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dimanche 26 mai 2024

Le défaut de reconnaissance de l’acte authentique électronique par la loi 53.05



Tout droit de la preuve reconnaît une hiérarchie entre les moyens de preuve, et la meilleure preuve des pays de droit écrit est et restera l’acte authentique.  

Cette affirmation est confirmée par les articles 418, 419 et 420 du D.O.C. qui traitent des conditions que l’acte doit remplir pour acquérir le caractère authentique et de la force probante accordée aux actes qui satisfont à ces exigences. L’article 418 dispose en effet que « L’acte authentique est celui qui a été reçu avec les solennités requises par des officiers publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé. 

 -Sont également authentiques :  1° Les actes reçus officiellement par les cadis en leur tribunal ;  2° Les jugements rendus par les tribunaux marocains et étrangers, en ce sens que ces derniers peuvent faire foi des faits qu’ils constatent, même avant d’avoir été rendus exécutoires ».  

Aux termes de l’article 419, « L’acte authentique fait pleine foi, même à l’égard des tiers et jusqu’à inscription de faux, des faits et des conventions attestés par l’officier public qui l’a rédigé comme passé en sa présence ».  

Quand à l’article 420 il dispose : « L’acte authentique fait foi des conventions et des clauses intervenues entre les parties, des causes qui ont été énoncées et des autres faits ayant un rapport direct avec la substance de l’acte, ainsi que des constatations faites par l’officier public, lorsqu’il énonce comment il est parvenu à connaître ces faits, toutes autres énonciations n’ont aucun effet ».

 Dans le cas où les conditions requises ne seraient pas remplies, par suite de l’incompétence ou de l’incapacité de l’officier, ou d’un défaut de forme, l’acte ne pourra pas prétendre à l’authenticité et il vaudra comme écriture privée, sous réserve toutefois qu’il ait été signé par les parties, le consentement de celles-ci étant nécessaire pour la validité de l’acte.  

La loi relative à l’échange électronique des données juridiques n’a fait aucune allusion à l’acte authentique électronique et c’est là l’une des rares différences qui existe entre ladite loi marocaine n°53-05 et la loi française du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique. En vertu de l’article 2 de cette loi, l’article 1317 du Code civil français a reçu et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. 

La question qui se pose est évidemment la suivante : les rédacteurs de la loi marocaine ont-ils été avisés de ne pas suivre le législateur français dans cette voie ?  Où, en d’autres termes, n’est-il effectivement pas encore le moment de consacrer légalement la notion d’acte électronique authentique ?  La même réflexion a été menée par la doctrine française après l’adoption de la loi du 13 mars 2000. Il nous parait donc particulièrement édifiant de s’inspirer du débat qui s’est déroulé au sein de la doctrine française pour apprécier s’il serait judicieux que le Maroc s’engage dans la même voie et complète à son tour les dispositions de l’article 418 du D.O.C. Un premier courant doctrinal s’oppose ainsi vigoureusement à ce que l’acte authentique soit dressé sur support électronique et invoque plusieurs raisons à l’appui. 

 En premier lieu, il avance que la force probante absolue de l’acte authentique repose essentiellement sur sa réception par l’officier public, notamment le notaire.  

La présence réelle du notaire est incluse dans la notion même d’authenticité.

  Dès lors que la valeur de l’acte authentique repose sur la constatation effectuée par l’officier public des énonciations qui ont été faites en sa présence, il va de soi que l’acte dressé sur support électronique ne peut être considéré comme authentique puisqu’il est établi en dehors de la présence physique du notaire et des parties à l’acte. Certains auteurs vont même jusqu’à affirmer que « le nouvel article 1317, en retirant le rôle de témoin privilégié à l’officier public, prive l’acte authentique de son essence et signe ainsi sa déchéance ». 

Une autre raison invoquée par les partisans de ce courant réside dans le fait que la reconnaissance de l’acte authentique dressé sur support électronique se base sur « l’idée fausse qu’entre l’acte sous seing privé et l’acte authentique, il n’y a qu’une différence de degré dans la force probante et non une opposition de nature dans la manière dont il est créé ».  Enfin, les auteurs qui représentent ce courant estiment qu’il est encore trop tôt pour une réforme de cette ampleur : « c’est une chose que de vouloir offrir un cadre juridique à des opérations qui sont dorénavant rentrées dans les mœurs, c’en est une autre que de conférer l’authenticité à des actes créés sur un support connu depuis relativement peu de temps et pour lequel le recul semble insuffisant pour qu’on puisse en garantir la fiabilité que suppose l’authenticité ».  

La réponse à ces diverses critiques formulées à l’encontre de la loi du 13 mars 2000 émane principalement des juristes directement impliqués par la reconnaissance de l’acte authentique sur support électronique, en l’occurrence les notaires. Certains d’entre eux soutiennent ainsi que l’acte authentique, étant de la preuve par excellence, ne pouvait être tenu à l’écart d’une réforme du droit de la preuve et que, contrairement aux opposants à la notion d’authenticité électronique, cette dernière est à même d’apporter aux échanges électroniques la sécurité qui leur manque. 

Nous souscrivons à cette opinion et plus spécialement à la solution proposée par certains notaires et qui nous parait de nature à balayer les incertitudes et réticences qui prévalent au sein de la doctrine française et qui risqueraient d’être également ressenties par la doctrine marocaine.  Cette solution consiste en effet à permettre à chaque notaire d’administrer de façon autonome la délivrance et la révocation d’un certificat de signature électronique à son client. « Le notaire le fera sous l’autorité de sa chambre qui lui délivrera les outils de certification, le tout sous l’autorité du conseil supérieur du notariat, lui-même, autorité racine de l’ensemble. L’outil de certification sera constitué par un CD-Rom qui contiendra le certificat unique de signature ».  

Le raisonnement se tient. Ainsi, le client pourra, grâce à ce certificat, se connecter sur l’extranet de son notaire en s’identifiant, puis émettre et recevoir des messages signés, cryptés, horodatés et transmis par voie électronique. Cet extranet et le certificat qui permet d’y accéder seront réservés aux échanges bilatéraux du notaire et de son client.  Si le législateur venait à compléter, à l’avenir, l’article 418 du D.O.C dans le sens que nous préconisons, nous sommes résolument en total accord avec l’idée selon laquelle « la profession notariale doit être son propre (gardien de support) pour les actes authentiques électroniques, pas chaque notaire isolément, mais une structure émanant de la profession, contrôlée par elle, sous tutelle de l’autorité publique ».

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