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mercredi 5 juin 2024

Comment s'effectue t-il L’arrêt des poursuites et des voies d'exécution lors d'une procédure de redressement judicaire?


 


Le caractère collectif de la procédure, prescrit dans le but d’assurer une 

certaine égalité entre les créanciers de l’entreprise en difficulté, explique en partie 

l’un des effets de cette procédure sur les créanciers de cette entreprise, à savoir soit 

la suspension des poursuites et des voies d’exécution individuelles quand elles sont en 

cours, soit leur interdiction dès lors qu’elles ne sont pas encore exercées.  Sont ainsi 

concernés : 

 D’une part les créanciers concernés par la procédure de règlement amiable 

administrée dans le cadre de la prévention externe (art. 555) et ; 

  D’autre part les créanciers dont la créance est antérieure à la date de 

publication du jugement d’ouverture de la procédure de redressement de l’entreprise 

en difficulté (art. 653). 

Cependant, une différence existe entre le premier et le deuxième cas. En effet, 

l’arrêt des poursuites dans le premier cas n’est pas systématique. Il est initié par le 

conciliateur qui, en vertu de l’article précité  peut saisir dans cet objectif le président 

du tribunal. Ce dernier, en concertation avec les principaux créanciers, peut rendre 

une ordonnance arrêtant les poursuites de la part des créanciers pendant une durée 

ne dépassant pas la durée de la mission confiée au conciliateur. En revanche, dans le 

deuxième cas, le jugement d’ouverture de la procédure emporte systématiquement la 

suspension ou l’interdiction des actions en justice et les voies d’exécution.  

 

 1 :   L’arrêt des poursuites individuelles

Le domaine d’application de l’arrêt des actions en justice subit une double 

limitation. Ainsi, ces actions doivent : 

• soit  tendre au paiement d’une somme d’argent. Il y a cependant lieu de 

préciser à ce niveau que la jurisprudence française a même affirmé la nullité d’une 

action en justice pour inexécution par le débiteur d’une obligation de faire se 

résolvant en dommages-intérêts. On a ainsi considéré que la demande en exécution 

tendait en réalité au paiement d’une somme d’argent pour une cause antérieure au 

jugement d’ouverture ; 

•   soit chercher à résoudre un contrat pour défaut de paiement d’une somme 

d’argent. 

Par ailleurs, si la loi permet au conciliateur, à l’occasion de la procédure de 

règlement amiable, la possibilité de solliciter du président du tribunal la suspension 

des poursuites à l’encontre des créanciers. Cette faculté traduit une incohérence. En 

effet, une telle possibilité laisse entendre une reconnaissance implicite de 

l’impossibilité pour l’entreprise de faire face à ses dettes à l’aide de son actif. Ceci 

étant, on en déduit que l’entreprise, n’étant pas en mesure de faire face à son passif, 

se trouve déjà en situation de cessation de paiement, du moins selon la conception 

donnée par l’actuel texte de loi à la notion de cessation de paiement. Par conséquent, 

cette entreprise ne peut naturellement plus faire l’objet d’une procédure de 

règlement amiable.  La suspension provisoire que prévoit la phase du règlement 

amiable n’est donc pas adaptée, car elle revient à reconnaitre une cessation de 

paiement de fait, alors qu’à la base, les sacrifices que les créanciers ont accepté 

d’accorder, dans le cadre de l’accord amiable, ont été fondés notamment sur la 

situation d’une entreprise qui n’est pas encore au stade d’une cessation de paiement.   

En outre, si la durée prescrite à l’arrêt des poursuites pendant le règlement 

amiable ne peut dépasser le terme de la mission du conciliateur, quelle serait la durée 

de suspension ou d’interdiction des poursuites à l’occasion de la publication du jugement d’ouverture ? Le texte (art. 654 du code de commerce) précise que les 

instances en cours se prolongent jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait déclaré sa 

créance. Ce qui signifie une possibilité de reprise de cette action de poursuite après 

avoir déclaré sa créance. Cependant, cette reprise ne remet pas en cause le principe 

de l’interdiction des poursuites individuelles. Le même article prend en effet soin de 

préciser que ces instances ne peuvent tendre qu’à « la constatation des créances et la 

fixation de leur montant ». Ceci signifie qu’elles permettent seulement de compléter 

l’état des créances et non d’obtenir un titre exécutoire.  

Ceci étant, si le cas se présente ainsi lors du redressement de l’entreprise en 

difficulté, qu’en est-il au stade de la liquidation judiciaire? A ce niveau, le législateur 

de 1996 a expressément permis aux créanciers titulaires d’un privilège spécial, d’un 

nantissement, ou d’une hypothèque ainsi qu’au trésor public la reprise des poursuites 

individuelles mais dans le seul cas où le syndic n’a pas procédé à la liquidation des 

biens grevés dans un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture de la 

procédure de liquidation. Ces poursuites sont alors ouvertes dès lors que le créancier 

ait déclaré sa créance, même si cette dernière n’était pas encore admise.  A côté de 

cette restriction, le jugement d’ouverture de la procédure arrête et interdit toute voie 

d’exécution tant sur les meubles que sur les immeubles. 

Par ailleurs, l’on se demande également si la caution de l’entreprise  débitrice 

pourra bénéficier de l’arrêt des poursuites. Une question qui n’a pas été 

expressément réglée par le code de commerce. Cependant la jurisprudence 

marocaine avait décidé de faire bénéficier la caution de cette règle en s’appuyant 

notamment sur l’article 1140 du D.O.C. En témoigne ainsi l’arrêt n° 170 de la cour de 

cassation qui a rejeté une assignation au paiement, de la part de la société Maroc 

leasing, à l’encontre de la caution solidaire de l’entreprise KOJIPA, faisant l’objet  

d’une liquidation judiciaire. Outre l’arrêt des poursuites individuelles, l’interdiction 

des voies d’exécution constitue une autre restriction aux droits des créanciers. 

 2 : Une acception large d’interdiction des voies d’exécution individuelles  

Le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire arrête ou 

suspend toute voie d'exécution sur les meubles et immeubles, qu'il s'agisse de saisie 

conservatoire ou exécutoire. Ces voies d’exécution doivent être comprises dans une 

acception large pour englober également des mesures de prise de possession. Chose 

qui a été confirmée par la jurisprudence marocaine. Ainsi, un arrêt de la cour de 

cassation a considéré que la possession, en vertu de l'article 59 du Décret Royal du 

17/12/68, accordée au crédit immobilier et hôtelier sur des immeubles abritant les 

complexes hôteliers H.C. Palace et C.S. Akram, ne constitue qu'une voie d'exécution 

parmi d'autres. L’ouverture de la procédure  collective, qu'il s'agisse de 

redressement ou de liquidation judiciaire, entraînant de plein droit l'interdiction au 

créancier d'actionner ou de persister dans une instance en cours pour saisie 

conservatoire ou exécutoire, a motivé la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de 

Marrakech. Ce dernier avait abrogé l’ordonnance en référé du président du tribunal, 

qui a avait mis fin à la mainmise du CIH sur les immeubles susmentionnés. 

L’annulation par la cour de cassation de la mainmise de la banque est survenue 

quand bien même la date d’effet de l’ordonnance autorisant la possession est 

antérieure à celle du jugement d’ouverture de la procédure de redressement. La cour 

a motivé sa décision comme suit : « Alors que si cette possession a été décidée en 

vertu du Décret  de 1968 dans l'optique de permettre au CIH de récupérer sa créance 

sur les revenus de l'immeuble, la reconnaissance de l'arrêt que le défendeur en 

pourvoi n'est plus en droit de récupérer cette créance après le jugement de redressement judiciaire est en contradiction avec la persistance de cette possession. 

Ce qui implique que l’arrêt de la cour d’appel s'expose à cassation » .  

En outre, l’arrêt des voies d’exécution concerne même les mesures d’exécution 

sur les fonds du débiteur, détenus par un tiers. Il en est ainsi le cas de l’avis à tiers 

détenteur (ATD) émis par les administrations fiscales (Direction Générale des Impôts 

et Administration des Douanes et Impôts indirects notamment). Cette dernière ne 

peut en effet émettre un ATD après la publication du jugement d’ouverture de la 

procédure. Le Trésor, en tant que créancier privilégié perd ainsi ce privilège 

d’exécution sur les fonds du tiers détenteur une fois la publication du jugement a eu 

lieu.  Il paraît que le législateur français est même plus sévère à ce niveau. Les 

dispositions insérées par la loi du 26 juillet 2005 au niveau de l’article 632-2, alinéa 2 

du code de commerce, prévoient la nullité des ATD intervenus après une cessation de 

paiement. Ce qui en compromet largement la réalisation chaque fois qu’une période 

suspecte un peu longue est décidée par le Tribunal.   

Cependant, contrairement au législateur marocain, qui n’a posé aucune 

exception à la règle d’interdiction des voies d’exécution, le législateur français, a 

prévu, au profit du trésor public, dans l’article 57 de la loi du 25 janvier 1985 une 

exception à cette règle. En effet, le Trésor public, tout comme le vendeur d’un fonds 

de commerce, conserve son privilège pour les créances qu'il a omis d’inscrire à la date 

de la publication du jugement. En revanche, en vertu de la législation marocaine, le 

Trésor public est mis sur un pied d’égalité avec les autres créanciers et ne jouit 

d’aucune exception à ce niveau. 

Par ailleurs, étant donné que l’accumulation des dettes de l’entreprise en 

difficulté résulte particulièrement de l’accroissement du montant des intérêts et 

réduit par conséquent les chances de sauvetage de cette entreprise, le législateur a 

préféré sacrifier le droit des créanciers au bénéfice des intérêts légaux et 

conventionnels. 


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