INTRODUCTION :
La responsabilité civile du banquier
peut découler de la loi ou du contrat : lorsque le banquier ne satisfait
pas à ses obligations au regard de la loi ou du contrat qu’il peut avoir signé
et qu’il en résulte un préjudice pour son client voire même pour des tiers, sa
responsabilité peut être engagée. L’engagement de la responsabilité du banquier
peut donner lieu à réparation du préjudice causé comme il peut donner lieu à
des sanctions d’ordre disciplinaire voire même pénale dans certains cas bien déterminés.
Cependant, la question qui se pose
est de savoir sur quelles bases la responsabilité civile du banquier peut être
engagée ?
Pour répondre à cette question, nous
proposons de traiter ce sujet dont les intérêts sont indéniables à travers deux
parties essentielles : Tout d’abord, nous allons étudier la responsabilité
contractuelle du banquier ensuite nous aborderons les cas où la responsabilité
délictuelle du banquier peut être engagée.
Partie 1 : La responsabilité délictuelle du
banquier :
Tel qu’il a été aménagé par les
rédacteurs du Dahir des Obligations et Contrats , le régime de la
responsabilité délictuelle, c'est-à-dire celle
qu’une personne engage en causant un dommage à une autre, à laquelle ne la lie
aucun rapport d’obligation, repose sur trois différentes sortes de faits
générateurs à savoir : le fait personnel, le fait d’autrui et le fait des
choses.
Dans le cadre de la responsabilité
délictuelle du banquier, nous n’allons retenir comme générateur de cette même
responsabilité que le fait personnel et le fait d’autrui.
Chapitre 1 : La responsabilité délictuelle du fait
personnel :
La responsabilité délictuelle du
banquier peut être mise en jeu par des tiers victimes des crédits imprudemment
accordés et abusivement soutenus sur la base des articles 77 [1]et 78 [2]du
Dahir des Obligations et Contrats. Les crédits bancaires peuvent compromettre
la sécurité des relations commerciales : un crédit octroyé à une
entreprise dont la situation est compromise aura souvent pour effet d’alourdir
le passif de l’entreprise et d’augmenter le nombre des créanciers dupés,
aveuglés et trompés par une certaine apparence de solvabilité.
Pour que sa responsabilité soit mise en
jeu il n’est pas nécessaire que la banque se soit rendue coupable d’une
« collusion frauduleuse » [3]; il
suffit qu’elle ait commis une faute au sens des articles 77 et 78 du DOC.
Après de
nombreuses tentatives-vaines- ayant pour objet de dresser un catalogue des
différentes fautes que peut commettre un banquier, il s’est avéré qu’il serait
plus juridique de définir les devoirs qui incombent au banquier dans
distribution des crédits : la faut, comme le dit si bien le professeur et
avocat J-L Rives-Lange, n’est que le manquement à un devoir préexistent.
Ainsi, trois
devoirs pèsent sur le banquier : un devoir de discernement, un devoir de
s’informer et le devoir de surveillance de l’emploi des fonds prêtés.
§1- Le devoir de
discernement :
La
doctrine et la jurisprudence françaises permettent de dégager certains
préceptes de bonne conduite du banquier concernant chacun des éléments pris en
considération dans une opération de crédit.
A-La situation financière du
crédité : Deux situations sont à distinguer :
- Lorsque
l’entreprise est dans une situation irrémédiablement compromise, il y a faute
pour le banquier à faire crédit à une telle entreprise. Cette affirmation doit
être nuancée sinon elle interdirait toute tentative de sauvetage des entreprises
en difficulté : D’un côté, il n’y a faute que dans la mesure où le crédit
octroyé ne pouvait permettre le sauvetage de l’entreprise n’entrainant qu’un
prolongement maladif de son agonie, d’un autre côté, on ne peut reprocher à un
banquier de ne pas avoir révoqué l’ouverture de crédit précédemment accordée.
-Lorsque
l’entreprise, sans être dans une situation irrémédiablement compromise, est
dans une situation financière dégradée, il y a faute du banquier qui poursuit
son soutien financier en l’absence de tout espoir d’un retour à une situation
normale.
B-Le montant du crédit : L’importance
du crédit doit être proportionnelle à l’importance de l’entreprise et à ses
perspectives d’avenir, sinon le crédit ne sera qu’un moyen ruineux de retarder
la constatation de l’état de cessation des paiements.
C-La dignité du crédit et la licéité de
son activité : le fait d’octroyer des crédits selon des procédés
illicites tel que l’escompte d’effets de complaisance constitue une faute.
§2-Le devoir de s’informer :
Le banquier soutient pour sa défense qu’il ne connaissait pas la
situation réelle ou encore qu’il a été trompé par le crédité. Le demandeur doit
prouver que le banquier avait connaissance de la situation financière
compromise du débiteur, mais cette preuve doit être appréciée en fonction du
devoir de s’informer qui pèse sur le banquier, étant le corollaire du devoir de
prudence et de diligence qui incombe à ce dernier.
Dans ce cadre, la faute est tributaire non seulement du degré de diligence
que doit déployer le banquier pour parvenir à une information exacte mais
également des moyens d’information dont il dispose et des circonstances de l’espèce.
Ainsi, le banquier a l’obligation de s’assurer de la régularité et de la
sincérité des documents comptables qui lui sont présentés tout en prenant en
considération certains facteurs déterminants tels que le degré de notoriété de
l’entreprise, l’objet et l’importance du concours demandé, les éventuelles
anomalies que recèle la situation de l’entreprise,…
§3-Le devoir de surveiller l’emploi
des fonds prêtés :
Tout
banquier attache la plus grande importance à ce que les fonds prêtés reçoivent
la destination annoncée par l’emprunteur. Le banquier a certainement le droit
de contrôler le respect de cette affectation ; en a-t-il
l’obligation ? Autrement dit, les tiers peuvent-ils lui reprocher de ne
pas avoir veillé à ce que les fonds prêtés reçoivent l’affectation annoncée ?
Pendant longtemps a triomphé le principe de la libre utilisation par
l’emprunteur des fonds prêtés ; il n’en allait autrement que dans la
mesure où la banque s’était engagée par une stipulation pour autrui à
surveiller l’emploi des fonds. Désormais, il faudrait admettre que le banquier
doit veiller au respect de l’affectation indiquée dans le contrat de prêt, sous
peine d’engager sa responsabilité envers les tiers même s’il ne s’est pas
engagé expressément envers eux.
Il n’empêche qu’il existe certains crédits qui peuvent échapper par leur
nature au contrôle du banquier ; celui-ci est alors déchargé du devoir
qu’il ne pourrait au demeurant assumer.
Chapitre 2 : La responsabilité délictuelle du fait
d’autrui :
Il arrive que, un fait illicite ayant
été, dans certaines conditions, commis par une personne, normalement exposée en
conséquence à une action de la victime, celle-ci puisse en outre s’en prendre à
une autre personne, responsable du fait d’autrui, mais sans pouvoir, à l’égard
de la victime, invoquer quelque cause d’exonération. Elle garantit alors à la
victime la réparation de son préjudice, quitte à se retourner ensuite contre
l’auteur du fait illicite. [4] Ainsi
en est-il de la responsabilité des commettants du fait des préposés.
Dans ce sens, l’article 85 du Dahir des
obligations et contrats dispose : « On est responsable non seulement
du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est
causé par le fait des personnes dont on doit répondre.
Les
commettants du dommage causé par les préposés dans les fonctions auxquelles ils
les ont employés. »
Section 1 : Conditions de la responsabilité des
commettants :
Pour que la responsabilité des
commettants soit engagée, il faut, d’une part, un lien de subordination
unissant le commettant et le préposé ; d’autre part, que le fait
dommageable imputable à ce dernier soit illicite. [5]
§1- Le lien de commettant à préposé : Préposition et
subordination :
Le rapport d’autorité ou de
subordination constitue l’élément essentiel, voire unique, le noyau du lien de
préposition : quand on commande, on
est responsable.
En se mettant à la place de celui qui
commande, deux perspectives imposent des précisions complémentaires.
En premier lieu,
il se peut que celui qui commande ne soit pas son propre maître, qu’il soit,
dans son activité, le subordonné d’un autre. Même s’il dispose d’une marge de
liberté non négligeable, il n’est pas commettant.
En second lieu,
même en l’absence d’une hiérarchie à plus d’un degré dans le commandement, les
sources du lien de préposition peuvent être assez diverses.
A ce niveau, nous pourrons dire que
souvent le lien de préposition résulte d’un contrat. Mais, ce n’est pas
nécessaire.
-Lorsque son
origine est contractuelle, c’est la plupart du temps d’un contrat de travail
que résulte le lien de préposition.
A l’inverse,
nombre de contrats, dont l’objet répond plus ou moins à l’idée d’un travail en
commun, mais sans rapport de subordination, ne donnent pas, en principe,
naissance à un lien de préposition. Autrement dit, la notion de dépendance juridique prévaut nettement sur celle de
dépendance économique.
-Le lien de
préposition n’a pas nécessairement une source contractuelle. Dans ce cas, le
lien d’autorité ne doit nullement être le seul effet de l’apparence.
Il
est également à noter qu’il n’est pas exclu qu’un préposé puisse servir
plusieurs commettants, responsables alors en cette qualité. Mais, dès que,
pendant une période donnée, seule une personne peut commander, il arrive que
l’on puisse hésiter entre deux commettants possibles, le commettant primitif et
un tiers à qui il semble avoir transféré ses pouvoirs.
Servant à
qualifier la notion de commettant, l’idée d’autorité permet aussi de trancher
le problème que pose le cas de la personne, placée ordinairement sous les
ordres d’un patron et momentanément mise à la disposition d’une autre
personne : il faut rechercher lequel des deux avait, au moment de
l’accident, l’autorité effective, le droit de donner des instructions.
Le principe est
certain, mais il donne lieu à de nombreuses difficultés pratiques
d’application : à défaut d’une clause explicite dans la convention
intervenue entre les deux commettants, il y a lieu de tenir compte de toutes
les circonstances de la cause.
§2- Le fait du préposé :
Deux conditions sont nécessaires pour
que le fait dommageable du préposé entraîne la responsabilité du
commettant :
-Il doit s’agir d’un fait illicite ;
-Ce fait doit avoir été causé dans l’exercice
des fonctions, voir à l’occasion de ces fonctions.
A- Le fait illicite :
Envisagé en lui-même, comme mécanisme de
déclenchement de la responsabilité des commettants, le fait illicite doit
présenter, en la personne du préposé, les caractères du fait générateur de
responsabilité, voire d’un fait générateur d’obligation à réparation.
On est aussi porté à estimer que, dans
les cas exceptionnels où le préposé, tout en étant dans l’exercice de ses
fonctions, pourrait être gardien
d’une chose et engager sa responsabilité à ce titre, il y aurait fait illicite
de nature à entrainer la responsabilité du commettant, sans qu’il soit besoin
de rapporter la preuve positive d’un faute du préposé.
B- Le dommage doit être causé dans
l’exercice des fonctions :
Il faut que le préposé ait causé le
dommage dans l’exercice des fonctions auxquelles il est employé. A l’inverse,
le commettant n’est pas responsable des actes délictueux commis par son préposé
en dehors de ses fonctions, n’ayant aucun rapport avec elles.
Il est plus délicat de se prononcer
lorsque l’acte constitue seulement un abus
de fonction, c'est-à-dire lorsque, bien que ne rentrant pas dans les
attributions confiées par le commettant à son préposé, il s’y rattache par un
élément ou une circonstance qui empêche un tiers de l’en distinguer à première vue
avec certitude. Tel est l’exemple d’un
employé de banque, attaché au service des titres qui spécule avec les titres
des clients de la banque.
Les tribunaux n’ont pas permis au
commettant de s’exonérer en prouvant que le préposé avait dépassé ou détourné
ses fonctions, ou même qu’il lui avait formellement interdit d’accomplir l’acte
litigieux ; ils ont invoqué l’ignorance
dans laquelle étaient les victimes que le préposé avait agi en dehors de
ses fonctions et, par conséquent, sous sa seule responsabilité, et leur bonne foi en raison de l’apparence trompeuse de l’acte.
Jurisprudence [6]: A
cet effet, le tribunal de commerce de Casablanca a affirmé que l’application de
la responsabilité délictuelle de la banque ayant pour fondement l’article 85 du
Dahir des Obligations et Contrats concernant la responsabilité des commettants
du fait des préposés s’explique par le fait que la banque est une personne
morale exerçant ses activités par le biais de personnes physiques sous sa
subordination.
Dans
cette affaire, la responsabilité de la banque populaire est engagée en raison
des fais illicites commis par les deux préposés portant préjudice au demandeur
tant que le dommage est causé dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions et
tant qu’ils ont l’aptitude de représenter ladite banque.
Section 2 : Effets de la responsabilité des
commettants :
§1- Dualités des responsabilités :
C’est la victime qui dispose de deux
actions, l’une contre le préposé,
l’autre contre le commettant. En
effet, le commettant peut être poursuivi sans que le préposé soit mis en cause
et que, le commettant n’étant pas tenu en tant que garant, le préposé, dont le
fait entraîne la responsabilité du commettant, ne saurait appeler ce dernier en
garantie, car s’il y a, en matière une garantie, c’est à l’intention de la
victime.
-En tant qu’elle
agit contre le préposé, envisagé à titre personnel, la victime est tenue
d’établir que le dommage est dû au fait personnel de celui-ci ou, semble-t-il,
dans la mesure où il peut être gardien d’une chose, au fait de la chose dont il
est gardien. En pratique, la victime préfère généralement s’adresser au
commettant, plus solvable par hypothèse. [7]
-En tant
qu’elle agit contre le commettant, la victime se trouve dans une position
plus favorable, non seulement compte tenu d’une solvabilité probablement
meilleure du commettant, mais aussi parce que la responsabilité du commettant
est automatiquement engagée lorsque le fait illicite du préposé est établi. De
sa responsabilité en quelque sorte accessoire, le commettant ne peut, à l’égard
de la victime, se dégager en prouvant qu’il n’a pas commis de faute, qu’il n’a
pu empêcher le dommage ou même qu’une cause étrangère est à l’origine du
dommage. Il n’a, pour se dégager, que les moyens dont dispose ou disposerait le
préposé lui-même : prouver que le dommage n’est pas dû, en réalité, à un fait illicite du préposé
et, mieux encore, qu’il est dû à une cause étrangère à l’égard du préposé.
§2-Cumul des responsabilités :
Il n’est pas exclu que la victime du
dommage en réclame réparation à la fois au commettant et au préposé.
Si ce cumul est
la conséquence de fautes commises tant par le commettant que par le préposé, il
y a lieu de s’en tenir aux règles ordinairement applicables en cas de pluralité
de fautes, l’un et l’autre étant, à l’égard de la victime, tenus in solidum, le tribunal répartissant le
poids final de la répartition d’après les gravités respectives des fautes.
Ainsi en est-il lorsque le commettant a donné à son préposé un ordre imprudent.
Si la victime
réclame à la fois réparation au préposé et au commettant, en tant que tel, l’un
et l’autre sont aussi tenus d’une obligation in solidum.
§3- Recours du commettant :
Si la victime s’en prend au seul
commettant, celui-ci peut appeler le préposé en garantie. Sinon, après avoir
été condamné et avoir réparé, il est subrogé dans les droits de la victime et
peut donc exercer un recours contre le préposé, non seulement en cas de faute
intentionnelle ou lourde mais aussi en cas de faute légère, voire très légère
de celui-ci. Ce recours est d’autant moins fréquemment exercé que les
commettants sont très souvent assurés et que l’assureur n’a aucun recours
contre les préposés, sauf malveillance de leur part.
Partie 2 : La responsabilité contractuelle du
banquier :
Chapitre 1 : La responsabilité du banquier dépositaire,
mandataire et prêteur :
Dans ses relations avec ses clients, le
banquier agit selon différentes qualités. Alors qu’il agit comme dépositaire ou
créancier dans certaines opérations, il n’est que mandataire dans d’autres. En
fonction de la qualité selon laquelle il agit, le banquier est tenu par
diverses obligations. L’ignorance de ces obligations peut engager sa
responsabilité.
Section 1 : Les obligations du banquier dépositaire :
Sur le banquier pèse une obligation de
garde : il est tenu de veiller à la garde du dépôt qui lui est confié et
partant est responsable de sa perte éventuelle.
Dans ce sens,
l’article 807 du Dahir des obligations et contrats dispose : « Le
dépositaire répond même de toute cause de perte ou de dommage contre laquelle
il était possible de se prémunir :
-Quand il reçoit
un salaire pour la garde du dépôt ;
-Quand il reçoit
des dépôts par état ou en vertu de ses fonctions. »
En outre, le banquier a une obligation
de restitution : c’est est la principale caractéristique du contrat de
dépôt. Le banquier est, donc, tenu de restituer aux déposants les fonds, titres
ou valeurs qu’ils lui ont été confiés et dont il a la garde. [8]
-Dans le cadre
du dépôt de fonds, le devoir de
restitution du banquier consiste à rembourser au déposant une somme équivalente
au solde créditeur du compte après déduction des frais de tenue de compte s’il
y a lieu. Alors que pour les dépôts à vue le banquier doit mettre à la
disposition de ses clients les sommes reçues à tout moment, pour ce qui
concerne les dépôts à terme, l’obligation de restitution n’intervient qu’à
l’échéance fixée. A l’expiration de cette échéance, le banquier doit mettre à
la disposition de son client le capital déposé ainsi que les intérêts dus.
En outre, le
dépositaire n’est pas libéré de son obligation de restitution si, hors le cas
de saisie, il paie sur un ordre non signé par le déposant ou son mandataire. [9]Il
n’est pas libéré de son obligation de restitution dans le cas où il viendrait à
perdre les fonds déposés par suite d’un événement de force majeure.[10]
-Dans le cadre
du dépôt de titres et valeurs, le
contrat de dépôt de titres et valeurs met à la charge du banquier une obligation
de garde et de restitution. Le banquier doit apporter à la garde de ces titres
et valeurs le plus grand soin et les restituer à la demande de son client.[11]
Jurisprudence :
La cour d’appel de Casablanca a jugé que la responsabilité contractuelle de la
banque demeure engagée parce que, premièrement, elle n’a pas pu prouver le
retour du chèque au demandeur abstraction faite de l’existence de la provision,
et deuxièmement, elle a violé les dispositions de l’article 513 du Code de
commerce [12]
Section 2 : Les obligations du banquier mandataire :
Le banquier se doit d’agir en bon père
de famille. Dans les opérations résultant d’un mandat, le banquier doit faire
preuve de diligence. Dans le cadre du mandat dont il a la charge du service
rendu, le banquier assure diverse tâches pour lesquelles il doit agir avec
diligence, prudence et soin : la présentation des valeurs à l’encaissement
dans les délais normaux, la comptabilisation, la garde,… Toute défaillance de
la part du banquier mandataire peut être sanctionnée.
Agissant
en qualité de mandataire, le banquier doit suivre les instructions de son
client. A titre d’exemple, il ne doit transférer que le montant désigné par son
client, donneur d’ordre, en matière de virement. Il est également tenu de
préserver les valeurs ou titres qui lui sont confiés en vue de leur
encaissement ou garde de toute détérioration ou perte.
Section 3 : Les obligations du banquier prêteur :
§1-La responsabilité suite à la promesse de crédit :
Lorsque le banquier ne satisfait pas à sa
promesse de crédit, sa responsabilité peut être engagée. Il en est ainsi, par
exemple, dans les contrats d’épargne logement prévoyant la promesse de crédit.
§2-Le respect des règles relatives aux intérêts :
A- Le calcul des intérêts :
Le calcul des intérêts laisse apparaître
des usages qui ne s’accordent pas toujours avec ce que la loi prévoit en
matière de capitalisation. En effet, l’article 876 du Dahir des obligations et
contrats dispose que la capitalisation des intérêts ne doit s’opérer qu’à la
fin de chaque semestre. Or, dans la pratique, les banques ont souvent
capitalisé leurs intérêts tous les trimestres. Cet usage est tout à fait
conforme aux dispositions de l’article 497 Du Code de commerce. Par ailleurs,
les intérêts débiteurs s’ajoutent au capital et forment la base du nouveau
solde du compte débiteur. Ainsi, la passation des intérêts en compte entraîne
leur capitalisation. [13]
B-Conséquences du changement des taux
d’intérêts sur les contrats de crédit en cours :
L’application du principe de la non
rétroactivité des lois et règlements fait que lorsque le Ministère des finances
décide par arrêté le changement des taux d’intérêts, les crédits en cours ne
doivent pas en principe supporter les nouveaux taux d’intérêts. Notons que si le
problème ne se pose pas pour les crédits remboursables à échéances fixes, il en
est différemment pour les facilités de caisse et les découverts. En effet, il
arrive que le banquier leur applique les nouveaux taux d’intérêts dès leur
entrée en vigueur. Or, cette pratique ne s’accorde pas avec les dispositions de
l’article 230 du Dahir des Obligations et Contrats. [14]
C- Le respect des règles relatives à la
durée du crédit :
La survenance de certains événements tel
le redressement judiciaire, le décès, l’incapacité, sont de nature à ébranler
la confiance du banquier et le pousser à mettre fin à ses concours financiers
avant l’échéance fixée au contrat. A cet effet, le banquier prévoit généralement
dans le contrat des clauses l’autorisant à s’abstenir d’accorder son concours
dans de telles circonstances.
En outre, dans
le cas des entreprises en redressement judiciaire, en dépit des difficultés de
l’entreprise la solution envisagée par l’administrateur chargé du redressement
judiciaire peut retenir la continuité des crédits. Le pouvoir de la banque de
mettre fin aux crédits accordés à son client peut être remis en cause et les
dispositions contractuelles levées.
Chapitre 2 : L’obligation de prudence :
Section 1 : Le devoir de vérification :
§1- L’obligation de vérification des documents :
Le banquier doit vérifier tous les
ordres écrits qui peuvent émaner de ses clients tels que les ordres de
virement, procurations, oppositions,… Il lui faut s’assurer que les ordres
qu’il reçoit sont bien signés par le client. A titre d’exemple, dans le cadre
du crédit documentaire, le banquier doit confronter les documents envoyés par
l’exportateur avec les ordres reçus du client. Si à cet égard, il ne doit
vérifier que la régularité des documents, il lui faut être plus vigilant
lorsqu’il s’agit de vérifier l’authenticité des titres de paiement ; les
libellés de ces titres doivent être examinés avec soin. C’est ainsi qu’il doit
s’assurer de la conformité entre les sommes portées en lettres avec celles qui y
figurent en chiffres, déceler tout grattage ou surcharge,… Si ces vérifications
préalables ne sont pas faites, le paiement du titre ne serait pas libératoire
et engagerait la responsabilité du banquier.
§2-L’obligation de contrôle de l’identité :
Le banquier est tenu de vérifier
l’identité et la capacité des personnes désignées par ses clients pour
effectuer certaines opérations pour leur compte. [15]Ce
devoir de contrôle a lieu avant paiement. Toujours est-il que dans certains
cas, il n’est pas toujours aisé au banquier de s’assurer de la capacité de son
client : c’est le cas pour l’interdit légal, le prodigue, l’aliéné. Dès
lors, la responsabilité du banquier ne pourra être valablement soulevée et
retenue que s’il est prouvé que le banquier avait connaissance ou était censé
connaître l’incapacité de son client.
Section 2 : L’obligation de non paiement des titres
frappés d’opposition :
Il arrive que le banquier reçoive des
oppositions au paiement de chèques ; en tant que mandataire le banquier
est tenu de s’acquitter de l’ordre d’opposition qu’il reçoit aux risques et
périls de celui qui le fait. Seuls les tribunaux ont qualité pour se prononcer
sur la validité et partant le maintien ou la levée de l’opposition.
L’opposition aux ordres de virements ne
peut être retenue, par le banquier que lorsqu’elle s’effectue avant l’exécution
du virement et l’inscription des écritures. Le banquier qui exécuterait un
ordre de virement en ignorant l’opposition ultérieure que son client effectue
un paiement non libératoire qui peut lui être reproché et pour lequel sa
responsabilité pourra être engagée.
Dans ce sens, l’article 309
dispose : « Tout établissement
bancaire qui refuse le paiement d’un chèque tiré sur ses caisses est tenu de
délivrer au porteur ou à son mandataire un certificat de refus de paiement,
dont les indications sont fixés par Bank Al-Maghrib.
Tout établissement bancaire qui, ayant
provision et en l’absence de toute opposition, refuse de payer un chèque
régulièrement assigné sur ses caisses, est tenu responsable des dommages
résultant pour le tireur, tant de l’inexécution de son ordre que de l’atteinte
portée à son crédit. »
Jurisprudence [16]: Le
tribunal de commerce de Casablanca a jugé que la responsabilité de la banque
populaire de Casablanca est engagée pour refus de paiement d’un chèque tiré sur
ses caisses suite à son transfert à une autre agence de la même banque malgré
l’existence de la provision et en l’absence de toute opposition.
Section 3 : L’obligation de confidentialité et de
discrétion :
Le banquier est
tenu par une obligation de confidentialité ; à ce titre, il ne peut
communiquer aux tiers non autorisés les informations découlant de ses relations
professionnelles avec son client. [17]Toutefois,
le principe du secret professionnel ne joue pas vis-à-vis de l’Administration
fiscale, de Bank Al-Maghreb ou de la justice.
Chapitre 3 : Responsabilité pour inexécution ou
révocation injustifiée d’une ouverture de crédit :
L’article 525 du code de commerce
dispose : « L’ouverture de crédit est consentie pour une durée
limitée renouvelable ou non, ou illimitée. »
L’ouverture de
crédit à durée illimitée, expresse ou tacite, ne peut être résiliée ou réduite
que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai fixé lors de l’ouverture
de crédit, ce délai ne peut être inférieur à 60 jours.
L’ouverture de
crédit à durée limitée prend fin de plein droit au terme fixé sans que la
banque ait l’obligation d’en avertir le bénéficiaire.
Qu’elle soit à
durée limitée ou illimitée, l’établissement bancaire peut y mettre fin sans
délai en cas de cessation notoire de paiements du bénéficiaire ou de faute
lourde commise à l’égard dudit établissement ou dans l’utilisation du crédit.
En effet, le non
respect de ces dispositions par l’établissement bancaire peut engager sa
responsabilité pécuniaire.
CONCLUSION :
L’indétermination et l’imprévisibilité
propres à la vie des affaires doivent être intégrés dans la réflexion sur la
responsabilité de tout décideur économique. Les aléas sont par définition
toujours cachés et omniprésents.
Aujourd’hui,
nous n’avons plus peut de l’hypothèse indéterministe. Elle est la conséquence
naturelle de la théorie moderne de l’instabilité et du chaos. [18]
L’analyse des
indicateurs de difficultés, des comptes annuels mais aussi prévisionnels, ne
peuvent être que le reflet, qui se veut certes le plus fidèle possible, des
difficultés potentielles ou réelles, possibles ou probables, incertaines ou
quasi-certaines, d’une entreprise, qui est surtout « une force qui
va »avec des sursauts ou des pulsions imprévisibles.
Dans la vie des affaires, le banquier
est devenu un acteur incontournable mais en même temps un responsable ou un
coupable idéal.
Le banquier est
un décideur. Il a certes une information privilégiée par rapport aux autres
partenaires économiques. Elle n’en est pas moins imparfaite, quand l’entreprise
vit de grandes turbulences.
La mise en cause
de sa responsabilité civile- contractuelle et délictuelle- doit intégrer cette
problématique. La responsabilité du banquier ne saurait être appréciée à partir
d’impressions ou de supputations concrétisées par l’emploi de la formule,
combien inique mais redoutable, « il ne pouvait pas ne pas savoir »
[1] L’article 77 du DOC
dispose : « Tout fait quelconque de l’homme qui, sans l’autorité
de la loi, cause sciemment volontairement à autrui un dommage matériel ou
moral, oblige son auteur à réparer ledit dommage, lorsqu’il est établi que ce fait
en est la cause directe. »
[2] L’article 78 du
DOC : « Chacun est responsable du dommage moral ou matériel
qu’il a causé, non seulement par son fait, mais par sa faute, lorsqu’il est
établi que cette faute en est la cause directe. »
[3] RIVES-LANGES (JL),
CONTAMINE-RAYNAUD (M), Droit bancaire, 6ème édition, 1995, page 601
[4] ALEX (W), FRANCOIS (T), droit civil les obligations, Deuxième
édition Dalloz, 1975, page 711
[5] Jugement du tribunal de
commerce de Casa rendu le 03 Mai 2012 sous le numéro 03/5630
[6] Jugement du tribunal de
commerce de Casa rendu le 03 Mai 2012 sous le numéro 03/5630
[7]WEILL (A), TERRE (F), droit civil les obligations, Deuxième
édition Dalloz, 1975, page 720
[8] Arrêt de la Cour d’appel de Casablanca en
date du 18 Avril 2000 sous le numéro 2000/815
[9] Article 510 du Code de
Commerce
[10] Arrêt de la cour d’appel
de Casablanca en date du 13 Juin 2000 sous le numéro 08/99/2374
[11] Arrêt de la cour d’appel
de Casablanca en date du 19 Septembre 2000 sous le numéro de 1898/2000
[12] L’article 513 Du Code de
Commerce dispose : « L’établissement bancaire doit assurer la
garde des titres et y apporter les soins, qui de droit commun sont exigés du
dépositaire salarié.
Il ne peut s’en dessaisir que sur les instructions
écrites du déposant. »
[13] CHARQI (M), Droit
bancaire marocain, collection banque et entreprise, 2004, page 123
[14] L’article 230 du DOC
dispose : « Les obligations contractuelles valablement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que
de leur consentement mutuel ou dans les cas prévus par la loi. »
[15] Arrêt de la cour d’appel
de Casablanca en date du 16 Octobre 2000 sous le numéro 2000/2103
[16] Jugement du Tribunal de
Commerce de Casablanca rendu le 02 Juillet 2001 sous le numéro 7935/2002
[17] Jugement du Tribunal de
Commerce de Casablanca en date du 14 Juin 2000 sous le numéro 4907/2000
[18] BUTHURIEUX (A), Responsabilité du banquier, édition
Litec, 1999, page 165