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mercredi 29 mai 2024

Les procédures collectives. Comment savoir si on 'est en état de cessation de paiement ?La déconfiture, la faillite de l' entreprise? Les procédures de prévention et de règlemente amiable:Le déclenchement des procédures de traitement des difficultés d’entreprise: Redressement et Liquidation

 


Les procédures collectives étaient destinées à éliminer les commerçants défaillants, d’où l’expression « banqueroute » qui traduit l’aspect symbolique de l’exclusion, dans la mesure où le banc du commerçant visé était brisée, et on procédait à la répartition du produit de la réalisation des actifs entre les créanciers.

Ensuite, une évolution dans le sens de moindre sévérité à l’égard du failli a fait jour. Ainsi, le droit actuel se caractérise par la volonté de venir en aide aux entreprises qui connaissent des difficultés pour assurer le paiement de leurs dettes.

Ceci étant, on serait tenté de définir le droit des difficultés de l’entreprise comme étant « l’ensemble des règles ayant pour objet de prévenir les difficultés de l’entreprise avant que sa situation ne soit sérieusement compromise ; d’organiser judiciairement son redressement lorsqu’elle est en situation de cessation de paiement, et enfin de procéder à sa liquidation judiciaire lorsque sa situation est irrémédiablement compromise ».

Ainsi, le droit des entreprises en difficultés est plus large que celui de la faillite et de la liquidation judiciaire, qui était limité exclusivement aux commerçants en état de cessation de paiement ; On entend par là l’impossibilité de faire face aux dettes exigées.

Le nouveau droit s’applique désormais à toute entreprise de droit privé. Celle-ci est définie comme « un ensemble de moyen matériels et humains organisé en vue d’une certaine production dans le but de réaliser des bénéfices et de supporter les pertes ».

Toutefois, il y’a lieu de souligner que le livre 5 du code de commerce ne s’intéresse pas à toute entreprise, mais seulement à celles précisées à l’article 560 du code de commerce ; à savoir tout commerçant, toute organisation ou toute société commerciale.

De ce fait, cette procédure ne s’applique pas à toute entreprise agricole, ou à toute entreprise ayant pour objet une activité civile ainsi bien entendu qu’à toute entreprise commerciale qui a honorée ses dettes.

Le nouveau droit des difficultés des entreprises s’inscrit dans le cadre d’une série de reformes entreprises par la Maroc afin de s’adapter aux grandes mutations socio-économiques intervenue aussi bien au plan national qu’au plan international.

En effet, la libéralisation des marchés et la révolution technologique ont donné lieu au phénomène de la globalisation et de la mondialisation qui ont imposé la rénovation des institutions juridiques et traditionnelles, en vue de mettre en place un environnement juridique et judiciaire permettant aux entreprises de mieux affronter les nouveaux défis d’une concurrence internationale. C’est dans ce sens que le législateur marocain a décidé de rompre avec l’archaïsme du système de la faillite et de la liquidation judiciaire.

Ainsi, le nouveau droit des difficultés de l’entreprise qui constitue une rupture totale avec l’ancienne législation revêt une importance à la fois économique et juridique.

Sur le plan économique, il a répondu à une attente certaine du monde des affaires. L’importance au plan économique de la défaillance de l'entreprise se traduit par la perte d’un grand nombre d’emplois et par l’immobilisation de sommes d’argent non négligeables dans le cadre des procédures.

L’intérêt, au plan juridique, du droit des difficultés des entreprises, se manifeste à plusieurs niveaux. Le droit des difficultés des entreprises constituent l’occasion ou se pose des questions d’une extrême complexité sur le plan juridique, et qui sont au carrefour d’autres disciplines telles que le droit civil, la procédure civile, le droit des contrats, le droit pénal, le droit fiscal, etc.

L’ouverture d’une procédure de traitement des difficultés de l’entreprise donne très souvent lieu à une réflexion sur des questions relevant normalement du droit commun ou de législations spéciales.

La nouvelle législation a apporté des innovations majeures aussi bien au niveau de la forme que du fond :

Au niveau de la forme : l’innovation découle de l’utilité même du nouveau texte, à savoir, le terme « difficulté d’entreprise » qui s’est substitué à celui de faillite et de liquidation judiciaire.

Au niveau du fond : le 1er volet de cette refonte concerne les personnes soumises à la procédure. A la différence de l’ancienne législation, de la faillite et de la liquidation judiciaire qui étaient appliquées uniquement aux personnes répondant à la qualification de « commerçant », le nouveau texte vise désormais la notion d’entreprise, qui est d’avantage une notion économique et qui s’étend aux artisans y compris les commerçants.

Le 2nd volet de cette refonte se traduit au niveau de la procédure. Alors que l’ancienne législation n’intervenait qu’à posteriori, en se limitant à la faillite et à la liquidation judiciaire, le nouveau texte agit en amont à travers les procédures de prévention des difficultés et de règlement amiable. Ceci introduit une différence au niveau des objectifs des deux législations. Désormais, la finalité de la nouvelle législation réside dans le souci de fournir les moyens juridiques nécessaires et adéquats à la préservation des entreprises et des emplois, tout en protégeant les intérêts des créanciers à travers les procédures de prévention et de règlement amiable (Partie 1).

Par ailleurs ces deux procédures sont complétées par le traitement des difficultés (Partie 2) qui intervient dans le cadre de redressement judiciaire par la mise en place d’un plan de continuation ou un plan de cession. C’est seulement en cas d’échec du redressement ou dans le cas où la situation de l’entreprise est inévitablement compromise que les procédures de liquidation judiciaire sont ouvertes.

 

Partie I : Les procédures de prévention et de règlemente amiable.

Elles constituent une innovation majeure du droit des difficultés des entreprises

Chapitre I : Les procédures de prévention.

Ces procédures comportent une double variante, à savoir la prévention interne et la prévention externe.

Section 1 : La prévention interne.

Nous verrons les faits déclencheurs de la procédure (paragraphe 1) ainsi que son déroulement (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Faits déclencheurs

A la lecture des articles 546 et 547 du code de commerce, nous constatons que le législateur a limité le champ d’application de la procédure de prévention interne aux entreprises exerçant sous forme de société:

Lorsqu’il apparaît au commissaire aux comptes, s’il en existe un, ou à tout associé qu’il y’a des faits de nature à compromettre la bonne marche de l’exploitation, il doit attirer l’attention du chef d’entreprise en l’invitant à redresser la situation.

Paragraphe 2 : Déroulement

Le chef d’entreprise doit être informé dans un délai de 8 jours par lettre recommandée avec accusé de réception. Le chef d’entreprise dispose d’un délai de 15 jours en vue de trouver une solution à même de redresser la situation. S’il n’y parvient pas personnellement, ou après délibération du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, il est tenu de faire délibérer la prochaine assemblée générale afin de statuer sur un rapport du commissaire aux comptes à ce sujet.

Si l’assemblée générale n’a pas délibéré ou s’il a été constaté que malgré les décisions prises par l’assemblée générale, la continuité de l’exploitation demeure toujours compromise, le président du tribunal est informé par le commissaire aux comptes ou le chef de l’entreprise.

Le droit d’alerte des associés se limite à alerter le chef d’entreprise. Ils n’ont pas la possibilité de saisir le président du tribunal compétent.

Section 2 : La prévention externe.

La prévention externe diffère de la prévention interne par rapport à son domaine d’application (A) et à l’organe compétent pour déclencher cette procédure (B).

Paragraphe 1 : Domaine d’application.

La prévention externe a un domaine plus large en ce sens qu’il s’applique aussi bien aux sociétés commerciales qu’aux entreprises individuelles, qu’elles soient commerciales ou artisanales. Dès lors qu’elles connaissent des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

Il est à noter que le législateur n’a pas défini non plus la notion de « difficulté de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».

Paragraphe 2 : Organe compétant.

Il s’agit du Tribunal de Commerce. Ce dernier peut être saisi par le commissaire au compte ou le chef d’entreprise, dès lors que la continuité de l’exploitation demeure compromise malgré le déclanchement de la prévention interne.

Il peut également être saisi lorsqu’il résulte de tout acte ou procédure ainsi que la réunion des deux conditions précédemment indiquées.

La mission du président du tribunal consiste à envisager des mesurer propres à permettre le redressement de l’entreprise. Le président dispose à cet effet de pouvoirs très larges, assortis d’un caractère d’ordre public, à savoir : convocation du chef d’entreprise en chambre du conseil (a) et désignation d’un mandataire spécial (b).

A- Convocation du chef d’entreprise en chambre du conseil

Le président du tribunal convoque le chef d’entreprise pour envisager des mesures propres au redressement de l’entreprise. Il peut, à l’issu de l’entretien, nonobstant toutes disposition législative contraire, obtenir communication par le commissaire aux comptes, les administrations, les organismes publics, ou le représentant du personnel, ou par tout autre personne, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière de l’entreprise.

Le pouvoir de communication ainsi donné au président du tribunal lui permet de vérifier les dires du chef d’entreprise et de prendre toutes les décisions qui s’imposent en toute connaissance de cause.

B- Désignation d’un mandataire spécial

Compte tenu de la nature des difficultés de l’entreprise, le président du tribunal fait intervenir dans la procédure de prévention externe des personnes étrangères à l’entreprise qui peuvent être un tiers mandataire spécial ou le conciliateur en cas d’ouverture du règlement amiable.

En effet, en vertu de l’article 549 du code de commerce, s’il apparaît au président du tribunal que les difficultés de l’entreprise peuvent être aplanies (ajustées) grâce à l’intervention d’un tiers, il le désigne comme mandataire spécial. La mission du tiers désigné consistera à réduire les oppositions entre le chef d’entreprise et ses partenaires habituels.

Le président du tribunal détermine la mission du mandataire spécial et lui accorde un délai pour accomplir sa mission.

Chapitre II : Le règlement amiable.

C’est un dispositif souple et confidentiel. Il est justifié par l’impératif de ne pas ruiner le crédit de l’entreprise et de ne pas inquiéter ses clients, en rendant publiques, ses difficultés.

Son objectif réside dans la volonté de rechercher un accord entre l’entreprise et ses principaux créanciers avant l’ouverture de redressement ou de liquidation judiciaire.

La procédure de règlement amiable peut être ouverte à toute entreprise commerciale ou artisanale, à une double condition :

- La 1ère réside dans le fait de ne pas être en état de cessation de paiement.

- La 2nde consiste dans le fait d’éprouver une difficulté juridique économique ou financière avérée, ou avoir un besoin ne pouvant être ouvert par un financement adapté aux possibilités de l’entreprise.

Section 1 : La procédure du règlement amiable.

Paragraphe 1 : Organe compétent pour la saisine du tribunal

L’initiative de l’ouverture d’un règlement à l’amiable revient uniquement au chef de l’entreprise qui doit saisir, par une requête, le président du tribunal de commerce. Il expose dans sa requête sa situation financière, économique et sociale ; les besoins de financement, ainsi que les moyens d’y faire face. Dès la réception de la requête, le président du tribunal de commerce fait convoquer le chef de l’entreprise pour recueillir ses explications.

Paragraphe 2 : Les pouvoirs du président du tribunal saisi et nomination du conciliateur.

A- Pouvoirs du président du tribunal

Outre les prérogatives qui lui sont dévolues dans le cadre de la prévention externe, le président du tribunal de commerce a le pouvoir de charger un expert pour établir un rapport sur la situation économique, sociale, et financière de l’entreprise. Il peut obtenir des établissements bancaires et financiers, tout renseignement de nature à donner une information exacte sur une situation économique et financière de l’entreprise. Ce droit de communication est aussi assorti d’un caractère d’ordre public.

B- Nomination du conciliateur

S’il apparaît au président du tribunal de commerce que les propositions du chef de l’entreprise sont de nature à favoriser le redressement de l’entreprise, il ouvre un règlement à l’amiable, et désigne un conciliateur pour une période n’excédant pas trois mois mais qui peut être prorogée d’un mois à la demande de ce dernier.

Les pouvoirs du conciliateur sont précisés par le président du tribunal de commerce qui lui assigne la mission de rechercher des solutions à même de favoriser le redressement de l’entreprise.

Le président du tribunal de commerce communique au conciliateur les documents dont il dispose et fixe le cas échéant le rapport de l’expertise.

Section 2 : Effets et forme de l’accord amiable

Afin de donner toute chance de réussite à l’entreprise, le législateur accorde au conciliateur le droit de demander au tribunal la suspension provisoire des poursuites.

Ainsi, si le conciliateur estime qu’une suspension provisoire des poursuites est de nature à faciliter l’accord entre les créanciers et débiteur, il adresse une demande au président du tribunal. Ce dernier après avoir recueilli l’avis des principaux créanciers rend une ordonnance qui fixe la durée de cette suspension provisoire pour une durée n’excédant pas le terme de la mission du conciliateur.

La suspension provisoire des poursuites produit des effets aussi bien à l’égard des créanciers qu’à l’égard du débiteur (A).

Aussi, l’accord amiable entre le débiteur et ses créanciers doit adopter une forme particulière (B).

Paragraphe 1 : Les effets de l’accord amiable

A- À L’égard des créanciers

A l’égard des créanciers, l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce suspend et interdit toute action en justice concernant des créances nées antérieurement à cette ordonnance et tendant soit à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, soit à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

L’ordonnance arrête et interdit toute voie d’exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles. Enfin, les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution sont suspendus.

B - À l’égard du débiteur

Quant à l’effet à l’égard du débiteur, il réside dans l’interdiction faite à ce dernier, à peine de nullité, de payer en tout ou en partie une créance quelconque dont l’origine est antérieure au prononcé de l’ordonnance.

Il est lui est également interdit de désintéresser les cautions qui acquitterait des créances nées antérieurement, ainsi que de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale de l’entreprise ou de consentir une hypothèque ou un nantissement.

Toutefois, l’interdiction de payer ne s’applique pas aux créances résultant d’un contrat de travail. Le chef d’entreprise voulant faire le paiement dans l’intérêt de l’entreprise devra recevoir l’autorisation du président du tribunal de commerce.

Paragraphe 2 : Forme de l’accord amiable et le cas d’inexécution

A- Forme de l’accord amiable

L’accord est constaté par écrit et signé par les parties et le conciliateur est déposé au greffe du tribunal.

Si l’accord est conclu avec les principaux créanciers, le président du tribunal de commerce peut également l’homologuer et accorder au débiteur, des délais de paiement pour les créances non incluses dans l’acte.

En dehors de l’autorité judiciaire, l’accord ne peut être communiqué qu’aux parties signataire, et le rapport d’expertise qu’au chef d’entreprise.

Par cette confidentialité, l’accord ne pourra faire l’objet de procédure de recours, en particulier la procédure de tierce opposition.

 

 

B- Inexécution de l’accord

Si la société débitrice n'exécute pas les engagements financiers qu'elle a pris dans le cadre du règlement amiable, le tribunal prononce la résolution de celui-ci (Art. 558 al.2). Les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances, déduction faite des sommes éventuellement perçues. Une sanction particulière est en outre prévue par l'article 563 : L'inexécution de l'accord par le débiteur entraîne l'ouverture d'office par le tribunal de la procédure de redressement judiciaire, la demande du procédure qui peut être ouverte aussi sur créancier ou sur requête du Ministère public. Il s'agit là d'une cause autonome d'ouverture du redressement judiciaire, théoriquement indépendante de l'état de cessation des paiements du débiteur.

Partie II : Le déclenchement des procédures de traitement des difficultés d’entreprise

Les procédures de traitement des difficultés de l’entreprise sont applicables à tout commerçant, à tout artisan, et a toute société commerciale qui n’est pas en mesure de payer ses dettes exigibles à échéance, y compris celles qui sont nées de ses engagement conclus dans le cadre du règlement amiable.

Ces procédures appelées redressement ou liquidation judiciaire obéissent à des conditions de fond et de forme (chapitre 1). Par ailleurs, le législateur a prévu des organes particuliers pour l’exécution et la surveillance de ces procédures (chapitre 2).

Enfin, il a règlementé les droits des créanciers et du débiteur défaillant.

Chapitre I : Les conditions d’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise

L’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise obéit à des conditions de fond (section 1) et de forme (section).

Section 1 : Les conditions de fond.

Elles se rapportent à la qualité du débiteur et à la cessation de paiement.

 

 

Paragraphe 1 : La qualité de débiteur.

A- Le principe

Le livre V du code de commerce fixe la liste des personnes susceptibles de bénéficier des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise dans les articles 560, 564 & 565.

Il s’agit de toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant ou d’artisan et de toute société commerciale en activité.

B- Cas exceptionnels d’ouverture de la procédure

a- Le débiteur retraité ou décédé

La procédure s’applique également à un commerçant ou un artisan qui a mis fin à son activité ou qui est décédé.

Deux conditions doivent être réunies afin que soit recevable, la demande d’ouverture des procédures collectives. En effet, la cessation des paiements doit être antérieure au décès ou à la retraite et le tribunal doit avoir été saisi dans un délai de un an à compte du décès ou de la retraite (Art 564).

b- Les associés en nom collectif

La procédure peut être ouverte à l’encontre d’un en nom collectif associé tenu solidairement et indéfiniment responsable du passif social dans une société en nom collectif (Art 565). La règle s’applique à tous les associés, qu’ils soient gérants ou non. Cependant, elle ne s’applique pas aux gérants qui n’ont pas la qualité d’associés et qui relèvent donc du régime des dirigeants sociaux.

c- Dirigeants

Les dirigeants des personnes morales, commerçants, peuvent subir les effets des procédures de traitement des difficultés aussi bien dans leur patrimoine que leur personne. Au niveau patrimonial, les actions et les parts sociales représentant leurs droits sociaux peuvent être déclarées incessibles par le tribunal.

Les dirigeants peuvent être condamnés à supporter toute ou partie du passif social. Ils peuvent également se voir ouvrir à leur encontre une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Au niveau personnel, ils sont passibles de déchéance civique et professionnelle et dans des cas graves, ils encourent des peines de banqueroute.

 Paragraphe 2 : La cessation de paiement

L’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise est subordonnée à la condition qu’il y ait cessation de paiement du débiteur concerné. C’est en ce sens que s’est prononcé la cour d’appel de commerce de Casablanca dans un arrêt en date du 16 mars 2000, en considérant que l’ouverture de la procédure ne peut être ordonnée que s’il est certain qu’il y’a cessation de paiement.

A- Notion de cessation de paiement

L’entreprise ne peut être soumise au redressement judiciaire que si elle est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Cette définition est retenue par la Cour de cassation en France (18 juin 1980, Bull IV 212 et 23 novembre  1983, IC. 276). L’article 560 de notre code de commerce fait aussi référence au caractère exigible des dettes de l’entreprise et la répute dans ce cas en cessation des paiements.

La cessation de paiement est une notion propre au droit commercial et qui se distingue de l’insolvabilité. Cette dernière vise un débiteur qui ne parvient pas à honorer ses engagements du fait que son passif dépasse son actif.

En revanche, la cessation de paiement concerne le cas d’un débiteur qui est en arrêt matériel de paiement, mais qui peut être parfaitement solvable en ce sens que son actif dépasse son passif. C’est d’ailleurs cette position qui a été adopté par la cour d’appel de Casablanca dans un arrêt du 29 septembre 2000.

Par ailleurs, dans un autre arrêt du 30 novembre 1999, la cour d’appel de Casablanca a considéré que l’absence de liquidité au moment de l’exécution n’implique pas nécessairement que l’entreprise est en cessation de paiement.

Aussi la même cour d’appel a jugé dans un arrêt en date du 16 mars 2000 que tout refus de payer n’est pas considéré comme une cessation de paiement, dans la mesure où ce refus peut être dû à une cause imprévue ou à la contestation par le débiteur de la validité de la créance, de son montant, de son échéance, de son exigibilité, ou de son extinction.

C’est en ce sens que le tribunal de commerce de Rabat a décidé le 14 juillet 1998 ce qui suit : «Attendu que, d’après le dossier, il s’est avéré que la demanderesse n’a pas prouvé que la défenderesse est en la situation de cessation de paiement à l’échéance, surtout que le relevé de compte présenté ne constitue pas une preuve de difficulté de l’entreprise. D’autant plus que la défenderesse conteste le contenu de la dette...cependant, le seul fait du défaut de paiement ne suffit pas à caractériser la cessation de paiement. Il faut que le débiteur se trouve dans une situation désespérée qui le place dans l’impossibilité de faire face à ses paiements. ».

C’est en ce sens que s’est prononcée de la cour d’appel de Casablanca dans deux arrêts dont l’un datant du 10 novembre 2000 et l’autre du 23 février 2001.

Dans le 1er, la cour d’appel a considéré que la cessation de paiement conditionne l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et constitue une cause objective qui implique qu’il est nécessaire que la créance soit échue et exigible et que l’entreprise se trouve incapable de s’acquitter de ses dettes.

Dans le 2ème arrêt, elle a considéré que lorsqu’une créance est contestée, elle n’est pas exigible et de ce fait ne confère pas à son titulaire la qualité qui lui permet une requête en vue de l’ouverture de la procédure de redressement judicaire.

B- Nature de la dette et preuve de la cessation des paiements

a- Nature de la dette

Les procédures de traitement des difficultés de l’entreprise étant une institution spécifique en droit commercial, certains auteurs ont considéré qu’il fallait limiter la cessation des paiements exclusivement aux dettes commerciales. Ils concluent que le refus de paiement d’une dette civile ne devrait pas entrainer l’ouverture de ces procédures.

Cette position a été définitivement écartée par le code de commerce qui dispose dans son article 563 ce qui suit: « la procédure peut être ouverte sur l’assignation d’un créancier quelle que soit la nature de sa créance ».

Ainsi, le défaut de paiement d’une dette quelconque civile ou commerciale permet l’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise.

Toutefois, on ne peut déclarer un commerçant en état de cessation des paiements que s’il ne paie pas une dette certaine, liquide et exigible. Mais le créancier ne peut pas invoquer l’exigibilité de la dette du fait de la déconfiture du débiteur ; puisqu’il s’agit justement de savoir si le débiteur a cessé ses paiements. Il faut d’autre part que les dettes impayées ne soient pas contestées dans leur existence ou dans leur montant. En effet, on ne peut refuser au débiteur le droit de discuter l’existence ou l’étendue de son obligation, mais cette contestation ne doit pas cependant être un moyen purement dilatoire.

b- Preuve de la cessation des paiements

C'est au créancier qui demande le redressement judiciaire à qui il incombe de prouver la cessation des paiements. La preuve de la créance impayée peut être faite par tous moyens s'il s'agit d'une créance commerciale et suivant les règles du D.O.C. s'il s'agit d'une créance civile. L'arrêt matériel des paiements peut être établi par tous moyens car il s'agit de questions de fait. En pratique, comme le défaut de paiement ne peut être relevé que pour des dettes certaines liquides et exigibles, les preuves apportées sont toujours les mêmes : protêt des effets de commerce, impossibilité de payer les dettes des emprunts obligataires ou autres ; disparition du commerçant et fermeture de ses magasins, vente précipitée du fonds à un prix dérisoire, aveu du débiteur qui demande à ses créanciers des délais de paiement et ne tient pas sa promesse.

Section 2 : Les conditions de forme

Paragraphe 1 : Saisine du tribunal

Elle peut être obtenue selon les modalités prévues aux articles 561 et 563, à savoir par le débiteur, les créanciers, le tribunal, ou le ministère public.

A- Le débiteur

Tout débiteur réunissant les conditions précédemment évoquées, doit faire une demande au tribunal pour l’ouverture d’une procédure de traitement des difficultés dans les 15 jours qui suivent la cessation de ses paiements.

Le non respect de ce délai pourrait donner lieu à des sanctions ; c’est ainsi que la cour d’appel de commerce de Casablanca a eu l’occasion de prononcer la déchéance commerciale à l’encontre d’un commerçant qui a omis de déclarer la cessation de paiement sous le délai prescrit (arrêt du 28 septembre 2000).

Toute demande d’ouverture de la procédure à l’initiative du débiteur doit être accompagnée des documents suivants, sous peine d’irrecevabilité :

– 1- Les états de synthèse du dernier exercice comptable.

– 2- L’énumération et l’évaluation de tous les biens mobiliers et immobiliers de l’entreprise.

– 3- La liste des créanciers et des débiteurs avec l’indication de lieu de résidence, le montant de leurs droits, les créances et les garanties à la date de cessation de paiement.

– 4- Le tableau des charges.

L’ensemble de ces documents doit être daté, signé, et certifié par le chef de l’entreprise. Dans le cas où l’un de ces documents ne peut être fourni ou ne peut être qu’incomplet, la déclaration doit contenir les motifs qui empêchent cette production. Le greffier atteste la réception de ces documents.

B- L’assignation par les créanciers

Tout créancier a le droit de demander l’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise à l’encontre de son débiteur qui a cessé ses paiements.

Cependant, il est nécessaire pour le créancier, sous peine de rejet de sa demande, d’apporter la preuve de l’existence de sa créance certaine et exigible.

En l’absence de cette preuve, sa demande est rejetée par le tribunal. La cour d’appel de commerce de Casablanca a considéré, dans son arrêt du 20 mars 2001, que « le créancier doit apporter la preuve qu’il a une créance certaine et que l’entreprise est dans l’incapacité de payer à l’échéance ».

C- La saisine d’office (par le tribunal)

Cette modalité de saisine est prévue par l’article 563 du code de commerce dans son alinéa 2 qui dispose : « le tribunal peut aussi se saisir d’office ou sur requête du ministère public, notamment en cas d’inexécution d’engagements financiers conclus dans le cadre de l’accord amiable prévu dans l’article 556 ».

Afin d’éviter qu’une décision ne soit rendu sur la base d’informations insuffisantes, le législateur a subordonné la saisine d’office à la condition que le débiteur soit entendu ou dûment appelé.

Le droit du tribunal de prononcer d’office l’ouverture des procédures de traitement des difficultés entraine des conséquences importantes. Ainsi lorsque c’est le débiteur qui demande l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, le tribunal peut d’office prononcer la liquidation judiciaire. Inversement, le tribunal peut refuser la demande de liquidation judiciaire sollicitée par un créancier et prononcer d’office le redressement judiciaire.

Par ailleurs, la déclaration d’office peut intervenir au cours d’une instance demandé par les créanciers si le tribunal reconnaît que l’assignation est régulière, et que les conditions de fond pour l’ouverture de procédure de traitement sont réunies.

Le tribunal peut également prononcer d’office l’ouverture des procédures de traitement, lorsque les conditions sont réunies sur une assignation de paiement contre l’entreprise débitrice.

Enfin, si le redressement judiciaire est prononcé, le tribunal peut le convertir d’office en liquidation judiciaire.

Paragraphe 2 : le jugement d’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise

A- La juridiction compétente

a- Compétence territoriale :

Le tribunal compétent pour prononcer l’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise est le tribunal de commerce du principal établissement et du siège de la société.

b- La compétence matérielle :

Elle revient aux juridictions de commerce. De ce fait, le tribunal de commerce qui a ouvert la procédure de traitement des difficultés de l’entreprise est également compétent pour toutes les actions qui s’y rattachent, notamment le cas de l’action se rapportant à l’administration de la procédure ou celle dont la solution requiert l’application de la législation relative aux droits des difficultés de l’entreprise.

Le tribunal demeure également compétent s’il se révèle que la procédure doit être étendue à une ou plusieurs entreprises par suite d’une confusion de leurs patrimoines. Le tribunal statut sur la procédure après avoir entendu ou dûment appelé le chef d’entreprise en chambre de conseil.

Il peut également entendre toute personne dont l’audition lui parait utile sans qu’elle puisse invoquer le secret professionnel.

Le tribunal peut aussi requérir l’avis de toute personne qualifiée ; il statut au plus tard dans les 15 jours de sa saisine en prononçant le redressement judiciaire si la situation de l’entreprise n’est pas irrémédiablement compromise, ou la liquidation judiciaire dans le cas où la situation de l’entreprise s’avère irrémédiablement compromise.

B- Le jugement d’ouverture :

a- Le contenu du jugement :

Le jugement d’ouverture d’une procédure de traitement des difficultés de l’entreprise fixe la date de cessation de paiement et désigne les organes chargés de l’exécution de la procédure.

1- La fixation de la date de cessation de paiement :

La date de cessation de paiement doit être fixée dans le jugement d’ouverture, à défaut de fixation, elle est réputée avoir lieu à la date du jugement.

Afin de réduire les inconvenants qui peuvent être engendrées par des personnes de bonne foi de l’application du principe d’inopposabilité de la période suspecte, le législateur a prévu que la date de cessation de paiement ne peut être antérieure à plus de 18 mois de la date du prononcé du jugement. Toute fois, la date de cessation de paiement fixée par le jugement de rupture peut faire l’objet de report en cour de procédure de traitement des difficultés.

C’est ainsi que le tribunal peut prendre une ou plusieurs décisions fixant la date de cessation de paiement à une date plus reculée.

La demande de modification de la date doit être présentée au tribunal par le syndic avant l’expiration du délai de 15 jours suivant le jugement qui arrête le plan de continuation ou de cession, ou si c’est la liquidation judiciaire qui est prononcée, suivant le dépôt de l’état des créances.

2- La désignation des organes de la procédure :

Le jugement d’ouverture désigne un juge commissaire parmi les magistrats du tribunal. Par ailleurs, le tribunal nomme un syndic dont la fonction est exercée par le greffier. Toutefois, le tribunal peut confier cette mission à un tiers. Enfin, le tribunal procède à la désignation de contrôleurs parmi les créanciers et à la demande de ces derniers.

b- La publication du jugement d’ouverture :

L’état de redressement ou de liquidation judiciaire constaté par la décision du tribunal va s’imposer à tous, et il est donc nécessaire de faire connaître aux tiers, la nouvelle situation juridique du débiteur, d’autant plus que le jugement prend effet à partir de sa date.

Par ailleurs, ce jugement aura des incidences aussi bien à l’égard du débiteur qu’à l’égard des créanciers. L’ensemble de ces considérations explique la quadruplication qu’à été prévue par le législateur dans ce domaine.

En 1er lieu : le jugement d’ouverture doit être mentionné sans délai au registre de commerce.

En 2nd lieu : dans un délai de 8 jours de la date du jugement, un avis de la décision est publié dans un journal d’annonces légales et au Bulletin Officiel. Cet avis invite les créanciers à déclarer leur créance au syndic désigné.

En 3ème lieu : l’avis du jugement doit être affiché au panneau réservé à cet effet au tribunal.

En dernier lieu : dans le même délai de 8 jours, le jugement est notifié à l’entreprise par les soins du greffier.

 

 

c- Les voies de recours :

Le jugement d’ouverture de la procédure de traitement des difficultés de l’entreprise et les ordonnances rendues en cette matière sont exécutoires par provision.

L’opposition et la tierce opposition sont formées contre les décisions rendues en matière de redressement et de liquidation judiciaire, ainsi que de déchéance commerciale par déclaration ou par greffe du tribunal, dans un délai de 10 jours à compter du prononcé de la décision ou de sa publication au Bulletin Officiel si cette publication est prescrite.

L’appel doit être interjeté dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision, toutefois, ce délai court à compter de la date de la décision à l’égard du syndic.

Enfin, le pourvoi en cassation doit être formé dans le délai de 10 jours de la notification de l’arrêt.

S’agissant du recours à l’encontre des décisions en matière de banqueroute, et d’autres infractions, elles sont soumises aux dispositions du code de procédure pénale.

Chapitre II : Les organes de la procédure de traitement des difficultés de l’entreprise

Section 1: Le tribunal

Le tribunal qui rend le jugement d’ouverture détient le pouvoir d’administration et de direction de la procédure. A cet effet, il dispose d’une compétence élargie pour connaître de toute les contestations découlant des procédures de redressements et de liquidations judiciaires, comme l’extension des procédures à une entreprise du fait de la confusion du patrimoine, ou aux dirigeants de l’entreprise lorsque les conditions sont réunies.

Section 2 : Le juge commissaire (J.C)

A- Statut

Il est désigné parmi les magistrats du tribunal par le jugement d’ouverture, son rôle est définie par l’article 638 du code de commerce, qui dispose que : « le juge commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence ».

Afin d’accomplir son rôle, le juge commissaire reçoit des infos de diverses sources, à savoir, le syndic, les contrôleurs, les créanciers, et le procureur du roi.

B- Pouvoirs

Le juge commissaire dispose des pouvoirs suivants :

- Il contrôle l’action du syndic.

- Il joue un rôle décisif dans la procédure des admissions des créanciers.

- Il dispose du pouvoir de demander le remplacement du syndic.

- Il arrête l’état des créances et décide s’il y’a lieu ou non de procéder à leur vérification.

- Il désigne enfin un à trois contrôleurs parmi les créanciers qui lui font la demande.

Par ailleurs, le juge commissaire dispose du pouvoir d’ordonner ou d’autoriser un certain nombre d’actes qui dépassent la compétence du syndic.

C’est ainsi que dans la procédure de redressement judiciaire, le juge commissaire autorise le chef d’entreprise ou le syndic à consentir une hypothèque ou un nantissement à compromettre ou à transiger. Aussi en cas de cession de l’entreprise, le juge commissaire peut demander des explications complémentaires sur l’effort fait par un candidat à l’acquisition.

Dans la procédure de liquidation judiciaire, et lorsque des unités de production composées de tout ou partie de l’actif mobilier ou immobilier pouvant faire l’objet d’une cession globale, le juge commissaire procède au choix qui permet d’assurer durablement l’emploi et le paiement des créanciers. Il ordonne la vente aux enchères publiques ou le gré à gré des autres biens de l’entreprise.

Enfin, le juge commissaire peut d’office ou à la demande du syndic ou des créanciers ordonner le paiement à titre provisionnel d’une quote-part de la créance définitivement admise.

Les décisions du juge commissaire sont prises sous forme d’ordonnances. Ces ordonnances sont exécutoires par provision et immédiatement déposées au greffe.

En vertu de l’article 637 alinéa 1 du code de commerce, « aucun parent jusqu’au 4ème degré, exclusivement du chef de l’entreprise ou des dirigeants des l’entreprise ne peut être désigné comme juge commissaire ».

Section 3 : le syndic

A- Statuts

Le jugement qui prononce l’ouverture des procédures de traitement des difficultés désigne le syndic. La fonction du syndic peut être assurée par le greffe ou le cas échéant par un tiers.

En vertu de l’article 642 du code de commerce, le syndic a pour seule qualité pour agir au nom et dans l’intérêt des créanciers sous réserve des droits reconnus aux contrôleurs.

B- Pouvoirs

C’est ainsi que le syndic prend toute mesure pour informer et consulter les créanciers.

A l’égard du débiteur, le rôle du syndic varie suivant la nature de la procédure :

C’est ainsi que dans le cadre de redressement judiciaire, et lorsqu’il y’a continuation de la procédure, le rôle du syndic est fixé par le jugement qui le désigne. Sa mission peut consister soit dans la surveillance des opérations de gestion, soit dans l’assistance du chef de l’entreprise pour les actes de gestion ou seulement certains d’entre eux, soit dans le fait d’assurer seul entièrement ou en partie la gestion de l’entreprise.

Le tribunal peut à tout moment modifier la mission du syndic, d’office ou à sa demande.

C- responsabilité

Dans l’exercice de sa mission, le syndic assume une responsabilité civile et pénale.

Au plan civil, l’article 724 du code de commerce prévoie l’application de la peine de banqueroute pour tout syndic ayant commis l’un des faits suivants :

- Utiliser à des fins personnels les sommes perçues dans l’accomplissement de sa mission ou attribuer des avantages qu’il savait n’être pas dus.

- Faire illégalement des pouvoirs qui lui sont conférés, un usage outre que celui auquel ils sont destinés et contrairement aux intérêts des créanciers et du débiteur.

- Abuser des pouvoirs dont il dispose aux fins d’utiliser ou d’acquérir pour son compte des biens du débiteur soit personnellement soit par personnes interposées.

Les peines applicables sont d’un à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 10.000 à 100.000Dh.

Section 4 : les contrôleurs

A- Statuts :

Le juge commissaire désigne 1 ou 3 contrôleurs, personne physique ou morale. En général ces contrôleurs sont désignés parmi les créanciers importants et sur leur demande, afin de mieux surveiller leurs intérêts.

Dans la désignation des contrôleurs, le juge commissaire veille à ce que l’un d’entre eux soit choisi parmi les créanciers titulaires de sureté et qu’un autre soit parmi les créanciers chirographaires.

L’article 645 alinéa 3 du code de commerce précise qu’ : « aucun parent ou allié jusqu’au 2ème degré inclusivement du chef de l’entreprise ne peut être nommé contrôleur ou représentant d’une personne morale désignée contrôleur ».

B- Pouvoirs

La mission des contrôleurs consiste dans l’assistance du syndic dans ses fonctions et le juge commissaire dans ses attributions de surveillance et d’administration de l’entreprise.

Les contrôleurs ont le droit de prendre connaissance de tous les documents transmis au syndic. Ils rendent compte aux autres créanciers de l’accomplissement de leur mission à chaque étape de la procédure. Ils peuvent être invoqués par le tribunal sur opposition du syndic ou du juge commissaire.

 

 

Partie III : Redressement et Liquidation

      Chapitre I : Le plan de redressement

              Section 1 : Préparation du plan

                     Paragraphe 1 : Projet de plan

Le jugement de redressement judiciaire ouvre une période d'attente qui permet au syndic de dresser dans un rapport le bilan financier, économique et social de l'entreprise avec le concours du débiteur et l'assistance éventuelle d'un ou plusieurs experts. Ce bilan doit préciser l'origine, l'importance et la nature des difficultés de l'entreprise. Au vu de ce bilan, le syndic propose au juge commissaire un projet de plan de redressement tendant, soit à la continuation de l’entreprise, soit à sa cession (Art.579 al. 1). La durée limite assignée au syndic pour faire ces propositions est de quatre mois à compter de la date du Jugement d'ouverture de la procédure. Ce délai est renouvelable une fois à la demande du syndic (Art. 579 al. 2). Au total, le syndic a donc huit mois pour proposer un plan de redressement au juge-commissaire.

A- Règles générales

1- Contenu du projet de plan.

Le projet doit pouvoir déterminer les perspectives de redressement. C'est en fonction des possibilités et des modalités d'activités, de l'état du marché et des moyens de financement disponibles qu'il pourra se prononcer. L’analyse financière de la situation doit révéler si l'entreprise est capable de financer correctement le maintien et le développement de ses éléments d'actif productif. L'analyse économique doit permettre d'apprécier la situation commerciale de l'entreprise : valeur de ses produits ou services sur le marché, situation de la concurrence, etc.

Le projet doit, en outre, définir les modalités de règlement du passif et les garanties éventuelles que le chef d'entreprise doit souscrire pour en assurer l'exécution (Art 580). Les propositions présentées pour le règlement des dettes sont, au fur et à mesure de leur élaboration et sous la surveillance du juge commissaire, communiquées par le syndic (ou le débiteur) aux contrôleurs.

Enfin, le projet expose et justifie le niveau et les perspectives d'emploi ainsi que les conditions sociales envisagées pour la poursuite de l'activité. S'il prévoit des licenciements pour motif économique, il devra préciser les actions à entreprendre en vue de faciliter le reclassement et l'indemnisation des salariés dont l'emploi est menacé.

2- Informations et consultations préparatoires.

Outre les mesures exceptionnelles pour l’information du tribunal (Art. 567), le législateur organise une large circulation des renseignements pendant la phase d'élaboration du bilan financier, économique et social et du projet de plan (Art. 581). Le syndic reçoit des commissaires aux comptes et de l'administration tout document et toute information pour l'accomplissement de sa mission et de celle des experts. Il reçoit le rapport d'expertise qui a été établi pour le règlement amiable si la procédure de redressement succède a celle du règlement amiable. Il entend toute personne susceptible de l'informer sur la situation et les perspectives de redressement de l'entreprise, les modalités de règlement du passif, et les conditions sociales de la poursuite de l'activité. Il rend compte de l'avancement de ses travaux au juge-commissaire (Art. 581 al. 2).

3- Offre de reprise.

D'une certaine façon, l'entreprise défaillante est à vendre dès le déclenchement du redressement judiciaire. Le législateur donne ainsi la possibilité à des tiers à l'entreprise de faire des offres pour maintenir l'activité de l'entreprise. Ainsi l'Art. 582 prévoit cette intervention des tiers dès l'ouverture de la procédure. Les offres doivent être soumises au syndic immédiatement selon l’une des modalités susceptibles d'être envisagées par le plan : continuation de l'entreprise, cession ou liquidation judiciaire. Les offres sont annexées au rapport du syndic, qui en fait l'analyse.

L'Art. 582 al. 2 définit les conditions dans lesquelles les offres ainsi faites obligent leur auteur. L'offre ne peut être modifiée ou retirée après la date de dépôt du rapport du syndic. Mais cette interdiction ne doit pas empêcher une amélioration de l'offre primitive. L'auteur de l'offre reste lié jusqu'à la décision du tribunal arrêtant le plan, à condition que cette dernière intervienne dans le mois du dépôt du rapport. L'auteur ne demeure lié au delà que s'il y consent.

 

4- Consultation des créanciers.

Les propositions pour le règlement des dettes comportent habituellement des délais et des remises. Elles sont communiquées aux contrôleurs par le syndic, sous la surveillance du juge-commissaire (Art. 585 al. 1).

Le syndic communique ces propositions aux créanciers ayant déclaré leur créance et recueille l'accord de chacun,” individuellement ou collectivement" (Art. 585 al. 2). Le législateur a fait allusion à l'existence d'un intérêt collectif des créanciers pour permettre à ceux-ci de trouver le moyen de confronter leurs intentions, et d'arrêter une position commune. Les délais et les remises qui peuvent être acceptés par les créanciers n'ont de valeur que dans la perspective d'un plan de continuation de l’entreprise. En effet, l'Art. 585 n'impose la consultation des créanciers qu'en vue d'un plan continuation.

A la lettre recommandée adressée par le syndic aux créanciers sont joints : un état de la situation active et passive avec ventilation du passif privilégié et du passif chirographaire, le texte des propositions du syndic et du débiteur et l'indication des garanties offertes, l'avis des contrôleurs s'il en a été nommé. Le défaut de réponse par

écrit dans le délai de trente jours vaut acceptation par le destinataire des délais et remises proposés lorsque la consultation est individuelle. En cas de consultation collective, les créanciers se réunissent sous la présidence du syndic aux lieu, jour et heure fixés dans la lettre de convocation, un avis est en outre inséré dans un journal d'annonces légales. La réunion doit avoir lieu entre le quinzième et le vingt et unième jour de l'envoi de la lettre. Les créanciers se présentent en personne ou se font représenter par un fondé de pouvoir muni d'une procuration spéciale. Le syndic fait un rapport sur l'état de redressement judiciaire (Art. 587). L'accord individuel de chaque créancier présent ou représenté est recueilli par écrit.

B- Règles spéciales concernant les personnes morales

Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, la préparation du plan est liée à la reconstitution des capitaux propres et à Élimination de 1'influence des dirigeants incompétents.

 

 

1- Reconstitution du capital.

 Lorsque le syndic un plan de continuation envisage de proposer au tribunal impliquant une modification du capital, il demande au conseil d'administration, au directoire ou aux gérants, selon le cas, de convoquer une assemblée générale extraordinaire ou l'assemblée des associés. Si, du fait des pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres sont inférieurs au quart du capital social, l'assemblée est d'abord appelée à reconstituer les capitaux propres à concurrence du montant proposé par le syndic qui ne peut être inférieur au quart du capital social (Art. 583 al.2).

L'hypothèse envisagée ici est celle de l'article 357 de la loi sur la société anonyme, mais la seule solution possible est l'augmentation du capital, susceptible de procurer à l’entreprise les capitaux frais dont elle a besoin.

L'assemblée peut également être appelée à décider la réduction et l'augmentation du capital en faveur d'une ou plusieurs personnes qui s'engagent à exécuter le plan. Ainsi, un " coup d'accordéon " peut être proposé à l'assemblée. Si, dans la société anonyme, les anciens actionnaires ne veulent pas ou ne peuvent pas participer à l’augmentation du capital, ils sont appelés à renoncer à leur droit préférentiel de souscription au profit des étrangers qui acceptent d'apporter les capitaux nécessaires. A défaut, la société est exposée à une cession ou à une liquidation.

2- Elimination de l’influence des dirigeants.

 Le tribunal peut prendre trois décisions préparatoires à l’adoption du plan. S'il estime que la survie de l'entreprise le requiert, le tribunal peut exiger le remplacement d'un ou plusieurs dirigeants sociaux et subordonner l'adoption du : plan de redressement à ce í remplacement (Art. 584). Pour éviter que les dirigeants évincés n'usent de leurs pouvoirs d'associés pour entraver la nouvelle politique de l'entreprise, e tribunal peut prononcer l'incessibilité des actions, parts sociales ou certificats de droit de vote détenus par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, et décider que le droit de vote y attaché sera exercé, pour une durée qu'il axe, par un mandataire de justice désigné à cet effet. Le tribunal peut encore ordonner la cession des actions ou parts sociales des dirigeants, le prix de cession étant axé à dire d'expert.

Pour l'application de toutes ces dispositions, les dirigeants sont entendus ou dûment appelés (Art. 584 al. 3).

Paragraphe 2 : Gestion de l’entreprise

La gestion de l'entreprise comporte des restrictions aux pouvoirs du débiteur et des règles concernant la continuation de l'activité sociale.

A-  Restrictions aux pouvoirs du débiteur

1- Pouvoirs du débiteur dans la gestion.

 Ces pouvoirs dépendent de la mission conférée au syndic (Art. 576). Le débiteur peut assurer la gestion de l'entreprise sous la surveillance du syndic. Mais la notion de surveillance n'a pas de sens juridique et la mission du syndic dans ce cas reste vague. Le syndic peut cependant être chargé d'assister le débiteur pour tous les actes concernant la gestion ou certains d'entre eux ou d'assurer seul, entièrement ou en partie, la gestion de l'entreprise. Dans toutes ces situations, le législateur n'indique pas les critères qui doivent guider le tribunal pour axer la mission du syndic et donc les pouvoirs du débiteur. Cela d'autant plus que le tribunal peut, à tout moment, modifier la mission du syndic. On peut donc admettre que la formule qui sera retenue par le tribunal devra être celle qui assure au mieux la continuation de l'activité. En toute hypothèse, le syndic peut faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires ou postaux dont le débiteur est titulaire (Art. 577).

2- Interdiction du paiement des dettes antérieures au jugement d'ouverture.

L'Art. 657 interdit au débiteur comme au syndic de payer en tout ou partie aucune créance née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure. Un tel acte ne pourrait qu'entraver le redressement espéré, et porterait atteinte à l'égalité entre les créanciers. L'interdiction concerne toutes les créances, qu'elles aient ou non leur origine dans l'exploitation de l'entreprise, qu'elles soient chirographaires ou garanties par une sûreté. Le juge commissaire peut autoriser le débiteur ou le syndic, selon le cas, à payer une créance antérieure au jugement, pour retirer une chose remise en gage ou "légitimement retenue ", lorsque ce retrait est justifié par la poursuite de l'activité de l'entreprise (al. 2).

La référence à la " chose légitimement retenue " concerne les hypothèses dans lesquelles la loi et la jurisprudence reconnaissent l'existence d'un droit de rétention. La formule légale prend en effet en considération la restriction qui affecte le domaine du droit de rétention.

Tout paiement effectué en violation de l'interdiction est annulé à la demande de tout intéressé présentée dans un délai de trois ans à compter de l'acte interdit. Le débiteur aussi peut agir parce qu'il s'agit d'une nullité absolue. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci (Art 658).

3- Impossibilité de compensation.

a- Principe

Le fonctionnement de la compensation entre une créance sur le débiteur et une dette envers lui donne lieu à aucune difficulté si les deux obligations en sens contraire sont toutes les deux fongibles, liquides et exigibles lors du jugement d'ouverture de la procédure. " La compensation légale se produit de plein droit " sans qu'une des parties ait à faire une déclaration sur ce point (Cars. com. 29 novembre 1988, Rev. Proc. Coll. 1989, 158 D.S. 1989, Somm. Comm. 235, obs. AUBERT), et sous réserve du cas où elle résulterait d'un acte annulé par application des nullités de la période suspecte. En revanche, lorsque la compensation légale n'a pas pu fonctionner lors du jugement d'ouverture, notamment parce qu'une des dettes n'était pas encore liquide ou exigible, la compensation est écartée car elle contreviendrait à la volonté du législateur d'immobiliser le passif du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure en interdisant tout paiement postérieur, et elle assurerait au cocontractant une situation préférentielle, au mépris de l'égalité qui doit régner entre les créanciers. Et ce, d'autant plus que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne rend pas exigibles les créances (Art. 571).

b- Tempéraments.

Il existe toutefois quelques exceptions : la compensation doit être admise dans deux séries de cas :

Il en est ainsi d'abord quand les créances et les dettes se trouvent comprises dans un même compte. L'exemple le plus important est celui du compte courant qui fonctionne entre les banquiers et leurs clients et qui permet aux banquiers de compenser leurs dettes exigibles avec leurs créances à terme (Voy. Paris, 2 avril 1990, Banque, 1990, 871, obs RIVESLANGE). La compensation ne se produit qu'à l'intérieur d'un même compte. Mais lorsqu'il existe entre les banquiers et leurs clients deux comptes courants distincts, les banquiers s'efforcent par une lettre de fusion ou une affectation en garantie, de garantir le débit d'un compte par le crédit d'un autre.

La compensation est également admise lorsque les obligations sont connexes comme naissant du même contrat, même si toutes les deux ne remplissent pas les conditions requises pour la compensation légale avant le Jugement déclaratif. La connexité est ainsi reconnue lorsque les deux obligations naissent de l'exécution d'un même contrat, puisque l'un des contractants pourrait refuser de s’exécuter si l’autre ne s'exécutait pas. Par exemple, l'assureur peut c compenser la prime qui lui est due avec l’indemnité qu'il doit

3- Actes soumis à l'autorisation du juge commissaire.

L'Art. 578 place l'ensemble du patrimoine du débiteur sous le contrôle judiciaire par les termes très généraux qu'il renferme. Ce texte concerne le débiteur, assisté ou non du syndic, ou le syndic lorsqu'il est investi du pouvoir d’assurer, entièrement ou en partie, la gestion de l’entreprise.

B- Continuation de l'activité

L'Art. 571 pose le principe que l'activité de l'entreprise est poursuivie après le prononcé du jugement de redressement judiciaire. Cependant, à tout moment le tribunal peut ordonner la cessation de cette activité et prononcer la liquidation judiciaire. Le tribunal statue sur la demande motivée du syndic, d'un contrôleur, du chef de l'entreprise ou d’office et,  dans tous les cas, sur rapport du juge-commissaire.

Dans cette phase de la procédure, les dirigeants demeurent en fonction s'ils ne sont pas frappés d’une interdiction de gérer ou d'administrer.

La continuation de l'activité suppose la conclusion de nouveaux contrats dans le cadre des pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic et souvent le maintien des contrats en cours d'exécution. Par ailleurs, le législateur fait une distinction entre les créances dont l'origine est antérieure au jugement qui ouvre la procédure et les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture.

1- Sort des contrats en cours d’exécution

a- L'option réservée au syndic.

Le maintien des contrats qui unissent le débiteur à ses fournisseurs, ses banquiers et ses clients, peut être utile à la continuation de l'entreprise. L'Art. 573 consacre indirectement cette solution en donnant au syndic le droit d'option entre l'exécution et la continuation du contrat. Le droit d'option est réservé au le syndic seul, quelle que soit d'ailleurs l'étendue de sa mission.

b- Exercice de l'option.

Le maintien des contrats en cours est affirmé, en principe, en dépit des dispositions légales et nonobstant toute clause contractuelle. En effet, l'Art. 574 al. 4 décide que « Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l'ouverture du redressement judiciaire ». Cette solution s'impose donc en présence d'une disposition légale contraire et, à plus forte raison, pour les contrats prévoyant une résolution de plein droit de la convention au cas de redressement judiciaire.

Cette dérogation au droit commun se justice par des considérations pratiques évidentes. La disparition immédiate de nombreux contrats compromettrait certainement la continuation de l’exploitation et placerait les cocontractants dans une position de force leur permettant de rompre en leur faveur la règle de l'égalité.

L'article 573 s'efforce, par ailleurs, d'équilibrer l'intérêt de l'entreprise et celui de son cocontractant. Ainsi, la renonciation à la continuation du contrat est présumée si le cocontractant a adressé au syndic une mise en demeure qui est restée plus d’un mois sans réponse. Cette présomption est irréfragable car le contrat est résilié de plein droit dans ce cas.

 

c- Inexécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture.

Lorsque le syndic réclame la continuation d'un contrat, « le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif ». Les créanciers ne peuvent donc pas invoquer l'indivisibilité qui aurait existé entre les prestations convenues. Leurs créances nées avant le jugement déclaratif doivent être soumises au sort de toutes les créances de la même espèce.

d - Conséquences de l'option.

Si le contrat est synallagmatique et si le cocontractant n'a pas encore exécuté son obligation, il jouit normalement de l'exception d'inexécution (exceptio non adimpleti contractus) dans les conditions du droit commun. Ainsi, par exemple, si son obligation consistait dans la livraison d'une chose, l'exception se traduit par l’exercice du droit de rétention. Le vendeur peut refuser de livrer l'acquéreur en état de cessation des paiements parce qu'il ne peut pas payer le prix. Mais le législateur réduit le domaine du droit de rétention. En effet, ce droit est refusé dans les ventes qui comportent un terme pour le paiement du prix, car les créances à terme ne deviennent pas exigibles, à moins que la liquidation judiciaire ne soit déclarée ou que le tribunal décide un plan de cession.

e - Droit de demander la résolution.

Si le syndic n'exerce pas la faculté de poursuivre le contrat, le cocontractant ne peut pas rester engagé indéfiniment dans le contrat, et pour se dégager, il faut qu'il assigne en résolution. Le redressement judiciaire ne constitue pas une force majeure exonérant le débiteur de sa responsabilité en cas inexécution du contrat. Si le contrat n'est pas exécuté, c'est par la faute contractuelle du débiteur en état de cessation des paiements. Le cocontractant qui agit en résolution judiciaire peut donc réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice qui lui est causé par cette résolution. Le principe est consacré par l'Art. 573 Al. 3, qui précise que le montant des dommages et intérêts doit être déclaré au passif au profit de l'autre partie.

2- Sort des créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure

Ø  Absence de déchéance du terme.

Le jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé (Art. 571 al. 2). Il est évident qu'à ce stade de la procédure, l’exigibilité immédiate des créances à terme serait un obstacle au redressement espéré. Cette exigibilité n'est justifiée que pour les besoins d'une liquidation judiciaire ou lorsque le tribunal qui arrête le plan ordonne la cession totale de l'entreprise.

Ø  Droits limités des créanciers.

 Les droits des créanciers antérieurs sont limités. La discipline de la procédure impose aux prérogatives individuelles des créanciers des restrictions sévères. Les créances produites sont vérifiées et les créanciers sont consultés sur les perspectives de règlement du passif, en prévision d'un plan de continuation.

a-    Restrictions des droits individuels des créanciers provisoires des poursuites

La réglementation nouvelle réunit des règles empruntées aux procédures traditionnelles et à la suspension provisoire des poursuites : la suspension des poursuites individuelles, l'interdiction des inscriptions, l'arrêt du cours des intérêts.

Ø  Suspension des poursuites individuelles

Il faut laisser à l'entreprise le répit nécessaire pour l'établissement d'un bilan et l'élaboration d'un plan de redressement. D'après l'Art. 653 la suspension s'applique à tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure. Toutes les créances sont concernées, qu'elles soient chirographaires ou privilégiées, y compris celle du Trésor. La suspension s'applique aux actions en justice et aux voies d'exécution (Art. 656).

·         Suspension des actions :

L'Art. 653 vise la suspension de deux catégories d'actions : celle tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. Cette catégorie d'action englobe les actions qui ont pour objet d'établir l'existence d'une créance incertaine et d'en axer le montant : par exemple les actions en dommages et intérêts fondés sur une faute délictuelle ou sur la mauvaise exécution d'un contrat. L'article s'applique également à la catégorie d'action tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement du prix. L'interdiction de l'action en résolution empêche le cocontractant de reprendre un bien qui peut être indispensable à la poursuite de l'exploitation ; nous avons déjà vu comment cette règle doit être conciliée avec celles qui gouvernent la continuation des contrats en cours dans l'Art. 573.

A partir du jugement d'ouverture de la procédure, un créancier ne peut plus introduire contre le débiteur une action nouvelle. Pour les actions qui ont été intentées auparavant, elles font l'objet d'une interruption d'instance. De ce que les créanciers sont dans l'impossibilité d'agir, l'Art. 653 al. 4, déduit la suspension des délais qui leur sont impartis à peine de déchéance ou de résolution.

·         Suspension des voies d'exécution :

L'At. 653 al. 3 suspend toute voie d'exécution (des créanciers antérieurs) tant sur les meubles que les immeubles, notamment, la saisie conservatoire ou saisie exécution d'un meuble et les saisies immobilières. Après avoir défini le domaine des actions suspendues, la loi précise (Art. 654) que les instances en cours sont suspendues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le syndic dûment appelé, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la taxation de leur montant.

Certaines actions ne sont pas soumises à la suspension des poursuites. Il s'agit des actions qui ne sont pas expressément visées par l'Art. 653. Il en est ainsi de l'action en résolution exercée pour une cause autre que le défaut de paiement du prix (vice caché par exemple), des actions en nullité, de revendication, en rescision pour lésion, ou des actions sanctionnant l'inexécution d'une obligation de faire (Cass. Com. 12 mai 1992, R.J.D.A. 1992, 506).

Ø  Interdiction des inscriptions :

L'Art. 666 décide que les hypothèques, nantissements, privilèges ne peuvent plus être inscrits après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire. Il faut comprendre par cette règle que l'inscription qui serait prise devrait être considérée comme non avenue et tout intéressé pourrait en demander la radiation.

Ø  Arrêt du cours des intérêts :

L’art. 659 pose en règle générale que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majorations. Le texte ne fait aucune distinction et s’applique à toutes les catégories de créanciers : créanciers chirographaires, titulaires d’un privilège général et d’une sureté spéciale.

·         Justifications.

L’arrêt du cours des intérêts est une solution qui se justice tout d'abord par le principe d’instaurer l’égalité des créanciers : si les intérêts continuaient à courir à des taux différents, la prolongation de la procédure profiterait à certains et porterait préjudice a d'autres. Elle s'explique aussi par les exigences pratiques de l’organisation collective : le passif du débiteur doit être arrêté à un certain moment ; si les intérêts continuaient à courir,  serait modifié chaque jour. Il faut sans doute ajouter que le législateur a limité les droits des créanciers antérieurs au jugement pour favoriser le redressement de l'entreprise en difficulté.

·         Conséquence.

La lettre et l'esprit de la loi commandent d'admettre, que, dans l'intérêt de l'entreprise, le débiteur est libéré de tous intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à partir du jugement d'ouverture du redressement judiciaire. Cette règle pourrait sans doute être écartée par une clause qui stipulerait expressément que les intérêts continueront à courir à l'égard de la caution, au cas de redressement judiciaire du débiteur principal.

Par ailleurs, il est évident que les intérêts échus au jour du prononcé du règlement judiciaire s'ajoutent au capital de la créance. Il faut les compter jour par jour. Une difficulté se présente dans le cas où les intérêts sont dissimulés dans une augmentation du capital de la créance ; il en est ainsi dans les obligations à prime. Il faut alors dégager d'après le tableau d'amortissement la portion des intérêts échus.

b- Procédure de vérification des créances

Ø  Procédure.

Les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, à l'exception des salariés, doivent déclarer leurs créances et se soumettre à une procédure de vérification pour participer aux différentes modalités d'apurement du passif qui résultent, selon le cas, du plan de continuation de l'entreprise ou de sa cession, ou de sa liquidation.

 

Ø  Déclaration des créances.

Les créanciers postérieurs ne sont pas soumis à la procédure de vérification puisqu'ils bénéficient d'un traitement de faveur qui les dispense, notamment, de l’obligation de déclaration.

L'obligation de déclaration incombe donc à tous ceux qui se prétendent créanciers pour une cause antérieure au jugement d'ouverture. Elle s'impose aux créanciers chirographaires, titulaires d'un privilège général et d'une sûreté spéciale. Le Trésor et la Sécurité sociale doivent déclarer leur créance comme tous les autres créanciers.

Le créancier bénéficiant d'une sûreté ayant fait l'objet d'une publication ou d'un crédit-bail publié sont avertis personnellement et, s'il y a lieu à domicile élu (Art. 686).

·         Les formes de la déclaration.

Aucune forme n'est imposée, mais le créancier doit manifester de façon certaine la volonté de déclarer sa créance. La déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances (Art. 68$ al. 1). Elle précise s'il y a lieu la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est assortie. Lorsqu'il s'agit d'une créance en monnaie étrangère, la conversion en dirhams a lieu selon le cours de change à la date du jugement d'ouverture de la procédure (Art 688 al. 2 et 3).

Le créancier doit, en outre, fournir tous les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre, évaluer la créance si elle n'est pas liquide, préciser les modalités du calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, mentionner la juridiction saisie si la créance fait l'objet d'un litige (Art. 688 al.3).

A cette déclaration sont joints sous bordereau les documents justificatifs, qui peuvent être produits en copie. A tout moment, le syndic peut demander la production des documents qui n'auraient pas été joints. . La déclaration doit être adressée au syndic et, le cas échéant, elle doit être faite par un mandataire ayant le pouvoir de représenter le créancier en justice (Art. 686).

·         Les délais.

Les créanciers doivent remettre leurs déclarations dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel (Art 687). Il s'agit d'un délai préfix, qui n'est susceptible ni d'interruption, ni de suspension. Le délai de deux mois peut être prolongé de deux mois supplémentaires pour les créanciers domiciliés hors du Maroc.

·         Le défaut de déclaration dans les délais. 

A défaut de déclaration dans le délai légal, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait. L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai d'un an à compter du jugement d'ouverture de la procédure. Les créances qui n'ont pas été déclarées et n'ont pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes (Art. 690).

Ø  Vérification des créances.

La vérification des créances est faite par le syndic, en présence du débiteur ou lui dûment appelé, avec l'assistance des contrôleurs.

·         Travail préparatoire.

Si une créance et discutée (existence, montant), le syndic en avise le créancier concerné par lettre recommandée avec accusé de réception, en l'invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours de la réception de la lettre interdit toute contestation ultérieure de la proposition du syndic (Art.693). La lettre d'envoi précise l'objet de la contestation, le montant de la créance dont l'inscription est proposée, et rappelle la déchéance encourue pour défaut de réponse dans les trente jours.

Lorsque le syndic a terminé son travail de vérification, et pour cela il dispose d'un délai de six mois à compter du jugement d'ouverture, il établit une ou plusieurs listes de créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant le tribunal. Les listes de créances déclarées sont transmises au juge commissaire avec les observations du débiteur au fur et à mesure de leur

établissement (Art. 694).

·         Décision du juge commissaire.

Au vu des propositions du syndic, le Juge commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances, ou constate, soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. Le Juge commissaire ne peut rejeter en tout ou en partie une créance ou se déclarer incompétent qu'après avoir entendu ou dument appelé le créancier et le débiteur (Art. 696 al.).

Lorsque le juge commissaire statue sur sa compétence ou sur une créance contestée par le débiteur ou le créancier, le greffier convoque ceux-ci par lettre recommandée avec accusé de réception. Les décisions d'incompétence ou statuant sur la contestation d'une créance sont notifiées aux parties dans les huit jours par lettre recommandée avec accusé de réception. Les décisions d'admission sans contestation sont notifiées par lettre simple aux créanciers. Le montant de l'admission ainsi que son caractère privilégié ou chirographaire sont précisés par les notifications (Art. 696).

·         Dépôt et publicité de l'état des créances.

Les listes des créances sur lesquelles sont portées les décisions du juge-commissaire sont déposées au greffe du tribunal. Toute personne intéressée peut en prendre connaissance. Le greffer fait publier au Bulletin officiel une insertion indiquant que l'état des créances est constitué et déposé au greffe et que le délai pour faire réclamation est de quinze jours à compter de cette publication (Art. 698).

·         Recours contre les décisions du juge-commissaire.

Lorsque la matière est de la compétence du tribunal qui a ouvert le redressement judiciaire, le recours contrer les décisions du juge-commissaire est porté devant la cours d'appel. Il est ouvert au créancier, au débiteur et au syndic. Toutefois, le créancier dont la créance est discutée en tout ou en partie et qui n'a pas répondu au syndic dans le délai légal (de trente jours selon l'Art. 693 al.3), ne peut exercer le recours si la décision du juge-commissaire confirme la proposition du syndic (Art. 697 al 2).

·         Réclamation des tiers.

Les tiers intéressés peuvent former une réclamation contre les décisions d'admission, de rejet ou d'incompétence prononcées par le juge-commissaire. Les réclamations des tiers sont formulées au greffe par voie de mention sur l'état des créances. Le délai pour faire réclamation expire quinze jours après l'insertion au Bulletin officiel, par le greffier, de l'état des créances (Art. 698 al. 3). Les décisions par lesquelles le juge commissaire statue sur les réclamations sont notifiées aux parties dans les huit jours par lettre recommandée avec accusé de réception (Art. 696 al. 2). La décision du juge commissaire statuant sur la réclamation peut faire l'objet d'un recours devant la Cour d'appel (Art. 697 al. 1).

·         Incompétence de la juridiction qui a ouvert la procédure

Lorsque la matière relève de la compétence d'une juridiction autre que celle qui a ouvert la procédure, la décision d'incompétence prononcée par le juge commissaire fait courir un délai de deux mois au cours duquel le demandeur doit saisir la juridiction compétente à peine de forclusion (Art. 697 al.3). Les tiers intéressés peuvent former tierce opposition contre cette décision transcrite sur l'état des créances dans les délais de quinze jours de la publication au Bulletin officiel. Les tiers sont par ailleurs admis à contester la décision d'incompétence rendue par le juge commissaire dans les conditions de l'Art. 698 et à contester par une tierce opposition la décision de la juridiction déclarée compétente. Ils sont également admis à attaquer par voie d'appel la décision d'incompétence rendue par le juge commissaire.

3- Sort des créances nées régulièrement après le jugement :

Ø  Le principe de la priorité des créances.

La loi reconnaît (Art 575) aux créanciers postérieurs, par rapport aux créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure, le règlement de leurs créances qui doit s'effectuer par préférence à celui des créanciers antérieurs. Ce traitement de faveur des créanciers postérieurs est d'ordre pratique. En effet, pendant cette phase de la procédure, l'activité doit être poursuivie, et elle ne peut l'être que si les créances qui naissent en cette occasion bénéficient d'une garantie de paiement. Même si la procédure débouche sur la liquidation judiciaire, l'organisation de la liquidation exige que les frais engagés à cette occasion bénéficient d'un règlement prioritaire.

Ø  Nature des créances.

Il s'agit de toutes les créances nées de la poursuite de l'activité après le jugement déclaratif dans le respect des pouvoirs des organes participant à la procédure (débiteur, syndic, juge commissaire). Le texte ne distingue pas : les créances concernées peuvent avoir une origine contractuelle, quasi contractuelle, délictuelle ou légale.

Les créances d'origine contractuelle seront normalement les plus nombreuses, qu'elles naissent de contrats continués ou de contrats nouveaux.

Au titre des créances d'origine quasi contractuelle, il faut admettre l'action de gestion d'affaires, de la part de celui qui fait un acte de gestion utile à l'entreprise, la répétition de l'indu, si le débiteur ou le syndic a reçu une somme qui n'était pas due, l'action de in rem verso en raison d’un enrichissement procuré au patrimoine du débiteur après le prononcé du redressement judiciaire.

La catégorie des créances d'origine délictuelle est plus difficile à délimiter. Elle comprend les dommages et intérêts octroyés pour la réparation du préjudice causé, soit par le fait soit des choses que le débiteur ou le syndic a sous sa garde, soit par le fait de ses préposés.

La catégorie des créances d’origine légale sont habituellement celles du fisc et de la sécurité sociale. Le Trésor pour intervient pour les différentes impositions qui se rattachent à la poursuite de l'activité, et dont le fait générateur est postérieur au jugement déclaratif. Lorsque le débiteur continue le contrat de travail des salariés et leur verse les rémunérations qui leur sont dues, les cotisations dues au titre de la sécurité sociale sont celles qui " créances nées régulièrement après le correspondent à des jugement d'ouverture ". Ainsi, si le débiteur ou le syndic règle des salaires acquis en rémunération d'un travail antérieur, les cotisations correspondantes, qui trouvent leur source dans un acte antérieur au jugement, doivent être déclarées au passif.

Section 2 : Approbation et mise en œuvre du plan

Après avoir appelé le débiteur, les contrôleurs et les délégués du personnel, le tribunal décide au vu du rapport du syndic (Art. 590). Il arrête un plan de redressement orienté vers la continuation ou la cession de l’entreprise où prononce la liquidation.

La continuation et la cession de l'entreprise sont deux méthodes qui permettent le maintien de l'activité et de l'emploi et l'apurement du passif. La continuation de l'entreprise peut être facilitée par la cession de certaines branches d'activité et une restructuration approfondie qui s'accompagne d'un règlement échelonné des créances. La de l'activité dans une nouvelle structure juridique. Le prix de la cession est alors réparti entre les créanciers dans des celles de la liquidation conditions comparables

A celle de la liquidation (Art. 592 al. 4).

Les jugements rendus en matière de redressement ou de liquidation judiciaire sont exécutoires de droit à titre provisoire, nonobstant l'exercice des voies de recours. Mais en cas d'appel d'un jugement statuant sur la liquidation judiciaire, ou arrêtant ou rejetant le plan de continuation ou de cession, l'exécution provisoire devrait pouvoir être arrêtée par le premier président de la Cour d'appel, statuant en référé, si les moyens invoqués à l'appui de l'appel paraissent sérieux.

Le plan désigne les personnes tenues de son exécution et mentionne l'ensemble des engagements qui ont été souscrits par elles envers le débiteur ou le syndic et qui sont nécessaires au redressement de l'entreprise. Il s'agit notamment du lancement de l'entreprise, du règlement du passif né antérieurement au jugement d'ouverture ainsi que, le cas échéant, des garanties fournies pour en assurer l'exécution.

Les personnes qui exécutent le plan, même à titre d'associés, ne peuvent pas se voir opposer des charges autres que les engagements qu'elles ont souscrits au cours de sa préparation (Art 591). A ce principe, ont été apporté des tempéraments dont le principal se réfère à l’augmentation du capital des personnes morales (Art. 583).

Ces personnes sont, soit le débiteur au cas de continuation d'entreprise qui est ainsi maintenu à la tête de son entreprise, soit le repreneur dont les offres d'acquisition sont acceptées par le tribunal au cas de cession.

Paragraphe 1 : Continuation de l’entreprise

Le tribunal décide la continuation de T'entreprise lorsqu'il existe des possibilités sérieuses de redressement et de règlement du passif (Art. 592). Le tribunal apprécie les « possibilités sérieuses de redressement » en tenant compte principalement de l'importance des pertes accumulées, des résultats de la gestion pendant la première phase de cette procédure, des comptes prévisionnels établis pour l'avenir.

Le plan de continuation restitue au débiteur l'administration de son entrepose, éventuellement modifiée. En effet, le jugement arrête le plan tel qu'il a été proposé par le syndic ou le modifie. Si le débiteur est une personne morale, la personnalité morale subsiste. Mais le débiteur doit régler son passif antérieur au jugement déclaratif dans les conditions arrêtés par le tribunal, sous la menace de cession ou de liquidation.

A-  Modification de l’entreprise

1- Adjonction, arrêt ou cession de certaines branches d'activités.

L'Art. 592 al. 4 décide que la continuation de l'entreprise est accompagnée, S'il y a lieu, de l'arrêt, de l’adjonction ou de la cession de certaines branches d'activité. L'adjonction est peu probable car l'entreprise est déjà en difficulté, sauf évidemment dans le cas où certaines branches peuvent constituer un complément nécessaire et avantageux pour celles déjà existantes. L'arrêt et la cession de certaines branches doivent répondre aux mêmes considérations, mais contrairement à l'adjonction, ils sont susceptibles plus que celle-ci d'alléger l'exploitation des autres secteurs.

La cession partielle d'actif est celle qui porte sur un ensemble d'éléments d'exploitation formant une ou plusieurs branches complètes et autonomes d'activité (Art. 603 al. 2) L'Art. 592 al. 4 applique à la cession partielle la plupart des règles qui gouvernent la cession d'entreprise (Art. 603 à618), en particulier l'Art. 606 qui permet la cession forces de certains contrats.

En dehors de la cession partielle d'actifs telle que définie par l'Art. 603 al. 2, et sous réserve de l’inaliénabilité temporaire éventuellement décidée par le tribunal, le débiteur, qui reprend sans entrave la disposition de son patrimoine peut aliéner ses biens, seul et sans aucune forme.

2 - Inaliénabilité temporaire de certains biens.

Dans le jugement qui arrête ou modifie le plan, le tribunal peut décider que les biens qu'il estime indispensables à la continuation de l'entreprise ne pourront pas être aliénés sans son autorisation, pour une durée qu'il axe et qui n'est pas nécessairement celle du plan (Art. 594). La mesure doit pouvoir être entendue largement et englober tout les biens qui peuvent constituer une garantie pour la continuation de l'activité, même ceux qui ne sont pas affectés à cette activité. Tout acte passé en violation de cette disposition est annulé à la demande de tout intéressé présentée dans le délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou de sa publication s'il est soumis à publicité.

L'inaliénabilité des biens est inscrite au registre du commerce de l'entreprise (al.3). La formule légale ne laisse aucun pouvoir d'appréciation au tribunal saisi de l'action en nullité, en particulier, la bonne foi de l'acquéreur est indifférente.

B- Apurement du passif

1 - Différentes catégories de créanciers.

L'Art. 575 accorde un traitement prioritaire aux « créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture ». Si elles ne sont pas payées à leur échéance au cas de continuation, elles sont payées par priorité à toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou de sûretés. Ainsi, les créanciers dont le droit naît du fait de l'activité du débiteur, après le jugement qui arrête le plan, doivent subir la priorité de la catégorie précédente, ainsi que la priorité résultant des privilèges et sûretés régulièrement constitués sur le patrimoine du débiteur. Autrement dit, ils ne peuvent invoquer l'Art. 575 qui ne leur est pas applicables.

2 - Délais et remises arrêtés par le plan.

Lorsque les créanciers consultés par le syndic (Art. 585 al. 1) ont envisagé l'octroi de délais et de remises, le tribunal leur en donne acte. Le cas échéant, il peut réduire les délais et remises acceptés par les créanciers, pour rapprocher les sacrifices consentis par chacun (Art.598). Quant aux créanciers qui n'ont accepté ni délai ni remise, le tribunal ne peut pas leur imposer de remise contre leur gré. En revanche, il peut imposer à tous, qu'ils soient  privilégiés ou chirographaires, des délais uniformes de paiement sous réserve, en ce qui concerne les créances à terme, des délais supérieurs stipulés par les parties avant l'ouverture de la procédure (Art. 598 al.2). Ainsi à la différence de la cession d'entreprise, la continuation de l'entreprise n'entraîne pas l'exigibilité anticipée des créances à terme, qui sont payables aux échéances convenues. Les délais imposés par le tribunal peuvent même excéder la durée du plan (Art. 598 al. 2).

3- Paiement anticipe des créanciers privilégiés au cas de vente de biens grevés d’un sureté spéciale

En cas de vente d'un bien grevé d’un privilège, d’un nantissement ou d'une hypothèque, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d’un privilège général sont payés sur le prix après paiement des créanciers qui les priment. Le texte ne dit pas quelles sont ces créances ; ce doit être celles qui sont  garanties par un super privilège, par exemple celles des salariés. Ils peuvent ainsi être payés plus tôt que ne le revoyait le plan, et le législateur a entendu compenser cet avantage : ils reçoivent les dividendes qui leur sont dus d’après les prévisions du plan, réduits en fonction du paiement anticipé (Art. 600).

Paragraphe 2 : Cession de l’entreprise

La cession d'entreprise a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif (Art. 603 al. 1). Comme il a été indiqué précédemment, le tribunal peut ordonner à la fois la continuation de l'entreprise et une cession partielle de certains éléments d'actifs. La cession partielle est soumise aux mêmes règles que la cession totale, sous réserve des différences qui seront soulignées au des cours développements qui suivent.

A- Modalités de cession

1- Offre d'acquisition.

Il a été indiqué précédemment que des offres de reprise de l'entreprise en difficulté peuvent être déposées dès le jugement qui ouvre la procédure de redressement judiciaire. Les Art. 604 et S. précisent le contenu et la présentation des offres dans la perspective d'un plan de cession.

Les offres doivent être reçues par le syndic dans le délai fixé par celui-ci et qu'il a porté à la connaissance des contrôleurs (Art. 604 al. 1).

Toute offre doit indiquer :

1° les prévisions d'activité de financement ;

2° le prix de cession et ses modalités de règlement ;

 3° la date de réalisation de la cession;

4° le niveau et les perspectives d'emploi justifiés par l'activité considérée,

5° les garanties souscrites en vue d'assurer l’exécution de l'offre,

6° les prévisions de vente d'actifs au cours des deux années suivant la cession.

Le juge commissaire peut demander des indications Complémentaires. Le syndic donne au tribunal tout élément permettant de vérifier le caractère sérieux de l'offre (Art. 604).

2 - Décision du tribunal.

Il appartient au tribunal de déterminer l'objet de la cession, qui peut être l'entreprise envisagée globalement, ou un ensemble d'éléments d'exploitation qui forment une branche complète et autonome d'activité (Art. 603 al.2). L'entreprise ne se confond pas avec le fonds de commerce, et la cession d’une entreprise peut comprendre des éléments qui n'entrent pas dans la composition du fonds de commerce : ainsi des contrats nécessaires au maintien de l'activité.

Entre plusieurs candidats, le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé et le paiement des créanciers (Art. 605). La jurisprudence en France n'hésite pas quelquefois à arrêter un plan de cession pour un prix insignifiant ou nul dans le but de favoriser le repreneur et l'inciter à conserver un plus grand nombre d'emplois.

3- Cession judiciaire de certains contrats.

L'Art. 606 confère au tribunal des pouvoirs exorbitants : il détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fournitures qui sont nécessaires au maintien de l’activité de l’entreprise, au vu des observations (mais non avec le consentement) des cocontractants du débiteur transmises par le syndic. Le Jugement qui arrête le plan emporte cession de ces contrats.

Le législateur considère ainsi que les contrats jugés nécessaires au fonctionnement de l'entreprise font partie intégrante de celle-ci et sont transmis en même temps que l'entreprise, avec toutes leurs conséquences actives et passives. Ces contrats doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire. Pour assurer la poursuite de l'activité, le tribunal peut imposer des délais de paiement au cessionnaire de l'entreprise. En matière de crédit-bail, la jurisprudence française considère que le tribunal ne peut pas modifier l'économie du contrat en ordonnant sa prolongation au-delà de la durée convenue.

Devant les sacrifices dont il est menacé, le cocontractant dispose de moyens pour défendre ses intérêts. Tout d'abord il peut, au cours de l'élaboration du plan, présenter ses observations au syndic qui les transmet au tribunal (Art. 606 al. 1) ; ensuite, le tribunal ne peut se prononcer sur la cession d’un contrat qu’après avoir convoqué le cocontractant à l'audience, par lettre recommandée avec accusé de réception (Art. 607).

4 - Réalisation des opérations.

En exécution du plan arrêté par le tribunal, le syndic passe tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession (Art. 608). Dans l'attente de l'accomplissement de ces actes, il peut, sous sa responsabilité, confier au cessionnaire la gestion de l'entreprise (Art. 608 al. 2).

 

B- Effets du plan de cession (172)

1 - Indisponibilité de l'actif cédé.

L'Art. 610 al 1 pose un principe d'interdiction an de garantir la substance de l’entreprise tant que le prix de cession n'est pas intégralement payé : à l'exception des stocks, le cessionnaire ne peut aliéner ni donner en garantie ou en location-gérance les biens corporels ou incorporels qu'il a acquis. Cette interdiction évite ainsi qu'une partie des biens soit immédiatement vendue pour payer le prix de la reprise. L'al. 2 prévoit un assouplissement qui contribue cependant à limiter la portée du principe posé : l'aliénation totale ou partielle des biens cédés, leur affectation à titre de sûreté, leur location ou leur location-gérance peuvent être autorisées par le tribunal après rapport du syndic. Le tribunal doit tenir compte des garanties offertes par le cessionnaire.

Tout acte passé en violation de l'interdiction est annulé à la demande de « tout intéressé », présentée dans le délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou de sa publication si l'acte est soumis à publicité (Art.612).

Lorsque le jugement qui arrête le plan de continuation de l'entreprise décide l’inaliénabilité temporaire de certains biens, la violation de l’inaliénabilité est sanctionnée en termes identiques par une nullité dont le caractère catégorique a été précédemment souligné.

Une question reste posée : est-ce que l'indisponibilité peut constituer un obstacle à la saisie, pratiquée par exemple par des créanciers ultérieurs ? Une solution affirmative présenterait l'intérêt de régler de la même façon les conséquences de l'indisponibilité dans le plan de cession et dans le plan de continuation.

2- Sort des biens non compris dans la cession.

Dans la mesure où la cession d'entreprise, totale ou partielle, est une opération globale portant sur un ensemble d'éléments "susceptibles d'exploitation autonome ", on peut concevoir que certains biens, qui ne sont pas utiles dans les branches d'activités cédées, restent en dehors du plan. C'est bien ce qui résulte de l'Art. 603 aI.3 qui décide qu'en l'absence de plan de continuation de l'entreprise, les biens qui ne sont pas compris dans le plan de cession sont vendus par le syndic selon les modalités et les formes prévues pour la liquidation judiciaire. Ainsi, la vente des biens concernés s'effectue selon les règles de la liquidation judiciaire sans que la procédure appliquée au débiteur ne devienne pour autant une procédure de liquidation.

3- Paiement des créanciers

 Le paiement des créanciers est l’une des principales différences qui séparent la continuation d'entreprise et la cession partielle ou totale. Dans le premier cas de cession, celle-ci s'insère dans la procédure générale qui tend à la continuation de l'entreprise. Donc elle n'emporte pas exigibilité immédiate des créances. En cas de cession totale, le prix de la cession (augmenté du prix provenant de la vente de biens non compris dans la cession), représentant tout l'actif, doit être réparti entre les créanciers suivant leur rang (Art. 615), comme l’est le produit de la réalisation de l'actif dans la liquidation judiciaire. Pour les besoins de la liquidation globale, le jugement qui arrête le plan de cession totale rend exigibles les dettes non échues (al.2).

4 - Biens grevés de sûretés spéciales

Lorsque l'ensemble cédé comporte des biens grevés d'un privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque, les articles 616 et 617 réglementent sur un mode restrictif l'exercice des droits des créanciers titulaires de ces sûretés.

D'une part, une quote-part du prix est affectée par le tribunal à chaque bien, pour l'exercice du droit de préférence des créanciers (Art. 616). Cette affectation prive les créanciers du droit de requérir la mise aux enchères s'ils estiment insuffisante l'offre qui leur est faites). La solution est dérogatoire au droit commun dans le but d'éviter le fractionnement de l'ensemble cédé.

D'autre part, les créanciers inscrits sur les biens cédés ne peuvent pas exercer leur droit de suite contre le cessionnaire de l'entreprise. Jusqu'au paiement complet du prix qui emporte purge des inscriptions, sans autre forme, le droit de suite ne peut être exercé que si le cessionnaire aliène à son tour le bien grevé (Art. 617). Mais, comme on l'a vu, sauf exceptions, tant que le prix n'est pas payé, le cessionnaire ne peut pas aliéner les biens qu'il a acquis.

5 - Défaut de paiement du prix de cession.

En cas de défaut de paiement du prix de cession, le tribunal peut, d'office, à la demande du syndic ou de " tout intéressé ", le cessionnaire étant entendu en chambre du conseil, nommer un administrateur spécial dont il détermine la mission et la durée de celle-ci, qui ne saurait excéder trois mois (Art. 614).

On remarquera que l'action de l'Art. 614 est très largement ouverte. En particulier, tout créancier est intéressé à demander la désignation d'un administrateur spécial, quelle que soit l'importance de sa créance.

5- Clôture des opérations.

D'après l'Art 609 al.2, le tribunal prononce la clôture de la procédure après le paiement du prix de cession (totale ou partielle) et sa répartition entre les créanciers. Cette formule répond à celle de l'Art. 608, qui confère au syndic le soin de passer " tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession ". La mission du syndic dure ainsi " jusqu'à la clôture de la procédure "(Art 609 al. l).

Chapitre II : Liquidation judiciaire

A tout moment le tribunal peut ordonner la liquidation judiciaire, à la demande du syndic, d'un contrôleur ou d'office si aucun plan de redressement n'apparaît possible. La liquidation judiciaire peut aussi sanctionner l'échec du plan arrêté par le tribunal et proposé par le syndic. D'après l'Art. 602, si le débiteur n'exécute pas ses engagements axés par le plan, le tribunal prononce la résolution du plan et ouvre la procédure de redressement judiciaire qui ne peut tendre qu'à la cession ou à la liquidation judiciaire (Art. 613 al. 2). Le tribunal dans tous les cas peut être saisi par le syndic ou par un créancier, mais il peut aussi se saisir d'office. L'Art. 572 prévoit que le tribunal statue après avoir entendu le rapport du juge commissaire. Ce rapport doit permettre au tribunal d'apprécier exactement l'impossibilité où se trouve le débiteur de présenter un plan de redressement.

REMARQUE : Il est bien évident que la procédure débouche, selon le cas, soit sur la continuation ou la cession, soit sur la liquidation. En d'autres termes, le tribunal peut prononcer immédiatement la liquidation sans passer par la procédure de redressement judiciaire si la situation financière du débiteur est telle qu'il n'est pas en mesure de présente un plan de redressement. Certes c'est le syndic qui le présenter, mais c'est le chef d'entreprise qui l'aide à le confectionner (Voir Voy. Art. 579).

 

Section 1 : Immobilisation du patrimoine du débiteur

La liquidation judiciaire pose le principe du dessaisissement et réglemente le maintien de l'activité, qui doit être exceptionnel. Elle constitue un prolongement de la réglementation du redressement judiciaire, en substituant au souci de sauvegarder la structure et l'avenir de l'entreprise les exigences d'une liquidation complète du patrimoine du débiteur avec réalisation de l'actif et apurement du passif dans 1'intérêt des créanciers.

Paragraphe 1 : Dessaisissement du débiteur

A- Le principe

D'après l'Art 619 « le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le syndic ».

Le dessaisissement englobe tous les biens du débiteur, présents et à venir, qui présentent pour les créanciers une valeur patrimoniale. Il s'applique d'abord, en principe, à tous les biens qui appartiennent au débiteur lors du jugement qui déclare la liquidation judiciaire, et dont la consistance peut être établie par un inventaire. Il s'applique également aux biens à venir, qui peuvent échoir au débiteur tant qu'il est en

état de liquidation judiciaire.

B - Conséquences.

Le débiteur seul ne peut passer aucun contrat et en particulier consentir aucune aliénation. Le bien vendu doit faire retour à l'actif, et le débiteur est exposé aux peines de la banqueroute pour détournement d'actif (Art. 721-2°).

Le dessaisissement frappe ensuite les paiements. Le débiteur ne peut payer un de ses créanciers et, le paiement n'étant pas fait valablement, le créancier doit restituer ce qu'il a reçu. Il en est de même si un banquier règle un effet de commerce ou un chèque émis par le débiteur après le jugement de liquidation, il doit en restituer le montant syndic même s'il ignorait l'ouverture de la procédure. En revanche, le chèque remis à un créancier avant le jugement déclaratif peut être payé après le jugement, parce que la remise du chèque, c'est à dire son endossement, a transmis la Le propriété de la provision aux porteurs successifs.  Le redressement judiciaire du tireur postérieurement à l'émission n'empêche donc pas le paiement.

Le dessaisissement empêche la compensation entre une créance sur le débiteur et une dette envers lui. Cette règle a été décrite à propos du redressement judiciaire ; elle fonctionne dans les mêmes termes et avec la même portée au cours de la liquidation judiciaire.

Enfin le débiteur dessaisi ne peut exercer aucune action en justice, et doit être représenté par le syndic dans tous les actes de procédure (Art. 619 al.3). Le syndic se trouve donc appelé à agir en justice contre les tiers débiteurs du débiteur en état de liquidation judiciaire. De la même façon, les actions et voies d'exécution qui appartiennent à des tiers contre le débiteur en état de liquidation et échappent à la suspension des poursuites individuelles doivent être exercées contre le syndic.

C - Droits et actions à caractère personnel.

Les droits et actions, en raison de leur caractère personnel, ne peuvent être exercés que par le débiteur ou contre lui. Certaines actions sont purement personnelles et sont exercées par le débiteur seul : il faut citer en première ligne les actions exercées contre le débiteur devant les juridictions répressives, l'exercice du droit de défense par le débiteur ; le débiteur en état de liquidation judiciaire peut donc prélever sur l’actif de liquidation les honoraires de son avocat. L’art. 619 al. 4 cite aussi la constitution de partie civile qui permet au débiteur de déclencher l'action publique pour établir la culpabilité de l'auteur d’un crime ou d’un délit, dommages et intérêts  éventuels bénéficieront cependant à la procédure ouverte.

D- Continuation de l'activité et des contrats.

L'Art. 620 décrit les conditions dans lesquelles l’exploitation peut être continuée, à titre exceptionnel, pendant la période de liquidation. Si l'intérêt général ou celui des créanciers l'exige, le maintien de l'activité peut être autorisé par le tribunal pour une période dont il fixe la durée, soit d'office, soit à la demande du syndic ou du procureur du Roi. L'intérêt public comprend le maintien de l'emploi ou d'une production utile à l'intérêt général, l'intérêt des créanciers peut être d'écouler un stock dans de bonnes conditions. L'administration de l'entreprise est assurée par le syndic, sous réserve des dispositions de l'Art. 606 (Voy. Supra n° 443).

L'Art. 620 renvoie à l'Art 573 pour déclarer ses dispositions applicables pendant cette période. En effet, la continuation des contrats en cours peut être utile au maintien de l'activité. En particulier, lorsqu'elle concerne le bail. L'Art. 621 dispose que « la liquidation judiciaire n'entraîne pas de plein droit la résiliation du bail des immeubles affectés à l'activité de l'entreprise ». Le texte ne distingue pas suivant que l'activité est ou non poursuivie. Mais à notre avis, les contrats conclus intuitu personae sont résiliés ou résolus de plein droit du fait du jugement de liquidation. Les besoins ne sont plus les mêmes puisque la continuation est orientée vers la liquidation, exclusivement.

E - Sort des créances nées régulièrement après le jugement de liquidation.

L'Art. 575 attribue un droit de préférence à toutes « les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture » du redressement judiciaire, par rapport aux créances antérieures. Mais l'Art. 620 renvoie aux dispositions de l'Art. 575 pour les déclarer applicables seulement aux créances qui naissent, le cas échéant, pendant la période où l'activité est particulièrement continuée. En réalité, s'il est vrai que le maintien de l'activité est particulièrement propice à l'apparition de créances nouvelles, il n'y a aucune raison de faire une distinction, et il faut considérer que le texte général absorbe le texte particulier.

La notion de « créance née régulièrement » doit être définie par application des règles du dessaisissement et de la liquidation. Ces créances sont payées par priorité à toutes les créances antérieures au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, assorties ou non de privilèges ou sûretés (Art. 575).

Mais l'Art. 575 n'institue pas un classement entre les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture. Pour cela, il conviendrait donc de se reporter au droit commun (Art. 1248 du D.O.C.). Toutefois, le classement de l'Art 1248 ne concerne que les créances qui naissent après le jugement d'ouverture de la procédure de redressement un judiciaire, seules pouvant être payées par priorité à toute créance antérieure à cette procédure. Ainsi, les créances nées des mêmes opérations, pendant la période de liquidation, doivent être classées après celles qui sont nées régulièrement après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire.

Paragraphe 2 : Réalisation de l’actif

A- Vente des immeubles.

Les ventes d'immeubles ont lieu suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière. Après avoir recueilli les observations des contrôleurs, le débiteur et le syndic entendus ou dûment appelés, le juge commissaire détermine la mise à prix, les conditions essentielles de la vente, et les modalités de la publicité (Art 622 al. 1). En outre, dans les mêmes conditions, si la consistance des biens, leur emplacement OLD les offres reçues permettent d'envisager une cession amiable plus avantageuse, celle-ci peut être autorisée par le juge commissaire, soit sous forme d'adjudication amiable sur la mise à prix qu'il axe, soit même de gré a gré aux prix et modalités qu'il détermine (Art. 622 al. 3). Les ventes par voie de saisie immobilière et d'adjudications amiables donnent lieu éventuellement à surenchère et emportent purge des hypothèques (al.4).

B - Vente d'unités de production.

Le souci d'assurer « le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome », qui inspire la cession d'entreprise (Art. 603 al. 1), se retrouve dans les opérations de liquidation. « Des unités de production composées de tout ou partie de l'actif mobilier ou immobilier peuvent faire l'objet d'une cession globale » par le juge commissaire (Art. 623 al. 1). Lorsque la cession porte sur des biens grevés de sûretés, une quote-part du prix est affectée à chacun des biens cédés pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence (Art. 623 al. 4).

Le syndic suscite les offres d'acquisition et axe le délai pendant lequel elles seront reçues. Toute personne intéressée peut soumettre une offre. Toutefois, ni les dirigeants de la personne morale en liquidation, ni aucun parent ou allié de ces dirigeants ou du chef d'entreprise jusqu'au deuxième degré inclusivement ne peuvent se porter acquéreurs (Art. 623 al. 5). Toute offre doit être écrite et comprendre les indications prescrites dans l'Art 604 pour les offres au cas de cession d'entreprise. Elle est déposée au greffe du tribunal où tout intéressé peut en prendre connaissance (al.3).

Le juge commissaire provoque les observations du débiteur ou des contrôleurs ou encore des propriétaires des locaux dans lesquels l'unité de production est exploitée et choisit l'offre qui lui paraît la plus sérieuse et qui permet dans les meilleures conditions d'assurer durablement l'emploi et le paiement des créanciers (al. 6).

C- Vente des autres biens.

Le juge commissaire ordonne la vente aux enchères publiques ou de gré à gré des autres biens du débiteur, le débiteur entendu ou dûment appelé et après avoir recueilli les observations des contrôleurs (Art. 624). Le juge commissaire fixe le prix et les conditions de la vente, et il peut demander que le projet de vente amiable lui soit soumis afin de vérifier si les conditions qu'il a fixées ont été respectées (al.2).

D - Compromis. Transactions.

L'Art. 625 organise les compromis et les transactions intervenant après la déclaration de liquidation judiciaire. Le syndic peut, avec l'autorisation du juge commissaire et le débiteur entendu ou dûment appelé, compromettre et transiger sur toutes les contestations « qui intéressent collectivement les créanciers », même sur celles qui sont relatives à des droits et actions immobiliers. Si l'objet du compromis ou de la transaction est d'une valeur indéterminée ou excède la compétence en dernier ressort du tribunal, le compromis ou la transaction est soumis à l'homologation du tribunal.

Paragraphe 3 : Apurement du passif

A- Etablissement de l'état des créances.

Les titulaires de créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure exercent leurs droits sans être assujettis à aucune procédure de vérification. Quant aux créanciers antérieurs, les opérations de vérification sont achevées par le syndic en même temps qu'il procède aux opérations de liquidation (Art. 693).

B- Dispense de vérification.

Au cas de cession d'entreprise comme au cas de liquidation judiciaire, le juge commissaire peut décider qu'il ne sera pas procédé à la vérification des créances chirographaires s'il apparaît que le produit de la réalisation de l'actif sera entièrement absorbé par les frais de justice et les créances privilégiées, à moins que, s'agissant d'une personne morale, il y ait lieu de mettre à la charge des dirigeants sociaux, de droit ou de fait, rémunérés ou non, tout ou partie du passif conformément l’Art. 704.

C- Exigibilité des créances à terme.

Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances qui n'étaient pas échues (Art. 627) à la date d'ouverture du redressement judiciaire. En effet, ces créances n'étaient pas devenues exigibles du fait du jugement de redressement judiciaire, elles le deviennent du fait du jugement de liquidation judiciaire pour les besoins d'une liquidation globale de l'actif.

D - Rétablissement du droit de poursuite individuel pour certains créanciers.

D'après l'Art. 628, les créanciers titulaires d'un privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque, ainsi que le Trésor public pour ses créances privilégiées, recouvrent leur droit de poursuite individuelle dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances et même avant leur admission, si le syndic n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

L'Art. 628 al. 2 règle par renvoi à l'Art. 622 al. 1, 3 et 5, les dispositions applicables au cas de vente d'immeubles. La vente a lieu suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière, exclusivement, toutefois, le juge commissaire détermine la mise à prix, les conditions essentielles de la vente et les modalités de la publicité, après avoir entendu ou dûment appelé les contrôleurs, le débiteur et le syndic. La procédure d'ordre est réglée par le syndic, sous réserve des contestations qui sont portées devant le tribunal.

D - Répartition entre les créanciers.

Lorsque des répartitions partielles sont effectuées au cours de la procédure, il faut déterminer si les créanciers titulaires de sûretés qui n'ont pas encore fait valoir leurs sûretés peuvent y participer. Le problème est résolu par les Art. 630 à 634. Ces articles règlent d'abord la situation des créanciers titulaires de sûretés immobilières. Si une ou plusieurs distributions de deniers précèdent la distribution du prix des immeubles, les créanciers privilégiés et hypothécaires admis y participent pour leur créance totale en concours avec les créanciers chirographaires. Lors de la vente des immeubles, s'ils viennent en rang utile dans la procédure d'ordre pour la totalité de leur créance, ils ne perçoivent le montant de leur collocation hypothécaire que sous déduction des sommes reçues par eux ; ces sommes tombent dans la masse chirographaire (Art. 630). S'ils ne sont colloqués que partiellement sur le prix des immeubles, ils sont créanciers chirographaires pour le montant que ce prix n'a pas pu leur procurer, et s'ils ont perçu une somme supérieure dans la distribution antérieure des deniers mobiliers, l'excédent est retenu sur le montant de leur collocation hypothécaire et reversé dans la masse chirographaire (Art. 631).

L'Art. 633 décide que les dispositions des articles 625 à 632 s'appliquent aux créanciers bénéficiaires d'une sûreté mobilière spéciale. Il en est ainsi en particulier pour le créancier gagiste, sous réserve du droit qui appartient à celui-ci de demander l'attribution judiciaire du bien grevé sur estimation (Art. 626 al.4).

A la fin des opérations, le montant de l'actif, distraction faite des frais et dépens, des subsides accordés au débiteur ou aux dirigeants et à leur famille, et des sommes payées aux créanciers privilégiés, est réparti entre tous les créanciers au marc-le-franc de leurs créances admises. La part correspondant aux créances sur l'admission desquelles il n'a pas été statué définitivement est mise en réserve, il en est ainsi notamment de la rémunération des dirigeants sociaux (Art. 634).

E - Clôture des opérations.

A tout moment, le tribunal peut prononcer la clôture de la liquidation judiciaire, même d'office, le débiteur entendu ou dûment appelé et sur rapport du juge commissaire, dans deux groupes de cas énoncés par l'Art. 635.

II en est ainsi d'abord, « lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou que le syndic dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers ».

En second lieu, il y a clôture de la liquidation « lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l’insuffisance de l'actif ».

Le syndic procède ensuite à la reddition des comptes au débiteur (Art. 636).

Je vous laisse avec une vidéo sur les procédures collectives en France:




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