tribunal compétent.
Section 2 : La prévention externe.
La prévention externe diffère de la prévention interne
par rapport à son domaine d’application (A) et à l’organe compétent pour déclencher
cette procédure (B).
Paragraphe 1 : Domaine
d’application.
La prévention externe a un domaine plus large en ce
sens qu’il s’applique aussi bien aux sociétés commerciales qu’aux entreprises
individuelles, qu’elles soient commerciales ou artisanales. Dès lors qu’elles
connaissent des difficultés de nature à compromettre la continuité de
l’exploitation.
Il est à noter que le législateur n’a pas défini non
plus la notion de « difficulté de nature à compromettre la continuité de
l’exploitation ».
Paragraphe 2 : Organe
compétant.
Il s’agit du Tribunal de Commerce. Ce dernier peut être
saisi par le commissaire au compte ou le chef d’entreprise, dès lors que la continuité
de l’exploitation demeure compromise malgré le déclanchement de la prévention
interne.
Il peut également être saisi lorsqu’il résulte de tout
acte ou procédure ainsi que la réunion des deux conditions précédemment indiquées.
La mission du président du tribunal consiste à
envisager des mesurer propres à permettre le redressement de l’entreprise. Le président
dispose à cet effet de pouvoirs très larges, assortis d’un caractère d’ordre
public, à savoir : convocation du chef d’entreprise en chambre du conseil (a)
et désignation d’un mandataire spécial (b).
A- Convocation du chef
d’entreprise en chambre du conseil
Le président du tribunal convoque le chef d’entreprise
pour envisager des mesures propres au redressement de l’entreprise. Il peut, à
l’issu de l’entretien, nonobstant toutes disposition législative contraire,
obtenir communication par le commissaire aux comptes, les administrations, les
organismes publics, ou le représentant du personnel, ou par tout autre
personne, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur
la situation économique et financière de l’entreprise.
Le pouvoir de communication ainsi donné au président du
tribunal lui permet de vérifier les dires du chef d’entreprise et de prendre
toutes les décisions qui s’imposent en toute connaissance de cause.
B- Désignation d’un mandataire
spécial
Compte tenu de la nature des difficultés de
l’entreprise, le président du tribunal fait intervenir dans la procédure de prévention
externe des personnes étrangères à l’entreprise qui peuvent être un tiers
mandataire spécial ou le conciliateur en cas d’ouverture du règlement amiable.
En effet, en vertu de l’article 549 du code de
commerce, s’il apparaît au président du tribunal que les difficultés de
l’entreprise peuvent être aplanies (ajustées) grâce à l’intervention d’un
tiers, il le désigne comme mandataire spécial. La mission du tiers désigné
consistera à réduire les oppositions entre le chef d’entreprise et ses partenaires
habituels.
Le président du tribunal détermine la mission du
mandataire spécial et lui accorde un délai pour accomplir sa mission.
Chapitre II : Le règlement amiable.
C’est un dispositif souple et confidentiel. Il est justifié
par l’impératif de ne pas ruiner le crédit de l’entreprise et de ne pas inquiéter
ses clients, en rendant publiques, ses difficultés.
Son objectif réside dans la volonté de rechercher un
accord entre l’entreprise et ses principaux créanciers avant l’ouverture de
redressement ou de liquidation judiciaire.
La procédure de règlement amiable peut être ouverte à
toute entreprise commerciale ou artisanale, à une double condition :
- La 1ère réside dans le fait de ne pas être en état de cessation de
paiement.
- La 2nde consiste dans le fait d’éprouver une difficulté juridique économique
ou financière avérée, ou avoir un besoin ne pouvant être ouvert par un financement
adapté aux possibilités de l’entreprise.
Section 1 : La procédure du
règlement amiable.
Paragraphe 1 : Organe compétent
pour la saisine du tribunal
L’initiative de l’ouverture d’un règlement à l’amiable
revient uniquement au chef de l’entreprise qui doit saisir, par une requête, le
président du tribunal de commerce. Il expose dans sa requête sa situation financière,
économique et sociale ; les besoins de financement, ainsi que les moyens d’y
faire face. Dès la réception de la requête, le président du tribunal de
commerce fait convoquer le chef de l’entreprise pour recueillir ses
explications.
Paragraphe 2 : Les pouvoirs du
président du tribunal saisi et nomination du conciliateur.
A- Pouvoirs du président du
tribunal
Outre les prérogatives qui lui sont dévolues dans le
cadre de la prévention externe, le président du tribunal de commerce a le
pouvoir de charger un expert pour établir un rapport sur la situation économique,
sociale, et financière de l’entreprise. Il peut obtenir des établissements
bancaires et financiers, tout renseignement de nature à donner une information
exacte sur une situation économique et financière de l’entreprise. Ce droit de
communication est aussi assorti d’un caractère d’ordre public.
B- Nomination du conciliateur
S’il apparaît au président du tribunal de commerce que
les propositions du chef de l’entreprise sont de nature à favoriser le
redressement de l’entreprise, il ouvre un règlement à l’amiable, et désigne un
conciliateur pour une période n’excédant pas trois mois mais qui peut être prorogée
d’un mois à la demande de ce dernier.
Les pouvoirs du conciliateur sont précisés par le président
du tribunal de commerce qui lui assigne la mission de rechercher des solutions à
même de favoriser le redressement de l’entreprise.
Le président du tribunal de commerce communique au
conciliateur les documents dont il dispose et fixe le cas échéant le rapport de
l’expertise.
Section 2 : Effets et forme de
l’accord amiable
Afin de donner toute chance de réussite à l’entreprise,
le législateur accorde au conciliateur le droit de demander au tribunal la
suspension provisoire des poursuites.
Ainsi, si le conciliateur estime qu’une suspension
provisoire des poursuites est de nature à faciliter l’accord entre les créanciers
et débiteur, il adresse une demande au président du tribunal. Ce dernier après
avoir recueilli l’avis des principaux créanciers rend une ordonnance qui fixe la
durée de cette suspension provisoire pour une durée n’excédant pas le terme de
la mission du conciliateur.
La suspension provisoire des poursuites produit des effets
aussi bien à l’égard des créanciers qu’à l’égard du débiteur (A).
Aussi, l’accord amiable entre le débiteur et ses
créanciers doit adopter une forme particulière (B).
Paragraphe 1 : Les effets de
l’accord amiable
A- À L’égard des créanciers
A l’égard des créanciers, l’ordonnance rendue par le président
du tribunal de commerce suspend et interdit toute action en justice concernant
des créances nées antérieurement à cette ordonnance et tendant soit à la
condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, soit à la résolution
d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.
L’ordonnance arrête et interdit toute voie d’exécution
de la part des créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles. Enfin,
les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution sont suspendus.
B - À l’égard du débiteur
Quant à l’effet à l’égard du débiteur, il réside dans
l’interdiction faite à ce dernier, à peine de nullité, de payer en tout ou en
partie une créance quelconque dont l’origine est antérieure au prononcé de
l’ordonnance.
Il est lui est également interdit de désintéresser les
cautions qui acquitterait des créances nées antérieurement, ainsi que de faire
un acte de disposition étranger à la gestion normale de l’entreprise ou de
consentir une hypothèque ou un nantissement.
Toutefois, l’interdiction de payer ne s’applique pas
aux créances résultant d’un contrat de travail. Le chef d’entreprise voulant
faire le paiement dans l’intérêt de l’entreprise devra recevoir l’autorisation
du président du tribunal de commerce.
Paragraphe 2 : Forme de
l’accord amiable et le cas d’inexécution
A- Forme de l’accord amiable
L’accord est constaté par écrit et signé par les parties
et le conciliateur est déposé au greffe du tribunal.
Si l’accord est conclu avec les principaux créanciers,
le président du tribunal de commerce peut également l’homologuer et accorder au
débiteur, des délais de paiement pour les créances non incluses dans l’acte.
En dehors de l’autorité judiciaire, l’accord ne peut être
communiqué qu’aux parties signataire, et le rapport d’expertise qu’au chef
d’entreprise.
Par cette confidentialité, l’accord ne pourra faire
l’objet de procédure de recours, en particulier la procédure de tierce
opposition.
B- Inexécution de l’accord
Si la société débitrice n'exécute pas les engagements
financiers qu'elle a pris dans le cadre du règlement amiable, le tribunal
prononce la résolution de celui-ci (Art. 558 al.2). Les créanciers recouvrent
l’intégralité de leurs créances, déduction faite des sommes éventuellement
perçues. Une sanction particulière est en outre prévue par l'article 563 :
L'inexécution de l'accord par le débiteur entraîne l'ouverture d'office par le tribunal
de la procédure de redressement judiciaire, la demande du procédure qui peut
être ouverte aussi sur créancier ou sur requête du Ministère public. Il s'agit
là d'une cause autonome d'ouverture du redressement judiciaire, théoriquement
indépendante de l'état de cessation des paiements du débiteur.
Partie II :
Le déclenchement des procédures de traitement des difficultés d’entreprise
Les procédures de traitement des difficultés de
l’entreprise sont applicables à tout commerçant, à tout artisan, et a toute société
commerciale qui n’est pas en mesure de payer ses dettes exigibles à échéance, y
compris celles qui sont nées de ses engagement conclus dans le cadre du règlement
amiable.
Ces procédures appelées redressement ou liquidation
judiciaire obéissent à des conditions de fond et de forme (chapitre 1). Par
ailleurs, le législateur a prévu des organes particuliers pour l’exécution et
la surveillance de ces procédures (chapitre 2).
Enfin, il a règlementé les droits des créanciers et du débiteur
défaillant.
Chapitre I : Les conditions
d’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise
L’ouverture des procédures de traitement des
difficultés de l’entreprise obéit à des conditions de fond (section 1) et de
forme (section).
Section 1 : Les conditions de fond.
Elles se rapportent à la qualité du débiteur et à la
cessation de paiement.
Paragraphe 1 : La qualité de
débiteur.
A- Le principe
Le livre V du code de commerce fixe la liste des
personnes susceptibles de bénéficier des procédures de traitement des
difficultés de l’entreprise dans les articles 560, 564 & 565.
Il s’agit de toute personne physique ou morale ayant la
qualité de commerçant ou d’artisan et de toute société commerciale en activité.
B- Cas exceptionnels d’ouverture de
la procédure
a- Le débiteur retraité ou décédé
La procédure s’applique également à un commerçant ou un
artisan qui a mis fin à son activité ou qui est décédé.
Deux conditions doivent être réunies afin que soit
recevable, la demande d’ouverture des procédures collectives. En effet, la
cessation des paiements doit être antérieure au décès ou à la retraite et le
tribunal doit avoir été saisi dans un délai de un an à compte du décès ou de la
retraite (Art 564).
b- Les associés en nom collectif
La procédure peut être ouverte à l’encontre d’un en nom
collectif associé tenu solidairement et indéfiniment responsable du passif
social dans une société en nom collectif (Art 565). La règle s’applique à tous
les associés, qu’ils soient gérants ou non. Cependant, elle ne s’applique pas
aux gérants qui n’ont pas la qualité d’associés et qui relèvent donc du régime
des dirigeants sociaux.
c- Dirigeants
Les dirigeants des personnes morales, commerçants,
peuvent subir les effets des procédures de traitement des difficultés aussi
bien dans leur patrimoine que leur personne. Au niveau patrimonial, les actions
et les parts sociales représentant leurs droits sociaux peuvent être déclarées
incessibles par le tribunal.
Les dirigeants peuvent être condamnés à supporter toute
ou partie du passif social. Ils peuvent également se voir ouvrir à leur
encontre une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Au niveau personnel, ils sont passibles de déchéance
civique et professionnelle et dans des cas graves, ils encourent des peines de
banqueroute.
Paragraphe 2 : La cessation de paiement
L’ouverture des procédures de traitement des difficultés
de l’entreprise est subordonnée à la condition qu’il y ait cessation de
paiement du débiteur concerné. C’est en ce sens que s’est prononcé la cour
d’appel de commerce de Casablanca dans un arrêt en date du 16 mars 2000, en considérant
que l’ouverture de la procédure ne peut être ordonnée que s’il est certain
qu’il y’a cessation de paiement.
A- Notion de cessation de paiement
L’entreprise ne peut être soumise au redressement
judiciaire que si elle est dans l’impossibilité de faire face à son passif
exigible avec son actif disponible. Cette définition est retenue par la Cour de
cassation en France (18 juin 1980, Bull IV 212 et 23 novembre 1983, IC. 276). L’article 560 de notre code
de commerce fait aussi référence au caractère exigible des dettes de l’entreprise
et la répute dans ce cas en cessation des paiements.
La cessation de paiement est une notion propre au droit
commercial et qui se distingue de l’insolvabilité. Cette dernière vise un débiteur
qui ne parvient pas à honorer ses engagements du fait que son passif dépasse
son actif.
En revanche, la cessation de paiement concerne le cas
d’un débiteur qui est en arrêt matériel de paiement, mais qui peut être
parfaitement solvable en ce sens que son actif dépasse son passif. C’est
d’ailleurs cette position qui a été adopté par la cour d’appel de Casablanca
dans un arrêt du 29 septembre 2000.
Par ailleurs, dans un autre arrêt du 30 novembre 1999,
la cour d’appel de Casablanca a considéré que l’absence de liquidité au moment
de l’exécution n’implique pas nécessairement que l’entreprise est en cessation
de paiement.
Aussi la même cour d’appel a jugé dans un arrêt en date
du 16 mars 2000 que tout refus de payer n’est pas considéré comme une cessation
de paiement, dans la mesure où ce refus peut être dû à une cause imprévue ou à
la contestation par le débiteur de la validité de la créance, de son montant,
de son échéance, de son exigibilité, ou de son extinction.
C’est en ce sens que le tribunal de commerce de Rabat a
décidé le 14 juillet 1998 ce qui suit : «Attendu que, d’après le dossier, il
s’est avéré que la demanderesse n’a pas prouvé que la défenderesse est en la
situation de cessation de paiement à l’échéance, surtout que le relevé de
compte présenté ne constitue pas une preuve de difficulté de l’entreprise.
D’autant plus que la défenderesse conteste le contenu de la dette...cependant,
le seul fait du défaut de paiement ne suffit pas à caractériser la cessation de
paiement. Il faut que le débiteur se trouve dans une situation désespérée qui le
place dans l’impossibilité de faire face à ses paiements. ».
C’est en ce sens que s’est prononcée de la cour d’appel
de Casablanca dans deux arrêts dont l’un datant du 10 novembre 2000 et l’autre
du 23 février 2001.
Dans le 1er, la cour d’appel a considéré que la
cessation de paiement conditionne l’ouverture de la procédure de redressement
judiciaire et constitue une cause objective qui implique qu’il est nécessaire
que la créance soit échue et exigible et que l’entreprise se trouve incapable
de s’acquitter de ses dettes.
Dans le 2ème arrêt, elle a considéré que lorsqu’une créance
est contestée, elle n’est pas exigible et de ce fait ne confère pas à son
titulaire la qualité qui lui permet une requête en vue de l’ouverture de la procédure
de redressement judicaire.
B- Nature de la dette et preuve de
la cessation des paiements
a- Nature de la dette
Les procédures de traitement des difficultés de
l’entreprise étant une institution spécifique en droit commercial, certains
auteurs ont considéré qu’il fallait limiter la cessation des paiements
exclusivement aux dettes commerciales. Ils concluent que le refus de paiement
d’une dette civile ne devrait pas entrainer l’ouverture de ces procédures.
Cette position a été définitivement écartée par le code
de commerce qui dispose dans son article 563 ce qui suit: « la procédure peut
être ouverte sur l’assignation d’un créancier quelle que soit la nature de sa
créance ».
Ainsi, le défaut de paiement d’une dette quelconque
civile ou commerciale permet l’ouverture des procédures de traitement des
difficultés de l’entreprise.
Toutefois, on ne peut déclarer un commerçant en état de
cessation des paiements que s’il ne paie pas une dette certaine, liquide et
exigible. Mais le créancier ne peut pas invoquer l’exigibilité de la dette du
fait de la déconfiture du débiteur ; puisqu’il s’agit justement de savoir
si le débiteur a cessé ses paiements. Il faut d’autre part que les dettes
impayées ne soient pas contestées dans leur existence ou dans leur montant. En
effet, on ne peut refuser au débiteur le droit de discuter l’existence ou
l’étendue de son obligation, mais cette contestation ne doit pas cependant être
un moyen purement dilatoire.
b- Preuve de la cessation des
paiements
C'est au créancier qui demande le redressement judiciaire
à qui il incombe de prouver la cessation des paiements. La preuve de la créance
impayée peut être faite par tous moyens s'il s'agit d'une créance commerciale
et suivant les règles du D.O.C. s'il s'agit d'une créance civile. L'arrêt
matériel des paiements peut être établi par tous moyens car il s'agit de
questions de fait. En pratique, comme le défaut de paiement ne peut être relevé
que pour des dettes certaines liquides et exigibles, les preuves apportées sont
toujours les mêmes : protêt des effets de commerce, impossibilité de payer les
dettes des emprunts obligataires ou autres ; disparition du commerçant et
fermeture de ses magasins, vente précipitée du fonds à un prix dérisoire, aveu
du débiteur qui demande à ses créanciers des délais de paiement et ne tient pas
sa promesse.
Section 2 : Les conditions de forme
Paragraphe 1 : Saisine du tribunal
Elle peut être obtenue selon les modalités prévues aux
articles 561 et 563, à savoir par le débiteur, les créanciers, le tribunal, ou
le ministère public.
A- Le débiteur
Tout débiteur réunissant les conditions précédemment évoquées,
doit faire une demande au tribunal pour l’ouverture d’une procédure de
traitement des difficultés dans les 15 jours qui suivent la cessation de ses
paiements.
Le non respect de ce délai pourrait donner lieu à des
sanctions ; c’est ainsi que la cour d’appel de commerce de Casablanca a eu
l’occasion de prononcer la déchéance commerciale à l’encontre d’un commerçant
qui a omis de déclarer la cessation de paiement sous le délai prescrit (arrêt
du 28 septembre 2000).
Toute demande d’ouverture de la procédure à
l’initiative du débiteur doit être accompagnée des documents suivants, sous
peine d’irrecevabilité :
– 1- Les états
de synthèse du dernier exercice comptable.
– 2- L’énumération
et l’évaluation de tous les biens mobiliers et immobiliers de l’entreprise.
– 3- La liste
des créanciers et des débiteurs avec l’indication de lieu de résidence, le
montant de leurs droits, les créances et les garanties à la date de cessation
de paiement.
– 4- Le tableau
des charges.
L’ensemble de ces documents doit être daté, signé, et certifié
par le chef de l’entreprise. Dans le cas où l’un de ces documents ne peut être
fourni ou ne peut être qu’incomplet, la déclaration doit contenir les motifs
qui empêchent cette production. Le greffier atteste la réception de ces
documents.
B- L’assignation par les créanciers
Tout créancier a le droit de demander l’ouverture des
procédures de traitement des difficultés de l’entreprise à l’encontre de son
débiteur qui a cessé ses paiements.
Cependant, il est nécessaire pour le créancier, sous
peine de rejet de sa demande, d’apporter la preuve de l’existence de sa créance
certaine et exigible.
En l’absence de cette preuve, sa demande est rejetée
par le tribunal. La cour d’appel de commerce de Casablanca a considéré, dans
son arrêt du 20 mars 2001, que « le créancier doit apporter la preuve qu’il a
une créance certaine et que l’entreprise est dans l’incapacité de payer à l’échéance
».
C- La saisine d’office (par le tribunal)
Cette modalité de saisine est prévue par l’article 563
du code de commerce dans son alinéa 2 qui dispose : « le tribunal peut aussi se
saisir d’office ou sur requête du ministère public, notamment en cas d’inexécution
d’engagements financiers conclus dans le cadre de l’accord amiable prévu dans
l’article 556 ».
Afin d’éviter qu’une décision ne soit rendu sur la base
d’informations insuffisantes, le législateur a subordonné la saisine d’office à
la condition que le débiteur soit entendu ou dûment appelé.
Le droit du tribunal de prononcer d’office l’ouverture
des procédures de traitement des difficultés entraine des conséquences
importantes. Ainsi lorsque c’est le débiteur qui demande l’ouverture d’une procédure
de redressement judiciaire, le tribunal peut d’office prononcer la liquidation
judiciaire. Inversement, le tribunal peut refuser la demande de liquidation
judiciaire sollicitée par un créancier et prononcer d’office le redressement
judiciaire.
Par ailleurs, la déclaration d’office peut intervenir
au cours d’une instance demandé par les créanciers si le tribunal reconnaît que
l’assignation est régulière, et que les conditions de fond pour l’ouverture de procédure
de traitement sont réunies.
Le tribunal peut également prononcer d’office l’ouverture
des procédures de traitement, lorsque les conditions sont réunies sur une
assignation de paiement contre l’entreprise débitrice.
Enfin, si le redressement judiciaire est prononcé, le
tribunal peut le convertir d’office en liquidation judiciaire.
Paragraphe 2 : le jugement
d’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise
A- La juridiction compétente
a- Compétence territoriale :
Le tribunal compétent pour prononcer l’ouverture des
procédures de traitement des difficultés de l’entreprise est le tribunal de
commerce du principal établissement et du siège de la société.
b- La compétence matérielle :
Elle revient aux juridictions de commerce. De ce fait,
le tribunal de commerce qui a ouvert la procédure de traitement des difficultés
de l’entreprise est également compétent pour toutes les actions qui s’y
rattachent, notamment le cas de l’action se rapportant à l’administration de la
procédure ou celle dont la solution requiert l’application de la législation
relative aux droits des difficultés de l’entreprise.
Le tribunal demeure également compétent s’il se révèle
que la procédure doit être étendue à une ou plusieurs entreprises par suite
d’une confusion de leurs patrimoines. Le tribunal statut sur la procédure après
avoir entendu ou dûment appelé le chef d’entreprise en chambre de conseil.
Il peut également entendre toute personne dont
l’audition lui parait utile sans qu’elle puisse invoquer le secret
professionnel.
Le tribunal peut aussi requérir l’avis de toute
personne qualifiée ; il statut au plus tard dans les 15 jours de sa saisine en
prononçant le redressement judiciaire si la situation de l’entreprise n’est pas
irrémédiablement compromise, ou la liquidation judiciaire dans le cas où la
situation de l’entreprise s’avère irrémédiablement compromise.
B- Le jugement d’ouverture :
a- Le contenu du jugement :
Le jugement d’ouverture d’une procédure de traitement
des difficultés de l’entreprise fixe la date de cessation de paiement et
désigne les organes chargés de l’exécution de la procédure.
1- La fixation de la date de
cessation de paiement :
La date de cessation de paiement doit être fixée dans
le jugement d’ouverture, à défaut de fixation, elle est réputée avoir lieu à la
date du jugement.
Afin de réduire les inconvenants qui peuvent être
engendrées par des personnes de bonne foi de l’application du principe d’inopposabilité
de la période suspecte, le législateur a prévu que la date de cessation de
paiement ne peut être antérieure à plus de 18 mois de la date du prononcé du
jugement. Toute fois, la date de cessation de paiement fixée par le jugement de
rupture peut faire l’objet de report en cour de procédure de traitement des difficultés.
C’est ainsi que le tribunal peut prendre une ou
plusieurs décisions fixant la date de cessation de paiement à une date plus reculée.
La demande de modification de la date doit être présentée
au tribunal par le syndic avant l’expiration du délai de 15 jours suivant le
jugement qui arrête le plan de continuation ou de cession, ou si c’est la
liquidation judiciaire qui est prononcée, suivant le dépôt de l’état des créances.
2- La désignation des organes de la
procédure :
Le jugement d’ouverture désigne un juge commissaire
parmi les magistrats du tribunal. Par ailleurs, le tribunal nomme un syndic dont
la fonction est exercée par le greffier. Toutefois, le tribunal peut confier
cette mission à un tiers. Enfin, le tribunal procède à la désignation de
contrôleurs parmi les créanciers et à la demande de ces derniers.
b- La publication du jugement d’ouverture
:
L’état de redressement ou de liquidation judiciaire
constaté par la décision du tribunal va s’imposer à tous, et il est donc
nécessaire de faire connaître aux tiers, la nouvelle situation juridique du
débiteur, d’autant plus que le jugement prend effet à partir de sa date.
Par ailleurs, ce jugement aura des incidences aussi
bien à l’égard du débiteur qu’à l’égard des créanciers. L’ensemble de ces
considérations explique la quadruplication qu’à été prévue par le législateur
dans ce domaine.
En 1er lieu :
le jugement d’ouverture doit être mentionné sans délai au registre de commerce.
En 2nd lieu :
dans un délai de 8 jours de la date du jugement, un avis de la décision est
publié dans un journal d’annonces légales et au Bulletin Officiel. Cet avis
invite les créanciers à déclarer leur créance au syndic désigné.
En 3ème lieu : l’avis du jugement doit être affiché au
panneau réservé à cet effet au tribunal.
En dernier lieu
: dans le même délai de 8 jours, le jugement est notifié à l’entreprise par les
soins du greffier.
c- Les voies de recours :
Le jugement d’ouverture de la procédure de traitement
des difficultés de l’entreprise et les ordonnances rendues en cette matière
sont exécutoires par provision.
L’opposition et la tierce opposition sont formées
contre les décisions rendues en matière de redressement et de liquidation
judiciaire, ainsi que de déchéance commerciale par déclaration ou par greffe du
tribunal, dans un délai de 10 jours à compter du prononcé de la décision ou de
sa publication au Bulletin Officiel si cette publication est prescrite.
L’appel doit être interjeté dans un délai de 10 jours à
compter de la notification de la décision, toutefois, ce délai court à compter
de la date de la décision à l’égard du syndic.
Enfin, le pourvoi en cassation doit être formé dans le délai
de 10 jours de la notification de l’arrêt.
S’agissant du recours à l’encontre des décisions en matière
de banqueroute, et d’autres infractions, elles sont soumises aux dispositions
du code de procédure pénale.
Chapitre II : Les organes de la procédure
de traitement des difficultés de l’entreprise
Section 1: Le tribunal
Le tribunal qui rend le jugement d’ouverture détient le
pouvoir d’administration et de direction de la procédure. A cet effet, il
dispose d’une compétence élargie pour connaître de toute les contestations
découlant des procédures de redressements et de liquidations judiciaires, comme
l’extension des procédures à une entreprise du fait de la confusion du
patrimoine, ou aux dirigeants de l’entreprise lorsque les conditions sont
réunies.
Section 2 : Le juge commissaire
(J.C)
A- Statut
Il est désigné parmi les magistrats du tribunal par le
jugement d’ouverture, son rôle est définie par l’article 638 du code de
commerce, qui dispose que : « le juge commissaire est chargé de veiller au
déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence
».
Afin d’accomplir son rôle, le juge commissaire reçoit
des infos de diverses sources, à savoir, le syndic, les contrôleurs, les
créanciers, et le procureur du roi.
B- Pouvoirs
Le juge commissaire dispose des pouvoirs suivants :
- Il contrôle l’action du syndic.
- Il joue un rôle décisif dans la procédure des
admissions des créanciers.
- Il dispose du pouvoir de demander le remplacement du
syndic.
- Il arrête l’état des créances et décide s’il y’a lieu
ou non de procéder à leur vérification.
- Il désigne enfin un à trois contrôleurs parmi les
créanciers qui lui font la demande.
Par ailleurs, le juge commissaire dispose du pouvoir
d’ordonner ou d’autoriser un certain nombre d’actes qui dépassent la compétence
du syndic.
C’est ainsi que dans la procédure de redressement
judiciaire, le juge commissaire autorise le chef d’entreprise ou le syndic à
consentir une hypothèque ou un nantissement à compromettre ou à transiger.
Aussi en cas de cession de l’entreprise, le juge commissaire peut demander des
explications complémentaires sur l’effort fait par un candidat à l’acquisition.
Dans la procédure de liquidation judiciaire, et lorsque
des unités de production composées de tout ou partie de l’actif mobilier ou
immobilier pouvant faire l’objet d’une cession globale, le juge commissaire
procède au choix qui permet d’assurer durablement l’emploi et le paiement des
créanciers. Il ordonne la vente aux enchères publiques ou le gré à gré des
autres biens de l’entreprise.
Enfin, le juge commissaire peut d’office ou à la
demande du syndic ou des créanciers ordonner le paiement à titre provisionnel
d’une quote-part de la créance définitivement admise.
Les décisions du juge commissaire sont prises sous
forme d’ordonnances. Ces ordonnances sont exécutoires par provision et
immédiatement déposées au greffe.
En vertu de l’article 637 alinéa 1 du code de commerce,
« aucun parent jusqu’au 4ème degré, exclusivement du chef de l’entreprise ou
des dirigeants des l’entreprise ne peut être désigné comme juge commissaire ».
Section 3 : le syndic
A- Statuts
Le jugement qui prononce l’ouverture des procédures de
traitement des difficultés désigne le syndic. La fonction du syndic peut être assurée
par le greffe ou le cas échéant par un tiers.
En vertu de l’article 642 du code de commerce, le
syndic a pour seule qualité pour agir au nom et dans l’intérêt des créanciers
sous réserve des droits reconnus aux contrôleurs.
B- Pouvoirs
C’est ainsi que le syndic prend toute mesure pour
informer et consulter les créanciers.
A l’égard du débiteur, le rôle du syndic varie suivant
la nature de la procédure :
C’est ainsi que dans le cadre de redressement
judiciaire, et lorsqu’il y’a continuation de la procédure, le rôle du syndic
est fixé par le jugement qui le désigne. Sa mission peut consister soit dans la
surveillance des opérations de gestion, soit dans l’assistance du chef de
l’entreprise pour les actes de gestion ou seulement certains d’entre eux, soit
dans le fait d’assurer seul entièrement ou en partie la gestion de
l’entreprise.
Le tribunal peut à tout moment modifier la mission du
syndic, d’office ou à sa demande.
C- responsabilité
Dans l’exercice de sa mission, le syndic assume une responsabilité
civile et pénale.
Au plan civil, l’article 724 du code de commerce prévoie
l’application de la peine de banqueroute pour tout syndic ayant commis l’un des
faits suivants :
- Utiliser à des fins personnels les sommes perçues
dans l’accomplissement de sa mission ou attribuer des avantages qu’il savait n’être
pas dus.
- Faire illégalement des pouvoirs qui lui sont conférés,
un usage outre que celui auquel ils sont destinés et contrairement aux intérêts
des créanciers et du débiteur.
- Abuser des pouvoirs dont il dispose aux fins
d’utiliser ou d’acquérir pour son compte des biens du débiteur soit
personnellement soit par personnes interposées.
Les peines applicables sont d’un à cinq ans
d’emprisonnement et une amende de 10.000 à 100.000Dh.
Section 4 : les contrôleurs
A- Statuts :
Le juge commissaire désigne 1 ou 3 contrôleurs, personne
physique ou morale. En général ces contrôleurs sont désignés parmi les créanciers
importants et sur leur demande, afin de mieux surveiller leurs intérêts.
Dans la désignation des contrôleurs, le juge
commissaire veille à ce que l’un d’entre eux soit choisi parmi les créanciers
titulaires de sureté et qu’un autre soit parmi les créanciers chirographaires.
L’article 645 alinéa 3 du code de commerce précise qu’
: « aucun parent ou allié jusqu’au 2ème degré inclusivement du chef de
l’entreprise ne peut être nommé contrôleur ou représentant d’une personne
morale désignée contrôleur ».
B- Pouvoirs
La mission des contrôleurs consiste dans l’assistance
du syndic dans ses fonctions et le juge commissaire dans ses attributions de
surveillance et d’administration de l’entreprise.
Les contrôleurs ont le droit de prendre connaissance de
tous les documents transmis au syndic. Ils rendent compte aux autres créanciers
de l’accomplissement de leur mission à chaque étape de la procédure. Ils
peuvent être invoqués par le tribunal sur opposition du syndic ou du juge
commissaire.
Partie III : Redressement et
Liquidation
Chapitre
I : Le plan de redressement
Section
1 : Préparation du plan
Paragraphe 1 : Projet de plan
Le jugement de redressement judiciaire ouvre une
période d'attente qui permet au syndic de dresser dans un rapport le bilan financier,
économique et social de l'entreprise avec le concours du débiteur et
l'assistance éventuelle d'un ou plusieurs experts. Ce bilan doit préciser
l'origine, l'importance et la nature des difficultés de l'entreprise. Au vu de
ce bilan, le syndic propose au juge commissaire un projet de plan de
redressement tendant, soit à la continuation de l’entreprise, soit à sa cession
(Art.579 al. 1). La durée limite assignée au syndic pour faire ces propositions
est de quatre mois à compter de la date du Jugement d'ouverture de la
procédure. Ce délai est renouvelable une fois à la demande du syndic (Art. 579
al. 2). Au total, le syndic a donc huit mois pour proposer un plan de
redressement au juge-commissaire.
A- Règles générales
1- Contenu du projet de plan.
Le projet doit pouvoir déterminer les perspectives de
redressement. C'est en fonction des possibilités et des modalités d'activités,
de l'état du marché et des moyens de financement disponibles qu'il pourra se
prononcer. L’analyse financière de la situation doit révéler si l'entreprise
est capable de financer correctement le maintien et le développement de ses
éléments d'actif productif. L'analyse économique doit permettre d'apprécier la
situation commerciale de l'entreprise : valeur de ses produits ou services
sur le marché, situation de la concurrence, etc.
Le projet doit, en outre, définir les modalités de
règlement du passif et les garanties éventuelles que le chef d'entreprise doit
souscrire pour en assurer l'exécution (Art 580). Les propositions présentées
pour le règlement des dettes sont, au fur et à mesure de leur élaboration et
sous la surveillance du juge commissaire, communiquées par le syndic (ou le
débiteur) aux contrôleurs.
Enfin, le projet expose et justifie le niveau et les perspectives
d'emploi ainsi que les conditions sociales envisagées pour la poursuite de
l'activité. S'il prévoit des licenciements pour motif économique, il devra
préciser les actions à entreprendre en vue de faciliter le reclassement et l'indemnisation
des salariés dont l'emploi est menacé.
2- Informations et consultations
préparatoires.
Outre les mesures exceptionnelles pour l’information du
tribunal (Art. 567), le législateur organise une large circulation des
renseignements pendant la phase d'élaboration du bilan financier, économique et
social et du projet de plan (Art. 581). Le syndic reçoit des commissaires aux
comptes et de l'administration tout document et toute information pour
l'accomplissement de sa mission et de celle des experts. Il reçoit le rapport
d'expertise qui a été établi pour le règlement amiable si la procédure de
redressement succède a celle du règlement amiable. Il entend toute personne
susceptible de l'informer sur la situation et les perspectives de redressement
de l'entreprise, les modalités de règlement du passif, et les conditions
sociales de la poursuite de l'activité. Il rend compte de l'avancement de ses
travaux au juge-commissaire (Art. 581 al. 2).
3- Offre de reprise.
D'une certaine façon, l'entreprise défaillante est à
vendre dès le déclenchement du redressement judiciaire. Le législateur donne
ainsi la possibilité à des tiers à l'entreprise de faire des offres pour
maintenir l'activité de l'entreprise. Ainsi l'Art. 582 prévoit cette
intervention des tiers dès l'ouverture de la procédure. Les offres doivent être
soumises au syndic immédiatement selon l’une des modalités susceptibles d'être
envisagées par le plan : continuation de l'entreprise, cession ou liquidation
judiciaire. Les offres sont annexées au rapport du syndic, qui en fait
l'analyse.
L'Art. 582 al. 2 définit les conditions dans lesquelles
les offres ainsi faites obligent leur auteur. L'offre ne peut être modifiée ou
retirée après la date de dépôt du rapport du syndic. Mais cette interdiction ne
doit pas empêcher une amélioration de l'offre primitive. L'auteur de l'offre
reste lié jusqu'à la décision du tribunal arrêtant le plan, à condition que
cette dernière intervienne dans le mois du dépôt du rapport. L'auteur ne
demeure lié au delà que s'il y consent.
4- Consultation des créanciers.
Les propositions pour le règlement des dettes
comportent habituellement des délais et des remises. Elles sont communiquées
aux contrôleurs par le syndic, sous la surveillance du juge-commissaire (Art.
585 al. 1).
Le syndic communique ces propositions aux créanciers
ayant déclaré leur créance et recueille l'accord de chacun,” individuellement
ou collectivement" (Art. 585 al. 2). Le législateur a fait allusion à
l'existence d'un intérêt collectif des créanciers pour permettre à ceux-ci de
trouver le moyen de confronter leurs intentions, et d'arrêter une position
commune. Les délais et les remises qui peuvent être acceptés par les créanciers
n'ont de valeur que dans la perspective d'un plan de continuation de
l’entreprise. En effet, l'Art. 585 n'impose la consultation des créanciers
qu'en vue d'un plan continuation.
A la lettre recommandée adressée par le syndic aux
créanciers sont joints : un état de la situation active et passive avec
ventilation du passif privilégié et du passif chirographaire, le texte des
propositions du syndic et du débiteur et l'indication des garanties offertes,
l'avis des contrôleurs s'il en a été nommé. Le défaut de réponse par
écrit dans le délai de trente jours vaut acceptation
par le destinataire des délais et remises proposés lorsque la consultation est
individuelle. En cas de consultation collective, les créanciers se réunissent
sous la présidence du syndic aux lieu, jour et heure fixés dans la lettre de
convocation, un avis est en outre inséré dans un journal d'annonces légales. La
réunion doit avoir lieu entre le quinzième et le vingt et unième jour de
l'envoi de la lettre. Les créanciers se présentent en personne ou se font
représenter par un fondé de pouvoir muni d'une procuration spéciale. Le syndic
fait un rapport sur l'état de redressement judiciaire (Art. 587). L'accord
individuel de chaque créancier présent ou représenté est recueilli par écrit.
B- Règles spéciales concernant les
personnes morales
Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, la préparation
du plan est liée à la reconstitution des capitaux propres et à Élimination de
1'influence des dirigeants incompétents.
1- Reconstitution du capital.
Lorsque le
syndic un plan de continuation envisage de proposer au tribunal impliquant une
modification du capital, il demande au conseil d'administration, au directoire
ou aux gérants, selon le cas, de convoquer une assemblée générale
extraordinaire ou l'assemblée des associés. Si, du fait des pertes constatées
dans les documents comptables, les capitaux propres sont inférieurs au quart du
capital social, l'assemblée est d'abord appelée à reconstituer les capitaux
propres à concurrence du montant proposé par le syndic qui ne peut être
inférieur au quart du capital social (Art. 583 al.2).
L'hypothèse envisagée ici est celle de l'article 357 de
la loi sur la société anonyme, mais la seule solution possible est
l'augmentation du capital, susceptible de procurer à l’entreprise les capitaux
frais dont elle a besoin.
L'assemblée peut également être appelée à décider la réduction
et l'augmentation du capital en faveur d'une ou plusieurs personnes qui
s'engagent à exécuter le plan. Ainsi, un " coup d'accordéon " peut
être proposé à l'assemblée. Si, dans la société anonyme, les anciens
actionnaires ne veulent pas ou ne peuvent pas participer à l’augmentation du
capital, ils sont appelés à renoncer à leur droit préférentiel de souscription
au profit des étrangers qui acceptent d'apporter les capitaux nécessaires. A
défaut, la société est exposée à une cession ou à une liquidation.
2- Elimination de l’influence des
dirigeants.
Le tribunal peut
prendre trois décisions préparatoires à l’adoption du plan. S'il estime que la
survie de l'entreprise le requiert, le tribunal peut exiger le remplacement
d'un ou plusieurs dirigeants sociaux et subordonner l'adoption du : plan de redressement
à ce í remplacement (Art. 584). Pour éviter que les dirigeants évincés n'usent
de leurs pouvoirs d'associés pour entraver la nouvelle politique de l'entreprise,
e tribunal peut prononcer l'incessibilité des actions, parts sociales ou
certificats de droit de vote détenus par un ou plusieurs dirigeants de droit ou
de fait, rémunérés ou non, et décider que le droit de vote y attaché sera
exercé, pour une durée qu'il axe, par un mandataire de justice désigné à cet effet.
Le tribunal peut encore ordonner la cession des actions ou parts sociales des
dirigeants, le prix de cession étant axé à dire d'expert.
Pour l'application de toutes ces dispositions, les dirigeants
sont entendus ou dûment appelés (Art. 584 al. 3).
Paragraphe 2 : Gestion de
l’entreprise
La gestion de l'entreprise comporte des restrictions
aux pouvoirs du débiteur et des règles concernant la continuation de l'activité
sociale.
A-
Restrictions aux pouvoirs du débiteur
1- Pouvoirs du débiteur dans la
gestion.
Ces pouvoirs
dépendent de la mission conférée au syndic (Art. 576). Le débiteur peut assurer
la gestion de l'entreprise sous la surveillance du syndic. Mais la notion de
surveillance n'a pas de sens juridique et la mission du syndic dans ce cas
reste vague. Le syndic peut cependant être chargé d'assister le débiteur pour
tous les actes concernant la gestion ou certains d'entre eux ou d'assurer seul,
entièrement ou en partie, la gestion de l'entreprise. Dans toutes ces
situations, le législateur n'indique pas les critères qui doivent guider le
tribunal pour axer la mission du syndic et donc les pouvoirs du débiteur. Cela
d'autant plus que le tribunal peut, à tout moment, modifier la mission du
syndic. On peut donc admettre que la formule qui sera retenue par le tribunal
devra être celle qui assure au mieux la continuation de l'activité. En toute
hypothèse, le syndic peut faire fonctionner sous sa signature les comptes
bancaires ou postaux dont le débiteur est titulaire (Art. 577).
2- Interdiction du paiement des
dettes antérieures au jugement d'ouverture.
L'Art. 657 interdit au débiteur comme au syndic de
payer en tout ou partie aucune créance née antérieurement au jugement
d'ouverture de la procédure. Un tel acte ne pourrait qu'entraver le
redressement espéré, et porterait atteinte à l'égalité entre les créanciers.
L'interdiction concerne toutes les créances, qu'elles aient ou non leur origine
dans l'exploitation de l'entreprise, qu'elles soient chirographaires ou
garanties par une sûreté. Le juge commissaire peut autoriser le débiteur ou le
syndic, selon le cas, à payer une créance antérieure au jugement, pour retirer
une chose remise en gage ou "légitimement retenue ", lorsque ce
retrait est justifié par la poursuite de l'activité de l'entreprise (al. 2).
La référence à la " chose légitimement retenue
" concerne les hypothèses dans lesquelles la loi et la jurisprudence
reconnaissent l'existence d'un droit de rétention. La formule légale prend en
effet en considération la restriction qui affecte le domaine du droit de
rétention.
Tout paiement effectué en violation de l'interdiction
est annulé à la demande de tout intéressé présentée dans un délai de trois ans
à compter de l'acte interdit. Le débiteur aussi peut agir parce qu'il s'agit
d'une nullité absolue. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à
compter de celle-ci (Art 658).
3- Impossibilité de compensation.
a- Principe
Le fonctionnement de la compensation entre une créance
sur le débiteur et une dette envers lui donne lieu à aucune difficulté si les
deux obligations en sens contraire sont toutes les deux fongibles, liquides et
exigibles lors du jugement d'ouverture de la procédure. " La compensation
légale se produit de plein droit " sans qu'une des parties ait à faire une
déclaration sur ce point (Cars. com. 29 novembre 1988, Rev. Proc. Coll. 1989,
158 D.S. 1989, Somm. Comm. 235, obs. AUBERT), et sous réserve du cas où elle
résulterait d'un acte annulé par application des nullités de la période
suspecte. En revanche, lorsque la compensation légale n'a pas pu fonctionner
lors du jugement d'ouverture, notamment parce qu'une des dettes n'était pas
encore liquide ou exigible, la compensation est écartée car elle
contreviendrait à la volonté du législateur d'immobiliser le passif du débiteur
au jour de l'ouverture de la procédure en interdisant tout paiement postérieur,
et elle assurerait au cocontractant une situation préférentielle, au mépris de
l'égalité qui doit régner entre les créanciers. Et ce, d'autant plus que le
jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne rend pas exigibles les
créances (Art. 571).
b- Tempéraments.
Il existe toutefois quelques exceptions : la
compensation doit être admise dans deux séries de cas :
Il en est ainsi d'abord quand les créances et les
dettes se trouvent comprises dans un même compte. L'exemple le plus important
est celui du compte courant qui fonctionne entre les banquiers et leurs clients
et qui permet aux banquiers de compenser leurs dettes exigibles avec leurs
créances à terme (Voy. Paris, 2 avril 1990, Banque, 1990, 871, obs RIVESLANGE).
La compensation ne se produit qu'à l'intérieur d'un même compte. Mais lorsqu'il
existe entre les banquiers et leurs clients deux comptes courants distincts,
les banquiers s'efforcent par une lettre de fusion ou une affectation en
garantie, de garantir le débit d'un compte par le crédit d'un autre.
La compensation est également admise lorsque les
obligations sont connexes comme naissant du même contrat, même si toutes les
deux ne remplissent pas les conditions requises pour la compensation légale
avant le Jugement déclaratif. La connexité est ainsi reconnue lorsque les deux
obligations naissent de l'exécution d'un même contrat, puisque l'un des
contractants pourrait refuser de s’exécuter si l’autre ne s'exécutait pas. Par
exemple, l'assureur peut c compenser la prime qui lui est due avec l’indemnité
qu'il doit
3- Actes soumis à l'autorisation du
juge commissaire.
L'Art. 578 place l'ensemble du patrimoine du débiteur
sous le contrôle judiciaire par les termes très généraux qu'il renferme. Ce
texte concerne le débiteur, assisté ou non du syndic, ou le syndic lorsqu'il
est investi du pouvoir d’assurer, entièrement ou en partie, la gestion de
l’entreprise.
B- Continuation de l'activité
L'Art. 571 pose le principe que l'activité de
l'entreprise est poursuivie après le prononcé du jugement de redressement
judiciaire. Cependant, à tout moment le tribunal peut ordonner la cessation de
cette activité et prononcer la liquidation judiciaire. Le tribunal statue sur
la demande motivée du syndic, d'un contrôleur, du chef de l'entreprise ou
d’office et, dans tous les cas, sur
rapport du juge-commissaire.
Dans cette phase de la procédure, les dirigeants
demeurent en fonction s'ils ne sont pas frappés d’une interdiction de gérer ou
d'administrer.
La continuation de l'activité suppose la conclusion de nouveaux
contrats dans le cadre des pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic et
souvent le maintien des contrats en cours d'exécution. Par ailleurs, le
législateur fait une distinction entre les créances dont l'origine est
antérieure au jugement qui ouvre la procédure et les créances nées
régulièrement après le jugement d'ouverture.
1- Sort des contrats en cours
d’exécution
a- L'option réservée au syndic.
Le maintien des contrats qui unissent le débiteur à ses
fournisseurs, ses banquiers et ses clients, peut être utile à la continuation
de l'entreprise. L'Art. 573 consacre indirectement cette solution en donnant au
syndic le droit d'option entre l'exécution et la continuation du contrat. Le
droit d'option est réservé au le syndic seul, quelle que soit d'ailleurs
l'étendue de sa mission.
b- Exercice de l'option.
Le maintien des contrats en cours est affirmé, en
principe, en dépit des dispositions légales et nonobstant toute clause
contractuelle. En effet, l'Art. 574 al. 4 décide que « Nonobstant toute
disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité,
résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de
l'ouverture du redressement judiciaire ». Cette solution s'impose donc en
présence d'une disposition légale contraire et, à plus forte raison, pour les
contrats prévoyant une résolution de plein droit de la convention au cas de
redressement judiciaire.
Cette dérogation au droit commun se justice par des
considérations pratiques évidentes. La disparition immédiate de nombreux
contrats compromettrait certainement la continuation de l’exploitation et
placerait les cocontractants dans une position de force leur permettant de
rompre en leur faveur la règle de l'égalité.
L'article 573 s'efforce, par ailleurs, d'équilibrer
l'intérêt de l'entreprise et celui de son cocontractant. Ainsi, la renonciation
à la continuation du contrat est présumée si le cocontractant a adressé au
syndic une mise en demeure qui est restée plus d’un mois sans réponse. Cette
présomption est irréfragable car le contrat est résilié de plein droit dans ce
cas.
c- Inexécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement
d'ouverture.
Lorsque le syndic réclame la continuation d'un contrat,
« le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut
d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le
défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers
qu'à déclaration au passif ». Les créanciers ne peuvent donc pas invoquer
l'indivisibilité qui aurait existé entre les prestations convenues. Leurs
créances nées avant le jugement déclaratif doivent être soumises au sort de
toutes les créances de la même espèce.
d - Conséquences de l'option.
Si le contrat est synallagmatique et si le
cocontractant n'a pas encore exécuté son obligation, il jouit normalement de
l'exception d'inexécution (exceptio non adimpleti contractus) dans les conditions
du droit commun. Ainsi, par exemple, si son obligation consistait dans la
livraison d'une chose, l'exception se traduit par l’exercice du droit de
rétention. Le vendeur peut refuser de livrer l'acquéreur en état de cessation
des paiements parce qu'il ne peut pas payer le prix. Mais le législateur réduit
le domaine du droit de rétention. En effet, ce droit est refusé dans les ventes
qui comportent un terme pour le paiement du prix, car les créances à terme ne deviennent
pas exigibles, à moins que la liquidation judiciaire ne soit déclarée ou que le
tribunal décide un plan de cession.
e - Droit de demander la résolution.
Si le syndic n'exerce pas la faculté de poursuivre le
contrat, le cocontractant ne peut pas rester engagé indéfiniment dans le contrat,
et pour se dégager, il faut qu'il assigne en résolution. Le redressement
judiciaire ne constitue pas une force majeure exonérant le débiteur de sa
responsabilité en cas inexécution du contrat. Si le contrat n'est pas exécuté,
c'est par la faute contractuelle du débiteur en état de cessation des paiements.
Le cocontractant qui agit en résolution judiciaire peut donc réclamer des
dommages et intérêts pour le préjudice qui lui est causé par cette résolution.
Le principe est consacré par l'Art. 573 Al. 3, qui précise que le montant des
dommages et intérêts doit être déclaré au passif au profit de l'autre partie.
2- Sort des créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure
Ø Absence de déchéance du
terme.
Le jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne
rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé (Art. 571 al.
2). Il est évident qu'à ce stade de la procédure, l’exigibilité immédiate des
créances à terme serait un obstacle au redressement espéré. Cette exigibilité
n'est justifiée que pour les besoins d'une liquidation judiciaire ou lorsque le
tribunal qui arrête le plan ordonne la cession totale de l'entreprise.
Ø Droits limités des créanciers.
Les droits des créanciers
antérieurs sont limités. La discipline de la procédure impose aux prérogatives
individuelles des créanciers des restrictions sévères. Les créances produites
sont vérifiées et les créanciers sont consultés sur les perspectives de
règlement du passif, en prévision d'un plan de continuation.
a-
Restrictions des droits individuels des créanciers provisoires des
poursuites
La réglementation nouvelle réunit des règles empruntées
aux procédures traditionnelles et à la suspension provisoire des poursuites :
la suspension des poursuites individuelles, l'interdiction des inscriptions,
l'arrêt du cours des intérêts.
Ø Suspension des poursuites
individuelles
Il faut laisser à l'entreprise le répit nécessaire pour
l'établissement d'un bilan et l'élaboration d'un plan de redressement. D'après
l'Art. 653 la suspension s'applique à tous les créanciers dont la créance a son
origine antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure. Toutes les
créances sont concernées, qu'elles soient chirographaires ou privilégiées, y
compris celle du Trésor. La suspension s'applique aux actions en justice et aux
voies d'exécution (Art. 656).
·
Suspension des actions :
L'Art. 653 vise la suspension de deux catégories
d'actions : celle tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme
d'argent. Cette catégorie d'action englobe les actions qui ont pour objet
d'établir l'existence d'une créance incertaine et d'en axer le montant : par
exemple les actions en dommages et intérêts fondés sur une faute délictuelle ou
sur la mauvaise exécution d'un contrat. L'article s'applique également à la catégorie
d'action tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement du prix.
L'interdiction de l'action en résolution empêche le cocontractant de reprendre
un bien qui peut être indispensable à la poursuite de l'exploitation ; nous avons
déjà vu comment cette règle doit être conciliée avec celles qui gouvernent la
continuation des contrats en cours dans l'Art. 573.
A partir du jugement d'ouverture de la procédure, un créancier
ne peut plus introduire contre le débiteur une action nouvelle. Pour les
actions qui ont été intentées auparavant, elles font l'objet d'une interruption
d'instance. De ce que les créanciers sont dans l'impossibilité d'agir, l'Art. 653
al. 4, déduit la suspension des délais qui leur sont impartis à peine de
déchéance ou de résolution.
·
Suspension des voies d'exécution :
L'At. 653 al. 3 suspend toute voie d'exécution (des
créanciers antérieurs) tant sur les meubles que les immeubles, notamment, la
saisie conservatoire ou saisie exécution d'un meuble et les saisies
immobilières. Après avoir défini le domaine des actions suspendues, la loi
précise (Art. 654) que les instances en cours sont suspendues jusqu'à ce que le
créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont
alors reprises de plein droit, le syndic dûment appelé, mais tendent uniquement
à la constatation des créances et à la taxation de leur montant.
Certaines actions ne sont pas soumises à la suspension
des poursuites. Il s'agit des actions qui ne sont pas expressément visées par
l'Art. 653. Il en est ainsi de l'action en résolution exercée pour une cause
autre que le défaut de paiement du prix (vice caché par exemple), des actions
en nullité, de revendication, en rescision pour lésion, ou des actions
sanctionnant l'inexécution d'une obligation de faire (Cass. Com. 12 mai 1992,
R.J.D.A. 1992, 506).
Ø Interdiction des
inscriptions :
L'Art. 666 décide que les hypothèques, nantissements,
privilèges ne peuvent plus être inscrits après le jugement d'ouverture du
redressement judiciaire. Il faut comprendre par cette règle que l'inscription
qui serait prise devrait être considérée comme non avenue et tout intéressé
pourrait en demander la radiation.
Ø Arrêt du cours des
intérêts :
L’art. 659 pose en règle générale que le jugement
d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et
conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majorations. Le texte ne
fait aucune distinction et s’applique à toutes les catégories de
créanciers : créanciers chirographaires, titulaires d’un privilège général
et d’une sureté spéciale.
·
Justifications.
L’arrêt du cours des intérêts est une solution qui se justice
tout d'abord par le principe d’instaurer l’égalité des créanciers : si les
intérêts continuaient à courir à des taux différents, la prolongation de la
procédure profiterait à certains et porterait préjudice a d'autres. Elle s'explique
aussi par les exigences pratiques de l’organisation collective : le passif du
débiteur doit être arrêté à un certain moment ; si les intérêts continuaient à
courir, serait modifié chaque jour. Il
faut sans doute ajouter que le législateur a limité les droits des créanciers
antérieurs au jugement pour favoriser le redressement de l'entreprise en
difficulté.
·
Conséquence.
La lettre et l'esprit de la loi commandent d'admettre,
que, dans l'intérêt de l'entreprise, le débiteur est libéré de tous intérêts
légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations,
à partir du jugement d'ouverture du redressement judiciaire. Cette règle
pourrait sans doute être écartée par une clause qui stipulerait expressément
que les intérêts continueront à courir à l'égard de la caution, au cas de
redressement judiciaire du débiteur principal.
Par ailleurs, il est évident que les intérêts échus au
jour du prononcé du règlement judiciaire s'ajoutent au capital de la créance.
Il faut les compter jour par jour. Une difficulté se présente dans le cas où
les intérêts sont dissimulés dans une augmentation du capital de la
créance ; il en est ainsi dans les obligations à prime. Il faut alors
dégager d'après le tableau d'amortissement la portion des intérêts échus.
b- Procédure de vérification des créances
Ø Procédure.
Les créanciers dont la créance a son origine
antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, à l'exception des
salariés, doivent déclarer leurs créances et se soumettre à une procédure de
vérification pour participer aux différentes modalités d'apurement du passif qui
résultent, selon le cas, du plan de continuation de l'entreprise ou de sa
cession, ou de sa liquidation.
Ø Déclaration des créances.
Les créanciers postérieurs ne sont pas soumis à la
procédure de vérification puisqu'ils bénéficient d'un traitement de faveur qui
les dispense, notamment, de l’obligation de déclaration.
L'obligation de déclaration incombe donc à tous ceux
qui se prétendent créanciers pour une cause antérieure au jugement d'ouverture.
Elle s'impose aux créanciers chirographaires, titulaires d'un privilège général
et d'une sûreté spéciale. Le Trésor et la Sécurité sociale doivent déclarer
leur créance comme tous les autres créanciers.
Le créancier bénéficiant d'une sûreté ayant fait
l'objet d'une publication ou d'un crédit-bail publié sont avertis
personnellement et, s'il y a lieu à domicile élu (Art. 686).
·
Les formes de la déclaration.
Aucune forme n'est imposée, mais le créancier doit
manifester de façon certaine la volonté de déclarer sa créance. La déclaration
porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec
indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances (Art. 68$ al.
1). Elle précise s'il y a lieu la nature du privilège ou de la sûreté dont la
créance est assortie. Lorsqu'il s'agit d'une créance en monnaie étrangère, la
conversion en dirhams a lieu selon le cours de change à la date du jugement
d'ouverture de la procédure (Art 688 al. 2 et 3).
Le créancier doit, en outre, fournir tous les éléments
de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte
pas d'un titre, évaluer la créance si elle n'est pas liquide, préciser les
modalités du calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, mentionner la
juridiction saisie si la créance fait l'objet d'un litige (Art. 688 al.3).
A cette déclaration sont joints sous bordereau les
documents justificatifs, qui peuvent être produits en copie. A tout moment, le
syndic peut demander la production des documents qui n'auraient pas été joints.
. La déclaration doit être adressée au syndic et, le cas échéant, elle doit
être faite par un mandataire ayant le pouvoir de représenter le créancier en
justice (Art. 686).
·
Les délais.
Les créanciers doivent remettre
leurs déclarations dans un délai de deux mois à compter de la publication du
jugement d'ouverture au Bulletin officiel (Art 687). Il s'agit d'un délai
préfix, qui n'est susceptible ni d'interruption, ni de suspension. Le délai de
deux mois peut être prolongé de deux mois supplémentaires pour les créanciers
domiciliés hors du Maroc.
·
Le défaut de déclaration dans les délais.
A défaut de déclaration dans le délai légal, les
créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes à moins que le
juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur
défaillance n'est pas due à leur fait. L'action en relevé de forclusion ne peut
être exercée que dans le délai d'un an à compter du jugement d'ouverture de la
procédure. Les créances qui n'ont pas été déclarées et n'ont pas donné lieu à
relevé de forclusion sont éteintes (Art. 690).
Ø Vérification des
créances.
La vérification des créances est faite par le syndic,
en présence du débiteur ou lui dûment appelé, avec l'assistance des
contrôleurs.
·
Travail préparatoire.
Si une créance et discutée (existence, montant), le
syndic en avise le créancier concerné par lettre recommandée avec accusé de
réception, en l'invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de
réponse dans le délai de trente jours de la réception de la lettre interdit
toute contestation ultérieure de la proposition du syndic (Art.693). La lettre
d'envoi précise l'objet de la contestation, le montant de la créance dont
l'inscription est proposée, et rappelle la déchéance encourue pour défaut de
réponse dans les trente jours.
Lorsque le syndic a terminé son travail de
vérification, et pour cela il dispose d'un délai de six mois à compter du
jugement d'ouverture, il établit une ou plusieurs listes de créances déclarées
avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant le tribunal.
Les listes de créances déclarées sont transmises au juge commissaire avec les
observations du débiteur au fur et à mesure de leur
établissement (Art. 694).
·
Décision du juge commissaire.
Au vu des propositions du syndic, le Juge commissaire
décide de l'admission ou du rejet des créances, ou constate, soit qu'une
instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.
Le Juge commissaire ne peut rejeter en tout ou en partie une créance ou se
déclarer incompétent qu'après avoir entendu ou dument appelé le créancier et le
débiteur (Art. 696 al.).
Lorsque le juge commissaire statue sur sa compétence ou
sur une créance contestée par le débiteur ou le créancier, le greffier convoque
ceux-ci par lettre recommandée avec accusé de réception. Les décisions
d'incompétence ou statuant sur la contestation d'une créance sont notifiées aux
parties dans les huit jours par lettre recommandée avec accusé de réception. Les
décisions d'admission sans contestation sont notifiées par lettre simple aux
créanciers. Le montant de l'admission ainsi que son caractère privilégié ou
chirographaire sont précisés par les notifications (Art. 696).
·
Dépôt et publicité de l'état des créances.
Les listes des créances sur lesquelles sont portées les
décisions du juge-commissaire sont déposées au greffe du tribunal. Toute personne
intéressée peut en prendre connaissance. Le greffer fait publier au Bulletin
officiel une insertion indiquant que l'état des créances est constitué et
déposé au greffe et que le délai pour faire réclamation est de quinze jours à
compter de cette publication (Art. 698).
·
Recours contre les décisions du juge-commissaire.
Lorsque la matière est de la compétence du tribunal qui
a ouvert le redressement judiciaire, le recours contrer les décisions du juge-commissaire
est porté devant la cours d'appel. Il est ouvert au créancier, au débiteur et
au syndic. Toutefois, le créancier dont la créance est discutée en tout ou en partie
et qui n'a pas répondu au syndic dans le délai légal (de trente jours selon
l'Art. 693 al.3), ne peut exercer le recours si la décision du juge-commissaire
confirme la proposition du syndic (Art. 697 al 2).
·
Réclamation des tiers.
Les tiers intéressés peuvent former une réclamation
contre les décisions d'admission, de rejet ou d'incompétence prononcées par le
juge-commissaire. Les réclamations des tiers sont formulées au greffe par voie de
mention sur l'état des créances. Le délai pour faire réclamation expire quinze
jours après l'insertion au Bulletin officiel, par le greffier, de l'état des
créances (Art. 698 al. 3). Les décisions par lesquelles le juge commissaire
statue sur les réclamations sont notifiées aux parties dans les huit jours par
lettre recommandée avec accusé de réception (Art. 696 al. 2). La décision du juge
commissaire statuant sur la réclamation peut faire l'objet d'un recours devant
la Cour d'appel (Art. 697 al. 1).
·
Incompétence de la juridiction qui a ouvert la procédure
Lorsque la matière relève de la compétence d'une
juridiction autre que celle qui a ouvert la procédure, la décision
d'incompétence prononcée par le juge commissaire fait courir un délai de deux
mois au cours duquel le demandeur doit saisir la juridiction compétente à peine
de forclusion (Art. 697 al.3). Les tiers intéressés peuvent former tierce
opposition contre cette décision transcrite sur l'état des créances dans les
délais de quinze jours de la publication au Bulletin officiel. Les tiers sont
par ailleurs admis à contester la décision d'incompétence rendue par le juge
commissaire dans les conditions de l'Art. 698 et à contester par une tierce opposition
la décision de la juridiction déclarée compétente. Ils sont également admis à
attaquer par voie d'appel la décision d'incompétence rendue par le juge
commissaire.
3- Sort des créances nées
régulièrement après le jugement :
Ø Le principe de la
priorité des créances.
La loi reconnaît (Art 575) aux créanciers postérieurs,
par rapport aux créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure, le règlement
de leurs créances qui doit s'effectuer par préférence à celui des créanciers
antérieurs. Ce traitement de faveur des créanciers postérieurs est d'ordre
pratique. En effet, pendant cette phase de la procédure, l'activité doit être
poursuivie, et elle ne peut l'être que si les créances qui naissent en cette
occasion bénéficient d'une garantie de paiement. Même si la procédure débouche
sur la liquidation judiciaire, l'organisation de la liquidation exige que les
frais engagés à cette occasion bénéficient d'un règlement prioritaire.
Ø Nature des créances.
Il s'agit de toutes les créances nées de la poursuite
de l'activité après le jugement déclaratif dans le respect des pouvoirs des
organes participant à la procédure (débiteur, syndic, juge commissaire). Le
texte ne distingue pas : les créances concernées peuvent avoir une origine
contractuelle, quasi contractuelle, délictuelle ou légale.
Les créances d'origine contractuelle seront normalement
les plus nombreuses, qu'elles naissent de contrats continués ou de contrats
nouveaux.
Au titre des créances d'origine quasi contractuelle, il
faut admettre l'action de gestion d'affaires, de la part de celui qui fait un
acte de gestion utile à l'entreprise, la répétition de l'indu, si le débiteur
ou le syndic a reçu une somme qui n'était pas due, l'action de in rem verso en
raison d’un enrichissement procuré au patrimoine du débiteur après le prononcé
du redressement judiciaire.
La catégorie des créances d'origine délictuelle est
plus difficile à délimiter. Elle comprend les dommages et intérêts octroyés
pour la réparation du préjudice causé, soit par le fait soit des choses que le
débiteur ou le syndic a sous sa garde, soit par le fait de ses préposés.
La catégorie des créances d’origine légale sont
habituellement celles du fisc et de la sécurité sociale. Le Trésor pour
intervient pour les différentes impositions qui se rattachent à la poursuite de
l'activité, et dont le fait générateur est postérieur au jugement déclaratif.
Lorsque le débiteur continue le contrat de travail des salariés et leur verse
les rémunérations qui leur sont dues, les cotisations dues au titre de la
sécurité sociale sont celles qui " créances nées régulièrement après le
correspondent à des jugement d'ouverture ". Ainsi, si le débiteur ou le
syndic règle des salaires acquis en rémunération d'un travail antérieur, les
cotisations correspondantes, qui trouvent leur source dans un acte antérieur au
jugement, doivent être déclarées au passif.
Section 2 : Approbation et mise en œuvre du plan
Après avoir appelé le débiteur, les contrôleurs et les
délégués du personnel, le tribunal décide au vu du rapport du syndic (Art.
590). Il arrête un plan de redressement orienté vers la continuation ou la
cession de l’entreprise où prononce la liquidation.
La continuation et la cession de l'entreprise sont deux
méthodes qui permettent le maintien de l'activité et de l'emploi et l'apurement
du passif. La continuation de l'entreprise peut être facilitée par la cession
de certaines branches d'activité et une restructuration approfondie qui s'accompagne
d'un règlement échelonné des créances. La de l'activité dans une nouvelle
structure juridique. Le prix de la cession est alors réparti entre les
créanciers dans des celles de la liquidation conditions comparables
A celle de la liquidation (Art. 592 al. 4).
Les jugements rendus en matière de redressement ou de
liquidation judiciaire sont exécutoires de droit à titre provisoire, nonobstant
l'exercice des voies de recours. Mais en cas d'appel d'un jugement statuant sur
la liquidation judiciaire, ou arrêtant ou rejetant le plan de continuation ou
de cession, l'exécution provisoire devrait pouvoir être arrêtée par le premier
président de la Cour d'appel, statuant en référé, si les moyens invoqués à
l'appui de l'appel paraissent sérieux.
Le plan désigne les personnes tenues de son exécution
et mentionne l'ensemble des engagements qui ont été souscrits par elles envers
le débiteur ou le syndic et qui sont nécessaires au redressement de
l'entreprise. Il s'agit notamment du lancement de l'entreprise, du règlement du
passif né antérieurement au jugement d'ouverture ainsi que, le cas échéant, des
garanties fournies pour en assurer l'exécution.
Les personnes qui exécutent le plan, même à titre
d'associés, ne peuvent pas se voir opposer des charges autres que les
engagements qu'elles ont souscrits au cours de sa préparation (Art 591). A ce
principe, ont été apporté des tempéraments dont le principal se réfère à
l’augmentation du capital des personnes morales (Art. 583).
Ces personnes sont, soit le débiteur au cas de
continuation d'entreprise qui est ainsi maintenu à la tête de son entreprise,
soit le repreneur dont les offres d'acquisition sont acceptées par le tribunal
au cas de cession.
Paragraphe 1 : Continuation de
l’entreprise
Le tribunal décide la continuation de T'entreprise
lorsqu'il existe des possibilités sérieuses de redressement et de règlement du
passif (Art. 592). Le tribunal apprécie les « possibilités sérieuses de
redressement » en tenant compte principalement de l'importance des pertes
accumulées, des résultats de la gestion pendant la première phase de cette
procédure, des comptes prévisionnels établis pour l'avenir.
Le plan de continuation restitue au débiteur
l'administration de son entrepose, éventuellement modifiée. En effet, le jugement
arrête le plan tel qu'il a été proposé par le syndic ou le modifie. Si le
débiteur est une personne morale, la personnalité morale subsiste. Mais le
débiteur doit régler son passif antérieur au jugement déclaratif dans les
conditions arrêtés par le tribunal, sous la menace de cession ou de
liquidation.
A-
Modification de l’entreprise
1- Adjonction, arrêt ou cession de
certaines branches d'activités.
L'Art. 592 al. 4 décide que la continuation de
l'entreprise est accompagnée, S'il y a lieu, de l'arrêt, de l’adjonction ou de
la cession de certaines branches d'activité. L'adjonction est peu probable car
l'entreprise est déjà en difficulté, sauf évidemment dans le cas où certaines
branches peuvent constituer un complément nécessaire et avantageux pour celles
déjà existantes. L'arrêt et la cession de certaines branches doivent répondre
aux mêmes considérations, mais contrairement à l'adjonction, ils sont
susceptibles plus que celle-ci d'alléger l'exploitation des autres secteurs.
La cession partielle d'actif est celle qui porte sur un
ensemble d'éléments d'exploitation formant une ou plusieurs branches complètes
et autonomes d'activité (Art. 603 al. 2) L'Art. 592 al. 4 applique à la cession
partielle la plupart des règles qui gouvernent la cession d'entreprise (Art.
603 à618), en particulier l'Art. 606 qui permet la cession forces de certains
contrats.
En dehors de la cession partielle d'actifs telle que
définie par l'Art. 603 al. 2, et sous réserve de l’inaliénabilité temporaire
éventuellement décidée par le tribunal, le débiteur, qui reprend sans entrave
la disposition de son patrimoine peut aliéner ses biens, seul et sans aucune
forme.
2 - Inaliénabilité temporaire de
certains biens.
Dans le jugement qui arrête ou modifie le plan, le
tribunal peut décider que les biens qu'il estime indispensables à la
continuation de l'entreprise ne pourront pas être aliénés sans son
autorisation, pour une durée qu'il axe et qui n'est pas nécessairement celle du
plan (Art. 594). La mesure doit pouvoir être entendue largement et englober
tout les biens qui peuvent constituer une garantie pour la continuation de
l'activité, même ceux qui ne sont pas affectés à cette activité. Tout acte
passé en violation de cette disposition est annulé à la demande de tout
intéressé présentée dans le délai de trois ans à compter de la conclusion de
l'acte ou de sa publication s'il est soumis à publicité.
L'inaliénabilité des biens est inscrite au registre du
commerce de l'entreprise (al.3). La formule légale ne laisse aucun pouvoir
d'appréciation au tribunal saisi de l'action en nullité, en particulier, la
bonne foi de l'acquéreur est indifférente.
B- Apurement du passif
1 - Différentes catégories de
créanciers.
L'Art. 575 accorde un traitement prioritaire aux
« créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture ». Si
elles ne sont pas payées à leur échéance au cas de continuation, elles sont
payées par priorité à toutes les autres créances, assorties ou non de
privilèges ou de sûretés. Ainsi, les créanciers dont le droit naît du fait de
l'activité du débiteur, après le jugement qui arrête le plan, doivent subir la
priorité de la catégorie précédente, ainsi que la priorité résultant des
privilèges et sûretés régulièrement constitués sur le patrimoine du débiteur.
Autrement dit, ils ne peuvent invoquer l'Art. 575 qui ne leur est pas
applicables.
2 - Délais et remises arrêtés par
le plan.
Lorsque les créanciers consultés par le syndic (Art.
585 al. 1) ont envisagé l'octroi de délais et de remises, le tribunal leur en
donne acte. Le cas échéant, il peut réduire les délais et remises acceptés par
les créanciers, pour rapprocher les sacrifices consentis par chacun (Art.598). Quant
aux créanciers qui n'ont accepté ni délai ni remise, le tribunal ne peut pas
leur imposer de remise contre leur gré. En revanche, il peut imposer à tous,
qu'ils soient privilégiés ou
chirographaires, des délais uniformes de paiement sous réserve, en ce qui
concerne les créances à terme, des délais supérieurs stipulés par les parties
avant l'ouverture de la procédure (Art. 598 al.2). Ainsi à la différence de la
cession d'entreprise, la continuation de l'entreprise n'entraîne pas
l'exigibilité anticipée des créances à terme, qui sont payables aux échéances
convenues. Les délais imposés par le tribunal peuvent même excéder la durée du
plan (Art. 598 al. 2).
3- Paiement anticipe des créanciers
privilégiés au cas de vente de biens grevés d’un sureté spéciale
En cas de vente d'un bien grevé d’un privilège, d’un
nantissement ou d'une hypothèque, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés
ou titulaires d’un privilège général sont payés sur le prix après paiement des
créanciers qui les priment. Le texte ne dit pas quelles sont ces
créances ; ce doit être celles qui sont garanties par un super privilège, par exemple
celles des salariés. Ils peuvent ainsi être payés plus tôt que ne le revoyait
le plan, et le législateur a entendu compenser cet avantage : ils
reçoivent les dividendes qui leur sont dus d’après les prévisions du plan,
réduits en fonction du paiement anticipé (Art. 600).
Paragraphe 2 : Cession de
l’entreprise
La cession d'entreprise a pour but d'assurer le
maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie
des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif (Art. 603 al. 1). Comme
il a été indiqué précédemment, le tribunal peut ordonner à la fois la
continuation de l'entreprise et une cession partielle de certains éléments
d'actifs. La cession partielle est soumise aux mêmes règles que la cession
totale, sous réserve des différences qui seront soulignées au des cours
développements qui suivent.
A- Modalités de cession
1- Offre d'acquisition.
Il a été indiqué précédemment que des offres de reprise
de l'entreprise en difficulté peuvent être déposées dès le jugement qui ouvre
la procédure de redressement judiciaire. Les Art. 604 et S. précisent le
contenu et la présentation des offres dans la perspective d'un plan de cession.
Les offres doivent être reçues par le syndic dans le
délai fixé par celui-ci et qu'il a porté à la connaissance des contrôleurs
(Art. 604 al. 1).
Toute offre doit indiquer :
1° les
prévisions d'activité de financement ;
2° le prix de
cession et ses modalités de règlement ;
3° la date de réalisation de la cession;
4° le niveau et
les perspectives d'emploi justifiés par l'activité considérée,
5° les
garanties souscrites en vue d'assurer l’exécution de l'offre,
6° les
prévisions de vente d'actifs au cours des deux années suivant la cession.
Le juge commissaire peut demander des indications
Complémentaires. Le syndic donne au tribunal tout élément permettant de
vérifier le caractère sérieux de l'offre (Art. 604).
2 - Décision du tribunal.
Il appartient au tribunal de déterminer l'objet de la
cession, qui peut être l'entreprise envisagée globalement, ou un ensemble
d'éléments d'exploitation qui forment une branche complète et autonome d'activité
(Art. 603 al.2). L'entreprise ne se confond pas avec le fonds de commerce, et
la cession d’une entreprise peut comprendre des éléments qui n'entrent pas dans
la composition du fonds de commerce : ainsi des contrats nécessaires au maintien
de l'activité.
Entre plusieurs candidats, le tribunal retient l'offre
qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement
l'emploi attaché à l'ensemble cédé et le paiement des créanciers (Art. 605). La
jurisprudence en France n'hésite pas quelquefois à arrêter un plan de cession pour
un prix insignifiant ou nul dans le but de favoriser le repreneur et l'inciter
à conserver un plus grand nombre d'emplois.
3- Cession judiciaire de certains
contrats.
L'Art. 606 confère au tribunal des pouvoirs
exorbitants : il détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fournitures
qui sont nécessaires au maintien de l’activité de l’entreprise, au vu des
observations (mais non avec le consentement) des cocontractants du débiteur
transmises par le syndic. Le Jugement qui arrête le plan emporte cession de ces
contrats.
Le législateur considère ainsi que les contrats jugés nécessaires
au fonctionnement de l'entreprise font partie intégrante de celle-ci et sont
transmis en même temps que l'entreprise, avec toutes leurs conséquences actives
et passives. Ces contrats doivent être exécutés aux conditions en vigueur au
jour de l'ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire. Pour
assurer la poursuite de l'activité, le tribunal peut imposer des délais de
paiement au cessionnaire de l'entreprise. En matière de crédit-bail, la
jurisprudence française considère que le tribunal ne peut pas modifier
l'économie du contrat en ordonnant sa prolongation au-delà de la durée
convenue.
Devant les sacrifices dont il est menacé, le
cocontractant dispose de moyens pour défendre ses intérêts. Tout d'abord il
peut, au cours de l'élaboration du plan, présenter ses observations au syndic
qui les transmet au tribunal (Art. 606 al. 1) ; ensuite, le tribunal ne
peut se prononcer sur la cession d’un contrat qu’après avoir convoqué le
cocontractant à l'audience, par lettre recommandée avec accusé de réception
(Art. 607).
4 - Réalisation des opérations.
En exécution du plan arrêté par le tribunal, le syndic
passe tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession (Art. 608).
Dans l'attente de l'accomplissement de ces actes, il peut, sous sa
responsabilité, confier au cessionnaire la gestion de l'entreprise (Art. 608
al. 2).
B- Effets du plan de cession (172)
1 - Indisponibilité de l'actif
cédé.
L'Art. 610 al 1 pose un principe d'interdiction an de
garantir la substance de l’entreprise tant que le prix de cession n'est pas intégralement
payé : à l'exception des stocks, le cessionnaire ne peut aliéner ni donner en
garantie ou en location-gérance les biens corporels ou incorporels qu'il a
acquis. Cette interdiction évite ainsi qu'une partie des biens soit
immédiatement vendue pour payer le prix de la reprise. L'al. 2 prévoit un
assouplissement qui contribue cependant à limiter la portée du principe
posé : l'aliénation totale ou partielle des biens cédés, leur affectation
à titre de sûreté, leur location ou leur location-gérance peuvent être autorisées
par le tribunal après rapport du syndic. Le tribunal doit tenir compte des
garanties offertes par le cessionnaire.
Tout acte passé en violation de l'interdiction est
annulé à la demande de « tout intéressé », présentée dans le délai de
trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou de sa publication si l'acte
est soumis à publicité (Art.612).
Lorsque le jugement qui arrête le plan de continuation
de l'entreprise décide l’inaliénabilité temporaire de certains biens, la
violation de l’inaliénabilité est sanctionnée en termes identiques par une
nullité dont le caractère catégorique a été précédemment souligné.
Une question reste posée : est-ce que l'indisponibilité
peut constituer un obstacle à la saisie, pratiquée par exemple par des
créanciers ultérieurs ? Une solution affirmative présenterait l'intérêt de
régler de la même façon les conséquences de l'indisponibilité dans le plan de
cession et dans le plan de continuation.
2- Sort des biens non compris dans
la cession.
Dans la mesure où la cession d'entreprise, totale ou
partielle, est une opération globale portant sur un ensemble d'éléments "susceptibles
d'exploitation autonome ", on peut concevoir que certains biens, qui ne
sont pas utiles dans les branches d'activités cédées, restent en dehors du plan.
C'est bien ce qui résulte de l'Art. 603 aI.3 qui décide qu'en l'absence de plan
de continuation de l'entreprise, les biens qui ne sont pas compris dans le plan
de cession sont vendus par le syndic selon les modalités et les formes prévues
pour la liquidation judiciaire. Ainsi, la vente des biens concernés s'effectue
selon les règles de la liquidation judiciaire sans que la procédure appliquée
au débiteur ne devienne pour autant une procédure de liquidation.
3- Paiement des créanciers
Le paiement des
créanciers est l’une des principales différences qui séparent la continuation
d'entreprise et la cession partielle ou totale. Dans le premier cas de cession,
celle-ci s'insère dans la procédure générale qui tend à la continuation de
l'entreprise. Donc elle n'emporte pas exigibilité immédiate des créances. En
cas de cession totale, le prix de la cession (augmenté du prix provenant de la
vente de biens non compris dans la cession), représentant tout l'actif, doit
être réparti entre les créanciers suivant leur rang (Art. 615), comme l’est le
produit de la réalisation de l'actif dans la liquidation judiciaire. Pour les
besoins de la liquidation globale, le jugement qui arrête le plan de cession
totale rend exigibles les dettes non échues (al.2).
4 - Biens grevés de sûretés
spéciales
Lorsque l'ensemble cédé comporte des biens grevés d'un
privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque, les articles 616 et
617 réglementent sur un mode restrictif l'exercice des droits des créanciers
titulaires de ces sûretés.
D'une part, une quote-part du prix est affectée par le
tribunal à chaque bien, pour l'exercice du droit de préférence des créanciers
(Art. 616). Cette affectation prive les créanciers du droit de requérir la mise
aux enchères s'ils estiment insuffisante l'offre qui leur est faites). La
solution est dérogatoire au droit commun dans le but d'éviter le fractionnement
de l'ensemble cédé.
D'autre part, les créanciers inscrits sur les biens
cédés ne peuvent pas exercer leur droit de suite contre le cessionnaire de
l'entreprise. Jusqu'au paiement complet du prix qui emporte purge des
inscriptions, sans autre forme, le droit de suite ne peut être exercé que si le
cessionnaire aliène à son tour le bien grevé (Art. 617). Mais, comme on l'a vu,
sauf exceptions, tant que le prix n'est pas payé, le cessionnaire ne peut pas
aliéner les biens qu'il a acquis.
5 - Défaut de paiement du prix de
cession.
En cas de défaut de paiement du prix de cession, le
tribunal peut, d'office, à la demande du syndic ou de " tout intéressé
", le cessionnaire étant entendu en chambre du conseil, nommer un
administrateur spécial dont il détermine la mission et la durée de celle-ci,
qui ne saurait excéder trois mois (Art. 614).
On remarquera que l'action de l'Art. 614 est très largement
ouverte. En particulier, tout créancier est intéressé à demander la désignation
d'un administrateur spécial, quelle que soit l'importance de sa créance.
5- Clôture des opérations.
D'après l'Art 609 al.2, le tribunal prononce la clôture
de la procédure après le paiement du prix de cession (totale ou partielle) et
sa répartition entre les créanciers. Cette formule répond à celle de l'Art.
608, qui confère au syndic le soin de passer " tous les actes nécessaires
à la réalisation de la cession ". La mission du syndic dure ainsi "
jusqu'à la clôture de la procédure "(Art 609 al. l).
Chapitre II : Liquidation
judiciaire
A tout moment le tribunal peut ordonner la liquidation
judiciaire, à la demande du syndic, d'un contrôleur ou d'office si aucun plan
de redressement n'apparaît possible. La liquidation judiciaire peut aussi
sanctionner l'échec du plan arrêté par le tribunal et proposé par le syndic.
D'après l'Art. 602, si le débiteur n'exécute pas ses engagements axés par le
plan, le tribunal prononce la résolution du plan et ouvre la procédure de
redressement judiciaire qui ne peut tendre qu'à la cession ou à la liquidation
judiciaire (Art. 613 al. 2). Le tribunal dans tous les cas peut être saisi par
le syndic ou par un créancier, mais il peut aussi se saisir d'office. L'Art.
572 prévoit que le tribunal statue après avoir entendu le rapport du juge commissaire.
Ce rapport doit permettre au tribunal d'apprécier exactement l'impossibilité où
se trouve le débiteur de présenter un plan de redressement.
REMARQUE : Il est
bien évident que la procédure débouche, selon le cas, soit sur la continuation
ou la cession, soit sur la liquidation. En d'autres termes, le tribunal peut
prononcer immédiatement la liquidation sans passer par la procédure de
redressement judiciaire si la situation financière du débiteur est telle qu'il
n'est pas en mesure de présente un plan de redressement. Certes c'est le syndic
qui le présenter, mais c'est le chef d'entreprise qui l'aide à le confectionner
(Voir Voy. Art. 579).
Section 1 : Immobilisation du
patrimoine du débiteur
La liquidation judiciaire pose le principe du
dessaisissement et réglemente le maintien de l'activité, qui doit être
exceptionnel. Elle constitue un prolongement de la réglementation du
redressement judiciaire, en substituant au souci de sauvegarder la structure et
l'avenir de l'entreprise les exigences d'une liquidation complète du patrimoine
du débiteur avec réalisation de l'actif et apurement du passif dans 1'intérêt
des créanciers.
Paragraphe 1 : Dessaisissement
du débiteur
A- Le principe
D'après l'Art 619 « le jugement qui prononce la
liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date,
dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de
ses biens, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la
liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur
concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation
judiciaire par le syndic ».
Le dessaisissement englobe tous les biens du débiteur,
présents et à venir, qui présentent pour les créanciers une valeur
patrimoniale. Il s'applique d'abord, en principe, à tous les biens qui
appartiennent au débiteur lors du jugement qui déclare la liquidation
judiciaire, et dont la consistance peut être établie par un inventaire. Il
s'applique également aux biens à venir, qui peuvent échoir au débiteur tant
qu'il est en
état de liquidation judiciaire.
B - Conséquences.
Le débiteur seul ne peut passer aucun contrat et en
particulier consentir aucune aliénation. Le bien vendu doit faire retour à
l'actif, et le débiteur est exposé aux peines de la banqueroute pour
détournement d'actif (Art. 721-2°).
Le dessaisissement frappe ensuite les paiements. Le débiteur
ne peut payer un de ses créanciers et, le paiement n'étant pas fait valablement,
le créancier doit restituer ce qu'il a reçu. Il en est de même si un banquier
règle un effet de commerce ou un chèque émis par le débiteur après le jugement
de liquidation, il doit en restituer le montant syndic même s'il ignorait
l'ouverture de la procédure. En revanche, le chèque remis à un créancier avant
le jugement déclaratif peut être payé après le jugement, parce que la remise du
chèque, c'est à dire son endossement, a transmis la Le propriété de la
provision aux porteurs successifs. Le
redressement judiciaire du tireur postérieurement à l'émission n'empêche donc
pas le paiement.
Le dessaisissement empêche la compensation entre une
créance sur le débiteur et une dette envers lui. Cette règle a été décrite à
propos du redressement judiciaire ; elle fonctionne dans les mêmes termes et
avec la même portée au cours de la liquidation judiciaire.
Enfin le débiteur dessaisi ne peut exercer aucune
action en justice, et doit être représenté par le syndic dans tous les actes de
procédure (Art. 619 al.3). Le syndic se trouve donc appelé à agir en justice
contre les tiers débiteurs du débiteur en état de liquidation judiciaire. De la
même façon, les actions et voies d'exécution qui appartiennent à des tiers
contre le débiteur en état de liquidation et échappent à la suspension des
poursuites individuelles doivent être exercées contre le syndic.
C - Droits et actions à caractère
personnel.
Les droits et actions, en raison de leur caractère
personnel, ne peuvent être exercés que par le débiteur ou contre lui. Certaines
actions sont purement personnelles et sont exercées par le débiteur seul : il
faut citer en première ligne les actions exercées contre le débiteur devant les
juridictions répressives, l'exercice du droit de défense par le débiteur ; le
débiteur en état de liquidation judiciaire peut donc prélever sur l’actif de
liquidation les honoraires de son avocat. L’art. 619 al. 4 cite aussi la
constitution de partie civile qui permet au débiteur de déclencher l'action
publique pour établir la culpabilité de l'auteur d’un crime ou d’un délit,
dommages et intérêts éventuels
bénéficieront cependant à la procédure ouverte.
D- Continuation de l'activité et
des contrats.
L'Art. 620 décrit les conditions dans lesquelles
l’exploitation peut être continuée, à titre exceptionnel, pendant la période de
liquidation. Si l'intérêt général ou celui des créanciers l'exige, le maintien
de l'activité peut être autorisé par le tribunal pour une période dont il fixe
la durée, soit d'office, soit à la demande du syndic ou du procureur du Roi.
L'intérêt public comprend le maintien de l'emploi ou d'une production utile à
l'intérêt général, l'intérêt des créanciers peut être d'écouler un stock dans
de bonnes conditions. L'administration de l'entreprise est assurée par le
syndic, sous réserve des dispositions de l'Art. 606 (Voy. Supra n° 443).
L'Art. 620 renvoie à l'Art 573 pour déclarer ses
dispositions applicables pendant cette période. En effet, la continuation des
contrats en cours peut être utile au maintien de l'activité. En particulier,
lorsqu'elle concerne le bail. L'Art. 621 dispose que « la liquidation
judiciaire n'entraîne pas de plein droit la résiliation du bail des immeubles
affectés à l'activité de l'entreprise ». Le texte ne distingue pas suivant
que l'activité est ou non poursuivie. Mais à notre avis, les contrats conclus
intuitu personae sont résiliés ou résolus de plein droit du fait du jugement de
liquidation. Les besoins ne sont plus les mêmes puisque la continuation est
orientée vers la liquidation, exclusivement.
E - Sort des créances nées
régulièrement après le jugement de liquidation.
L'Art. 575 attribue un droit de préférence à toutes
« les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture » du
redressement judiciaire, par rapport aux créances antérieures. Mais l'Art. 620
renvoie aux dispositions de l'Art. 575 pour les déclarer applicables seulement
aux créances qui naissent, le cas échéant, pendant la période où l'activité est
particulièrement continuée. En réalité, s'il est vrai que le maintien de
l'activité est particulièrement propice à l'apparition de créances nouvelles, il
n'y a aucune raison de faire une distinction, et il faut considérer que le
texte général absorbe le texte particulier.
La notion de « créance née régulièrement »
doit être définie par application des règles du dessaisissement et de la
liquidation. Ces créances sont payées par priorité à toutes les créances
antérieures au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, assorties ou
non de privilèges ou sûretés (Art. 575).
Mais l'Art. 575 n'institue pas un classement entre les créances
nées régulièrement après le jugement d'ouverture. Pour cela, il conviendrait
donc de se reporter au droit commun (Art. 1248 du D.O.C.). Toutefois, le
classement de l'Art 1248 ne concerne que les créances qui naissent après le jugement
d'ouverture de la procédure de redressement un judiciaire, seules pouvant être
payées par priorité à toute créance antérieure à cette procédure. Ainsi, les
créances nées des mêmes opérations, pendant la période de liquidation, doivent
être classées après celles qui sont nées régulièrement après le jugement
d'ouverture du redressement judiciaire.
Paragraphe 2 : Réalisation de
l’actif
A- Vente des immeubles.
Les ventes d'immeubles ont lieu suivant les formes
prescrites en matière de saisie immobilière. Après avoir recueilli les
observations des contrôleurs, le débiteur et le syndic entendus ou dûment appelés,
le juge commissaire détermine la mise à prix, les conditions essentielles de la
vente, et les modalités de la publicité (Art 622 al. 1). En outre, dans les
mêmes conditions, si la consistance des biens, leur emplacement OLD les offres
reçues permettent d'envisager une cession amiable plus avantageuse, celle-ci
peut être autorisée par le juge commissaire, soit sous forme d'adjudication
amiable sur la mise à prix qu'il axe, soit même de gré a gré aux prix et
modalités qu'il détermine (Art. 622 al. 3). Les ventes par voie de saisie
immobilière et d'adjudications amiables donnent lieu éventuellement à
surenchère et emportent purge des hypothèques (al.4).
B - Vente d'unités de production.
Le souci d'assurer « le maintien d'activités
susceptibles d'exploitation autonome », qui inspire la cession
d'entreprise (Art. 603 al. 1), se retrouve dans les opérations de liquidation.
« Des unités de production composées de tout ou partie de l'actif mobilier
ou immobilier peuvent faire l'objet d'une cession globale » par le juge
commissaire (Art. 623 al. 1). Lorsque la cession porte sur des biens grevés de
sûretés, une quote-part du prix est affectée à chacun des biens cédés pour la
répartition du prix et l'exercice du droit de préférence (Art. 623 al. 4).
Le syndic suscite les offres d'acquisition et axe le
délai pendant lequel elles seront reçues. Toute personne intéressée peut
soumettre une offre. Toutefois, ni les dirigeants de la personne morale en
liquidation, ni aucun parent ou allié de ces dirigeants ou du chef d'entreprise
jusqu'au deuxième degré inclusivement ne peuvent se porter acquéreurs (Art. 623
al. 5). Toute offre doit être écrite et comprendre les indications prescrites
dans l'Art 604 pour les offres au cas de cession d'entreprise. Elle est déposée
au greffe du tribunal où tout intéressé peut en prendre connaissance (al.3).
Le juge commissaire provoque les observations du
débiteur ou des contrôleurs ou encore des propriétaires des locaux dans
lesquels l'unité de production est exploitée et choisit l'offre qui lui paraît
la plus sérieuse et qui permet dans les meilleures conditions d'assurer
durablement l'emploi et le paiement des créanciers (al. 6).
C- Vente des autres biens.
Le juge commissaire ordonne la vente aux enchères
publiques ou de gré à gré des autres biens du débiteur, le débiteur entendu ou
dûment appelé et après avoir recueilli les observations des contrôleurs (Art.
624). Le juge commissaire fixe le prix et les conditions de la vente, et il
peut demander que le projet de vente amiable lui soit soumis afin de vérifier
si les conditions qu'il a fixées ont été respectées (al.2).
D - Compromis. Transactions.
L'Art. 625 organise les compromis et les transactions
intervenant après la déclaration de liquidation judiciaire. Le syndic peut,
avec l'autorisation du juge commissaire et le débiteur entendu ou dûment
appelé, compromettre et transiger sur toutes les contestations « qui
intéressent collectivement les créanciers », même sur celles qui sont
relatives à des droits et actions immobiliers. Si l'objet du compromis ou de la
transaction est d'une valeur indéterminée ou excède la compétence en dernier
ressort du tribunal, le compromis ou la transaction est soumis à l'homologation
du tribunal.
Paragraphe 3 : Apurement du
passif
A- Etablissement de l'état des
créances.
Les titulaires de créances nées régulièrement après le jugement
d'ouverture de la procédure exercent leurs droits sans être assujettis à aucune
procédure de vérification. Quant aux créanciers antérieurs, les opérations de
vérification sont achevées par le syndic en même temps qu'il procède aux
opérations de liquidation (Art. 693).
B- Dispense de vérification.
Au cas de cession d'entreprise comme au cas de
liquidation judiciaire, le juge commissaire peut décider qu'il ne sera pas
procédé à la vérification des créances chirographaires s'il apparaît que le
produit de la réalisation de l'actif sera entièrement absorbé par les frais de
justice et les créances privilégiées, à moins que, s'agissant d'une personne
morale, il y ait lieu de mettre à la charge des dirigeants sociaux, de droit ou
de fait, rémunérés ou non, tout ou partie du passif conformément l’Art. 704.
C- Exigibilité des créances à
terme.
Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire rend
exigibles les créances qui n'étaient pas échues (Art. 627) à la date
d'ouverture du redressement judiciaire. En effet, ces créances n'étaient pas
devenues exigibles du fait du jugement de redressement judiciaire, elles le
deviennent du fait du jugement de liquidation judiciaire pour les besoins d'une
liquidation globale de l'actif.
D - Rétablissement du droit de poursuite
individuel pour certains créanciers.
D'après l'Art. 628, les créanciers titulaires d'un
privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque, ainsi que le Trésor
public pour ses créances privilégiées, recouvrent leur droit de poursuite individuelle
dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances et même avant leur admission, si le
syndic n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois
mois à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
L'Art. 628 al. 2 règle par renvoi à l'Art. 622 al. 1, 3
et 5, les dispositions applicables au cas de vente d'immeubles. La vente a lieu
suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière, exclusivement,
toutefois, le juge commissaire détermine la mise à prix, les conditions
essentielles de la vente et les modalités de la publicité, après avoir entendu
ou dûment appelé les contrôleurs, le débiteur et le syndic. La procédure
d'ordre est réglée par le syndic, sous réserve des contestations qui sont
portées devant le tribunal.
D - Répartition entre les créanciers.
Lorsque des répartitions partielles sont effectuées au
cours de la procédure, il faut déterminer si les créanciers titulaires de sûretés
qui n'ont pas encore fait valoir leurs sûretés peuvent y participer. Le
problème est résolu par les Art. 630 à 634. Ces articles règlent d'abord la situation
des créanciers titulaires de sûretés immobilières. Si une ou plusieurs
distributions de deniers précèdent la distribution du prix des immeubles, les
créanciers privilégiés et hypothécaires admis y participent pour leur créance
totale en concours avec les créanciers chirographaires. Lors de la vente des
immeubles, s'ils viennent en rang utile dans la procédure d'ordre pour la
totalité de leur créance, ils ne perçoivent le montant de leur collocation
hypothécaire que sous déduction des sommes reçues par eux ; ces sommes
tombent dans la masse chirographaire (Art. 630). S'ils ne sont colloqués que
partiellement sur le prix des immeubles, ils sont créanciers chirographaires pour
le montant que ce prix n'a pas pu leur procurer, et s'ils ont perçu une somme
supérieure dans la distribution antérieure des deniers mobiliers, l'excédent
est retenu sur le montant de leur collocation hypothécaire et reversé dans la
masse chirographaire (Art. 631).
L'Art. 633 décide que les dispositions des articles 625
à 632 s'appliquent aux créanciers bénéficiaires d'une sûreté mobilière
spéciale. Il en est ainsi en particulier pour le créancier gagiste, sous
réserve du droit qui appartient à celui-ci de demander l'attribution judiciaire
du bien grevé sur estimation (Art. 626 al.4).
A la fin des opérations, le montant de l'actif,
distraction faite des frais et dépens, des subsides accordés au débiteur ou aux
dirigeants et à leur famille, et des sommes payées aux créanciers privilégiés,
est réparti entre tous les créanciers au marc-le-franc de leurs créances
admises. La part correspondant aux créances sur l'admission desquelles il n'a
pas été statué définitivement est mise en réserve, il en est ainsi notamment de
la rémunération des dirigeants sociaux (Art. 634).
E - Clôture des opérations.
A tout moment, le tribunal peut prononcer la clôture de
la liquidation judiciaire, même d'office, le débiteur entendu ou dûment appelé
et sur rapport du juge commissaire, dans deux groupes de cas énoncés par l'Art.
635.
II en est ainsi d'abord, « lorsqu'il n'existe plus
de passif exigible ou que le syndic dispose de sommes suffisantes pour
désintéresser les créanciers ».
En second lieu, il y a clôture de la liquidation
« lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue
impossible en raison de l’insuffisance de l'actif ».
Le syndic procède ensuite à la reddition des comptes au
débiteur (Art. 636).
Je vous laisse avec une vidéo sur les procédures collectives en France:
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