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mercredi 5 juin 2024

Redressement judiciaire et L’arrêt du cours des intérêts ?



Le jugement d’ouverture de la procédure arrête les cours des intérêts légaux et 

conventionnels ainsi que tous les intérêts de retard et majorations se rapportant à des 

créances nées antérieurement à ce jugement (I.3.1), notamment les majorations 

accumulées en cas de retard pour le paiement des impôts ou des cotisations sociales 

(art. 659 du CC). Remarquons que le texte parle d’arrêt de ces cours et non seulement 

de suspension. Cela signifie que les intérêts courus depuis le jugement d’ouverture ne 

sont plus dus et sont éteints quelle que soit l’évolution ultérieure de la procédure et 

de la situation de l’entreprise en difficulté. En revanche, si le cas se présente ainsi 

pour les créanciers de cette entreprise, il en est différemment pour les cautions, 

qu’elles soient solidaires ou non (I.3.2). 

 

  1 : Un droit sacrifié au bénéfice de l’entreprise en difficulté  

L’arrêt du cours des intérêts concerne toutes les créances porteuses d’intérêts, 

nées antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure. Peu importe donc que 

ces créances soient chirographaires ou munies de sûretés. Cet arrêt trouve application 

aussi bien au cours de la procédure de redressement qu’à l’occasion d’une liquidation 

judiciaire. Ce sacrifice, imposé à l’ensemble des créanciers antérieurs, est destiné à 

maintenir une certaine égalité entre ces derniers devant les longueurs de la 

procédure; et privilégie par conséquent l’entreprise endettée, en lui donnant, comme 

disait Yves Chartier « une belle bouffée d’oxygène ». On y relève également que la 

force obligatoire du contrat, accepté par le créancier et le débiteur, particulièrement 

dans le cas des intérêts générés dans un cadre conventionnel, s’éclipse devant les 

exigences impératives liées à la préparation d’une solution à la crise au profit de 

l’entreprise en difficulté. Cependant, si le législateur marocain n’a pas posé 

d’exceptions à cette règle, préconisant ainsi une égalité entre les créanciers sur cette 

question, son homologue français  a exclu de cette règle :  

•    Les intérêts résultant des contrats de prêt conclus pour une durée égale ou 

supérieure à un an. Ces derniers continuent à courir. 

•    Les intérêts résultants de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou 

plus. 

Une mesure énoncée par le législateur français à l’article 622-28 de son code de 

commerce, en considération de l’effet négatif que pourrait avoir l’arrêt de ces cours 

sur certains créanciers, particulièrement ceux ayant consentis des crédits à moyen et 

long terme. Une situation qui risque, selon une partie de la doctrine de les dissuader 

de consentir des crédits à moyen et long terme aux entreprises ne présentant pas des 

garanties suffisantes. Une mesure qui a donc été préconisée dans le seul but 

d’encourager l’octroi de crédits à moyen et long terme aux entreprises, ces derniers 

étant les plus exposés à des conditions imprévisibles de l’entreprise. Cependant, la 

jurisprudence française s’est montrée plus sévère quant à l’appréciation de la durée 

et la nature des crédits couverts par l’arrêt du cours des intérêts. Ainsi, cette dernière 

a eu l’occasion d’écarter du bénéfice du maintien du cours des intérêts une ouverture 

de crédit à durée indéterminée maintenue pendant plus d’un an. 

Quant à la période au cours de laquelle les cours des intérêts sont arrêtés, nous 

remarquons que le législateur marocain, contrairement à son homologue français, a 

pris le soin de décider, à travers l’article 660, une reprise de ces intérêts à la date du 

jugement arrêtant le plan de continuation. 

Par ailleurs, la caution du débiteur ou les personnes physiques coobligées ne 

peuvent se prévaloir de cette règle d’arrêt du cours des intérêts. 

 

 2 :   Une charge supportée par la caution  

S’il est vrai que le droit des créanciers au bénéfice du cours des intérêts légaux 

et conventionnels est sacrifié au profit de l’entreprise débitrice, il n’en demeure pas 

moins que la loi leur offre une alternative pour la récupération de cette créance. Celle 

que constitue en effet la caution. C’est ainsi que l’article 662 du CC a expressément 

mis à la charge de cette dernière le cours des intérêts accumulés.  

La caution, personne physique ou morale, n’est supposée connaître en principe 

aucune difficulté de quelque nature que ce soit, ne peut prétendre au bénéfice de 

l’arrêt  de ces cours. Cependant, cette exclusion risque de défavoriser la caution 

personnelle, notamment celle consentie par le Chef de l’entreprise, et constituer par 

conséquent un frein à l’essor et au développement de cette entreprise. En effet, au 

moment où, dans la pratique, les établissements de crédit n’octroient de crédits aux 

entreprises que si les dirigeants se portent caution, ces derniers, refuseront, au regard 

du risque qu’ils encourent notamment dans le cas où la situation de l’entreprise est 

compromise, ces conditions, par peur de voir même leurs biens personnels mis en 

cause.  Une situation qui risque ainsi de porter préjudice au développement du tissu 

économique du pays. 

Ainsi, le législateur français qui avait adopté au départ cette mesure à travers la 

loi du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des 

entreprises, avait aussitôt remarqué que, dans la pratique, la caution, en dépit du 

caractère accessoire, voyait peser sur elle des charges supérieures à celles du 

débiteur principal. Un état de fait qui décourageait particulièrement la caution, 

personne physique qui craignait l’accroissement de ses charges au cas où elle 

aurait accepté d’octroyer des garanties. Elle voit ainsi son sort lié à celui de 

l’entreprise en difficulté. Ceci représentait ainsi un blocage à la fluidité des 

affaires. C’est ainsi qu’un amendement introduit par la loi de 2005 a permis 

l’extension de ce bénéfice d’arrêt du cours des intérêts aux personnes physiques 

qui ont constitué une caution personnelle ou une garantie autonome ainsi que les 

personnes physiques coobligées (article 622-28 du code de commerce français). 

En somme, si les droits des créanciers de l’entreprise en difficulté 

connaissent des restrictions non négligeables, il n’en demeure pas moins que les 

règles de procédure imposées dans le cadre du droit des procédures collectives 

risque, de par la rigueur et la sévérité qui les caractérisent, de compromettre les 

intérêts des créanciers.  

 

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