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La fraude et l’évasion fiscales : Manifestations et moyens de lutte

Plan:

Partie 1 : Les manifestations de la fraude et de l’évasion fiscales :
          Chapitre 1 : Définitions, fondements et impact :
          Chapitre 2 : Formes et manifestations :
Partie 2 : Les moyens de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales
       Chapitre 1 : Le rôle du droit international dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales

        Chapitre 2 : Les moyens de lutte au  Maroc 


Introduction :

     Aujourd’hui, la confusion est totale. Les grands groupes multinationaux usent d’astuces juridiques et réglementaires pour amoindrir, voire annihiler l’effet de l’impôt sur leur rentabilité. Ils vont jusqu’à utiliser les mêmes techniques et circuits que les organisations criminelles transnationales qui veulent maximiser leurs procédures et opérations de blanchiment d’argent sale. Les plus riches s’exilent pour échapper à la taxation, imités peu à peu par les classes moyennes supérieures qui souhaitent augmenter leur pouvoir d’achat et/ ou supprimer le coût des successions et des transmissions. Des ministres chargés de lutter contre la délinquance financière ouvrent illégalement des comptes bancaires en Suisse ou à Singapour. Les banques officient sur des marchés parallèles, shadow banking et dark pools.

     Nous le voyons, la fraude et l’évasion fiscales ne cessent de gagner du terrain malgré un ensemble de mesures préventives et répressives paraissant de plus en plus rigoureuses. Malheureusement, seuls les juristes et les politiques pensent ou laissent penser que la situation s’améliore. Les premiers, exégètes de la doctrine, ne voyant pas toujours la réalité du terrain, les seconds se gargarisant des lois qu’ils ont initiées.

      Présentant un intérêt indéniable aussi bien sur le plan politique que sur le plan social et économique, la fraude et l’évasion fiscales sont un phénomène très complexe posant de sérieuses problématiques non seulement sur le plan national  mais également sur le plan international. La question qui se pose et s’impose est la suivante : Quelles sont les formes que la fraude et l’évasion fiscales peuvent revêtir ? Et quelles sont les moyens de lutte contre ces contestations du pouvoir fiscal ?


Partie 1 : Les manifestations de la fraude et de l’évasion fiscales :

       Selon les économistes les plus avertis, un bon impôt est celui qui est juste, équitable, non confiscatoire et non pénalisant. L’impôt doit trouver sa justification dans ses fonctions redistributives, autrement dit, l’impôt doit servir l’intérêt de la communauté. Un bon impôt servirait non seulement au financement des services publics, mais réduirait le fossé de l’inégalité entre les différentes classes sociales au sein d’un Etat.
       Si l’impôt déroge à ces principes, il provoque alors la résistance, le mécontentement et le refus du contribuable : c’est ainsi que se manifestent la fraude et l’évasion fiscales.  

Chapitre 1 : Définitions, fondements et conséquences de la fraude et l’évasion fiscales :

      Section 1 : Définitions :

       La fraude et l’évasion fiscale font partie des actes ou des comportements qui ont pour finalité la contestation du pouvoir fiscal : Ce sont des formes de résistance, conscientes ou non, à l’ordre fiscal aussi bien national qu’international.
Il y a des ambigüités qui ont la vie dure. Il est évident que la fraude fiscale est un délit. Mais l’évasion fiscale l’est-elle tout autant alors même que dans certains pays elle n’est pas poursuivie ? Et quelle est la différence entre évasion et optimisation ? Est-ce que Google ou Apple optimise, évade ou fraude ? En outre, pour couronner le tout, beaucoup confondent en permanence évasion fiscale et exil fiscal. Il est donc nécessaire de revenir sur l’ensemble de ces concepts.

       La fraude, au sens international, se définit comme « un acte intentionnel commis par un ou plusieurs dirigeants, par des personnes constituant le gouvernement d’entreprise, par des employés ou par des tiers, impliquant des manœuvres dolosives dans le but d’obtenir un avantage indu ou illégal. »
La fraude fiscale peut être définie comme une pratique illicite qui a pour objectif d’escamoter des sommes imposables afin de ne pas payer les taxes dues. Autrement dit, c’est le fait ou la tentative de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement de l’impôt par dissimulation volontaire de sommes sujettes à l’impôt.

       L’évasion fiscale correspond aux comportements visant à réduire le montant des prélèvements obligatoires, mais sans l’existence de l’élément intentionnel. C’est l’absence de cet élément qui permet de distinguer l’évasion fiscale de la fraude fiscale. Autant dire que le juge ici a un rôle d’appréciation prépondérant. Si le contribuable a recours à des moyens légaux, l’évasion devient de l’optimisation. A l’inverse, s’il s’appuie sur des techniques illicites, l’évasion s’apparente à de la fraude.
Le terme « évasion » évoque une image dépeignant une réalité bien concrète : le fait de réduire l’impôt en déplaçant un patrimoine vers un autre pays de type paradis fiscal et sans déclarer les revenus générés par ces avoirs.

         La confusion est permanente, notamment dans les médias, entre « évadé fiscal » et « expatrié fiscal ». Et pourtant, le premier est interdit et peu décrié, le second est autorisé et pourtant honni. Les deux poursuivent effectivement le même but, mais avec des moyens et des actes différents.
-L’évadé fiscal pratique l’évasion fiscale, c'est-à-dire profite des lois et incitations pour réduire son impôt, jusqu’à aller au-delà ce qui est permis.
-L’exilé fiscal se déclare officiellement dans un pays à faible taxation mais continue à vivre dans son pays d’origine.
-L’expatrié fiscal, quant à lui, quitte réellement le pays pour trouver asile dans des contrées plus agréables fiscalement.
Il y a souvent confusion entre tous ces termes. Celui de l’exilé est décrié car il sous-entend que la pression fiscale est à l’ origine du départ, comme un bannissement, affranchissant l’exilé de toute faute et accablant l’Etat d’origine.
      
        L’optimisation fiscale n’est pas un délit puisqu’elle correspond à l’usage habile des lois et des conventions pour réduire la charge fiscale. La stratégie d’optimisation se requalifie en évasion fiscale dès lors que le montage juridique mis en place par l’entreprise apparaît artificiel et aurait pour but unique d’échapper à l’impôt.
L’optimisation fiscale peut être considérée comme un élément de stratégie patrimoniale internationale parfaitement légal ou de maximisation de la rentabilité des entreprises totalement intelligent. La question réside dans la frontière entre fraude et optimisation.
Nous nous apercevons qu’il est parfois très compliqué de faire la part des choses entre ces trois qualifications. Le débat sur le comportement de multinationales renommées comme Google, Microsoft ou Amazon a mis sur le devant la scène cette problématique. Lorsqu’une entreprise évite légalement l’impôt, que peut-on lui reprocher ? La notion de logique entre alors en jeu. La question à se poser est la suivante : Y-a-t-il une logique commerciale à avoir une filiale par exemple aux îles Vierges Britanniques ? Si tel est le cas, alors nous nous trouvons dans une forme classique d’optimisation fiscale. Si l’installation sur ce territoire ne répond qu’à une logique d’évitement de l’impôt, alors nous pouvons parler d’évasion fiscale, voire de fraude fiscale, s’il est possible de démontrer que le montage est délictueux, par exemple, par une facturation excessive des services ou des produits vendus.

         Pour résumer, nous dirons que la fraude implique une tromperie, une escroquerie, une falsification, une malversation. La fraude fiscale consiste en un détournement du système pour ne pas acquitter l’impôt quel qu’il soit : c’est une infraction. Intentionnellement, un particulier ou une entreprise ne respecte pas le droit fiscal par l’omission de déclaration ou l’organisation d’insolvabilité. Le plus bel exemple est le blanchiment de fraude fiscale qui se pratique en deux temps, d’abord une non déclaration de revenus au fisc du pays dont dépend le contribuable, puis un placement de ces revenus non déclarés dans un paradis fiscal en acquérant un bien. La fraude fiscale, qui est illégale, coûte au PIB ; Pour y remédier, des moyens sont mis en œuvre : liste des Etats non coopératifs dans l’échange d’informations fiscales, création de fichiers fiscaux, lutte contre le secret bancaire,…
L’évasion représente une délivrance, une échappatoire, une sortie pour trouver protection ou profit. L’évasion fiscale consiste en un évitement institutionnalisé de l’impôt : elle est licite.
Délibérément, un particulier ou une entreprise cherche à minorer son impôt en utilisant les niches fiscales autorisées par le droit fiscal afin d’optimiser sa situation.
Les plus beaux exemples sont la défiscalisation immobilière, la défiscalisation mobilière, l’assurance-vie, l’épargne-retraite, la création d’entreprise, le mécénat,… L’évasion fiscale, qui est légale, rapporte au PIB. Pour autant, on ne la combat pas mais on la limite : création de l’exit tax, mise en place de modèles de convention sur l’échange de renseignement en matière fiscale, coup de rabot sur les niches fiscales pour les particuliers…

        Cependant, une question se pose « Quel est le rôle du juge dans cette distinction ? » « Le devoir d’un bon berger est de tondre le troupeau, non de l’écorcher. » le rôle du juge doit être avant tout de faire preuve de discernement en évitant d’amalgamer les éléments. Le juge doit sévèrement sanctionner les fraudeurs, bref, il doit énergiquement lutter contre la fraude fiscale. En revanche, le juge doit s’attacher à favoriser les investissements, il doit participer au développement de l’évasion fiscale. Mais il doit surtout être suffisamment fort pour éviter les pressions de toute nature, celles des Etats, celles des multinationales, celles des politiciens. Hélas, la corruption existe et le rôle du juge peut s’avérer parfois difficile ! En effet, il est particulièrement ardu de décortiquer le fonctionnement des paradis fiscaux qui abritent discrètement les fortunes des dictateurs ou les lucratives activités para bancaires, de démanteler le trafic d’influence entre politiciens, de désorganiser les agissements des multinationales pour la vente d’armements à des Etats voyous.

        Ainsi, l’optimisation fiscale est-elle nécessaire pour les entreprises et pour les particuliers ?
Naturellement ! La possibilité de création d’une holding ou la mise en place d’un LBO par exemple en sont des preuves efficaces pour les entreprises, et les agréments légaux des investissements en immobilier direct principal et locatif par exemple en témoignent positivement pour les particuliers. Mais dans un contexte actuel incertain, il faudrait élaborer des montages plus techniques constitués de produits plus innovants. En effet, l’optimisation fiscale passe à la fois par des produits et de l’ingénierie patrimoniale.

         Enfin, quel est son impact sur le plan macroéconomique au niveau des Etats ?
Il serait souhaitable que l’optimisation fiscale se renforce dans le futur. Si la base imposable de l’impôt tant des sociétés que celle des particuliers est élargie, ce renforcement ne devrait pas avoir d’effets néfastes sur les recettes publiques. En revanche, il ne faut pas modifier de manière intempestive les taux d’imposition. L’optimisation fiscale influe sur la production, les créations d’emplois, les investissements des entreprises ainsi que sur l’épargne, les placements et l’entreprenariat des particuliers. L’optimisation fiscale est un gage de stabilité et de croissance économique mais l’impôt, dans le même temps finance les dépenses publiques. En conséquence, l’alchimie des politiques fiscales doit allier trois éléments : préserver les recettes budgétaires, réduire la charge fiscale globale, redéfinir la structure de l’assiette d’imposition. Tout en endiguant le déficit budgétaire et la dette publique, un Etat doit développer la croissance économique ainsi que préserver l’équité fiscale, et ce dans la durée.

       Notons, enfin, le « carrousel de TVA » ou « ronde de TVA » est considéré comme la source d’argent sale la plus importante en Europe. Cela consiste à se faire rembourser indûment de la TVA dans des transactions intracommunautaires virtuelles. Les mafias pakistanaises et italiennes seraient les spécialistes de cette escroquerie. La technique est simple. Par exemple, un fournisseur néerlandais A livre des téléphones portables ou des GPS (même virtuellement car il n’est pas nécessaire de posséder réellement la marchandise) à un courtier français B, qui ne paie pas de TVA, car la transaction est intercommunautaire. Ce courtier revend les produits à une autre entreprise française C en rédigeant une facture TTC, mais sans reverser à l’Etat la TVA indue perçue. Or, l’Etat va rembourser à la société C la TVA qu’elle a réglée au courtier. La marchandise, si elle existe, peut alors repartir au Luxembourg et transiter ensuite en Belgique pour reprendre la « ronde ». 

       Section 2 : Fondements théoriques :

        La fraude et l’évasion fiscale ne datent par d’aujourd’hui. En effet, depuis l’antiquité, l’homme a toujours refusé de payer l’impôt ; un refus souvent motivé par la lourdeur et l’injustice d’une imposition, autrefois l’œuvre d’un pouvoir central despote et interventionniste.

                    §1 : Refus partiel :

       Les libéraux ont été les premiers à évoquer la notion de refus partiel de l’impôt ; c’est ainsi qu’Arthur Betz Laffer, célèbre économiste américain et chef de file de l’école de l’offre, tente de montrer, par le biais de la courbe portant son nom, que « trop d’impôt tue l’impôt ». En effet, selon la courbe de Laffer le rendement d’un impôt est relativement bas au dessous d’un certain seuil mais baisse au-delà d’un autre.
Le taux d’imposition optimum n’est donc pas nécessairement le taux le plus élevé possible, mais celui qui ne provoque pas le refus du contribuable, son évasion, sa fraude et son découragement.

      D’après cette théorie, le contribuable ne refuse pas l’impôt en tant que tel, mais s’oppose à un taux d’imposition qu’il estime trop élevé, alors sa marge de manœuvre se traduit par deux cas de figure en vue d’alléger la matière imposable ; il s’agit de procéder soit par minoration des recettes, soit par majoration des charges.

A- Le refus par minoration des recettes : deux cas à envisager dans cette hypothèse :
Cas 1 : Le contribuable diminue le montant de la matière imposable afin que la somme de l’impôt soit réduite
Cas 2 : Le contribuable reporte les sommes qui lui sont dues à une date postérieure

 B- Le refus par majoration des charges :
       Le contribuable gonfle abusivement le montant de ses charges afin de réduire la matière imposable, mais avec l’obligation que ces charges soient déductibles de ladite matière.
       En pratique, ce refus se traduit par l’achat, de la part du contribuable, de factures fictives comportant des charges qu’il n’a pas supportées. Cette technique est très sollicitée au Maroc et se conjugue souvent avec la passation de fausses écritures comptables de la part des sociétés.

                     §2 Le refus total :

        Si les théories économiques ont longtemps débattu de l’ampleur de l’imposition, aucune d’entre elles n’exclut la présence de l’impôt comme principal moyen d’avoir financier de l’Etat. Cette affirmation ne semble pas plaire à tout le monde, ainsi certaines personnes morales ou physiques essaient de faire échapper la totalité de la matière imposable à l’impôt.

       Deux possibilités se présentent :
-L’absence de distribution de bénéfices par les filiales : et ce dans le but que la société mère échappe à l’impôt sur les dividendes.
-Le transfert de revenus et de la fortune : dans ce cas de figure, les revenus qui auraient du normalement être perçus par un contribuable résident, sont versés à une société qu’il contrôle et qui est établie sur le territoire d’un Etat où elle jouit d’un régime fiscal privilégié. Le cas échéant, ces revenus échappent à l’impôt dans l’Etat de résidence.

Section 3 : Conséquences et impact :

       Les conséquences de la fraude fiscale sont colossales sur l’équilibre des nations et sur le développement économique et humain. La crise de 2008, financière puis économique et souveraine, a soulevé plusieurs interrogations en lien avec ce phénomène. Notamment, il s’est agi de mieux comprendre les rouages de la finance et d’essayer d’en limiter les excès. Wall Street à New York et la City à Londres ont démontré une complexité qui engendrait la confusion, pour ne pas dire la manipulation, profitant de la déréglementation, du dumping fiscal de certaines zones, du shadow banking, de sa puissance grandissante sur les états et de sa possible prédominance sur le politique.
        Le fait de frauder le fisc n’est peut être pas l’élément le plus grave. Certes, le fraudeur se met hors la loi et contrevient aux règles. Mais le plus choquant concerne l’impact d’un tel acte : sur le développement économique et humain, sur les équilibres politiques et sociétaux, sur la liberté elle-même.
En outre, la démocratie est mise à mal par la fraude fiscale et ses actions connexes : corruption, spoliation des peuples, enrichissement personnel, petits arrangements au sommet de l’Etat,…

        Sur le plan macroéconomique, la fraude fiscale entraine des conséquences importantes sur les équilibres généraux.
-D’une part, il convient de rappeler que dans un monde parfait, la somme algébrique des balances des paiements de l’ensemble des pays doit être nulle, puisque tout ce qui sort d’un pays entre forcément dans un autre. Or, chaque année, ce sont des centaines de milliards de dollars qui manquent. Ils arrivent dans les paradis fiscaux mais nous sommes incapables de dire précisément d’où ils sortent. Ce phénomène s’intitule le « trou noir » de la balance des paiements. Ces centaines de milliards de dollars vont donc dormir dans les coffres-forts des îles Caimans, de Belize ou de Singapour et ne profitent aucunement au développement économique et humain des pays d’origine.
-D’autre part, et dans le même champ d’analyse, les paradis fiscaux adossés à la fraude fiscale et plus généralement à la criminalité, provoquent un accroissement du déséquilibre entre les pays du Nord et ceux du Sud. Lorsque l’argent propre, gagné légalement et ouvertement, est escamoté à l’administration fiscale ou tombe dans les activités criminelles, il passe dans l’ombre. A cet instant, il appauvrit le pays car il ne sera pas dépensé et sortira de la masse monétaire « utile ». Les pays les plus touchés sont les plus criminogènes et les moins contrôlés c'est-à-dire en général les pays les plus pauvres. Une fois que ces sommes auront été blanchies, elles réapparaitront dans les pays les plus intéressants en matière d’investissement, autrement dit, les pays riches. Ce circuit va donc appauvrir les pays pauvres et enrichir les pays riches.
En allant plus loin dans la démonstration, nous pouvons évoquer le cas de l’Afrique subsaharienne. Plusieurs études théoriques et empiriques ont montré que lorsque l’Afrique reçoit 1 euro d’aides et de subventions, il y a en même temps entre 2 et 10 euro provenant de la corruption, des détournements et de la fraude fiscale qui partent en catimini dans les paradis fiscaux. Ils serviront ensuite à des placements de confort de type BMA ou des placements de sécurité de type financier. Cet mauvaise habitude de quelques potentats locaux dégrade fortement l’économie régionale, rendant inutile toute velléité d’aider au développement du continent.
Dans la même veine, la Grèce présente un cas intéressant. La fraude fiscale y est historique et endémique. Pour exemple, en 2008, au moment de la crise et de la découverte des manipulations des comptes par l’Etat grec, le revenu moyen d’un médecin généraliste athénien était estimé officiellement à 10 000 euro annuels, c’est à dire très loin de la réalité. Dans un pays, où tout se paie en liquide, la fraude se répand partout, du travailleur précaire jusqu’au milliardaire. Les armateurs ne paient quasiment pas taxes, calculées forfaitairement et assises sur le tonnage des navires. La crise a amené le gouvernement à leur demander une petite contribution de l’ordre de 75 à 140 Millions d’euro par an, un pourboire pour ces milliardaires qui menacent de délocaliser leurs activités en cas de trop forte taxation. Ce sont ici des milliards qui s’envolent, non par la fraude fiscale mais par le lobbying pour échapper à l’impôt. Plus drôle, dès qu’un richissime résident hellène achète une île, il y plante une croix ou y érige une chapelle, transformant ainsi son ilot en terra religieuse et échappant par conséquent aux taxes foncières.

       De manière générale, la fraude fiscale aidée des paradis fiscaux casse les mécanismes de régulation de redistribution des richesses. Evidemment, le débat sur la pression fiscale excessive existe et l’argument peut être entendu, mais il ne doit pas occulter le véritable problème de la fraude, et même de l’optimisation fiscale. A qui profite l’optimisation ? Aux seuls grands groupes internationaux, aux multinationales se jouant des règles domestiques pour finalement concurrencer toutes les entreprises qui ne peuvent bénéficier de ces montages, notamment les plus petites et les plus fragiles. La distorsion de concurrence liée au dumping fiscal est considérable et explique en partie l’hégémonie de certains grands groupes tels que Google, H&M, Starbucks, Amazon, etc. De même, lorsque nous parlons de l’impact de la fraude fiscale des particuliers, il ne s’agit pas de stigmatiser le petit artisan qui met quelques milliers d’euros de coté ou le jardinier qui travaille au noir, mais le dirigeant politique ou l’homme d’affaires qui va éluder l’impôt et ainsi contribuer aux difficultés financières de son pays. La charge de l’impôt va alors se déplacer vers les autres, c'est-à-dire ceux qui ont déjà du mal à le payer mais qui, souvent salariés, le paient pleinement.

       Cependant, une question mérite d’être posée : »Quel est l’impact pour une société d’être soupçonnée ou accusée de fraude ou d’évasion fiscale ? Quel est l’impact pour une société lorsque ses montages d’optimisation fiscale sont médiatisées ? Peut-il y avoir par exemple une désaffection du consommateur ? L’optimisation fiscale est-elle de la fraude fiscale ? » En l’absence d’une définition claire de ce qu’est l’optimisation fiscale, la distinction entre ces deux situations n’est pas aisée. Cependant, les récentes affaires concernant, entre autres, Starbucks, google, Facebook, Amazon, Apple et Microsoft interpellent. Elles sont d’autant plus choquantes que, pour beaucoup, ménages et entreprises, la situation économique se tend. Il apparait pour le moins curieux que tous les acteurs économiques ne contribuent pas à l’effort de redressement des économies au niveau de leur richesse.
Si la distinction entre la fraude et l’optimisation fiscale permettra de distinguer les  malins des malhonnêtes, il n’est pas évident que tout le monde ait la subtilité du légiste. La question de l’attitude des citoyens vis-à-vis des entreprises au comportement douteux mérite d’être posée.
Le citoyen, contribuable lambda, est en effet également consommateur potentiel de ces sociétés. Comment réagit-il face à ces comportements ? Des écarts importants constatés entre la richesse de certaines entreprises et l’absence ou la faible contribution fiscale sont moins tolérés qu’auparavant, voire indignent les citoyens. Peuvent-ils les détourner des offres de ces entreprises ? Une association anglaise contre l’austérité a en effet proposé une campagne de boycottage de Starbucks suite aux révélations concernant son stratagème destiné à réduire sa contribution fiscale. Peut-elle être suivie d’effets ? Des résultats de travaux académiques indiquent que, lorsqu’une entreprise ou ses responsables ont eu un mauvais comportement, l’attitude vis-à-vis de sa marque subit une baisse significative. Ce résultat permet de comprendre la mésaventure de Starbucks qui, suite aux révélations sur ses pratiques fiscales, a vu sa valeur boursière s’effondrer, l’image de sa marque s’effriter et, pour la première fois, certains de ses points de vente fermer. Le cas de cette entreprise met en évidence que même si la relation des consommateurs avec une marque est longue à construire, elle reste un élément marketing fragile. Les résultats de cette étude montrent aussi que les consommateurs attendent de leur marque transparence, respect et honnêteté. Ce constat est d’autant plus important qu’il semble qu’un individu ne fasse pas de distinction entre son statut de citoyen et son statut de consommateur…

       Enfin,Les conséquences de la fraude fiscale sur la société et les comportements individuels se ressentent essentiellement depuis la crise financière de 2008. Les sentiments paraissent désormais schizophrènes, avec d’un coté des citoyens qui refusent la tricherie, de l’autre les mêmes qui estiment être ponctionnés au-delà du raisonnable. Mais cet apparent dilemme s’explique aisément. Comment en effet accepter les montages des multinationales qui se jouent apparemment de manière légale des lois pour optimiser le cout fiscal tout en éprouvant à titre personnel des fins de mois difficiles ? A cela s’ajoute un sentiment de gaspillage par l’Etat et plus ce sentiment est fort, plus le recours à la tricherie est important.


Chapitre 2 : Formes et manifestations de la fraude et de l’évasion fiscale:

       La libéralisation financière et l’idéologie économique dominante ont favorisé la prolifération de paradis fiscaux et de mécanismes permettant aux grosses fortunes et aux multinationales d’échapper à leurs responsabilités envers les Etats. Pour le Sud, les effets de l’évasion et de la fraude fiscale sont dévastateurs.
L’échec du financement du développement est en grande partie dû à un manque de volonté politique. La majorité des Etats du monde n’ont aujourd’hui pas la capacité d’assurer leurs dépenses en matière de santé, d’éducation et d’infrastructures, principalement parce qu’ils ne parviennent pas à générer suffisamment de recettes fiscales pour les dépenses sociales. Cette crise fiscale est alimentée par une structure financière internationale, largement soutenue par les Etats du Nord, qui favorise la fraude et la fuite des capitaux. Combattre les causes de cette crise permettrait non seulement de couvrir l’actuel déficit de financement du développement au niveau national, mais également de corriger les aspects du système financier international qui contribuent massivement à la pauvreté et à l’inégalité mondiale.

        Au cours des 25 dernières années, on a assisté à une accélération de la mobilité transfrontalière des capitaux et à l’essor d’un modèle de développement qui pousse les pays du Sud à offrir d’une part, des incitants fiscaux pour attirer les investissements étrangers, et d’autre part, un accès intérieur aux flux financiers internationaux. La libéralisation financière et l’idéologie économique ont favorisé la prolifération de mécanismes permettant aux contribuables fortunés et mobiles ainsi qu’aux entreprises d’échapper à leurs responsabilités fiscales envers l’Etat.

Section 1 : Les transferts des capitaux et des revenus entre sociétés :

       L’étude des mécanismes et procédés de transfert des capitaux et des revenus entre société nous amène à étudier le transfert indirect des bénéfices du fait que ce dernier constitue de la matière pour les fraudeurs d’échapper aux impôts, contrairement au transfert direct des bénéfices qui est réglementé et ne représente dans la plupart des cas aucun signe d’existence de la fraude et de l’évasion fiscale.
L’article 57 du code général des impôts édicte les dispositions permettant aux services fiscaux de s’opposer au transfert indirect des bénéfices. « pour l’établissement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de France ; les bénéfices indirectement transférés à ces derniers soit par voie de majoration ou de diminution du prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats qui apparaissent dans les comptabilités. »
Ces dispositions sont applicables dans le cadre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et dans celui de l’impôt sur les sociétés. Elles prévoient qu’il est procédé de même à l’égard des entreprises qui sont sous la dépendance d’une entreprise ou d’un groupe possédant le contrôle d’entreprises situées hors de France.
La notion de transfert indirect des bénéfices n’est pas définie par le CGI ; En effet, sa conception est large s’étendant à tout procédé qui a pour résultat de diminuer le bénéfice imposable, il peut s’agir de :
-L’achat à des prix majorés ou la vente à des prix minorés ;
-Le versement de redevances excessives ;
-Les prêts consentis à la société étrangère à des conditions normales ;
-L’abandon de créances entre sociétés dépendantes ;
-La participation forfaitaire aux frais d’exploitation d’une filiale à l’étranger
Ajoutons qu’il résulte de la jurisprudence du Conseil d’Etat que l’article 57 du CGI ne peut être appliqué que s’il est établi que des avantages particuliers ont été consentis à la société étrangère.
C’est à l’administration qu’il appartient de prouver l’existence de ces avantages et d’en déterminer le montant ; au préalable, elle doit avoir apporté la preuve des liens de dépendance (de droit ou de fait) qui unissent la société française et la société étrangère. L’entreprise française a la faculté d’apporter la preuve contraire en établissant que l’opération apparemment anormale est, en réalité, justifiée par les nécessités de l’exploitation.
Toutefois, en vertu du même article, l’administration n’aura pas à démontrer l’existence d’un lien de dépendance dans le cas d’opérations commerciales ou financières avec une entreprise établie dans un pays ou territoire à fiscalité privilégiée. L’administration conserve néanmoins la charge de la preuve du transfert des bénéfices au profit de l’entreprise établie dans un tel pays ou territoire.
         Comme l’écrit si justement Edwy Plenel, « la fiscalité n’est pas l’ennemie de la liberté, qui comprend celles de s’enrichir. Mais elle civilise cette liberté individuelle en l’insérant dans une relation collective où chacun, à la mesure de ses moyens, contribue à la richesse nationale, afin qu’il y ait des écoles, des hôpitaux, des routes, etc, dans l’espoir qu’ainsi personne ne sera laissé en dehors de la cité commune. » La fiscalité est nécessaire pour le développement des nations et une réglementation la plus juste possible doit la structurer, la mettre en musique.
La réglementation internationale sur la fraude fiscale n’est pas réellement construite, en dehors des velléités récentes à échanger automatiquement les informations entre Etats. Il est en effet difficile d’intervenir globalement sur une question sensible, fortement liée à la souveraineté des Etats. Chacun veut jalousement défendre ses prérogatives en la matière. Et même lorsque l’Europe a sauvé l’Irlande de la crise financière et bancaire de 2008, cette dernière a refusé de durcir sa fiscalité, qui met pourtant à mal l’ensemble de ses partenaires européens. Le principal écueil concerne le prix de transfert, véritable casse-tête économique.
Le prix de transfert ou prix de cession interne peut se définir par « tout flux intragroupe et transfrontalier, refacturation de coûts… » Or l’OCDE estime que les échanges intragroupes représentent plus de 60ù du commerce mondial. Il est alors tentant pour les multinationales d’utiliser les disparités fiscales domestiques pour optimiser leurs prix et leurs flux de marchandises et de services dans un souci de rentabilité.
Les stratégies d’optimisation s’appuient généralement sur plusieurs outils se groupant en 4 grandes catégories :
       -Les régimes de type « mère-fille » qui permettent d’exonérer en totalité ou quasi-totalité les dividendes qu’une filiale établie dans un état fait remonter à sa mère située dans un autre état ;
       -Le financement par endettement qui génère des charges financières déductibles de l’assiette imposable, alors que l’augmentation du capital ne permet pas, sauf exception, de déduire les dividendes versés en contrepartie ;
       -L’optimisation des produits hybrides, qualifiés différemment par deux Etats, par exemple traités comme des titres de dette dans un Etat et comme des titres de participation dans un autre : leur émission crée des charges financières déductibles dans le premier Etat mais les produits qu’ils génèrent ne sont pas imposés dans le second lorsqu’ils sont perçus sous un régime de type mère-fille ; ou la création d’entités hybrides ;
       -Les prix de transfert qui valorisent les échanges transfrontaliers réalisés entre entités liées, typiquement au sein d’un groupe de sociétés. « En application des principes de l’OCDE, ces prix de transfert doivent être déterminés selon le principe de pleine concurrence, comme s’ils valorisaient des échanges entre entreprises indépendantes. Or, les entreprises peuvent manipuler ces prix de transfert, toujours selon la même logique de localisation des charges et des produits. Si elle n’est pas nouvelle, l’optimisation fiscale des entreprises est profondément renouvelée par la conjonction de deux phénomènes : la globalisation de l’économie, d’une part, et le développement de l’économie numérique, d’autre part. Du fait de la globalisation de l’économie, les flux intragroupe représentent environ 60ù du commerce mondial ; la problématique des prix de transfert est donc cruciale. Elle l’est d’autant plus que les prix de transfert les plus difficiles à valoriser et, pour la rémunération des actifs incorporels. Or, la place des actifs incorporels devient centrale du fait du développement de l’économie numérique. »
Dans ce cadre, l’OCDE a développé plusieurs méthodes permettant de fixer et contrôler un prix de transfert telles que :
        +Méthode du prix comparable ou CUP : elle vise à comparer les prix de transfert pratiqués au sein d’une entreprise multinationale avec les prix qui sont pratiqués entre entreprises indépendantes pour des transactions comparables. S’il n’existe pas de transaction exactement comparable, il est admis de procéder à des correctifs lorsque ceux-ci peuvent être effectués avec suffisamment de fiabilité.
        +Méthode du prix de revient majoré ou COST PLUS : elle consiste à calculer le coût de revient d’un bien, d’un service ou d’un actif incorporel et à ajouter une marge bénéficiaire comparable à celle qui serait pratiquée entre 2 entreprises indépendantes.
        +Méthode du prix de revente ou RESALE MINUS : elle consiste à établir le prix du marché par référence à la marge réalisée sur la vente d’un produit, d’un service ou d’un actif incorporel identique ou entre parties indépendantes dans des conditions similaires. La marge réalisée entre parties indépendantes est alors déduite du prix de revente pratiqué au sein du groupe afin d’établir le prix d’achat qui devrait être pratiqué au sein du groupe.
        +Méthode de la marge nette ou TNMM : elle consiste à comparer la marge nette réalisée sur une transaction au sein du groupe avec les marges nettes qui sont réalisées sur des transactions comparables avec ou par des sociétés indépendantes. Ici, on ne compare pas des prix mais des niveaux de marge nette.
       +D’autres méthodes telles que : la méthode de la marge comparable ou CPM, la méthode du partage de bénéfices ou Profit Split,…


Section 2 : Les transferts des revenus et de la fortune des personnes physiques :

       §1 : Les transferts des revenus :

       Il y a transfert de revenus à l’étranger lorsqu’ne personne physique ou moral établit dans un état étranger où elle est assujettie à l’impôt, perçoit en contrepartie du service effectivement rendu, des revenus non enregistrés quant à leur montant, mais dont le bénéficiaire réel est une personne relevant de l’impôt en France.
-Sur le plan international, cette pratique se traduit par des flux massif de capitaux dans certains pays et contribue ainsi au désordre monétaire international.
-Sur le plan interne, elle lèse les intérêts du trésor public et continue à cet effet une infraction indirecte à la réglementation des exportations ou des importations des capitaux.



        §2 : Les transferts de la fortune :

       Le transfert de la fortune entraine la perception des droits de mutation, dès lors que ce transfert intervient à la suite d’une donation ou d’un décès.
Ce transfert est soumis à un impôt dit « impôt sur la fortune ». Celui-ci prend diverses formes en ce qui concerne le fait générateur et l’assiette.
En effet, l’impôt peut être exigible à raison soit de la possession d’un patrimoine, soit de sa transmission, il peut être assis soit sur certains éléments de ce patrimoine soit sur l’ensemble de celui-ci.

      En France, les personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal échappent à l’impôt sur la fortune. Cependant, les placements financiers faits en France par des personnes physiques qui y ont leur domicile fiscal n’en peuvent pas échapper.
Les contribuables de nationalité française étaient donc susceptibles de bénéficier de l’exonération citées ci-dessus, dès lors qu’ils pouvaient être regardés comme ayant leur domicile fiscal hors de la France. Cette possibilité était de nature à les inciter à transférer pour des motifs fiscaux leur domicile à l’étranger ce qui constitue une évasion fiscale.

Section 3 : Les supports de la fraude et de l’évasion fiscales internationales :

       Tous les procédés de la fraude et de l’évasion fiscales ne peuvent aboutir que grâce à l’appui de certains supports. Il s’agit de sociétés implantées sur le territoire d’un Etat privilégié fiscalement, un paradis fiscal si l’on préfère.
Ces supports peuvent être effectifs, c'est-à-dire qu’ils exercent une activité bien réelle, il s’agit là des holdings et des sociétés de services, comme ils peuvent être fictifs à l’image des sociétés relais et sociétés écrans qui n’existent que sur le plan juridique sans véritable activité économique, ne servant ainsi que de lieu de transit pour les capitaux fuyant une lourde imposition.
Bien qu’ils diffèrent par l’ampleur de leur activité, l’objectif escompté par ces supports reste le même : localiser la matière imposable dans un Etat refuge à faible pression fiscale afin de réduire le montant de l’impôt à payer.

           §1 : Les supports effectifs :

A-Les sociétés holding :

       Appelée également, société de portefeuille, société de gestion ou société mère, la holding est une société dont les actifs sont constitués par des participations dans différentes entreprises industrielles, commerciales ou financières. C’est une société ayant pour vocation de regroupe des participations dans diverses sociétés et dont la fonction est d’en assurer l’unité de direction.
       Avec une internationalisation des échanges et une mondialisation de l’économie de plus en plus accrues, il est normal de constater l’expansion de l’activité des holdings partout dans le monde ; un essor duquel ont su profiter les paradis fiscaux qui, par leurs faibles pressions d’imposition, sont devenus attractifs de tout type de sociétés, holding y compris. L’idée principale, c’est que la holding située dans un paradis fiscal, détecte et recueille les dividendes versés par les filiales afin de les acheminer vers ledit paradis où ils seront exonérés ou légèrement imposés.    

B- Les sociétés de services :

       Ce sont des sociétés qui assurent la gestion de brevets et procédés techniques qu’elles sont chargées de mettre en valeur. Elles accordent les licences d’exploitation aux diverses unités du groupe dont elles dépendent, et reçoivent en contrepartie des honoraires, commissions ou redevances.

      Il y a deux différences entre les sociétés holding et les sociétés de services même si elles ont le même but à savoir échapper au fisc dans un pays à forte pression fiscale et centraliser la matière imposable dans un autre à système fiscal privilégié :
-D’abord, les sociétés de services n’ont que rarement des participations financières dans d’autres sociétés. Cela veut dire qu’il n’est pas fréquent qu’une société de service gère et contrôle une autre société du groupe.
-Ensuite, les sociétés de services sont dans la majorité des cas des filiales d’une société mère qui les contrôle.

                  §2 : Les supports fictifs :

A-Les sociétés Relais :

      C’est une entité juridique installée et imposable dans un pays à faible taux d’imposition, souvent un paradis fiscal. Généralement cette société est créée et contrôlée par une personne physique ou morale installée dans un pays à fort taux d’imposition.
Dans l’organisation d’une société relais, trois éléments sont à prendre en considération :
-La personne morale ou physique qui contrôle la société dispose d’un pouvoir qui doit être total.
-La société relais est située dans un paradis fiscal. Celle-ci prendra en général la forme d’une société de capitaux.
-Les revenus de la société relais peuvent provenir soit du pays du fondateur et actionnaire principal de la société relais, soit d’un pays tiers.

        La mise en place d’un tel montage, utilisant une société relais constituée dans un paradis fiscal peut répondre à divers objectifs : réduire la masse imposable, dissimuler la véritable identité des investisseurs et transmettre des fonds.
1)Réduire la masse imposable : La technique va consister à diriger les revenus vers la société relais localisée dans un paradis fiscal pour leur éviter de subir des impôts élevés.
Pour un groupe de société, cette technique permet de constituer une sorte de « caisse noire » dans un paradis fiscal qui rendra possible le financement d’opérations particulières.
2)Dissimuler la véritable identité des investisseurs : L’utilisation de sociétés de relais permet dans certaines affaires de dissimuler l’identité des investisseurs. La société joue aussi très souvent un rôle d’écran, indispensable pour dissimuler les véritables bénéficiaires des sommes transférées dans le paradis fiscal. Ainsi, il arrive que le circuit le plus sûr pour transférer des sommes au Liechtenstein passe par les Caraibes via le Luxembourg.
3)La société relais peut souvent jouer un rôle dans la transmission de fonds entre firmes transnationales :
C’est là une pratique du commerce international qui conduit les sociétés internationales à verser une commission à un intermédiaire  pour obtenir un marché important à l’étranger.

B- Les sociétés écrans :
       Une société écran est une société fictive, créée pour masquer les opérations financières d’une ou plusieurs personnes physiques ou morales. C’est une secrétaire, un ordinateur et un bureau établis dans un havre fiscal, une sorte de boite aux lettres.
Elle permet de faire endosser les bénéfices au profit de sociétés établies dans un pays à basse fiscalité.
       Créée avec un minimum de substance, le seul but de la société écran est de rapatrier la matière imposable et la diriger vers un paradis fiscal.

Partie 2 : Les moyens de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale :

        L’essor du commerce international a rendu ses opérateurs plus avides du profit qu’ils peuvent en tirer. Désormais, on ne conteste plus le montant de l’impôt à payer, mais on conteste la légitimité du concept de l’impôt en tant que tel.
Les groupes multinationaux comme les personnes physiques cherchent à s’installer là où ils seront le moins taxés. Cette option leur est offerte par les paradis fiscaux qui sont entrés dans une véritable concurrence fiscale pour l’attraction de capitaux circulant dans la sphère économique internationale.

      Ces entraves et ces contraintes ont incité les Etats à déclencher une course à l’armement fiscal : La souveraineté fiscale des Etats est une parcelle inaliénable de leur souveraineté politique. En effet, la fraude et l’évasion fiscale signifient un manque à gagner pour les trésors publics, ce qui fera moins de recettes pour financer les dépenses publiques.
       Afin de lutter contre les divers aspects de fraude et d’évasion fiscale, les Etats ont mis en œuvre plusieurs dispositifs ; de prévention d’abord puis de répression.
Toutefois, aucune lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ne peut se couronner de succès sans une action parallèle entreprise au niveau des paradis fiscaux qui ne cessent de résister aux revendications de la société internationale.
Notons que les moyens conventionnels de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales montrent leurs limites aussi bien d’ordre politique que technique.

       Au Maroc, partant du rôle incitatif que joue le régime fiscal en matière d’investissement, parallèlement à une réforme effective du système fiscal désormais rationalisé, simple et harmonisé, au niveau des structures administratives, le Direction Général des Impôts a procédé à des réaménagements de ses services internes, dont le but est d’asseoir une administration efficace.
En effet, le contrôle fiscal au Maroc, exercé par les organes de le DGI, essaie de réprimer au mieux possible, les traits de fraude et d’évasion fiscales, tout en garantissant les droits du contribuables et en lui assurant la possibilité de s’adresser aux voies de recours appropriées.

Chapitre 1 : Le rôle du droit fiscal international dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales :

       Le développement d’une économie mondiale demeure largement tributaire de la coopération internationale surtout en matière fiscale. La fraude est une entrave au bon fonctionnement du marché économique, elle est source de distorsion de concurrence.   Elle est aussi une source d’injustice fiscale et d’illégitimité du système d’imposition car le poids de l’impôt finit par retomber sur ceux qui n’ont pas les moyens de développer une stratégie d’évitement. Il n’empêche qu’une autre voie que celle de la lutte frontale contre l’évasion et la fraude est également possible, il s’agit de celle privilégiant la prévention car prévenir vaut mieux que guérir.

Section 1 : Les mesures préventives:

Les moyens de prévention contre la fraude et l’évasion fiscales permettent d’anticiper les agissements des contribuables essayant de limiter leurs charges fiscales.
Ces moyens de prévention portent essentiellement sur les points suivants :
           Le contrôle des prix de transferts
           Le contrôle des versements effectués à l’étranger
           Le contrôle des rapatriements de recettes




§ 1 : Les prix de transfert :

       Les groupes multinationaux peuvent être tentés de manipuler les prix de transfert pour réduire la charge fiscale globale de leur groupe en faisant apparaître le bénéfice là où il sera peu taxé. L’application des prix de transfert trouve son lieu de prédilection dans une situation qui met en jeu des entreprises associées situées, l’une dans un pays à fiscalité élevée, et l’autre dans un pays à fiscalité privilégiée.
En raison des liens d’interdépendance qui unissent ces sociétés, l’administration fiscale de chaque pays considère avec circonspection les transferts de ressources qui s’opèrent entre elles, recherchant dans chaque cas si ceux-ci ne revêtent pas un caractère anormal et n’ont pas pour conséquence de faire échapper à l’impôt national des éléments du bénéfice imposable.

       Dans ce sens, les conventions modèles de l’OCDE et les conventions fiscales internationales ne font que consacrer le pouvoir de redressement des bénéfices imposables que les administrations fiscales des Etats tirent de leurs législations internes.
Ce pouvoir de redressement des prix de transfert, reconnu aussi bien par les conventions que par les législations fiscales, repose sur un principe fondamental : le prix de pleine concurrence.
En vertu de ce principe, les prix de transfert entre entreprise associées ou interdépendantes devraient être fixés, à des fins fiscales, sur la base des prix qui seraient appliqués entre des entités indépendantes engagées dans des transactions similaires à des conditions similaires sur le marché libre.

§ 2 : Les versements effectués à l’étranger :

        Afin de limiter et de contrôler le transfert de frais, réels ou fictifs, vers un paradis fiscal, certaines législations ont prévu l’interdiction de déduction de frais payés à l’étranger. Toutefois, cette interdiction peut être soit à priori, interdisant tout versement sans autorisation préalable, soit à postériori, qui ne peut être constatée qu’à la suite d’un contrôle fiscal.

A-Contrôle à priori des versements à l’étranger : Ces Etats appliquent conjointement la réglementation fiscale et la réglementation douanière.

B-Contrôle à posteriori : Dans la plupart des pays industrialisés, le transfert de telles sommes est soumis à une législation de change relativement souple. Par contre, au niveau fiscal, des interdictions généralisées de déduction sont apparues. Ces interdictions qui ne sont contrôlées qu’à la suite d’une vérification, trouvent leur source légale dans les textes généraux.
Il s’agit de l’application de la théorie de l’acte de gestion anormale qui est prévue par la plupart des législations. Cette théorie réprime les abus de droit, c’est à dire, le transfert des bénéfices dans le but d’éviter, en totalité ou en partie, l’impôt.
Bien que l’exploitant soit en principe libre dans sa gestion,  que les frais qu’il engage pour le fonctionnement de son entreprise constituent normalement des dépenses déductibles et que l’administration ne soit pas autorisée à s’immiscer dans la gestion des entreprises, elle peut cependant remettre en cause les dépenses qui ne se rattachent pas à une gestion normale ou n’auraient pas été exposées dans l’intérêt direct de l’entreprise.

§ 3 : Les rapatriements des recettes :

       Il existe un autre moyen d’évasion fiscale, qui est celui de l’utilisation de sociétés relais qui permettent soit de maintenir un bénéfice dans un paradis fiscal, sans le rapatrier dans l’Etat du domicile du contribuable, soit d’utiliser une société pour disqualifier le revenu. Chaque législation possède ses propres principes pour éviter l’imposition des revenus étrangers.

Section 2 : Les solutions communautaires :

        L’importance prise par la fraude et l’évasion fiscale ainsi que l’efficacité incertaine des moyens conventionnels utilisés pour les combattre ne pouvaient laisser insensibles les Etats membres de la communauté : ces pratiques sont, en effet, de nature à provoquer des distorsions dans les mouvements des capitaux et dans la condition de la concurrence incompatibles avec le bon fonctionnement du marché commun. Aussi les Etats se sont –ils engagés dans la voie d’une action concertée qui a porté ses fruits puisque les mesures préconisés par les autorités communautaires ont été suivies d’effets sur le plan interne.

§ 1 : L’assistance préconisée :

L’action communautaire s’est traduite, d’abord, par la résolution du conseil du 10 Fevrier 1975. Elle s’est poursuivie, ensuite, par l’adoption de deux directives en date, respectivement, du 19 décembre 1977 et du 6 décembre 1079.

A- La résolution du 10 Février 1975 :

      Cette résolution marque une date importante sur le plan politique : elle est, en effet, la première manifestation de la volonté des Etats membres d’entreprendre une action concertée dans le domaine de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales. Certes, cette volonté se limite aux impôts sur le revenu. Mais les mesures préconisés sont importantes.

       Au-delà de l’assistance à l’assiette entre les Etats membres destinée à faciliter l’échange des renseignements dont ils disposent, la résolution proclame, en effet, la nécessité de procéder à l’harmonisation des moyens d’investigation reconnus à l’administration fiscale dans les différents Etats, en même temps qu’elle estime souhaitable de mettre en place une collaboration des agents des différents Etats.

B-La directive du 19 décembre 1977 :
       La portée de cette directive est à la fois plus étroite, et surtout, plus large que celle attachée à la recommandation de 1975.
Les objectifs assignés aux Etats membres par la directive sont, en effet, en recul au regard de ceux que définissait la résolution de 1975. Désormais, il s’agit seulement d’organiser l’échange des renseignements entre les Etats membres ; les objectifs plus ambitieux relatifs à l’harmonisation des législations en matière de contrôle fiscal et, dans une certaine mesure, l’action concertée des agents, n’ont pas été repris.
                                          
C- La directive du 6 Décembre 1979 :

       Cette directive renforce encore un peu plus l’action entreprise en étendant à la taxe sur la valeur ajoutée le champ d’application des dispositions que la directive de 1977 avait réservé aux impôts sur le revenu et sur la forme. La portée des mesures préconisées est donc très large en ce qui concerne les impôts visés. Le contenu, par contre, laisse à désirer.    
                                         
§ 2 : La directive du 24 Juillet 2006 :

        Les Etats membres ayant toutefois des besoins différents, elle ne crée pas d’obligation : elle leur ouvre uniquement certaines options, à charge pour chacun d’entre eux de retenir en tant que de besoin les mesures adéquates, lesquelles sont ainsi prévues comme une alternative à la règle normale de droit commun.

        Les administrations fiscales et douanières pourront par conséquent mieux réagir face aux montages fiscaux destinés à obtenir un avantage au titre de la TVA, procédés  auxquels ils sont confrontés de manière croissante.
Pour les entreprises, la mesure prévue n’est pas non plus dépourvue d’avantage, le développement de la fraude à la TVA ou des pratiques d’évasion portant atteinte à la loyauté de la concurrence.

Section 3 : Les mesures conventionnelles et leurs limites :

        Sous l’influence des organisations internationales, l’assistance administrative est aujourd’hui pratique courante. Elle se traduit par une action concertée en vue de renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Cette coopération revêt, parfois, un caractère multilatéral : tel est le cas de l’expérience menée par le « groupe des quatre » la France, l’Allemagne, les USA et le Royaume unis. Il s’agit d’une action bilatérale fondée sur des clauses d’assistance à l’assiette au recouvrement contenues dans les conventions fiscales. Ces clauses font l’objet de restrictions qui nuisent à leur efficacité. Selon les cas, les limitations sont inspirées par des motifs d’ordre technique ou politique.

§1 : Les limites techniques :

Ces considérations  conduisent à limiter la portée de l’assistance administrative à l’assiette et, plus encore, celle de l’assistance administrative au recouvrement.

A-Les limites à l’assistance à l’assiette :

       Ces limites sont expressément prévues par le modèle de convention de l’OCDE. D’une part, il n’est pas concevable que l’assistance administrative qui résulte d’un accord diplomatique permette d’obtenir plus de renseignements qu’il n’est possible d’en collecter sur le fondement de la législation des Etats contractants. D’autre part, il apparait nécessaire d’éviter que l’échange de renseignements mette en cause les intérêts vitaux des ressortissants des Etats concernés. Dans le premier cas, les limites résultent de la condition de réciprocité ; dans le second, elles sont liées au secret.

1-Condition de réciprocité :
Les avantages consentis à l’Etat contractant par une convention fiscale ne le sont que sous le bénéfice de la réciprocité. Cette condition se traduit par une double limitation de l’efficacité de l’assistance à l’assiette qui provient de l’état du droit de l’Etat requerant et l’Etat requis.
      -L’état du droit de l’Etat requérant :
       L’Etat requérant ne peut solliciter la transmission d’informations que sa propre législation ne lui permet pas d’obtenir, quel que soit, l’état de la législation de l’Etat requis. A l’appui de cette impossibilité, il faut faire valoir deux arguments. Il n’est pas concevable, d’abord, qu’un Etat demande des renseignements qui ne peuvent être obtenus qu’en application d’une procédure qu’il n’a pas jugé opportun d’introduire dans sa propre législation. La solution inverse se heurtait, en outre, et à raison de cette carence de sa législation, à l’impossibilité de transmettre à son cocontractant les mêmes renseignements si la requête lui était adressée.  
     -L’état du droit de l’Etat requis :
      Corrélativement, l’Etat requis ne peut être tenu d’aller au-delà de ce que le droit interne lui permet d’obtenir. Il ne peut transmettre que des renseignements que sa propre législation lui permet d’obtenir, même si celle de l’Etat requérant est plus complète.
      La combinaison de deux législations conduit à ne pas permettre l’échange des renseignements que sur la base de celle qui est plus restrictive.

2- La règle du secret :
Le secret limite les possibilités offertes par la procédure d’assistance administrative. Il s’impose à l’Etat requérant en même temps qu’il peut lui être opposé.
    -Le secret imposé à l’Etat requérant :
Cette obligation imposée à l’Etat requérant découle du secret fiscal que reconnaissent les différentes législations fiscales. Elle conduit à ne permettre l’utilisation des renseignements transmis par l’Etat requis que dans le cadre des procédures fiscales relatives à des impôts vidés par la convention, à l’exclusion de toute autre utilisation. En revanche, le renseignement peut être utilisé aussi bien par les autorités administratives pour la détermination des bases d’imposition ou du montant de l’impôt que pour les autorités juridictionnelles à l’occasion d’un litige intéressant le principe ou le montant de l’impôt.
    -Le secret opposé à l’Etat requérant :
Cette limitation a une portée beaucoup plus grave même si elle n’est pas discutable en son principe. Elle permet à l’Etat requis de refuser de transmettre les renseignements demandés dès lors que leur transmission serait susceptible de mettre en cause le secret des affaires entendu au sens large. Il parait nécessaire de protéger les informations industrielles, commerciales, bancaires ou de toute autre nature, qui, si elles étaient connues, placeraient les entreprises de l’Etat requis dans une situation défavorable face à leurs concurrentes de l’Etat requérant.

B-Les limites d’assistance au recouvrement :

       L’assistance au recouvrement est plus contraignante pour l’Etat requis que l’assistance à l’assiette : elle le conduit à procéder sur son territoire au recouvrement de créances fisclaes  de l’Etat requérant selon les règles et procédures applicables au recouvrement de ses propres impôts. Cela explique le contenu plus vaste des limites assignées à la collaboration des Etats en la matière. Outre celles déjà rencontrées tenant à la condition de réciprocité et à la règle du secret fiscal l’assistance au recouvrement connaît d’importantes limites qui lui sont propres. Ces dernières procèdent de la définition et du régime des créances recouvrables sur le territoire de l’Etat requis.
-La définition des créances concernées :
Il résulte de l’article 2 et de l’article 6 du modèle de convention de l’OCDE que les limites de l’assistance au recouvrement tiennent à la fois à la nature et aux caractères des créances concernées.
     +Nature des créances concernées :
Cette condition conduit à exclure de la procédure d’assistance au recouvrement aussi bien les créances représentatives d’impôts non visés par la convention qui lie l’Etat requérant et l’Etat requis que celles qui trouvent leur origine dans des prélèvements non fiscaux.
     +Le caractère des créances concernées :
Les créances susceptibles de recouvrement sur le territoire de l’Etat requis s’entendent uniquement des créances définitives insusceptibles de recouvrement sur le territoire de l’Etat requérant.
-Le régime des créances concernées :
Dans chaque Etat, les créances fiscales obéissent à un régime particulier dont le contenu est de garantir le recouvrement lorsque la bonne volonté du contribuable fait défaut. Ce régime se traduit par l’existence de procédures spécifiques de recouvrement des impôts et des privilèges qui confèrent au Trésor Public une priorité sur les autres créanciers.

§2 : Les limites politiques :

       Les limites techniques de l’assistance administrative ne mettent pas en cause le principe de la collaboration entre les Etats. Elles témoignent seulement de leur volonté conjointe à mettre cette coopération dans des modalités réalistes. Tel n’est pas le cas des limites d’ordre politique qui révèlent que les impératifs de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales s’effacent parfois devant des prérogatives attachées à la souveraineté des Etats qui font alors prévaloir leurs intérêts, soit ceux de leurs nationaux.

       C’est l’intérêt des Etats qui explique aussi bien le pouvoir d’appréciation reconnu aux Etats contractants dans l’application des dispositions conventionnelles à l’assistance que le refus de certains de collaborer à la lutte contre les mécanismes internationaux de refus de l’impôt. Le refus d’assistance résulte dans plusieurs cas de l’ordre public permettant à l’Eta requis de refuser de communiquer les renseignements demandés chaque fois que cette communication serait contraire à l’ordre public.

Chapitre 2 : Les moyens de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale au Maroc :

       Au Maroc, la fraude et l’évasion fiscale, dysfonctionnement du système fiscal, est un produit des enjeux, des interactions et des interdépendances des demandes du système politique exprimées en dépenses publiques en croissance permanente, et de réactions des acteurs du système économique aux contraintes du système fiscal.
L’approche de la politique fiscale, alternant, simultanément, les modifications des taux d’imposition et l’octroi d’exonérations fiscales, a contribué à la réunion des conditions favorables à l’amplitude de la fraude fiscale qui sont :
-Une fiscalité pénalisante pour l’entreprise
-Des prélèvements fiscaux à la source qui grèvent lourdement les salaires ;
-Une fiscalité indirecte qui décourage la consommation.

      Dans le contexte marocain, il nous semble que la fraude fiscale est une réaction défensive, certes anormale, des contribuables contre l’instrumentalisation sélective et inégalitaire du système fiscal.
Pour affirmer ces propos, il est opportun d’analyser les actions des pouvoirs publics pour les comportements frauduleux des contribuables et d’évaluer leur performance et efficacité.

Section 1 :Les limites des dispositions classiques de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale :

       La réforme fiscale a instauré un système synthétique déclaratif axé principalement sur le monde de la retenue à la source au titre des revenus salariaux et des revenus de capitaux mobiliers et du paiement spontané en ce qui concerne la TVA et l’impôt sur les sociétés.

      Le fondement du système fiscal déclaratif est que l’acte fiscal accompli par le contribuable au titre de la déclaration de ses revenus, de son chiffre d’affaires, sous sa propre responsabilité, jouit de la présomption de sincérité jusqu’à preuve du contraire.
Cependant, les résultats du contrôle fiscal font observer que la fraude fiscale est une réalité qui porte atteinte à la répartition équitable des charges publiques et qui fausse les règles de la libre concurrence.

§1 : L’organisation administrative du contrôle fiscal :

       Etablir l’équilibre entre les acteurs économiques et contribuer à la cohésion sociale constituent l’enjeu du contrôle fiscal. De ce fait, le contrôle fiscal doit être une action stratégique de la politique publique à objectifs multiples et variés dont l’exécution est assurée par l’administration fiscale.

       La logique du contrôle fiscal impose la recherche du meilleur rendement afin d’assurer à l’Etat les ressources nécessaires pour couvrir les différentes charges.
L’objectif juridique du contrôle fiscal est de veiller à l’application de la loi fiscale dans le cadre des procédures de taxation spécifiques qui sauvegardent les garanties des contribuables et assurent la crédibilité du régime déclaratif du système fiscal.
L’objectif socio-économique du contrôle fiscal est de sauvegarder les règles de la concurrence entre les opérateurs économiques mais aussi d’assurer l’application du principe de l’égalité devant l’impôt et par l’impôt et la régulation de l’économie.
Le contrôle fiscal constitue donc un ensemble de moyens juridiques au service d’une organisation publique dont les actions et les décisions administratives obéissent à une rationalité de politique publique de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

       Ainsi, le contrôle fiscal requiert une superposition de plusieurs fonctions complémentaires et hiérarchisées qui peuvent être regroupées dans les attributions :
-De conceptions, d’analyse et de suivi d’exécution des programmes de vérification, assurés par les services de l’administration centrale ;
-De contrôle opérationnel des comptabilités des entreprises exercé par les brigades régionales de vérification et du contrôle sur pièces par les inspecteurs de l’assiette.

§2 : Les procédures du contrôle fiscal :

      A priori les déclarations souscrites par les contribuables sont présumées sincères. Cependant, l’administration se réserve le droit de contrôler leur caractère probant dans la limite du délai de reprise, afin de réparer les omissions et les irrégularités et de sanctionner les actes frauduleux.
Ainsi, le contrôle fiscal a pour fonction principal de vérifier la sincérité des déclarations et s’assurer, sur place, de l’existence matérielle des biens figurant à l’actif.

      La vérification comprend deux phases distinctes mais complémentaires :
-Le contrôle de la déclaration fiscale effectué par l’agent d’assiette, dans son bureau : contrôle sur pièces ;
-La vérification de la comptabilité qui est effectué sur place, selon des programmes préétablis : le contrôle externe.

       A la base du contrôle fiscal, il y a la collecte de renseignements permettant de déceler les insuffisances et les dissimulations dans les déclarations fiscales. La recherche de renseignements par l’administration auprès des tiers s’inscrit, par voie législative, dans le droit de communication.

      Lorsque, à l’issue d’une vérification comptable, l’inspecteur est amené à rehausser la base d’une imposition primitive il doit, avant d’établir l’imposition supplémentaire et les sanctions correspondantes, engager la procédure contradictoire des rectifications des impositions.
     
       Comme toute infraction pénale, le délit en matière fiscale doit nécessairement être constitué par la réunion de trois éléments :
-un élément légal reposant sur l’existence d’une disposition législative réprimant le fait incriminé ;
-un élément matériel ayant trait à la preuve de l’infraction commise ;
-un élément intentionnel ayant trait à l’intention frauduleuse.
Les infractions considérées manœuvres frauduleuse, doivent avoir pour mobile, la volonté de :
-Se soustraire à la qualité de contribuable ou au paiement de l’impôt ;
- Ou d’obtenir des déductions ou des remboursements indus.
Les faits constitutifs des infractions sont les suivants :
-Délivrance ou production de factures fictives ;
-Production d’écritures comptables fausses ou fictives ;
-Vente sans factures de manière répétitive ;
-Soustraction ou destruction de pièces comptables légalement exigibles ;
-Dissimulation de tout ou partie de l’actif du redevable en vue d’organiser son insolvabilité.
Il appartient à l’administration fiscale d’apporter la preuve de l’existence de tels faits.
Ces infractions sont constatées par PV établi par deux agents de l’administration fiscale ayant au moins le grade d’inspecteur, commissionnés à cet effet et assermentés conformément à la législation en vigueur.
Cette constatation ne peut avoir lieu que lors d’un contrôle fiscal et à l’occasion d’une vérification de comptabilité.
La loi prévoit l’application de sanctions pénales sous forme d’une amende de 5 000 à 50 000 dhs et, en cas de récidive, une peine d’emprisonnement de 1 à 3 mois, est-ce suffisant ?
L’initiative de la plainte, pour l’application des peines pénales appartient au Ministre des Finances ou à la personne déléguée par lui à cet effet.
Cette plainte est obligatoirement soumise à l’avis préalable et constitutif d’une commission dite « commission des infractions fiscales ».
Après avis de la commission des infractions fiscales, le Ministre des Finances ou la personne déléguée par lui à cet effet peut saisir peut saisir le Procureur du Roi compétent du lieu de l’infraction. Le procureur du roi saisi le tribunal compétent qui doit charger un de ses membres en vue de procéder à un complément d’information, étant précisé que le caractère dudit complément d’information est une dérogation aux règles de procédure pénale de droit commun.

§3 : Les limites inhérentes au système de contrôle fiscal :

      La performance du contrôle fiscal est tributaire de certaines difficultés et insuffisances liées directement aux conditions d’exercice du droit de vérification des comptabilités par les inspecteurs vérificateurs, et concernant tout particulièrement :
-Le cadre législatif et réglementaire régissant le droit d’appréciation de l’administration ;
-L’approche de programmation des entreprises à vérifier ;
-Les ressources du contrôle fiscal ;

      Nul besoin de démontrer que le système fiscal doit tenir compte des caractéristiques du système social. En retour, les mesures fiscales doivent aussi rétroagir sur le système social pour répondre aux objectifs et aux exigences des systèmes économiques, financiers et politiques. C’est cette dynamique des systèmes qui devra présider à l’effort de réforme et d’adaptation du système fiscal à son environnement.
En matière de contrôle fiscal, l’évolution d’amélioration des structures financière et organisationnelle des entreprises impose à l’administration fiscale une dynamique d’adaptation des règles et des techniques de contrôle aux finalités d’équité et d’efficacité du système fiscal.
A ce titre, la plus part des vérificateurs perçoivent le cadre législatif contraignant en apportant trop de garanties aux contribuables au détriment de la performance du contrôle. C’est le cas :
-du pouvoir d’appréciation de l’administration fiscale ;
-de la procédure de taxation d’office. 

        Le contrôle fiscal, action opérationnelle de lutte contre la fraude fiscale, est un outil de régulation du système économique et financier. Son efficacité dépend des règles et des mécanismes régissant l’organisation et le fonctionnement des acteurs économiques et financiers.
De même, l’objectif d’équité et d’efficacité du contrôle fiscal demeure tributaire de la transparence des flux économiques et financiers des entreprises. Autrement dit, le rendement du contrôle fiscal est conditionné par le niveau de développement du système informationnel de l’économie.



Section 2 : Les voies nouvelles de lutte contre la fraude fiscale au Maroc :

            La fraude fiscale est un phénomène social complexe dont la caractéristique principale est « le manquement à l’éthique sociale ».
En effet, l’interdépendance et l’interaction des divers facteurs politique, économique, administratif et culturel conditionnent les comportements frauduleux des acteurs du système économique. Dans cette perspective, la fraude fiscale est perçue comme un dysfonctionnement résultant à la fois des contraintes budgétaires et des exigences du système politique d’une part, et des réactions des acteurs du système économique contre le poids de la pression fiscale élevé au moyen de comportements frauduleux d’autre part.

         La situation s’aggrave du fait que « la fraude fiscale a tendance à prendre aujourd’hui des formes inédites, les structures juridiques sont plus complexes et plus opaques, l’internationalisation des échanges engendre une délocalisation croissante de la matière fiscale, les nouvelles technologies et le commerce électronique semblent ouvrir de nouveaux chemins à la fraude et à l’escroquerie.
La réussite d’une stratégie de lutte contre la fraude fiscale dépend de l’importance attachée à cette dernière au sein de la sphère sociale, économique et politique de la société.

         Dans cette perspective, le Maroc doit faire face à un double défi :
-intégrer le processus de la mondialisation des échanges avec tout ce qu’il implique comme changement culturel, économique, politique et organisationnel avec l’objectif affiché de rattraper le gap de l’avance technologique pour réduire sa dépendance.
-puiser dans la fiscalité intérieure, dont le potentiel est encore peu exploité du fait de la pratique de la fraude fiscale à grande échelle pour justement augmenter la capacité de financement du Trésor public.
-contribuer à augmenter de façon continue les recettes fiscales.
-Développer chez les acteurs économiques, les décideurs politiques et les membres de la société civile une nouvelle culture fiscale basée sur transparence, la participation et la responsabilisation.
-Procéder à une réforme fiscale permettant à l’entreprise marocaine d’intégrer l’ère de la mondialisation des échanges au moindre coût.

        La complexité de la fraude fiscale et l’incapacité des pouvoirs publics par des actions unilatérales, le plus souvent à caractère coercitif, ne s’inscrivant pas dans une démarche globale pour juguler ce fait social, il nous semble qu’un processus d’interaction/négociation et de coordination entre les divers intervenants dans le champ de la fraude fiscale est de nature à créer les conditions favorables à l’élaboration et la mise en œuvre de voies nouvelles de lutte contre la fraude qui intègrent deux actions complémentaires.
-La première action politico-administrative de lutte contre la fraude fiscale s’intéresse principalement à la gestion du système fiscal. C’est une réflexion managériale en termes de coût/efficacité de l’action publique de lutte contre la fraude intégrant l’ensemble des acteurs du système fiscal. Cette nouvelle conception de la lutte contre la fraude fiscale sera concrétisée par l’institution d’un conseil national de lutte contre la fraude fiscale qui aura la charge d’élaboration d’une stratégie nationale en la matière.
- La deuxième action politique est une proposition de réforme fiscale qui amène un changement, qualitatif dans le système fiscal et ce, dans le but d’assurer son adaptation à son environnement dans le sens :
+De sécuriser les acteurs/contribuables ;
+De créer les conditions favorables de la légitimité de lutte contre la fraude fiscale en tant qu’action collective.


      
































CONCLUSION :

      Pour conclure, nous dirons que trois leviers d’action permettent de renforcer le consentement à l’impôt : le premier est l’adaptation de la loi fiscale dans le sens de la simplification et de la recherche d’un niveau de prélèvement et de modalités de répartition maintenant un large consensus. Le deuxième est la réorganisation des administrations fiscales afin de développer le service aux contribuables volontaires et de bonne foi à cibler les moyens coercitifs sur les autres. Le troisième est celui de l’éducation, de l’information, de la communication sur la bonne utilisation de l’argent public.

      Notons que l’efficacité de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales est tributaire fondamentalement de la volonté et l’engagement des acteurs politiques et économiques à soutenir, coordonner, animer et contrôler les actions de toutes les administrations concernées directement ou indirectement par la fraude.

   Pour, donc, renforcer la lutte contre la fraude fiscale, un débat multidisciplinaire et transnational sur les questions sensibles suivantes et primordial :
-La détection et la diffusion des fraudes transfrontalière qui usent de procédés  et de structures sophistiqués et artificiels pour échapper illégalement à l’impôt.
-L’harmonisation des systèmes fiscaux.
-La délimitation du secret bancaire et professionnel eu égard à l’évolution des structures d’exercice des activités économiques et des techniques juridiques et technologiques de transfert des capitaux.