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samedi 18 mai 2024

à quel point le droit du travail marocain parvient-il à protéger effectivement les travailleurs ? les mesures disciplinaires prises par l'employeur et principe de progressivité de ces sanctions? Licenciement pour faute grave? Définition de faute grave en droit marocain?

 



Force est de constater que la législation travailliste tend à substituer des rapports de droit à des rapports de force qui se sont établis entre le patronat et les salariés. Son objectif continu est de rétablir un équilibre entre les parties.

En effet, orienté vers la protection du travailleur, le droit du travail est cet arsenal juridique qui a pour objet de régir les rapports de travail et d’organiser l’action des pouvoirs publics qui s’y rattache ainsi que les moyens légaux de lutte reconnus aux salariés pour l’amélioration de leur statut1.

Ainsi, le droit du travail vise l’amélioration du statut des travailleurs et de là à établir une paix sociale. Il s’est développé au fur et à mesure que la classe ouvrière s’organisait et que ses moyens de lutte se perfectionnaient. Il traduit à chaque instant le rapport des forces en présence, tantôt progressant, tantôt reculant au gré de la conjoncture sociale. Il est un droit né de la pression des travailleurs sur le parlement, le gouvernement ou le patronat, un droit conquis et non octroyé. Il s’agit d’une législation réputée instable et se transformant avec les évènements politiques et historiques mais au travers de cette instabilité fondamentale se profile une ligne générale de progrès parallèle au progrès enregistré par le mouvement ouvrier lui-même.

Il est évident que la relation du travail est une relation qui lie un salarié à un employeur, généralement, elle est encadrée par un contrat du travail écrit ou verbal à durée déterminée ou indéterminée et, est soumise aux dispositions du Code de travail.

Cependant, il est à préciser que le contrat de travail est un contrat de louage de service, qui diffère de celui de louage d’ouvrage, il est défini par l’article 723 du D.O.C comme étant « un contrat par lequel l'une des parties s'engage, moyennant un prix que l'autre partie s'oblige à lui payer, à fournir à cette dernière ses services personnels pour un certain temps ou à accomplir un fait déterminé ».

 On en déduit que le contrat de travail est, d’abord, un contrat synallagmatique et successif, dans lequel, une personne, « l’employeur », paie un prix en contrepartie des services qui lui sont fournis par une autre personne, « le salarié »2.  

Les dispositions du D.O.C régissant le contrat de travail, ont une vision civiliste du contrat de travail. Dans ce sens, elles s’avèrent, d’un coté, incomplètes, car elles ne mettent pas en exergue le lien de subordination existant entre les deux parties au contrat du travail et de l’autre, dépassées, car elles utilisent une terminologie, reflétant une conception, qui aujourd’hui, n’est plus utilisée. Elles citent des termes tels que « prix » au lieu de « salaire », « maitre » au lieu « d’employeur » et « locateur de services » au lieu « d’employé ». 

Afin de compléter cette définition, il faut faire référence à l’article 6, al. 1er du Code de travail, qui dispose : « est considérée comme salariée toute personne qui s'est engagée à exercer son activité professionnelle sous la direction d'un ou plusieurs employeurs moyennant rémunération, quels que soient sa nature et son mode de paiement ». Ces dispositions définissant le salarié évoquent, indirectement, les éléments constitutifs du contrat de travail. Des éléments qui le distinguent de tout autre type de contrat. A savoir, la prestation de travail, la rémunération et, particulièrement, le lien de subordination.

Par ailleurs, le contrat est conclu pour être exécuté. L’exécution est donc la destinée normale de tout contrat, le prolongement pratique de l’accord des volontés, sa mise en œuvre et son inscription dans les faits. L’exécution du contrat de travail suppose que le contrat soit valablement formé, et s’effectue dans le cadre du pouvoir réglementaire de l’employeur, qui dispose du pouvoir de direction de son entreprise: c’est lui qui fixe les objectifs et choisit les moyens nécessaires à mettre en œuvre pour la gestion de son entreprise. Il cherche les techniques appropriées et le capital humain qualifié pour assurer la bonne marche de son entreprise et sa pérennité.

L’employeur exerce aussi un pouvoir disciplinaire justifié par les exigences du bon fonctionnement de l’entreprise. Les obligations réciproques de l’employeur et du salarié résultent du contrat de travail, des dispositions légales, de la convention collective applicable dans l’entreprise ou dans l’établissement ainsi que des usages et du règlement intérieur applicable.

Le salarié ou l’employeur qui n’exécute pas les obligations mises à sa charge par le contrat peut causer un préjudice. 

Mais il faut souligner que si l’une des parties manque à ses diverses obligations légales, elle pourrait non seulement engager sa responsabilité civile, mais elle risquerait également  de faire l’objet de sanctions pénales.

D’autant plus que tout manquement volontaire du salarié à ses obligations peut donner lieu à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Toutefois, aucune définition déterminant les faits constituant une faute imputable au salarié et justifiant le licenciement de celui-ci n’est apportée par le Code de travail.3

Ainsi, l’employeur est seul   juge pour considérer que tel ou tel fait constitue, de la part du salarié, une violation de ses obligations salariales et justifie la mesure disciplinaire décidée.4

C’est donc la jurisprudence qui a essayé de définir la notion de faute justifiant une mesure disciplinaire en décidant qu’il s’agit d’un acte positif ou une abstention volontaire imputable au salarié et qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail, telle que le maintien du salarié dans son emploi devient impossible sans dommages pour les intérêts de l’entreprise.

 Le Code de travail marocain distingue entre la faute non grave qui rend le salarié passible seulement à des sanctions disciplinaires5, et la faute grave, qui peut être l’origine d’une rupture du contrat de travail.

Tandis que le droit français distingue trois types de faute, à savoir :

• La faute simple ou légère qui ne justifie pas une rupture du contrat de travail mais une sanction moindre.

• La faute grave, qui empêche le maintien du salarié au sein de l’entreprise et qui ne permet plus l’exécution de la prestation de travail par ce dernier.

• Et la faute lourde qui est une faute grave mais faite intentionnellement. Ce qui signifie qu’elle est commise par le salarié dans l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. Elle est privative de toute indemnité.

En droit marocain, la notion de faute grave a été abordée en premier lieu par le D.O.C en disposant en substance que « dans le louage de services, la clause résolutoire est de droit en faveur de chacune des parties, lorsque l’autre contractant n’accomplit pas ses engagements, ou pour d’autres motifs graves dont l’appréciation est réservée aux juges ». Cette disposition met l’accent sur la résolution du contrat de travail par l’une des parties en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations, tout en soulignant qu’une telle mesure peut aussi être décidée à la suite de « motifs graves ». Le qualificatif de « faute grave » étant absent dans cette formulation, mais de « motifs » entraînant un licenciement justifié par l’employeur ; ce qui peut ramener à la notion de « motifs valables ». Mais si le D.O.C n’a pas estimé bon de dresser une liste des motifs ou fautes graves, il a cependant indiqué que leur appréciation est du ressort exclusif des juges. 

Dans ce même sillage, et avant la promulgation du Code de travail, le licenciement pour faute grave, était régi par le décret du 23 octobre 1948, réglementant les relations entre les employeurs et salariés, qui prévoyait dans son Art 6 une énumération non limitative7 d’un certain nombre de fautes graves motivant la rupture du contrat de travail par l’employeur de manière unilatérale.

Il n’en va pas autrement lorsque l’article 39 du Code de travail a établi une liste des fautes graves commises par le salarié. De toute façon, la liste de fautes graves commises par le travailleur demeure indicative suivant l’optique jurisprudentielle, car l’appréciation des faits constituant une faute grave relève de la compétence des tribunaux8. 

Les mesures disciplinaires prises par l’employeur pour faute grave du salarié doivent être obligatoirement fondées sur l’existence d’un motif valable dont la preuve de l’existence incombe à l’employeur. 

Se conformant aux prescriptions des conventions de l’OIT en la matière, ces mesures disciplinaires ne peuvent en aucun cas être justifiées par l’activité syndicale, l’exercice d’un mandat représentatif au titre de délégué de personnel ou de représentant syndicale, le refus de passer à temps partiel ou de suivre une formation hors temps de travail, la participation à des grèves, à des actions judiciaires contre l’employeur, l’opinion politique, la religion, etc. 

De même, l’article 37 du Code de travail prévoit respectivement que l'employeur peut prendre l'une des sanctions disciplinaires suivantes à l'encontre du salarié pour faute non grave : l'avertissement, le blâme, un deuxième blâme ou la mise à pied9 pour une durée n'excédant pas huit jours, un troisième blâme ou le transfert à un autre service ou, le cas échéant, à un autre établissement, le lieu de résidence du salarié étant pris en considération.

Le législateur a même ajouté un nouvel Art10 affirmant le principe de là quel point ce droit parvient-il à protéger effectivement les travailleurs ?  Désormais, l’employeur applique les sanctions disciplinaires de manière graduelle. Lorsque les sanctions disciplinaires sont épuisées dans l’année, l’employeur peut procéder au licenciement du salarié. Dans ce cas le licenciement est justifié est peut- être prononcé sans préavis ni indemnité ni versement de dommages-intérêts.

 Néanmoins, dans un souci de protéger le salarié, la loi 65-99 a réglementé de manière plus stricte la faute grave pour éviter autant que possible les licenciements abusifs, déguisés par des prétentions de fautes graves.


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