Le jugement d’ouverture de la procédure arrête les cours des intérêts légaux et
conventionnels ainsi que tous les intérêts de retard et majorations se rapportant à des
créances nées antérieurement à ce jugement (I.3.1), notamment les majorations
accumulées en cas de retard pour le paiement des impôts ou des cotisations sociales
(art. 659 du CC). Remarquons que le texte parle d’arrêt de ces cours et non seulement
de suspension. Cela signifie que les intérêts courus depuis le jugement d’ouverture ne
sont plus dus et sont éteints quelle que soit l’évolution ultérieure de la procédure et
de la situation de l’entreprise en difficulté. En revanche, si le cas se présente ainsi
pour les créanciers de cette entreprise, il en est différemment pour les cautions,
qu’elles soient solidaires ou non (I.3.2).
1 : Un droit sacrifié au bénéfice de l’entreprise en difficulté
L’arrêt du cours des intérêts concerne toutes les créances porteuses d’intérêts,
nées antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure. Peu importe donc que
ces créances soient chirographaires ou munies de sûretés. Cet arrêt trouve application
aussi bien au cours de la procédure de redressement qu’à l’occasion d’une liquidation
judiciaire. Ce sacrifice, imposé à l’ensemble des créanciers antérieurs, est destiné à
maintenir une certaine égalité entre ces derniers devant les longueurs de la
procédure; et privilégie par conséquent l’entreprise endettée, en lui donnant, comme
disait Yves Chartier « une belle bouffée d’oxygène ». On y relève également que la
force obligatoire du contrat, accepté par le créancier et le débiteur, particulièrement
dans le cas des intérêts générés dans un cadre conventionnel, s’éclipse devant les
exigences impératives liées à la préparation d’une solution à la crise au profit de
l’entreprise en difficulté. Cependant, si le législateur marocain n’a pas posé
d’exceptions à cette règle, préconisant ainsi une égalité entre les créanciers sur cette
question, son homologue français a exclu de cette règle :
• Les intérêts résultant des contrats de prêt conclus pour une durée égale ou
supérieure à un an. Ces derniers continuent à courir.
• Les intérêts résultants de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou
plus.
Une mesure énoncée par le législateur français à l’article 622-28 de son code de
commerce, en considération de l’effet négatif que pourrait avoir l’arrêt de ces cours
sur certains créanciers, particulièrement ceux ayant consentis des crédits à moyen et
long terme. Une situation qui risque, selon une partie de la doctrine de les dissuader
de consentir des crédits à moyen et long terme aux entreprises ne présentant pas des
garanties suffisantes. Une mesure qui a donc été préconisée dans le seul but
d’encourager l’octroi de crédits à moyen et long terme aux entreprises, ces derniers
étant les plus exposés à des conditions imprévisibles de l’entreprise. Cependant, la
jurisprudence française s’est montrée plus sévère quant à l’appréciation de la durée
et la nature des crédits couverts par l’arrêt du cours des intérêts. Ainsi, cette dernière
a eu l’occasion d’écarter du bénéfice du maintien du cours des intérêts une ouverture
de crédit à durée indéterminée maintenue pendant plus d’un an.
Quant à la période au cours de laquelle les cours des intérêts sont arrêtés, nous
remarquons que le législateur marocain, contrairement à son homologue français, a
pris le soin de décider, à travers l’article 660, une reprise de ces intérêts à la date du
jugement arrêtant le plan de continuation.
Par ailleurs, la caution du débiteur ou les personnes physiques coobligées ne
peuvent se prévaloir de cette règle d’arrêt du cours des intérêts.
2 : Une charge supportée par la caution
S’il est vrai que le droit des créanciers au bénéfice du cours des intérêts légaux
et conventionnels est sacrifié au profit de l’entreprise débitrice, il n’en demeure pas
moins que la loi leur offre une alternative pour la récupération de cette créance. Celle
que constitue en effet la caution. C’est ainsi que l’article 662 du CC a expressément
mis à la charge de cette dernière le cours des intérêts accumulés.
La caution, personne physique ou morale, n’est supposée connaître en principe
aucune difficulté de quelque nature que ce soit, ne peut prétendre au bénéfice de
l’arrêt de ces cours. Cependant, cette exclusion risque de défavoriser la caution
personnelle, notamment celle consentie par le Chef de l’entreprise, et constituer par
conséquent un frein à l’essor et au développement de cette entreprise. En effet, au
moment où, dans la pratique, les établissements de crédit n’octroient de crédits aux
entreprises que si les dirigeants se portent caution, ces derniers, refuseront, au regard
du risque qu’ils encourent notamment dans le cas où la situation de l’entreprise est
compromise, ces conditions, par peur de voir même leurs biens personnels mis en
cause. Une situation qui risque ainsi de porter préjudice au développement du tissu
économique du pays.
Ainsi, le législateur français qui avait adopté au départ cette mesure à travers la
loi du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des
entreprises, avait aussitôt remarqué que, dans la pratique, la caution, en dépit du
caractère accessoire, voyait peser sur elle des charges supérieures à celles du
débiteur principal. Un état de fait qui décourageait particulièrement la caution,
personne physique qui craignait l’accroissement de ses charges au cas où elle
aurait accepté d’octroyer des garanties. Elle voit ainsi son sort lié à celui de
l’entreprise en difficulté. Ceci représentait ainsi un blocage à la fluidité des
affaires. C’est ainsi qu’un amendement introduit par la loi de 2005 a permis
l’extension de ce bénéfice d’arrêt du cours des intérêts aux personnes physiques
qui ont constitué une caution personnelle ou une garantie autonome ainsi que les
personnes physiques coobligées (article 622-28 du code de commerce français).
En somme, si les droits des créanciers de l’entreprise en difficulté
connaissent des restrictions non négligeables, il n’en demeure pas moins que les
règles de procédure imposées dans le cadre du droit des procédures collectives
risque, de par la rigueur et la sévérité qui les caractérisent, de compromettre les
intérêts des créanciers.
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