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lundi 27 mai 2024

Les droits réels Un petit résumé

 



Régime général des droits réels : Le droit réel est un rapport juridique direct et immédiat entre une personne et une chose, il a un effet absolu. On doit distinguer entre :

- Les droits réels principaux : droit qui existent indépendamment de tout droit de créance, et donnent à leur titulaire le pouvoir de tirer directement d’une chose tout ou partie de son utilité économique ;

- Les droits réels accessoires (suretés réelles) : droits liés à l’existence d’une créance dont ils garantissent le recouvrement. Ils confèrent à leur titulaire un droit de suite et un droit de préférence.

§  Le droit de suite : permet au titulaire du droit réel d’exercer son droit sur le bien en quelque main qu’il passe.

§  Le droit de préférence : Le titulaire du droit réel peut faire vendre le bien sur lequel porte son droit et être payé par préférence aux autres créanciers du débiteur qui ne sont pas titulaires d’un droit analogue.

Chapitre 1 : Les droits réels principaux : Il s’agit du droit de propriété et de ses démembrements.

Section 1 : Le droit de propriété :

A- Notion de droit de propriété :

1- Signification de la propriété : La propriété peut être considérée comme l’appropriation de l’utilité des choses, cela implique d’une part de s’opposer à ce que quelqu’un d’autre utilise la chose et d’autre part que l’on peut revendiquer l’exercice de toutes les utilités. La propriété est une relation de principe, entre une personne et les biens. Cette relation de principe déploie ses effets soit face à une personne, comme la propriété individuelle soit face à un ensemble de personnes par la copropriété.

2- Relation de propriété (un droit absolu sur une chose) : La propriété est le pouvoir exclusif d’une personne sur un bien, ce n’est pas un droit subjectif.

3- Types de propriétés :

a- La propriété individuelle (privée) : La propriété individulele correspond au droit d’user, de jouir et de disposer d’une chose de manière propre, exclusive et absolue. Il s'agit de la propriété qui appartient en propre à un individu, ou à plusieurs personnes privées, ou encore à une entreprise ou personne morale.

b- La propriété collective : La propriété collective constitue un mode exceptionnel d’appropriation des biens. Il existe deux formes de propriété collective :

- L’indivision : C’est un régime de propriété collective qui peut porter sur une chose ou un droit dont l’origine peut être légale (héritage) ou volontaire. Ces droits ne portent pas sur une fraction spécifique mais sur une fraction non individualisée appelée quote-part qui peut être déterminée ou indéterminée, égale ou variable. En cas de vente d’une quote-part, la loi reconnait un droit de chefâa[1] aux  indivisaires.

- La copropriété collective : elle s’applique :

§  à la propriété des immeubles bâtis, non immatriculés, en cours d’immatriculation ou immatriculés, divisés par appartements ou étages ou locaux et dont la propriété ; appartenant à plusieurs personnes et répartie par lots comprenant chacun une partie privative (parties bâties appartenant à chaque propriétaire dans le but d’en jouir individuellement) et une quote-part des parties communes.

§  aux ensembles immobiliers bâtis et aux différentes résidences constituées d’habitations contiguës ou séparées ayant des parties communes (parties bâties ou non bâties destinées à l’usage et à la jouissance de l’ensemble des copropriétaires ou à certains d’entre eux) appartenant dans l’indivision à l’ensemble des copropriétaires.

Dans l’indivision le bien est indivis dans sa totalité et la propriété collective peut toujours se transformer en propriété individuelle par le partage. Par contre dans la copropriété, le bien est divisé en lot comportant une partie divise, propriété individuelle (appartement, escalier, jardin) et qui ne peut pas faire l’objet d’un partage.

B- Les modes d’acquisition :

1- Acquisition par libre consentement : Il s’agit du contrat de vente, régi par la DOC, et obéit aux principes de la liberté contractuelle et de l’instantanéité du transfert.

2- Acquisition par l’effet de la loi : Il s’agit du droit de préemption permettant d’acquérir en priorité la propriété. C’est l’équivalent du droit de chefâa lorsqu’il porte sur des immeubles non immatriculés ou sur des droits réels immobiliers.

3- Acquisition par Expropriation : Dans le cadre de l’intérêt général et de l’utilité publique, pour réaliser des projets économiques, sociales, l’Etat  et les collectivités bénéficient dans les limites fixées par la loi, du privilège de la puissance publique, pour disposer de terrains privés.

Section 2 : Les démembrements du droit de propriété :

A- Les droits réels de jouissance et de disposition :

1- Les droits modernes :

a- L’usufruit (حق الانتفاع) : L’art. 79 du CDR énonce :  « L’usufruit est un droit réel d’utiliser et de jouir par l’usufruitier d’un immeuble appartenant à autrui, et qui s’éteint nécessairement à la mort de l’usufruitier ». Il peut être établi sur la propriété immobilière, la superficie, le droit de Zina et sur le droit de houa et de surélévation. Il a un certain nombre de caractéristiques :

- c’est un droit  temporaire puisque sa durée ne peut excéder la vie de l’usufruitier, et dans le cas d’une personne morale l’usufruit est limité à 40 ans ;

- c’est un droit réel ;

- il peut être d’origine légale ou conventionnelle, et être établi à terme ou à condition.

Enfin, l’usufruit peut s’éteindre par :

- la mort de l’usufruitier ;

- l’arrivé du terme ;

- la perte totale de l’immeuble sur lequel l’usufruit est établi.

b- L’emphytéose (حق الكراء الطويل الامد) : Régi par les articles 121 à 129 du CDR. Le bail emphytéotique confère à l’emphytéote (preneur du bail) un droit réel susceptible d’hypothèque sur l’immeuble qui lui est donné à bail. Il résulte d’un contrat d’une durée de plus de dix ans, ne pouvant dépasser 40 ans. Il a un certain nombre de caractéristiques :

- c’est un droit réel de jouissance grevant un immeuble. Si l’immeuble est immatriculé, ce droit est soumis obligatoirement à l’inscription sur le titre foncier de l’immeuble objet du bail ;

- un droit susceptible d’hypothèque et de servitudes ;

- un droit transmissible jusqu’à son terme ;

- un droit temporaire d’une durée se situant entre 10 ans et 40 ans.

L’emphytéose résulte d’un contrat écrit et qui est toujours onéreux. Il peut prendre fin suite :

- à l’arrivée du terme fixé par le contrat de bail ;

- à la résolution judiciaire. 

c- Droit d’habitation et Droit d’usage (حق العمرى - حق الاستعمال) : L'usufruit ne doit pas être confondu avec le droit d'usage et d'habitation. Le titulaire d'un tel droit peut utiliser le bien pour lui ou sa famille mais ne peut pas le donner en location. Il ne peut pas non plus le faire occuper par des tiers, même à titre gratuit.

d- Le droit de passage (حق الارتفاق) : Le propriétaire d'un terrain enclavé (terrain qui n'a, pour accéder à la voie publique, aucune issue ou une issue insuffisante) est fondé à réclamer à son voisin, et moyennant une indemnité, un droit de passage pour accéder à la voie publique.

2- Les droits réels coutumiers musulmans :

a- Le droit de « Zina » : Article 131 du CDR. C’est un droit réel qui attribue à son titulaire la propriété des bâtiments qu’il a édifié à ses propres frais sur le terrain appartenant à autrui. Le titulaire du droit de zina peut céder le bâtiment qu’il a édifié, le grever d’hypothèque ou de servitudes dans la limite de son exercice.

La durée de droit de zina ne peut pas dépasser 40 ans. La fin du droit de zina peut intervenir suite :

- à l’arrivée du terme ;

- à la renonciation de son titulaire ;

- à la destruction totale du bâtiment objet du droit de zina.

b- Le droit « houa » : Connu sous le nom de surélévation est un droit réel permettant à son titulaire de s’approprier la colonne d’aire qui s’élève au-dessus d’un édifice déjà construit appartenant au tiers et ce, pour y édifier une construction selon les lois et les règlements en vigueur. Ce droit est régi par les articles 138 à 141 du CDR, qui ont détaillé les règles qui l’organise, dont on cite principalement :

- il est institué par un contrat, qui doit spécifier la nature de l’édifice à construire, ses caractéristiques et ses dimensions. Il ne peut résulter de droits indivis qu’avec le consentement de tous les indivisaires ;

- son titulaire peut le céder, l’hypothéquer ou le grever de servitudes ;

- son titulaire ne peut céder l’espace au-dessus de son édifice, sans le consentement du propriétaire.

c- Le Droit de Guelsa : Ce droit frappe les immeubles bâtis, biens habous, il porte sur les locaux à usage commercial ou artisanal (boutiques ou locaux professionnels, bains, fours). Guelsa viendrait du verbe « Guellesse », s’asseoir, c’est le droit pour le bénéficiaire de s’asseoir, de stationner dans la boutique. C’est un bail à charge puisque le bénéficiaire doit entretenir les locaux. Ce droit est librement cessible, à titre onéreux ou à titre gratuit, entre vifs ou à cause de mort.

NB : Le droit de manfâa est presque identique à la guelsa, qui est un droit de clé « miftah, sarrout », qui est le droit du bénéficiaire d’une boutique ou d’un foundouk , de disposer du local et d’en céder la jouissance. Ce droit ne porte pas l’obligation, pour le bénéficiaire, de pourvoir à l’installation du matériel nécessaire à l’exploitation du local.

d- Droit de « Gza » : Le Gza diffère de la Guelza en ce qu’il porte sur des champs ou sur des terrains nus. Ce droit est aussi appelé « Istidjar » mais plus dans le cas du Fonds de commerce. Le Gza est un démembrement de propriété, un droit réel consacré par la coutume et librement cessible, à titre onéreux ou à titre gratuit, entre vifs ou à cause de mort.

Sa durée peut être perpétuelle ou pour une durée déterminée renouvelable. Il s’oppose à la location à long terme, en ce que cette dernière ne peut dépasser une durée de 40 ans  avec un minimum de 10 ans.

NB : Il faut noter, que le droit « Hazaka », qui peut être comparable à la Guelza, sauf qu’il n’existe qu’entre juifs et il n’est pas considéré par la jurisprudence comme étant un droit réel.

B- Les servitudes : La servitude est une charge qui grève un immeuble en faveur d'un autre immeuble. Le premier (bien servant) va donc servir le deuxième (bien dominant), en lui accordant certains droits. Il s'agit d'un rapport qui lie les biens entre eux en dehors des personnes qui vont profiter des charges.

Il existe des servitudes :

- naturelles qui découlent de la nature comme l’écoulement des eaux naturelles (l'eau de pluie) ;

- légales prévues par la loi comme les textes qui réglementent les routes et qui prévoient des distances obligatoires de recul et les textes qui concernent les chemins de fer …

- prévues par le dahir de 1915 sur les biens immatriculés, comme lorsqu'une certaine distance est exigée pour la plantation des arbres, de sorte à ce que les branches ne débordent pas sur le bien d'autrui. Idem pour les servitudes de vue, qui consistent à ne pas ouvrir des fenêtres dans un mur mitoyen et qui donneraient directement sur l'intérieur du bien d'autrui.

Les servitudes naturelles et légales sont à distinguer des servitudes dites conventionnelles qui résultent, de leur part,  d'un accord entre voisins.

Le législateur marocain a bien réglementer les servitudes, vu  leur importance dans la vie pratique et l’impact directe qu’elles peuvent avoir sur le droit de la propriété. Juridiquement, et d’après l’article 108 du Dahir de 1915 définie la servitude comme étant : « une charge imposée sur un immeuble pour l’usage et l’utilité d’un immeuble appartenant à un autre propriétaire ». De cette définition deux points en découlent :

- que la servitude ne s’applique qu’aux biens immeubles ;

- que son existence suppose deux immeubles distincts appartenant à deux propriétaires différents.

Chapitre II : Les droits réels accessoires :

Section I : L’hypothèque (الرهن الرسمي  )

A- Définition de l’hypothèque : réglementée par les articles 165 à 213 du CDR, peut être définie comme étant une garantie que prend un prêteur sur un bien immobilier pour lequel il a consenti un crédit. L'hypothèque permet au créancier de faire saisir le bien afin qu'il soit procédé à une vente en justice pour être payé sur le prix au cas où son propriétaire ne paierait pas les sommes qu'il doit rembourser.

Pour faire reconnaître son droit, le créancier doit procéder à l'inscription de l'hypothèque au service de la conservation foncière. La publicité des hypothèques est obligatoire pour être opposable aux tiers, c'est-à-dire à d'autres créanciers. C'est la date de l'inscription qui permettra à l'hypothèque de prendre son rang. Elle confère à son titulaire :

- un droit de préférence : en cas de vente suite à une saisie immobilière, le créancier sera payé, en priorité, sur le prix de vente ;

- un droit de suite : il pourra faire saisir le bien même s'il a été revendu depuis à un tiers.

B- Classification des hypothèques : L’hypothèque peut être conventionnelle, légale ou judiciaire.

1- L’hypothèque conventionnelle : C’est la forme d'hypothèque la plus répandue, elle est  basée sur une convention, et permet au débiteur (constituant) de mettre en garantie un bien immobilier pour couvrir le risque de non-paiement de sa dette à son créancier. Trois points essentiels doivent être soulevés :

- L'hypothèque conventionnelle est le résultat d'un contrat passé entre le constituant et son créancier, elle résulte d'un accord entre les deux parties ;

- Le constituant conserve la propriété de son bien immobilier. Néanmoins, la valeur est réduite, du fait des obligations qui pèsent sur le bien.

- L'hypothèque conventionnelle fait obligatoirement l'objet d'un acte authentique devant le notaire et d'une inscription à la conservation des hypothèques du lieu où se situe l'immeuble.

La convention hypothécaire est un contrat signé par le débiteur et le créancier devant le notaire. Ce contrat indique obligatoirement :

- la nature du bien immobilier ;

- le montant de la somme garantie (capital et intérêts) ;

- le délai de remboursement de la dette ;

- le rang de l’hypothèque (hypothèque de premier rang ou de deuxième rang).

2- L’hypothèque forcée : elle peut être prévue sans l’approbation du propriétaire. 

- L’hypothèque légale : accordée au créancier en vertu de la loi selon :

§  le statut du créancier (ex, la garantie des droits de l’épouse ou des incapables),

§  la nature de la créance (ex. privilège du Trésor public).

- L’hypothèque judiciaire : Si un créancier n'obtient pas le remboursement de son débiteur, et s'il n'a pas pris d'hypothèque contre lui, il peut le poursuivre en justice. Cette hypothèque s'appliquera y compris sur les immeubles acquis par le débiteur à l'avenir. Le débiteur ne peut s'opposer à cette décision judiciaire.

Section II : Les privilèges (حقوق الامتياز ) :

A- Notion de privilège : C'est une sûreté légale sans dépossession qui confère à son titulaire le droit d'être payé par préférence aux autres créanciers du même débiteur. A l'instar de l'hypothèque, le privilège est une cause légitime de préférence, une succession de règles de classement parmi les créanciers d'un débiteur.

B- Caractéristiques : D’après l’article 532 CDR, le privilège a les caractéristiques suivantes :

- c’est un droit réel qui donne un droit de préférence et un droit de suite ;

- c’est une sûreté accessoire puisqu'il est transmis avec la créance qu'il garantit. Il s'éteint si la créance s'éteint également ;

- c’est un droit né suite à la constitution d’une créance ;

- c’est un droit indivisible ;

- c’est un droit dont la source exclusive est la loi.

C- Types de privilèges :

1- Privilèges généraux :

a- Les privilèges doublement généraux (super privilège) : D’après l’article 1248 du DOC, trois domaines sont visés par ces privilèges doubles :

- Les salaires : Les créances salariales sont associées à l'idée de dépendance et de subsistance. Ils ont donc un privilège sur les biens de leur entreprise, pour obtenir en priorité le paiement de leur rémunération.

- Les frais de justice : Ces frais cernent les dépenses exposées à l'occasion de la conservation, réalisation des biens d'un débiteur. Ils sont protégés dans la mesure où ils sont considérés comme ayant été exposés dans l'intérêt de la communauté des créanciers.

- Les dettes d'une entreprise en difficulté : Un certain nombre de contractants qui concluent des contrats postérieurement au jugement d'ouverture, ou même en cas d'échec de la conciliation bénéficient d'un statut privilégié afin de les encourager à établir des liens avec l'entreprise. C'est le privilège de procédure et le privilège de conciliation.

§  Le privilège de conciliation cède devant le privilège des salariés, ainsi que devant le privilège des frais de justice ;

§  Le privilège de procédure cède devant le privilège des salariés et celui des frais de justice ainsi que devant le privilège de conciliation.

b- Les privilèges simplement généraux : Ils ne portent que sur les meubles du débiteur. Ils sont de différents types, tel que l’envisage la liste de l’article 1248 du DOC. On en cite :

- Le privilège du trésor. Le trésor peut bénéficier d'un certain nombre de garanties, impôts et taxes. L'assiette de ce privilège s'exerce sur des meubles présents et à venir, et le trésor peut compléter ce privilège par la constitution d'une hypothèque. Ce privilège doit faire l'objet d'une publication, qui est importante, si des impôts sont dus par un commerçant ou une personne morale de droit privé.

- Le privilège des caisses de sécurité sociale. Il permet de garantir les cotisations et autres sommes dues par les assujettis aux caisses de sécurité sociale. L'assiette de ce privilège s'exerce sur les meubles des débiteurs des cotisations et là encore, il existe des formalités particulières concernant les débiteurs commerçants ou personnes morales de droit privé.

§  Les privilèges garantissant le paiement des frais funéraires qui s'exercent sur les biens meubles de la succession du défunt ;

§  Les frais de dernière maladie, garantis par un privilège bénéficiant aux professionnels de santé pour les frais médicaux indispensables. Ce privilège est rendu encore plus efficace par le doublement d'une hypothèque légale ;

§  Le privilège accordé en garantie de rémunération des gens de service, en paiement du salaire différé.

2- Privilèges spéciaux : Ils portent sur un ou plusieurs biens déterminés, mobiliers ou immobiliers.

a- Les privilèges spéciaux mobiliers : D’après l’article 1247 du DOC, ne s’appliquent qu’à certains meubles du débiteur. Il existe différents catégories de privilèges spéciaux mobiliers, prévus par l’article 1250 du DOC dont on cite principalement :

- Les loyers des immeubles ;

- les frais faits pour la conservation de la chose ;

- les salaires et remboursement dus à l’artisan, etc.

b- Les privilèges spéciaux immobiliers : Les privilèges spéciaux immobiliers sont très proches des hypothèques légales, notamment par deux aspects. D'une part par le principe d'indivisibilité et d'autre part par le principe de spécialité. Ces privilèges sont économiquement très efficaces, puisqu’ils n'impliquent pas de dépossession. Ils permettent au créancier de bénéficier d'un droit de suite et d'un droit de préférence. Le créancier doit procéder à quelques formalités, et doit notamment effectuer une publicité. Le créancier doit inscrire son privilège dans un certain délai, et c'est aussi en cela que les privilèges se rapprochent des hypothèques légales. Le rang du privilège n'est pas déterminé par la date d'inscription, mais par la date de naissance de la créance puisqu'il s'agit d'une sûreté légale. Par conséquent, si le créancier a respecté le délai légal d'inscription, cette formalité rétroagit au jour de la créance. En revanche, si ce délai n'a pas été respecté, le privilège est assimilé à une hypothèque et il n'y aura pas de rétroaction, de sorte que le privilège prendra effet à l'inscription et non pas au jour de la créance, tel est le cas pour le vendeur d'immeuble qui bénéficie d'un privilège lorsque plusieurs conditions sont réunies.

Section III : L’antichrèse ( الرهن الحيازي ) :

A- Définition : L'antichrèse est réglementée au Maroc par les articles 145 à 164 CDR. C’est un contrat par lequel un débiteur propriétaire d'un bien immeuble immatriculé ou d'un droit réel de jouissance sur cet immeuble (usufruit, emphytéose) ou un tiers agissant pour son compte, confère à son créancier (antichrésite) la possession de cet immeuble, de manière à lui permettre d'en percevoir les fruits ou revenus, qu'il imputera annuellement sur le capital, jusqu'à paiement intégral de la créance.

Le créancier n'acquiert par ce contrat que la faculté de percevoir les fruits de l'immeuble, la créance ne peut produire d'intérêts, mais il peut être stipulé que tout ou partie des fruits reviendra au créancier. Le créancier impute annuellement les fruits perçus pour son débiteur sur le capital de sa créance.
Ce droit réel qu'est l'antichrèse est donc inscriptible sur les livres fonciers.

L'antichrèse constitue au Maroc un contrat accessoire et suppose l'existence préalable d'une créance. Cette sûreté conventionnelle nécessite la remise de l'immeuble entre les mains du créancier afin de permettre à ce dernier de recevoir directement les fruits de l'immeuble, en remboursement de sa créance jusqu'à l'extinction de cette dernière. Outre la perception des fruits, ce droit entraîne au profit du créancier d'autres droits inhérents à tout droit réel : droit de rétention de l'immeuble, droit de préférence et droit de suite.

B- Caractéristiques de l’antichrèse :

- L'antichrèse n'est pas un droit de jouissance mais un simple gage garantissant le remboursement d'un prêt inscriptible et devant se matérialiser par la remise au créancier de la possession du bien ;

- L'antichrèse est obligatoire, car son but est l'entrée en possession du bien par le créancier en garantie du paiement de sa créance ;

- L'antichrèse suppose la dépossession du propriétaire au profit du créancier ;

- L'antichrèse suppose une propriété continue ;

- Dans l'antichrèse, l'immeuble doit être entretenu par le créancier ;

- L'antichrèse porte sur un bien immeuble ;

- L'antichrèse suppose une possession continue de l'immeuble par le créancier ;

- L'antichrèse est indivisible, ce qui signifie que l'antichrèse d'un immeuble ne peut être donnée qu'à un seul créancier et que chaque fraction d'immeuble garantit la totalité et toute fraction de la dette ;

L'antichrèse qui ne porte que sur les fruits de l'immeuble passe après l'hypothèque qui, elle, porte sur le bien lui-même. Contrairement à l'hypothèque, qui donne au créancier non payé le droit de procéder à la vente sur simple production d'un certificat du Conservateur, le créancier antichrésiste ne peut faire procéder à la vente forcée en cas de non remboursement que sur décision judiciaire.

NB : Les opérations de prêt avec possession du bien par les créanciers à titre de garantie sont d'un usage courant au Maroc. Ces opérations portent sur des immeubles non immatriculés (melk) et font l'objet d'un contrat appelé RAHN ou RAHNIA. Il s'agit d'un contrat de gage immobilier avec dessaisissement, la dépossession au profit du créancier constituant une condition de validité du contrat. Ces contrats ont toujours donné lieu à une imposition entre les mains du propriétaire débiteur au titre des loyers qui sont supposés compenser les intérêts auxquels renonce le créancier gagiste.



[1] Le droit de chefâa est le droit reconnu à tout indivisaire d’acquérir la quote-part vendue par un autre indivisaire en se substituant à l’acquéreur moyennant le remboursement du montant du prix de vente, les loyaux coûts du contrat et des dépenses ou utiles par lui faites depuis la vente. Le droit de chefâa concernant les immeubles non immatriculés est appelé droit de retrait, alors que pour les immeubles immatriculés et droits réels immobiliers, il s’agit du droit de préenption .      

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