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La lettre d’intention en Droit marocain

Introduction :

A mi-chemin des garanties à première demande et des engagements de caution, les lettres d’intention occupent une place originale dans le domaine des sûretés du crédit.
La lettre d'intention ou de confort est une pratique fréquente de la vie des affaires, notamment entre société mère et filiale, afin de faciliter l'octroi d'un concours bancaire ou la signature d'un contrat.
Cette garantie, qui se veut souple et informelle pour échapper aux rigidités du cautionnement, recouvre des réalités très différentes allant de la simple recommandation jusqu'à l'engagement de se substituer au débiteur en cas de défaillance de ce dernier.
Elle peut consister en une obligation de faire (ex. : garantir une trésorerie suffisante) ou de ne pas faire (i.e. : céder ou réduire sa participation, retirer son compte courant, contracter avec un tiers, etc.) et engage la responsabilité du garant si l'obligation n'est pas respectée
Utilisées dans le cadre de groupes de sociétés, tant dans les relations internationales que domestiques, les lettres d’intention, encore appelées lettres de confort ou lettres d’apaisement, ont une fonction sécuritaire distincte quant à leur mise en œuvre et à leur portée de celles d’un cautionnement, d’une garantie à première demande ou d’une simple lettre de présentation.

Issues de la pratique, et à la différence du cautionnement (les lettres d’intention ne sont connues du législateur qu’au travers du seul article 2322 du Code civil, créé par l’ordonnance du 23 mars 2006 réformant le droit des sûretés.
Elles se définissent comme « l’engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l’exécution de son obligation envers son créancier ».
Cette définition laisse au rédacteur de la lettre d’intention la plus grande liberté pour fixer la portée de son engagement et les limites de ses obligations.
Qu’elle est la nature juridique de la lettre d intention et pour répondre a cette question nous allons dans un premier temps définir cette notion et la comparer avec des notions voisines ?





Partie 1 Condition d’ émission de la lettre d’ intention

Chapitre 1 Lettre d’ intention et promesse de crédit [1]
Pour comprendre le débat qui se mène autour de la lettre de confort, il apparaît nécessaire  de  définir,  au préalable,  les  circonstances qui  lui  donnent  naissance.
Généralement, c'est à la phase de négociation d'un  crédit, matérialisée par une promesse de crédit, qu'une banque et une entreprise (la filiale d'un groupe) peuvent convenir de l'utilisation de la lettre de confort comme la forme ou l'une des formes de garantie du crédit à octroyer. La lettre de confort est entendue dans ce cas comme une condition de l'engagement de la banque.[2]
Section 1 Lettre de confort comme condition préalable à l'ouverture du crédit
La promesse de crédit se matérialise par un document par lequel une banque s'engage à accorder un prêt ou un crédit à un emprunteur quelconque. L'opportunité et la teneur de cette promesse dépendent du type de rapport qui existe entre la banque et son client. S'agissant de la filiale d'un groupe, si les relations d'affaires entre la banque et elle ne sont pas encore très développées, la promesse de crédit ne serait que préalable à un accord formel d'ouverture de crédit. Mais si la banque fait suffisamment confiance à la filiale, ou si l'opération pour laquelle le crédit est sollicité n'est que ponctuelle, la promesse de crédit pourrait comporter assez de détails qui rendraient inutile la conclusion subséquente d'un accord de crédit. Généralement, la promesse de crédit se borne à déterminer les conditions d'affaires entre les parties.
La promesse de crédit n'obéit à aucun formalisme rigoureux, Mais la banque n'a pas intérêt à faire une promesse hasardeuse ou à poser des actes qui entretiennent le doute sur sa véritable intention par exemple  : l'octroi  ou le renouvellement de facilités de caisse pendant un certain temps, ne fut-ce une simple tolérance de découvert, peut tout de même établir la volonté du banquier de consentir une véritable ouverture de crédit.  Pour éviter ces aléas juridiques,  la  banque émet généralement sa promesse sur  un formulaire-type.  Ce formulaire comporte, notamment, le montant du crédit, les conditions préalables à son ouverture effective, ses garanties, le taux d'intérêt, les termes de remboursement, etc.
 Section 2 La valeur juridique de la promesse de crédit [3]
·         L'hypothèse où la lettre de confort est effectivement souscrite
  Il peut arriver que la banque exige de la filiale la souscription d'une lettre de confort comme seule forme de garantie, mais tout en se réservant une liberté de refus. [4]Dans ce cas, la banque n'a aucune obligation d'accorder le crédit, même si la lettre de confort est effectivement


souscrite. Sa promesse d'ouvrir le crédit n'est pas une obligation de résultat;  la promesse de crédit n'est pas une créance de somme d'argent, mais une simple obligation de faire.  Ceci est bien entendu sans préjudice des recours en dommages-intérêts ouverts à la  filiale, mais seulement  pour les  cas relevant  de la responsabilité délictuelle de la banque. En effet,  une institution financière, qui n'est pas tenue d'avancer des fonds, ne peut être accusée de violation d'un contrat au cas où elle ne s'exécuterait pas. De plus, un banquier demeure libre de refuser d'ouvrir un crédit, car celui-ci est fondé sur la confiance et comporte un haut degré d'intuitu personae, sauf, bien entendu, les cas d'abus de droit.
  En l'absence d'une telle réserve de clause au profit de la banque, la liberté de refus ne se justifierait pas si la banque a fait une promesse ferme de crédit. Dans la même optique, si la seule condition préalable imposée par la banque est la souscription d'une lettre de confort, il  nous paraît logique que la banque soit obligée à accorder le crédit lorsque cette condition est remplie ; le contrat étant parfait dans ce cas.
·         L'hypothèse où lettre de confort  n'a pu être souscrite [5]
la non souscription de la lettre de confort, condition préalable à l'octroi du crédit, n'enlève pas à la lettre d'engagement son caractère contractuel ; aussi, tout accord ou contrat de crédit signé subséquemment à la lettre d'engagement doit-il respecter les termes de ce dernier.
La banque peut accorder tellement de poids à la lettre de confort qu'elle en fait une condition résolutoire  de son engagement envers la filiale . Dans ce cas, la non souscription de la lettre de confort entraînerait ipso facto la nullité de la promesse de crédit.
Mais suivant l'importance  qu'elle accorde à la lettre de confort, la banque peut également n'en faire qu'une  condition suspensive  de l'ouverture du crédit. Ici, l'engagement de la banque demeurera et sera exécuté dès que la filiale trouvera une solution alternative à la Lettre de confort, si la banque y consent.[6]
Chapitre 2 Lettre de confort et autres formes de sûretés personnelles
la lettre de confort, au sens strict, est une lettre contenant la promesse d'une société mère de faire, de ne pas faire ou de donner quelque chose au profit d'une banque qui octroie un crédit à sa filiale. [7]
Au sens large, la lettre de confort est la lettre par laquelle une société promet de faire, de ne pas faire ou de donner quelque chose au profit d'un établissement financier qui accorde un crédit à une société avec laquelle elle est en relations d'affaires.
Que ce soit au sens strict ou au sens large, la lettre de confort contient une promesse ou un engagement ferme. De ce point de vue, n'est pas une lettre de confort, la lettre qui se limite à la simple description d'une situation de fait, sans engagement ni promesse. Le critère de l'engagement ou de la promesse nous permet de tracer la ligne de démarcation.


En effet, la souscription d'une lettre de confort répond au besoin de sûreté exprimé par l'établissement financier qui veut accorder un crédit à une société donnée. L'établissement en question a le choix entre plusieurs formes de sûreté, tels que le cautionnement et la garantie autonome. Si l'établissement n'a pas recours à ces formes de sûreté établies, c'est certainement parce qu'il veut éviter les complications auxquelles elles donnent souvent lieu.  En demandant à un emprunteur potentiel de souscrire une lettre de confort. !'établissement financier ne renonce aucunement à la garantie dont il a besoin. Au contraire, comme l'a souligné le  président de l'Association française des banques, l'établissement croit que la lettre de confort lui présenterait  en pratique une sécurité comparable à celle d'un engagement de caution  .
L'on a pris l'habitude de classer la lettre de confort parmi les sûretés personnelles. Cela se justifie par le fait que la lettre de confort représente l’engagement d'une personne ou d'une institution envers un créancier qui est généralement une banque. Le but de cet engagement est de renforcer la confiance du créancier envers un débiteur potentiels. Mais la lettre de confort est tout de même une forme particulière de sûreté personnelle qu'il faut distinguer, d'une part, de la sûreté classique qu'est le cautionnement et. de l'autre, de la garantie autonome.
Section  1 Lettre de confort et cautionnement
Le cautionnement intervient fréquemment dans le cadre des dettes de l'entrepris.  À l'intérieur d'un groupe de sociétés, une société mère peut cautionner les engagements de sa filiale. Le cautionnement offre à un établissement de crédit  un moyen de limiter les conséquences de l'indépendance juridique, souvent artificielle, entre les diverses sociétés d’un même groupe. Mais dans le même temps, le cautionnement d'une société par une autre pose des problèmes liés aux limites imposées par le droit des sociétés aux pouvoirs des dirigeants en matière de garanties.
Pour contourner ces difficultés, les sociétés mères préfèrent recourir à la lettre de confort dont les modalités ne sont pas aussi rigoureuses que celles du cautionnement.[8] En effet, alors que la caution s'oblige à procurer au créancier le résultat attendu de l'opération qu'il a conclue avec le débiteur le groupe qui émet une lettre de confort n'assigne généralement pas à son acte une telle fonction économique.
Selon l’   article 1117  [9]:Le cautionnement est un contrat par lequel une personne s'oblige envers le créancier à satisfaire à l'obligation du débiteur, si celui-ci n'y satisfait pas lui-même.
De ce point de vue, le risque d'insolvabilité se trouve partagé entre deux patrimoines, celui du débiteur et celui de la cautions[10] ; ce qui n'est pas le cas de la lettre de confort. L'engagement pris par la société mère qui émet cette lettre n'a toujours pas pour but de créer directement un avantage patrimonial au compte de la banque qui veut accorder un crédit à sa filiale, mais



plutôt d'affirmer la continuité de ses relations d'affaires avec la filiale et son intention de faire en sorte que cette filiale soit en mesure d'honorer ses engagements.[11]
Mais nous  voulons déjà souligner  qu'à  la  différence du cautionnement, l'auteur d'une lettre de confort ne vise pas toujours le paiement d'une somme d'argent ou l'exécution d'une obligation pécuniaire pour le compte d'un débiteur. Le groupe ou la société mère qui émet une lettre de confort peut simplement déclarer avoir connaissance du crédit que la banque veut octroyer à sa filiale ; elle peut également garantir la permanence de son investissement à la filiale ;  elle peut aussi rassurer la banque contre la mauvaise gestion de la filiale ; elle peut enfin s'engager à soutenir financièrement la filiale. Mais dans toutes ces hypothèses, qui ont pour fin de renforcer la crédibilité de la filiale et d'accroître la probabilité qu'elle rembourse la banque, la lettre de confort ne garantit pas pour autant le remboursement direct du crédit', ce qui aurait pu avoir des incidences sur l'état financier de la société mère émettrice.
Alors que les circonstances de rédaction et le contenu de la lettre de confort peuvent servir à établir, par présomption, un véritable engagement contractuel, le cautionnement repose essentiellement sur le principe du consensualisme. Le cautionnement résulte toujours d'un contrat', c'est-à-dire d'un échange de consentements clairement exprimés.  Selon l’article 1123 [12]:L'engagement de la caution doit être exprès et ne se présume point.  Or, il n'est pas évident que l'émetteur d'une lettre de confort consente à conclure, un contrat
Il faut souligner également. toujours pour marquer la différence entre le cautionnement et la lettre de confort, que l'obligation assumée par la caution est accessoire à celle du débiteur principal (en vertu de l'adage accessoire suit le principale). [13]Il suit de ce principe que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions dont peut se prévaloir le débiteur principal. Or, l'engagement pris par l'émetteur d'une lettre de confort n'est souvent pas aussi fort pour qu'il lui soit possible d'être subrogé dans les droits de celui pour le compte duquel il s'engage[14].
Section 2  Lettre de confort et garantie autonomes
Les garanties autonomes,  ou à première demande, sont une forme de sûreté créée par la pratique commerciale internationale. Elles sont proches du cautionnement dans la mesure où elles impliquent également l'engagement d'un tiers (une banque garante ou contre garante) pour le compte d'un débiteur) envers un bénéficiaire. Mais contrairement au cautionnement, I ‘engagement pris par la banque est indépendant des rapports juridiques entre le débiteur.(appelé donneur d'ordre) et le créancier, bénéficiaire de la garantie.  s'ensuit que le garant est tenu à titre principal et ne peut opposer au bénéficiaire aucune exception tirée du



contrat entre ce dernier et le donneur d'ordre. Il a pris, du seul fait de la garantie, un engagement propre.
La lettre de confort est aussi un procédé de garantie développé par les transactions commerciales internationales, mais cette garantie n'est pas dans tous les cas certaine, directe et indépendante. Dans l'esprit de son émetteur, c'est  un document par lequel un tiers exprime à un créancier son intention de soutenir son débiteur afin de lui permettre de remplir ses engagements . Le but de ce document n'est pas de créer un lien juridique autonome entre l'émetteur et le bénéficiaire, mais plutôt de mettre cc dernier en confiance dans ses rapports de crédit avec le futur débiteur.

 

Partie 2 :   Les différentes catégories de lettres d’intention :

En l’absence d’encadrement législatif concernant le régime juridique des lettres d’intention, il incombe à la jurisprudence d’en définir les contours. Ainsi au fil des arrêts rendus par la Cour de cassation il ressort que les lettres d’intention peuvent être classées en trois catégories.

Chapitre 1 la nature juridique
Section 1 : Les lettres d’intention comportant un simple engagement moral :
En effet, les lettres d’intention sont à la base des engagements moraux.  Elles confortent le prêteur dans la bonne fin du crédit consenti à la société filiale et le rassurent sur le soutient que l’actionnaire majoritaire apportera à sa filiale en cas de difficulté de remboursement.  Ce soutient consiste, d’une manière générale, à se préoccuper ou à faire en sorte que la société filiale dispose de la trésorerie suffisante pour honorer ses engagements bancaires.

De ce point de vue les lettres d’intention ainsi rédigées ont une faible fonction sécuritaire si bien que les établissements de crédit ont cherché à bénéficier d’engagements plus fermement rédigés, susceptibles de générer à la charge du signataire une obligation juridique dont le non respect ouvrirait au bénéficiaire une créance en exécution forcée ou en allocation de dommages et intérêts.
Section  2 : Les lettres d’intention comportant une obligation de moyens.
Celles-ci sont plus coercitives et obligent le créancier à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour faire en sorte que le débiteur puisse honorer ses engagements. Mais cette


obligation a pour limite les propres moyens, et notamment les moyens financiers, dont dispose le signataire de la lettre.
La constatation de l'existence d'une obligation de moyen permet d'engager la responsabilité contractuelle du débiteur de cette obligation. Le créancier devra alors prouver l'existence d'une faute commise par le débiteur de l'obligation, d'un dommage et d'un lien de causalité entre cette faute et le dommage provoqué.
L'existence d'une telle obligation prendra la forme d'une lettre d'intention où une société mère s'engage à faire « tous les efforts » ou « les meilleurs efforts » pour que la filiale exécute ses engagements à l'égard de la banque. Les exemples sont nombreux et une jurisprudence abondante mais également mouvante et parfois casuistique permet de lister les expressions faisant naître une obligation de moyen de celles faisant naître une obligation de résultat.
Quant à la constatation de la faute, elle dépendra de l'étendue des « efforts » promis par la société mère, souvent difficile à évaluer. Celui qui est tenu par une obligation de moyens doit faire son possible pour y faire face. Cependant, il ne s'engage pas formellement à y parvenir.
Constitue donc, selon la jurisprudence, une obligation de moyens, la lettre d'intention contenant la promesse d'une société mère de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que sa filiale poursuive son activité, afin de tenir ses engagements vis-à-vis de ses créanciers.

Il n'est cependant pas du tout possible de demander à la signataire de la lettre d'intention qu'elle fasse des efforts incompatibles avec sa propre survie (Cass. commerciale 17 octobre 1995).

Pour mettre en jeu la responsabilité de la signataire, le bénéficiaire de la lettre doit démontrer qu'elle a commis une faute et qu'il a subi un préjudice.
Section 3 : Les lettres d’intention comportant une obligation de résultat

Obligation de résultat correspondent au niveau le plus élevé de sécurité juridique et conduisent à faire en sorte que le créancier soit effectivement désintéressé en cas de défaillance du débiteur. L’exécution de cet engagement peut conduire d’une manière indirecte le signataire de la lettre d’intention à payer effectivement le créancier et conduit la jurisprudence à l’assimiler à une garantie soumise au formalisme présidant à leur délivrance par une société par actions (conformité à l’objet social, intérêt pécuniaire pour la société qui s’oblige à signer une lettre d’intention, autorisation préalable du conseil d’administration).



Seule une lecture attentive et une compréhension exacte de sa portée permettent de classer une lettre d’intention dans l’une ou l’autre des catégories sus-visées et d’en tirer toutes les conséquences sur l’efficacité de l’engagement ainsi souscrit.
Dans son document écrit, la société mère promet d'obtenir un résultat déterminé (par exemple, elle s'engage à payer une dette de sa filiale). Il suffit donc de constater que le résultat n'est pas atteint pour engager la responsabilité de la signataire. Dans ce cas, inutile de démontrer une quelconque faute commise par cette dernière.

Ainsi, les juges ont décidé que correspond à une obligation de résultat l'engagement pris par une société mère d'assumer " la couverture des besoins financiers de sa filiale en tant que besoin " ou encore d'assumer complètement " les difficultés financières de sa filiale".

Toutefois, la société mère qui a déclaré faire le nécessaire pour que sa filiale dispose d'une trésorerie suffisante lui permettant d'honorer ses obligations envers ses créanciers, ne se substitue pas pour autant à cette dernière en cas de défaillance.

La société mère n'est tenue qu'à une obligation de moyens. La lettre d'intention précisait qu'en cas de non-remboursement, les créanciers pourraient exercer tous les recours qu'ils jugeraient utiles, et ce, directement contre la société mère
(Cass. commerciale 18 avril 2000).

Chapitre 2 Les limites
 Section 1 Quelles sont les lettres d’intention soumise à autorisation préalable ?
Traditionnellement,la jurisprudence distinguait les lettres d'intention constitutives d'une simple obligation de moyens exclues du régime d'autorisation [15], et celles garantissant au bénéficiaire un résultat déterminé dépourvu de tout aléa, constitutives d'une obligation de résultat,et assujetties à l'autorisation préalable du conseil d'administration[16] 
Cette distinction délicate a donné lieu à des hésitations jurisprudentielles.




 Ainsi, l'engagement de « faire tout le nécessaire » pour qu'une filiale dispose d'une trésorerie suffisante a été successivement qualifié d'obligation de moyens [17], puis de résultat [18].
En effet, en vertu de l’ article 70 [19], les « cautions, avals et garanties donnés par des sociétés autres que celles exploitant des établissements bancaires ou financiers » doivent faire l'objet d'une autorisation du conseil d'administration des sociétés anonymes. La même loi précise que cette autorisation doit être d'une date antérieure de moins d'un an à celle de la signature des actes.
Le représentant légal de la société peut solliciter ladite autorisation. Il peut s'agir d'une autorisation au  cas par cas ou d'une délégation plus large, n'excédant pas, en tout cas, un an. Dans la dernière hypothèse, le conseil d'administration fixe un montant annuel (une enveloppe globale) que le dirigeant ne doit pas dépasser. Si cela devrait être le cas, celui- ci est tenu de revenir devant le conseil pour solliciter une modification de la délégation ; autrement, l'acte posé par ce dirigeant ne serait pas opposable à la  société.
Le but visé par le législateur en édictant ces mesures est de limiter les pouvoirs du représentant légal de la société en vue de protéger les actionnaires et les créanciers contre ses actes jugés dangereux ou à gros risque. Les cautions, avals et garanties sont visés parce qu'ils comportent des risques de sortie de fonds pour la société.
 Section 2 La remise en cause de la distinction jurisprudentielle
L'ordonnance du 23 mars 2006 devrait mettre fin au débat.
Qualifiée de sûreté personnelle [20], toute lettre d'intention émise depuis le 23 mars 2006 devrait désormais être considérée comme une « garantie » relevant nécessairement du régime d'autorisation préalable.
La Cour d'appel de Paris a jugé que l'engagement souscrit par une société mère de « reconstituer les fonds propres » de sa filiale et de l'accompagner dans son redressement requerrait l'autorisation du conseil de surveillance, sans faire aucune référence à la nature de l'obligation souscrite.
Quelles conséquences en l’absence d’autorisation préalable ?
Qu'en est-il en l'absence d'autorisation ? La sanction est très sévère pour le créancier.
 La lettre d'intention non autorisée est inopposable à la société [21]qui s'est portée garante et ne l'engage pas  [22].



 Le défaut d'autorisation n'engage pas davantage la responsabilité du dirigeant signataire dans la mesure où la faute commise n'est pas considérée comme détachable de ses fonctions .[23] D'où la nécessité d'exiger systématiquement la délibération qui a autorisé la signature d'une lettre d'intention.

 Section 3 la consécration légale de la lettre d'intention ne va t'elle pas causer sa perte ?

 La souplesse qui caractérise cette garantie s'accommode mal du formalisme qui lui est imposé. D'aucuns en viennent même à s'interroger sur l'opportunité d'une suppression de l'autorisation préalable des cautions, avals et garanties consenties pour le compte d'une société anonyme par son dirigeant.
 La question mérite d'être posée d'autant que cette exigence n'est pas imposée aux autres sociétés (SARL, SAS, SNC, sociétés civiles, ...) et ne s'applique pas lorsqu'une société étrangère s'engage en faveur de sa filiale française.















Conclusion :
La lettre d'intention n'est pas vraiment réglementée, mais elle détermine la portée de responsabilité de la société mère. Cette dernière souhaite soutenir sa filiale tout en limitant sa réelle implication. 
La responsabilité de la société mère peut n'être qu'une sorte d'engagement moral. Car cette dernière ne peut fournir une aide qui mettrait en péril sa propre survie.
Le signataire de la lettre d'intention se porte garant du résultat de sa filiale. Point n'est besoin de démontrer une quelconque faute de cette dernière pour engager la responsabilité de la société mère, en cas d'insuffisance de trésorerie de la filiale. 
La lettre d'intention constitue un véritable cautionnement de la société mère vis-à-vis de sa filiale. Cependant, les créanciers ne sauraient prétendre, dans leur recours contre la société mère, à obtenir plus qu'un simple remboursement des sommes dues par la filiale. 


[1].Francois Gruma , Contrats bancaires. tome 1. Économica, 1990. p. 220.
[2] CHARLES MOUMOUNI le statut juridique des lettres de confort dans les transactions de crédit bancaire 1997
[3]  Jean-Louis Rives-Lange el MoniqueContamine-Raynaud Droit bancaire. Dalloz. Paris. 1995. p.427

[5] Christian GavaIda et Jean Stoufflet, Droit bancaire : édition, Paris, 1994, p.182.
[6]  Ian C. MacLeod, "Cornmitment Letters: Their Use and Some Specific Considerations". Banking and Finance
Law Review, no 7, 1990, p. 64;
[7] L'article 2322 du Code civil résultant de l'Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006
[8] Titre Dixième : Du cautionnement.  articles 1117 à 1169  du Dahir  12 aout 1913 formant code des obligations et  des contrats

[9] Dahir  12 aout 1913 formant code des obligations et  des contrats


[12] Dahir  12 aout 1913 formant code des obligations et  des contrats
[13] Arrêt  de la cour de cassation n 231du 31 01 2001 ,
[14] Article 1140 :La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, tant personnelles que réelles, qui appartiennent au débiteur principal, y compris celles qui se fondent sur l'incapacité personnelle de ce dernier. Elle a le droit de s'en prévaloir, encore que le débiteur principal s'y oppose ou y renonce. Elle peut même opposer les exceptions qui sont exclusivement personnelles à ce dernier, telles que la remise de la dette faite à la personne du débiteur
[19]  la loi n° 17-95 relative auxsociétés anonymes
[20] Article 2287-1 Code civil francais
[21] Article 70   la loi n° 17-95 relative auxsociétés anonymes