INTRODUCTION
.
La
relation entres la banque et ses clients est contractuelle par excellence, de
l’ouverture d’un compte jusqu’ a sa clôture, une multitude de contrats dits de
-contrats bancaires régit par le code de commerce- sont conclus entre
les deux parties. Parmi eux, le contrat de dépôt.
Selon
l’article509 code de commerce, le dépôt de fonds est le contrat par
lequel une personne dépose des fonds auprès d'un établissement bancaire quel
que soit le procédé de dépôt et lui confère le droit d'en disposer pour son
propre compte à charge de les restituer dans les conditions prévues au
contrat. Ce contrat est généralement assorti d’un contrat de compte
bancaire dont il se distingue et dans lequel les fonds reçus seront inscrits au
crédit au client.
Le
dépôt est une opération très ancienne qui était pratiquée par les Romains et
les Grecs, la possibilité de faire usage des sommes déposées n’était à l’époque
qu’une faculté qui lui était accordé en vertu d’une licentia utendi[1],
les jurisconsultes romains avaient déjà soulevé la problématique de la nature
juridique de ce contrat. Dans ce sens, les fonds ainsi déposés étaient quelque
fois enfermés dans des sacs et remis à la banque qui ne pouvait en faire usage,
mais l’apparition de la monnaie et des grandes banques qui offraient plus de
sécurité a largement contribué au développement de la notion de dépôt tel que
perçue aujourd’hui. Ainsi la banque d’Angleterre fut l’une des plus grandes
banques dépositaires et la genèse du dépôt a été observé à la seconde moitié du
19ème siècle ou les banques ont attiré les déposants par le biais de
petits intérêts et même les grandes
entreprises ont commencé à confier leurs fonds aux banques.
Si l’ancien adage dit que « les
dépôts font les crédits », ce
n’est pas forcement vrai, dans la mesure où ce sont les personnes qui
contractent des crédits qui les redéposent à la banque. Il est possible que cet
adage se soit inspiré de la révolution industrielle européenne, au cours de
laquelle l’industrialisation a été favorisée en partie grâce aux comptes
d’épargne, mais aujourd’hui, il n’est plus valable.
Le
secteur bancaire joue un rôle très important dans le processus économique,
raison pour la quelle tous les aspects qui y touchent sont minutieusement
encadrée par le législateur. Au nom de l'intérêt de l'économie et de son
intérêt propre, l'Etat a complètement organisé l’opération de dépôt.
D’ailleurs la réception des fonds du public est
une activité qualificative de la banque[2] et
que seuls les établissements agrées à cet effet peuvent recevoir ces fonds sous
peine de sanctions pénales.
Le
contrat de dépôt est régi par la loi bancaire 34-03 et par le code de commerce
dans ses articles 509/510 ainsi que par certaines dispositions du DOC
lorsqu’elles ne dérogent pas au droit spécial.
L’intérêt
du sujet réside dans la nature hybride et originale du contrat de dépôt qui a
suscité une curiosité juridique et économique depuis bien longtemps. De la a se
poser la question suivante :
Quelle est la spécificité juridique du contrat de dépôt ? Et
quelles sont les obligations qui incombent au banquier dans le cadre d’un
contrat de dépôt ?
Pour
répondre à cette question, il serait utile d’étudier son régime juridique (I)
à savoir, la controverse doctrinale (A), ses spécificités (B)
ainsi que les mécanismes mis en place pour la protection des déposants (C).
Pour traiter de la responsabilité du banquier dépositaire (II) et les
plus importantes des obligations qui lui incombent.
PLAN:
I- le régime juridique du contrat de dépôt de fonds
A. Controverse doctrinale
B. Spécificité du contrat de dépôt
C. la protection des déposants
II-la responsabilité du banquier dépositaire
A. L’obligation de restitution incombant au banquier
B. Le défaut du respect de l’obligation de restitution
I- LE REGIME JURIDIQUE DU CONTRAT DE DEPOT
La nature juridique du
contrat de dépôt de fonds en banque a longtemps fait l’objet de controverse
doctrinale. Ce débat a évolué et on tend actuellement vers une reconnaissance
de la nature «sui generis» de ce contrat. Dérogeant ainsi aux règles du droit
commun de dépôt, une protection supplémentaire des déposants était nécessaire.
A. La controverse doctrinale
Que ce soit
entre économistes ou juristes, la notion de contrat de dépôt a fait objet de
plusieurs controverses doctrinales :
D’abord, pour les
économistes les fonds déposés se confondent avec le solde créditeur des comptes
en banque, peu importe l’opération qui a donné naissance à cette créance. Il
s’agit des sommes dont le banquier est redevable. Le législateur marocain tient
compte de cette conception en assimilant aux fonds reçus du public divers fonds
notamment ceux déposés dans un compte à vue, les dépôts affectés[3]...
Pour
les juristes les avis sont nombreux. Certains
considèrent le contrat de dépôt de fonds comme un dépôt irrégulier par
opposition au dépôt régulier en droit commun. Le déposant conserve, selon ces juristes, la
propriété de ses fonds qui ne seraient que des « actifs ». Toutefois, cette qualification s’est avérée
insuffisante car dénuée de conséquences juridiques[4].
D’autres,
par contre traitent cette opération d’un contrat de prêt
à consommation ; cela en se basant sur l’article 782 du D.O.C qui dit
que : « Lorsqu'on remet à quelqu'un des choses fongibles, des titres
au porteur ou des actions industrielles à titre de dépôt, mais en autorisant le
dépositaire à en faire usage, à charge de restituer une quantité égale de
choses de mêmes espèce et qualité, le contrat qui se forme est régi par les
règles relatives au prêt de consommation ». Cette dernière tentative d’arranger
le dépôt de fonds en banque avec une catégorie de contrat déjà existante a
aussi échoué. Actuellement, on accorde à qualifier cette opération bancaire de
contrat innommé ou sui generis, à cause de ses spécificités qui empêchent
de le classer dans une catégorie existante des contrats.
B. Les spécificités du contrat de dépôt
L’originalité
du contrat bancaire de dépôt de fonds s’explique par le fait que le banquier
dépositaire peut librement disposer des reçus de ses clients, il est seulement tenu
de restituer son équivalent. Autrement dit, il devient propriétaire des fonds
déposés. Les déposants n’ont qu’un droit de créance conte lui. Il s’agit là
d’une exception importante aux règles du droit commun du contrat de dépôt
telles que prévues par les articles 781 à 817 du D.O.C. qui interdisent au
dépositaire de disposer de la chose déposée sauf stipulation
contraire prévue dans la convention. Autres spécificités non moins
négligeables du contrat de dépôt de fonds consiste en ce qu’il est rémunéré,
généralement au profit du déposant. C’est aussi un contrat qui nécessite un
écrit pour sa preuve, contrairement au dépôt régulier où cette formalité n’est
obligatoire que si la somme déposé atteint 20000 DH (Art.789 DOC).
Cependant, les déposants bénéficient d’autres garanties de leurs
dépôts.
La protection des déposants :
Le
dépôt de fonds en banque revêt beaucoup d’avantages pour les
déposants qui auront leur dépôt en lieu sûr tout en ayant un accès
facile à celui en cas de besoin. Compte tenu de ces avantages, la
nouvelle loi bancaire de 2006 a consacré le droit au compte à tout citoyen
(Art. 112). En vertu de ce droit toute personne ne disposant pas de compte, et
qui s’est vu refuser par une ou plusieurs banques, l’ouverture d’un compte après
l’avoir demandé par lettre recommandée avec accusé de réception, peut saisir
Bank Al-Maghreb qui désignera un établissement auprès duquel le compte sera
ouvert. Toutefois, le refus doit ne pas avoir été justifié pour que la requête
puisse être recevable.
L’opération
de dépôt de fonds en banque n’est sans risque. La banque pouvant librement
disposer des fonds reçus, celle-ci peut bien les perdre. C’est pourquoi, le
législateur a jugé indispensable d’organiser une protection particulière des
déposants. Cette protection consiste dans la mise en place d’un fonds collectif
de garantie des dépôts financé par les établissements de crédit recevant du
fonds du public en hauteur de 0,25% des dépôts et autres fonds remboursables
reçus par eux. Ce fonds vise justement à indemniser les déposants en cas
d’indisponibilité de leurs dépôts ou tous autres fonds remboursables. Cependant
l’indemnisation que les déposants ont droit n’est pas intégrale, elle est
limitée à un certain montant qui était fixé à 80000 DH en 2007[2].
Cette limitation du montant des indemnisations ne manquera pas de soulever des
réticences de certains clients à placer leur confiance aux banques en leur
confiant la garde de leur argent, du moins jusqu’à un certain montant. En plus
de cette garantie pécuniaire, les déposants sont protégés à travers les règles
prudentielles, surtout par le contrôle que les autorités publiques exercent sur
l’activité bancaire qui constitue un service d’intérêt général.
II- LA RESPONSABILITE DU BANQUIER DEPOSITAIRE
La
relation contractuelle qui unit client et banquier met à la charge de ce
dernier un certain nombre d’obligations, dans le cadre du contrat de dépôt,
l’obligation la plus importante est celle de la restitution. Le manquement à
cette obligation est susceptible d’engager la responsabilité du banquier.
A. L’obligation de restitution incombant au
banquier
Dés
lors que les fonds sont déposés, le banquier est tenu de les garder, bien qu’il
ait droit d’en faire usage, bien entendu dans le cadre de ses fonctions, il ne
doit en aucun cas détourner leur usage, a défaut, il risque d’engager sa
responsabilité pénale pour l’infraction d’abus
de confiance.
L’obligation
de restitution est une obligation de résultat, hormis le fait que
le banquier peut disposer des fonds déposés, il est tenu de les restituer dés
que le client se manifeste. Il s’agit en effet d’en restituer l’équivalent de
par la nature fongible de la monnaie. Il est à signaler qu’il est tout a fait possible
qu’un préavis soit opposable aux déposants pour demander la restitution de
leurs fonds ce qui ne vise qu’a faciliter la gestion des caisses de la banque.
L’obligation
de restitution différent selon les conditions de dépôt, ainsi dans le cas d’un
dépôt à terme, le banquier est tenu de restituer les fonds à la date prévue
majorés d’éventuels intérêts tels que prévue dans le contrat, cela dit même en
cas de ce type de dépôt, le banquier est tenu de les restituer en appliquant
certaines pénalités qui sont prévues si
le client se manifeste avant la date convenue. Ceci trouve sa source dans
l’article 794 du DOC, selon lequel, même lorsque le contrat fixe une date
déterminée pour la restitution, le dépositaire doit restituer le dépôt dés que
le déposant le réclame.
La
forme de la restitution importe peu même
aux yeux du législateur, quelle soit directement,
par voie de retrait, ou indirectement en moyen de chèque ou virement, le
banquier réalise l’exécution de l’obligation de restitution et se libère ainsi
de la responsabilité des fonds. L’article 509 du C.C ajoute que la
restitution doit se faire dans les conditions prévues par le contrat.
B. Le défaut du respect de l’obligation de
restitution
Le
banquier dépositaire, en vertu du contrat de dépôt est tenu d’une obligation de
restitution, en cas de défaut de respect d’une telle obligation, il risque
d’engager sa responsabilité civile contractuelle, et puisque l’obligation est
de résultat, la victime d'un préjudice n’est tenue de prouver que le seul fait
que le résultat n’est pas atteint. Il s'engage ainsi à garder et conserver les
fonds et valeurs qui lui ont été confiés et à la restituer, à première demande,
qu'à celui qui lui les a confiés.
L’article
510 dans son alinéa 1er du
CC :
« Le dépositaire n’est pas libéré de son obligation de
restitution si, hors le cas de saisie, il paye
sur un ordre non signé par le déposant ou son mandataire »
En
d’autres termes, si le banquier restitue la chose à une personne que le
déposant n’a pas désignée pour la recevoir, il n’est pas libéré de son
obligation, D’ailleurs cette responsabilité est engagée même lorsque la
signature a été contrefaite en dehors de toute faute du banquier. On peut y
ajouter que même lorsque la banque a perdu les fonds déposés suite a un
événement de force majeure, elle n’est pas plus libérée de son obligation[5].
Il en ressort aussi de l’article, que la banque peut refuser de restituer les
fonds en cas de saisie revendication par un tiers avec la condition d’en
informer le client et bien entendu, la régularité d’une telle action.
Enfin
en matière de preuve, Théoriquement,
et étant donné que le contrat de dépôt est commercial pour le banquier[6],
le déposant dispose d’une liberté de preuve
a son encontre puisqu’il peut engager sa responsabilité par tous les
moyens mais en pratique, le client ne peut le faire que par la
production des reçus délivrés par la banque ou par les inscriptions au solde
créditeur de son compte.
Références bibliographiques
Ouvrages
v D.R.Martin, « Droit commercial et droit
bancaire marocain »C.C.J, 4ème édition, Almadariss, 2010.
v D.R.Martin, « De l’idée de compte »,
mélanges A.E.D.B.F.-France, tome. II, Banque Editeur, 1999.
v T .BONNEAU, droit bancaire, Précis Domat, LGDJ,
10e édition
v RIPERT (G.) et
ROBLOT (R.),Traité
de droit commercial, Tome 2, 17e édition, L.G.D.J, 2004.
Textes et Lois :
v La loi
bancaire : Loi
n° 34-03 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés.
v Le code de
commerce : Loi
n° 15-95
v Statut de
Bank Al-Maghrib : Dahir n°1-05-38 du 20 chaoual 1426 (23 novembre 2005) portant
promulgation de la loi n° 76-03 portant statut de Bank Al-Maghrib.
[1] Ripert
(G), Roblot (R), Delebecque (P), Germain (M),
Traité de droit commercial TOME 2, 17ème édition, L.G.D.J, 2004 Page 788.
[2] Article premier de la loi n° 34-03 relative aux établissements de crédit et organismes
assimilés
[3] (Art.2 al.2 loi
n° 34-03).
[4] RIPERT (G.)/ ROBLOT
(R.), Traité de droit commercial, Tome 2, 16e édition, L.G.D.J, p.389.
[5] Alinéa 2ème
de l’article 510 du C.C
[6] Article 3 du statut de la BAM « La Banque est réputée commerçante dans ses relations
avec les tiers. »