Force est de constater que la législation travailliste tend à
substituer des rapports de droit à des rapports de force qui se sont établis
entre le patronat et les salariés. Son objectif continu est de rétablir un
équilibre entre les parties.
En effet, orienté vers la protection du travailleur, le
droit du travail est cet arsenal juridique qui a pour objet de régir les rapports
de travail et d’organiser l’action des pouvoirs publics qui s’y rattache ainsi
que les moyens légaux de lutte reconnus aux salariés pour l’amélioration de
leur statut1.
Ainsi, le droit du travail vise l’amélioration du statut des
travailleurs et de là à établir une paix sociale. Il s’est développé au fur et
à mesure que la classe ouvrière s’organisait et que ses moyens de lutte se
perfectionnaient. Il traduit à chaque instant le rapport des forces en
présence, tantôt progressant, tantôt reculant au gré de la conjoncture sociale.
Il est un droit né de la pression des travailleurs sur le parlement, le
gouvernement ou le patronat, un droit conquis et non octroyé. Il s’agit d’une
législation réputée instable et se transformant avec les évènements politiques
et historiques mais au travers de cette instabilité fondamentale se profile une
ligne générale de progrès parallèle au progrès enregistré par le mouvement
ouvrier lui-même.
Il est évident que la relation du travail est une relation qui lie un salarié à
un employeur, généralement, elle est encadrée par un contrat du travail écrit
ou verbal à durée déterminée ou indéterminée et, est soumise aux dispositions
du Code de travail.
Cependant, il est à préciser que le contrat de travail est
un contrat de louage de service, qui diffère de celui de louage d’ouvrage, il
est défini par l’article 723 du D.O.C comme étant « un contrat par lequel l'une
des parties s'engage, moyennant un prix que l'autre partie s'oblige à lui
payer, à fournir à cette dernière ses services personnels pour un certain temps
ou à accomplir un fait déterminé ».
On en déduit que le
contrat de travail est, d’abord, un contrat synallagmatique et successif, dans
lequel, une personne, « l’employeur », paie un prix en contrepartie des
services qui lui sont fournis par une autre personne, « le salarié »2.
Les dispositions du D.O.C régissant le contrat de travail,
ont une vision civiliste du contrat de travail. Dans ce sens, elles s’avèrent,
d’un coté, incomplètes, car elles ne mettent pas en exergue le lien de
subordination existant entre les deux parties au contrat du travail et de
l’autre, dépassées, car elles utilisent une terminologie, reflétant une
conception, qui aujourd’hui, n’est plus utilisée. Elles citent des termes tels
que « prix » au lieu de « salaire », « maitre » au lieu « d’employeur » et «
locateur de services » au lieu « d’employé ».
Afin de compléter cette définition, il faut faire référence
à l’article 6, al. 1er du Code de travail, qui dispose : « est considérée comme
salariée toute personne qui s'est engagée à exercer son activité professionnelle
sous la direction d'un ou plusieurs employeurs moyennant rémunération, quels
que soient sa nature et son mode de paiement ». Ces dispositions définissant le
salarié évoquent, indirectement, les éléments constitutifs du contrat de
travail. Des éléments qui le distinguent de tout autre type de contrat. A
savoir, la prestation de travail, la rémunération et, particulièrement, le lien
de subordination.
Par ailleurs, le contrat est conclu pour être exécuté.
L’exécution est donc la destinée normale de tout contrat, le prolongement
pratique de l’accord des volontés, sa mise en œuvre et son inscription dans les
faits. L’exécution du contrat de travail suppose que le contrat soit
valablement formé, et s’effectue dans le cadre du pouvoir réglementaire de
l’employeur, qui dispose du pouvoir de direction de son entreprise: c’est lui
qui fixe les objectifs et choisit les moyens nécessaires à mettre en œuvre pour
la gestion de son entreprise. Il cherche les techniques appropriées et le
capital humain qualifié pour assurer la bonne marche de son entreprise et sa
pérennité.
L’employeur exerce aussi un pouvoir disciplinaire justifié
par les exigences du bon fonctionnement de l’entreprise. Les obligations
réciproques de l’employeur et du salarié résultent du contrat de travail, des
dispositions légales, de la convention collective applicable dans l’entreprise
ou dans l’établissement ainsi que des usages et du règlement intérieur
applicable.
Le salarié ou l’employeur qui n’exécute pas les obligations
mises à sa charge par le contrat peut causer un préjudice.
Mais il faut souligner que si l’une des parties manque à ses
diverses obligations légales, elle pourrait non seulement engager sa
responsabilité civile, mais elle risquerait également de faire l’objet de sanctions pénales.
D’autant plus que tout manquement volontaire du salarié à
ses obligations peut donner lieu à une sanction disciplinaire pouvant aller
jusqu'au licenciement.
Toutefois, aucune définition déterminant les faits
constituant une faute imputable au salarié et justifiant le licenciement de
celui-ci n’est apportée par le Code de travail.3
Ainsi, l’employeur est seul juge
pour considérer que tel ou tel fait constitue, de la part du salarié, une
violation de ses obligations salariales et justifie la mesure disciplinaire
décidée.4
C’est donc la jurisprudence qui a essayé de définir la
notion de faute justifiant une mesure disciplinaire en décidant qu’il s’agit
d’un acte positif ou une abstention volontaire imputable au salarié et qui
constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail, telle
que le maintien du salarié dans son emploi devient impossible sans dommages
pour les intérêts de l’entreprise.
Le Code de travail
marocain distingue entre la faute non grave qui rend le salarié passible
seulement à des sanctions disciplinaires5, et la faute grave, qui peut être
l’origine d’une rupture du contrat de travail.
Tandis que le droit français distingue trois types de faute,
à savoir :
• La faute simple ou légère qui ne justifie pas une rupture
du contrat de travail mais une sanction moindre.
• La faute grave, qui empêche le maintien du salarié au sein
de l’entreprise et qui ne permet plus l’exécution de la prestation de travail
par ce dernier.
• Et la faute lourde qui est une faute grave mais faite
intentionnellement. Ce qui signifie qu’elle est commise par le salarié dans
l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. Elle est privative de
toute indemnité.
En droit marocain, la notion de faute grave a été abordée en
premier lieu par le D.O.C en disposant en substance que « dans le louage de
services, la clause résolutoire est de droit en faveur de chacune des parties,
lorsque l’autre contractant n’accomplit pas ses engagements, ou pour d’autres
motifs graves dont l’appréciation est réservée aux juges ». Cette disposition
met l’accent sur la résolution du contrat de travail par l’une des parties en
cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations, tout en soulignant qu’une
telle mesure peut aussi être décidée à la suite de « motifs graves ». Le
qualificatif de « faute grave » étant absent dans cette formulation, mais de «
motifs » entraînant un licenciement justifié par l’employeur ; ce qui peut
ramener à la notion de « motifs valables ». Mais si le D.O.C n’a pas estimé bon
de dresser une liste des motifs ou fautes graves, il a cependant indiqué que
leur appréciation est du ressort exclusif des juges.
Dans ce même sillage, et avant la promulgation du Code de
travail, le licenciement pour faute grave, était régi par le décret du 23
octobre 1948, réglementant les relations entre les employeurs et salariés, qui
prévoyait dans son Art 6 une énumération non limitative7 d’un certain nombre de
fautes graves motivant la rupture du contrat de travail par l’employeur de
manière unilatérale.
Il n’en va pas autrement lorsque l’article 39 du Code de
travail a établi une liste des fautes graves commises par le salarié. De toute
façon, la liste de fautes graves commises par le travailleur demeure indicative
suivant l’optique jurisprudentielle, car l’appréciation des faits constituant
une faute grave relève de la compétence des tribunaux8.
Les mesures disciplinaires prises par l’employeur pour faute
grave du salarié doivent être obligatoirement fondées sur l’existence d’un
motif valable dont la preuve de l’existence incombe à l’employeur.
Se conformant aux prescriptions des conventions de l’OIT en
la matière, ces mesures disciplinaires ne peuvent en aucun cas être justifiées
par l’activité syndicale, l’exercice d’un mandat représentatif au titre de
délégué de personnel ou de représentant syndicale, le refus de passer à temps
partiel ou de suivre une formation hors temps de travail, la participation à
des grèves, à des actions judiciaires contre l’employeur, l’opinion politique,
la religion, etc.
De même, l’article 37 du Code de travail prévoit
respectivement que l'employeur peut prendre l'une des sanctions disciplinaires
suivantes à l'encontre du salarié pour faute non grave : l'avertissement, le
blâme, un deuxième blâme ou la mise à pied9 pour une durée n'excédant pas huit
jours, un troisième blâme ou le transfert à un autre service ou, le cas échéant,
à un autre établissement, le lieu de résidence du salarié étant pris en
considération.
Le législateur a même ajouté un nouvel Art10 affirmant le
principe de là quel point ce droit parvient-il à protéger effectivement les travailleurs ? Désormais, l’employeur applique
les sanctions disciplinaires de manière graduelle. Lorsque les sanctions
disciplinaires sont épuisées dans l’année, l’employeur peut procéder au licenciement
du salarié. Dans ce cas le licenciement est justifié est peut- être prononcé
sans préavis ni indemnité ni versement de dommages-intérêts.
Néanmoins, dans un
souci de protéger le salarié, la loi 65-99 a réglementé de manière plus stricte
la faute grave pour éviter autant que possible les licenciements abusifs,
déguisés par des prétentions de fautes graves.
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