Plan:
Partie
1 : Les manifestations de la fraude et de l’évasion fiscales :
Chapitre 1 : Définitions,
fondements et impact :
Chapitre 2 : Formes et
manifestations :
Partie
2 : Les moyens de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales
Chapitre 1 : Le rôle du droit
international dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales
Chapitre 2 : Les moyens de lutte
au Maroc
Introduction :
Aujourd’hui, la confusion est totale. Les
grands groupes multinationaux usent d’astuces juridiques et réglementaires pour
amoindrir, voire annihiler l’effet de l’impôt sur leur rentabilité. Ils vont
jusqu’à utiliser les mêmes techniques et circuits que les organisations
criminelles transnationales qui veulent maximiser leurs procédures et
opérations de blanchiment d’argent sale. Les plus riches s’exilent pour
échapper à la taxation, imités peu à peu par les classes moyennes supérieures
qui souhaitent augmenter leur pouvoir d’achat et/ ou supprimer le coût des
successions et des transmissions. Des ministres chargés de lutter contre la
délinquance financière ouvrent illégalement des comptes bancaires en Suisse ou
à Singapour. Les banques officient sur des marchés parallèles, shadow banking
et dark pools.
Nous le voyons, la fraude et l’évasion
fiscales ne cessent de gagner du terrain malgré un ensemble de mesures
préventives et répressives paraissant de plus en plus rigoureuses.
Malheureusement, seuls les juristes et les politiques pensent ou laissent
penser que la situation s’améliore. Les premiers, exégètes de la doctrine, ne
voyant pas toujours la réalité du terrain, les seconds se gargarisant des lois
qu’ils ont initiées.
Présentant un intérêt indéniable aussi
bien sur le plan politique que sur le plan social et économique, la fraude et
l’évasion fiscales sont un phénomène très complexe posant de sérieuses
problématiques non seulement sur le plan national mais également sur le plan international. La
question qui se pose et s’impose est la suivante : Quelles sont les formes
que la fraude et l’évasion fiscales peuvent revêtir ? Et quelles sont les
moyens de lutte contre ces contestations du pouvoir fiscal ?
Partie 1 : Les manifestations de
la fraude et de l’évasion fiscales :
Selon les économistes les plus avertis,
un bon impôt est celui qui est juste, équitable, non confiscatoire et non
pénalisant. L’impôt doit trouver sa justification dans ses fonctions
redistributives, autrement dit, l’impôt doit servir l’intérêt de la communauté.
Un bon impôt servirait non seulement au financement des services publics, mais
réduirait le fossé de l’inégalité entre les différentes classes sociales au
sein d’un Etat.
Si l’impôt déroge à ces principes, il
provoque alors la résistance, le mécontentement et le refus du
contribuable : c’est ainsi que se manifestent la fraude et l’évasion
fiscales.
Chapitre 1 : Définitions,
fondements et conséquences de la fraude et l’évasion fiscales :
Section 1 :
Définitions :
La fraude et l’évasion fiscale font
partie des actes ou des comportements qui ont pour finalité la contestation du
pouvoir fiscal : Ce sont des formes de résistance, conscientes ou non, à
l’ordre fiscal aussi bien national qu’international.
Il
y a des ambigüités qui ont la vie dure. Il est évident que la fraude fiscale
est un délit. Mais l’évasion fiscale l’est-elle tout autant alors même que dans
certains pays elle n’est pas poursuivie ? Et quelle est la différence
entre évasion et optimisation ? Est-ce que Google ou Apple optimise, évade
ou fraude ? En outre, pour couronner le tout, beaucoup confondent en
permanence évasion fiscale et exil fiscal. Il est donc nécessaire de revenir sur
l’ensemble de ces concepts.
La fraude, au sens international, se
définit comme « un acte
intentionnel commis par un ou plusieurs dirigeants, par des personnes
constituant le gouvernement d’entreprise, par des employés ou par des tiers,
impliquant des manœuvres dolosives dans le but d’obtenir un avantage indu ou
illégal. »
La
fraude fiscale peut être définie comme une pratique
illicite qui a pour objectif d’escamoter des sommes imposables afin de ne pas
payer les taxes dues. Autrement dit, c’est le fait ou la tentative de se
soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement de l’impôt par
dissimulation volontaire de sommes sujettes à l’impôt.
L’évasion
fiscale correspond aux comportements
visant à réduire le montant des prélèvements obligatoires, mais sans
l’existence de l’élément intentionnel. C’est l’absence de cet élément qui
permet de distinguer l’évasion fiscale de la fraude fiscale. Autant dire que le juge ici a un rôle d’appréciation
prépondérant. Si le contribuable a recours à des moyens légaux, l’évasion
devient de l’optimisation. A l’inverse, s’il s’appuie sur des techniques
illicites, l’évasion s’apparente à de la fraude.
Le terme « évasion » évoque une image dépeignant une
réalité bien concrète : le fait de réduire l’impôt en déplaçant un
patrimoine vers un autre pays de type paradis fiscal et sans déclarer les
revenus générés par ces avoirs.
La confusion est permanente, notamment
dans les médias, entre « évadé fiscal » et « expatrié
fiscal ». Et pourtant, le premier est interdit et peu décrié, le second
est autorisé et pourtant honni. Les deux poursuivent effectivement le même but,
mais avec des moyens et des actes différents.
-L’évadé fiscal pratique l’évasion
fiscale, c'est-à-dire profite des lois et incitations pour réduire son impôt,
jusqu’à aller au-delà ce qui est permis.
-L’exilé fiscal se déclare officiellement
dans un pays à faible taxation mais continue à vivre dans son pays d’origine.
-L’expatrié fiscal, quant à lui, quitte
réellement le pays pour trouver asile dans des contrées plus agréables
fiscalement.
Il
y a souvent confusion entre tous ces termes. Celui de l’exilé est décrié car il
sous-entend que la pression fiscale est à l’ origine du départ, comme un
bannissement, affranchissant l’exilé de toute faute et accablant l’Etat
d’origine.
L’optimisation
fiscale n’est pas un délit puisqu’elle correspond à l’usage habile des lois et
des conventions pour réduire la charge fiscale. La stratégie
d’optimisation se requalifie en évasion fiscale dès lors que le montage
juridique mis en place par l’entreprise apparaît artificiel et aurait pour but
unique d’échapper à l’impôt.
L’optimisation fiscale peut être considérée comme un élément de
stratégie patrimoniale internationale parfaitement légal ou de maximisation de
la rentabilité des entreprises totalement intelligent. La question réside dans
la frontière entre fraude et optimisation.
Nous
nous apercevons qu’il est parfois très compliqué de faire la part des choses
entre ces trois qualifications. Le débat sur le comportement de multinationales
renommées comme Google, Microsoft ou Amazon a mis sur le devant la scène cette
problématique. Lorsqu’une entreprise évite
légalement l’impôt, que peut-on lui reprocher ? La notion de
logique entre alors en jeu. La question à se poser est la suivante : Y-a-t-il une logique commerciale à avoir une filiale par
exemple aux îles Vierges Britanniques ? Si tel est le cas, alors
nous nous trouvons dans une forme classique d’optimisation fiscale. Si
l’installation sur ce territoire ne répond qu’à une logique d’évitement de
l’impôt, alors nous pouvons parler d’évasion fiscale, voire de fraude fiscale,
s’il est possible de démontrer que le montage est délictueux, par exemple, par
une facturation excessive des services ou des produits vendus.
Pour résumer, nous dirons que la
fraude implique une tromperie, une escroquerie, une falsification, une
malversation. La fraude fiscale consiste en un détournement du système pour ne
pas acquitter l’impôt quel qu’il soit : c’est une infraction.
Intentionnellement, un particulier ou une entreprise ne respecte pas le droit
fiscal par l’omission de déclaration ou l’organisation d’insolvabilité. Le plus bel exemple est le blanchiment de fraude fiscale
qui se pratique en deux temps, d’abord une non déclaration de revenus au fisc
du pays dont dépend le contribuable, puis un placement de ces revenus non
déclarés dans un paradis fiscal en acquérant un bien. La fraude fiscale,
qui est illégale, coûte au PIB ; Pour y remédier, des moyens sont mis en
œuvre : liste des Etats non coopératifs dans l’échange d’informations
fiscales, création de fichiers fiscaux, lutte contre le secret bancaire,…
L’évasion
représente une délivrance, une échappatoire, une sortie pour trouver protection
ou profit. L’évasion fiscale consiste en un évitement institutionnalisé de
l’impôt : elle est licite.
Délibérément,
un particulier ou une entreprise cherche à minorer son impôt en utilisant les
niches fiscales autorisées par le droit fiscal afin d’optimiser sa situation.
Les
plus beaux exemples sont la défiscalisation immobilière, la défiscalisation
mobilière, l’assurance-vie, l’épargne-retraite, la création d’entreprise, le
mécénat,… L’évasion fiscale, qui est légale, rapporte au PIB. Pour autant, on
ne la combat pas mais on la limite : création de l’exit tax, mise en place
de modèles de convention sur l’échange de renseignement en matière fiscale,
coup de rabot sur les niches fiscales pour les particuliers…
Cependant, une question se pose « Quel est le rôle
du juge dans cette distinction ? » « Le devoir d’un bon berger
est de tondre le troupeau, non de l’écorcher. » le rôle du juge
doit être avant tout de faire preuve de discernement en évitant d’amalgamer les
éléments. Le juge doit sévèrement sanctionner les fraudeurs, bref, il doit
énergiquement lutter contre la fraude fiscale. En revanche, le juge doit
s’attacher à favoriser les investissements, il doit participer au développement
de l’évasion fiscale. Mais il doit surtout être suffisamment fort pour éviter
les pressions de toute nature, celles des Etats, celles des multinationales,
celles des politiciens. Hélas, la corruption existe et le rôle du juge peut
s’avérer parfois difficile ! En effet, il est particulièrement ardu de
décortiquer le fonctionnement des paradis fiscaux qui abritent discrètement les
fortunes des dictateurs ou les lucratives activités para bancaires, de
démanteler le trafic d’influence entre politiciens, de désorganiser les
agissements des multinationales pour la vente d’armements à des Etats voyous.
Ainsi, l’optimisation fiscale est-elle
nécessaire pour les entreprises et pour les particuliers ?
Naturellement !
La possibilité de création d’une holding ou la mise en place d’un LBO par
exemple en sont des preuves efficaces pour les entreprises, et les agréments
légaux des investissements en immobilier direct principal et locatif par
exemple en témoignent positivement pour les particuliers. Mais dans un contexte
actuel incertain, il faudrait élaborer des montages plus techniques constitués
de produits plus innovants. En effet, l’optimisation fiscale passe à la fois
par des produits et de l’ingénierie patrimoniale.
Enfin, quel est son impact sur le plan
macroéconomique au niveau des Etats ?
Il
serait souhaitable que l’optimisation fiscale se renforce dans le futur. Si la
base imposable de l’impôt tant des sociétés que celle des particuliers est
élargie, ce renforcement ne devrait pas avoir d’effets néfastes sur les
recettes publiques. En revanche, il ne faut pas modifier de manière
intempestive les taux d’imposition. L’optimisation
fiscale influe sur la production, les créations d’emplois, les investissements
des entreprises ainsi que sur l’épargne, les placements et l’entreprenariat des
particuliers. L’optimisation fiscale est un gage de stabilité et de croissance
économique mais l’impôt, dans le même temps finance les dépenses publiques. En
conséquence, l’alchimie des politiques fiscales doit allier trois
éléments : préserver les recettes budgétaires, réduire la charge fiscale
globale, redéfinir la structure de l’assiette d’imposition. Tout en endiguant
le déficit budgétaire et la dette publique, un Etat doit développer la
croissance économique ainsi que préserver l’équité fiscale, et ce dans la
durée.
Notons, enfin, le
« carrousel de TVA » ou « ronde de TVA » est considéré
comme la source d’argent sale la plus importante en Europe. Cela consiste à se
faire rembourser indûment de la
TVA dans des transactions intracommunautaires virtuelles. Les
mafias pakistanaises et italiennes seraient les spécialistes de cette
escroquerie. La technique est simple. Par exemple, un fournisseur néerlandais A
livre des téléphones portables ou des GPS (même virtuellement car il n’est pas
nécessaire de posséder réellement la marchandise) à un courtier français B, qui
ne paie pas de TVA, car la transaction est intercommunautaire. Ce courtier
revend les produits à une autre entreprise française C en rédigeant une facture
TTC, mais sans reverser à l’Etat la
TVA indue perçue. Or, l’Etat va rembourser à la société C la TVA qu’elle a réglée au
courtier. La marchandise, si elle existe, peut alors repartir au Luxembourg et
transiter ensuite en Belgique pour reprendre la « ronde ».
Section 2 : Fondements
théoriques :
La fraude et l’évasion fiscale ne
datent par d’aujourd’hui. En effet, depuis l’antiquité, l’homme a toujours
refusé de payer l’impôt ; un refus souvent motivé par la lourdeur et
l’injustice d’une imposition, autrefois l’œuvre d’un pouvoir central despote et
interventionniste.
§1 : Refus
partiel :
Les libéraux ont été les premiers à
évoquer la notion de refus partiel de l’impôt ; c’est ainsi qu’Arthur Betz
Laffer, célèbre économiste américain et chef de file de l’école de l’offre, tente
de montrer, par le biais de la courbe portant son nom, que « trop d’impôt
tue l’impôt ». En effet, selon la courbe de Laffer le rendement d’un impôt
est relativement bas au dessous d’un certain seuil mais baisse au-delà d’un
autre.
Le
taux d’imposition optimum n’est donc pas nécessairement le taux le plus élevé
possible, mais celui qui ne provoque pas le refus du contribuable, son évasion,
sa fraude et son découragement.
D’après cette théorie, le contribuable ne
refuse pas l’impôt en tant que tel, mais s’oppose à un taux d’imposition qu’il
estime trop élevé, alors sa marge de manœuvre se traduit par deux cas de figure
en vue d’alléger la matière imposable ; il s’agit de procéder soit par
minoration des recettes, soit par majoration des charges.
A- Le refus par minoration des
recettes : deux cas à
envisager dans cette hypothèse :
Cas
1 : Le contribuable diminue le montant de la matière imposable afin que la
somme de l’impôt soit réduite
Cas
2 : Le contribuable reporte les sommes qui lui sont dues à une date
postérieure
B- Le
refus par majoration des charges :
Le contribuable
gonfle abusivement le montant de ses charges afin de réduire la matière
imposable, mais avec l’obligation que ces charges soient déductibles de ladite
matière.
En pratique, ce refus se traduit par
l’achat, de la part du contribuable, de factures fictives comportant des
charges qu’il n’a pas supportées. Cette technique est très sollicitée au Maroc
et se conjugue souvent avec la passation de fausses écritures comptables de la
part des sociétés.
§2 Le refus total :
Si les
théories économiques ont longtemps débattu de l’ampleur de l’imposition, aucune
d’entre elles n’exclut la présence de l’impôt comme principal moyen d’avoir
financier de l’Etat. Cette affirmation ne semble pas plaire à tout le
monde, ainsi certaines personnes morales ou physiques essaient de faire
échapper la totalité de la matière imposable à l’impôt.
Deux possibilités se présentent :
-L’absence de distribution de bénéfices par les
filiales : et ce dans le but que la société mère échappe à l’impôt sur les
dividendes.
-Le
transfert de revenus et de la fortune : dans ce cas de figure, les revenus
qui auraient du normalement être perçus par un contribuable résident, sont
versés à une société qu’il contrôle et qui est établie sur le territoire d’un
Etat où elle jouit d’un régime fiscal privilégié. Le cas échéant, ces revenus
échappent à l’impôt dans l’Etat de résidence.
Section 3 : Conséquences et impact :
Les
conséquences de la fraude fiscale sont colossales sur l’équilibre des nations
et sur le développement économique et humain. La crise de 2008, financière puis
économique et souveraine, a soulevé plusieurs interrogations en lien avec ce
phénomène. Notamment, il s’est agi de mieux comprendre les rouages de la
finance et d’essayer d’en limiter les excès. Wall Street à New York et la City à Londres ont démontré
une complexité qui engendrait la confusion, pour ne pas dire la manipulation,
profitant de la déréglementation, du dumping fiscal de certaines zones, du
shadow banking, de sa puissance grandissante sur les états et de sa possible
prédominance sur le politique.
Le fait de frauder le fisc n’est peut
être pas l’élément le plus grave. Certes, le fraudeur se met hors la loi et
contrevient aux règles. Mais le plus choquant concerne l’impact d’un tel
acte : sur le développement économique et humain, sur les équilibres
politiques et sociétaux, sur la liberté elle-même.
En
outre, la démocratie est mise à mal par la fraude fiscale et ses actions
connexes : corruption, spoliation des peuples, enrichissement personnel,
petits arrangements au sommet de l’Etat,…
Sur le plan macroéconomique, la fraude
fiscale entraine des conséquences importantes sur les équilibres généraux.
-D’une
part, il convient de rappeler que dans un monde parfait, la somme algébrique
des balances des paiements de l’ensemble des pays doit être nulle, puisque tout
ce qui sort d’un pays entre forcément dans un autre. Or, chaque année, ce sont
des centaines de milliards de dollars qui manquent. Ils arrivent dans les
paradis fiscaux mais nous sommes incapables de dire précisément d’où ils
sortent. Ce phénomène s’intitule le « trou noir » de la balance des
paiements. Ces centaines de milliards de dollars vont donc dormir dans les
coffres-forts des îles Caimans, de Belize ou de Singapour et ne profitent
aucunement au développement économique et humain des pays d’origine.
-D’autre
part, et dans le même champ d’analyse, les paradis fiscaux adossés à la fraude
fiscale et plus généralement à la criminalité, provoquent un accroissement du
déséquilibre entre les pays du Nord et ceux du Sud. Lorsque l’argent propre,
gagné légalement et ouvertement, est escamoté à l’administration fiscale ou
tombe dans les activités criminelles, il passe dans l’ombre. A cet instant, il
appauvrit le pays car il ne sera pas dépensé et sortira de la masse monétaire
« utile ». Les pays les plus touchés sont les plus criminogènes et
les moins contrôlés c'est-à-dire en général les pays les plus pauvres. Une fois
que ces sommes auront été blanchies, elles réapparaitront dans les pays les
plus intéressants en matière d’investissement, autrement dit, les pays riches.
Ce circuit va donc appauvrir les pays pauvres et enrichir les pays riches.
En
allant plus loin dans la démonstration, nous pouvons évoquer le cas de
l’Afrique subsaharienne. Plusieurs études théoriques et empiriques ont montré
que lorsque l’Afrique reçoit 1 euro d’aides et de subventions, il y a en même
temps entre 2 et 10 euro provenant de la corruption, des détournements et de la
fraude fiscale qui partent en catimini dans les paradis fiscaux. Ils serviront
ensuite à des placements de confort de type BMA ou des placements de sécurité
de type financier. Cet mauvaise habitude de quelques potentats locaux dégrade
fortement l’économie régionale, rendant inutile toute velléité d’aider au
développement du continent.
Dans
la même veine, la Grèce
présente un cas intéressant. La fraude fiscale y est historique et endémique.
Pour exemple, en 2008, au moment de la crise et de la découverte des
manipulations des comptes par l’Etat grec, le revenu moyen d’un médecin
généraliste athénien était estimé officiellement à 10 000 euro annuels,
c’est à dire très loin de la réalité. Dans un pays, où tout se paie en liquide,
la fraude se répand partout, du travailleur précaire jusqu’au milliardaire. Les
armateurs ne paient quasiment pas taxes, calculées forfaitairement et assises
sur le tonnage des navires. La crise a amené le gouvernement à leur demander
une petite contribution de l’ordre de 75 à 140 Millions d’euro par an, un
pourboire pour ces milliardaires qui menacent de délocaliser leurs activités en
cas de trop forte taxation. Ce sont ici des milliards qui s’envolent, non par
la fraude fiscale mais par le lobbying pour échapper à l’impôt. Plus drôle, dès
qu’un richissime résident hellène achète une île, il y plante une croix ou y
érige une chapelle, transformant ainsi son ilot en terra religieuse et
échappant par conséquent aux taxes foncières.
De manière
générale, la fraude fiscale aidée des paradis fiscaux casse les mécanismes de
régulation de redistribution des richesses. Evidemment, le débat sur la
pression fiscale excessive existe et l’argument peut être entendu, mais il ne
doit pas occulter le véritable problème de la fraude, et même de l’optimisation
fiscale. A qui profite l’optimisation ? Aux seuls grands groupes
internationaux, aux multinationales se jouant des règles domestiques pour
finalement concurrencer toutes les entreprises qui ne peuvent bénéficier de ces
montages, notamment les plus petites et les plus fragiles. La distorsion de
concurrence liée au dumping fiscal est considérable et explique en partie
l’hégémonie de certains grands groupes tels que Google, H&M, Starbucks,
Amazon, etc. De même, lorsque nous parlons de l’impact de la fraude fiscale des
particuliers, il ne s’agit pas de stigmatiser le petit artisan qui met quelques
milliers d’euros de coté ou le jardinier qui travaille au noir, mais le dirigeant
politique ou l’homme d’affaires qui va éluder l’impôt et ainsi contribuer aux
difficultés financières de son pays. La charge de l’impôt va alors se déplacer
vers les autres, c'est-à-dire ceux qui ont déjà du mal à le payer mais qui,
souvent salariés, le paient pleinement.
Cependant, une question mérite d’être
posée : »Quel est l’impact pour une société d’être soupçonnée ou
accusée de fraude ou d’évasion fiscale ? Quel est l’impact pour une
société lorsque ses montages d’optimisation fiscale sont médiatisées ?
Peut-il y avoir par exemple une désaffection du consommateur ? L’optimisation
fiscale est-elle de la fraude fiscale ? » En l’absence d’une
définition claire de ce qu’est l’optimisation fiscale, la distinction entre ces
deux situations n’est pas aisée. Cependant, les récentes affaires concernant,
entre autres, Starbucks, google, Facebook, Amazon, Apple et Microsoft
interpellent. Elles sont d’autant plus choquantes que, pour beaucoup, ménages
et entreprises, la situation économique se tend. Il apparait pour le moins
curieux que tous les acteurs économiques ne contribuent pas à l’effort de
redressement des économies au niveau de leur richesse.
Si
la distinction entre la fraude et l’optimisation fiscale permettra de
distinguer les malins des malhonnêtes,
il n’est pas évident que tout le monde ait la subtilité du légiste. La question
de l’attitude des citoyens vis-à-vis des entreprises au comportement douteux
mérite d’être posée.
Le
citoyen, contribuable lambda, est en effet également consommateur potentiel de
ces sociétés. Comment réagit-il face à ces comportements ? Des écarts
importants constatés entre la richesse de certaines entreprises et l’absence ou
la faible contribution fiscale sont moins tolérés qu’auparavant, voire
indignent les citoyens. Peuvent-ils les détourner des offres de ces
entreprises ? Une association anglaise contre l’austérité a en effet
proposé une campagne de boycottage de Starbucks suite aux révélations
concernant son stratagème destiné à réduire sa contribution fiscale. Peut-elle
être suivie d’effets ? Des résultats de travaux académiques indiquent que,
lorsqu’une entreprise ou ses responsables ont eu un mauvais comportement,
l’attitude vis-à-vis de sa marque subit une baisse significative. Ce résultat
permet de comprendre la mésaventure de Starbucks qui, suite aux révélations sur
ses pratiques fiscales, a vu sa valeur boursière s’effondrer, l’image de sa
marque s’effriter et, pour la première fois, certains de ses points de vente
fermer. Le cas de cette entreprise met en évidence que même si la relation des
consommateurs avec une marque est longue à construire, elle reste un élément
marketing fragile. Les résultats de cette étude montrent aussi que les
consommateurs attendent de leur marque transparence, respect et honnêteté. Ce
constat est d’autant plus important qu’il semble qu’un individu ne fasse pas de
distinction entre son statut de citoyen et son statut de consommateur…
Enfin,Les conséquences de la fraude
fiscale sur la société et les comportements individuels se ressentent
essentiellement depuis la crise financière de 2008. Les sentiments paraissent
désormais schizophrènes, avec d’un coté des citoyens qui refusent la tricherie,
de l’autre les mêmes qui estiment être ponctionnés au-delà du raisonnable. Mais
cet apparent dilemme s’explique aisément. Comment en effet accepter les
montages des multinationales qui se jouent apparemment de manière légale des
lois pour optimiser le cout fiscal tout en éprouvant à titre personnel des fins
de mois difficiles ? A cela s’ajoute un sentiment de gaspillage par l’Etat
et plus ce sentiment est fort, plus le recours à la tricherie est important.
Chapitre 2 : Formes et
manifestations de la fraude et de l’évasion fiscale:
La libéralisation financière et
l’idéologie économique dominante ont favorisé la prolifération de paradis
fiscaux et de mécanismes permettant aux grosses fortunes et aux multinationales
d’échapper à leurs responsabilités envers les Etats. Pour le Sud, les effets de
l’évasion et de la fraude fiscale sont dévastateurs.
L’échec
du financement du développement est en grande partie dû à un manque de volonté
politique. La majorité des Etats du monde n’ont aujourd’hui pas la capacité
d’assurer leurs dépenses en matière de santé, d’éducation et d’infrastructures,
principalement parce qu’ils ne parviennent pas à générer suffisamment de
recettes fiscales pour les dépenses sociales. Cette crise fiscale est alimentée
par une structure financière internationale, largement soutenue par les Etats
du Nord, qui favorise la fraude et la fuite des capitaux. Combattre les causes
de cette crise permettrait non seulement de couvrir l’actuel déficit de
financement du développement au niveau national, mais également de corriger les
aspects du système financier international qui contribuent massivement à la
pauvreté et à l’inégalité mondiale.
Au cours des 25 dernières années, on a
assisté à une accélération de la mobilité transfrontalière des capitaux et à
l’essor d’un modèle de développement qui pousse les pays du Sud à offrir d’une
part, des incitants fiscaux pour attirer les investissements étrangers, et
d’autre part, un accès intérieur aux flux financiers internationaux. La
libéralisation financière et l’idéologie économique ont favorisé la
prolifération de mécanismes permettant aux contribuables fortunés et mobiles
ainsi qu’aux entreprises d’échapper à leurs responsabilités fiscales envers
l’Etat.
Section 1 : Les transferts des
capitaux et des revenus entre sociétés :
L’étude des mécanismes et procédés de
transfert des capitaux et des revenus entre société nous amène à étudier le
transfert indirect des bénéfices du fait que ce dernier constitue de la matière
pour les fraudeurs d’échapper aux impôts, contrairement au transfert direct des
bénéfices qui est réglementé et ne représente dans la plupart des cas aucun
signe d’existence de la fraude et de l’évasion fiscale.
L’article
57 du code général des impôts édicte les dispositions permettant aux services
fiscaux de s’opposer au transfert indirect des bénéfices. « pour l’établissement de l’impôt sur le
revenu des personnes physiques dû par les entreprises qui sont sous la
dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de
France ; les bénéfices indirectement transférés à ces derniers soit par
voie de majoration ou de diminution du prix d’achat ou de vente, soit par tout
autre moyen, sont incorporés aux résultats qui apparaissent dans les
comptabilités. »
Ces
dispositions sont applicables dans le cadre de l’impôt sur le revenu des
personnes physiques et dans celui de l’impôt sur les sociétés. Elles prévoient
qu’il est procédé de même à l’égard des entreprises qui sont sous la dépendance
d’une entreprise ou d’un groupe possédant le contrôle d’entreprises situées hors
de France.
La
notion de transfert indirect des bénéfices n’est pas définie par le CGI ;
En effet, sa conception est large s’étendant à tout procédé qui a pour résultat
de diminuer le bénéfice imposable, il peut s’agir de :
-L’achat à des
prix majorés ou la vente à des prix minorés ;
-Le versement de redevances
excessives ;
-Les prêts consentis à la société
étrangère à des conditions normales ;
-L’abandon de créances entre sociétés
dépendantes ;
-La participation forfaitaire aux frais
d’exploitation d’une filiale à l’étranger
Ajoutons
qu’il résulte de la jurisprudence du Conseil d’Etat que l’article 57 du CGI ne
peut être appliqué que s’il est établi que des avantages particuliers ont été
consentis à la société étrangère.
C’est
à l’administration qu’il appartient de prouver l’existence de ces avantages et
d’en déterminer le montant ; au préalable, elle doit avoir apporté la
preuve des liens de dépendance (de droit ou de fait) qui unissent la société
française et la société étrangère. L’entreprise française a la faculté
d’apporter la preuve contraire en établissant que l’opération apparemment anormale
est, en réalité, justifiée par les nécessités de l’exploitation.
Toutefois,
en vertu du même article, l’administration n’aura pas à démontrer l’existence
d’un lien de dépendance dans le cas d’opérations commerciales ou financières
avec une entreprise établie dans un pays ou territoire à fiscalité privilégiée.
L’administration conserve néanmoins la charge de la preuve du transfert des
bénéfices au profit de l’entreprise établie dans un tel pays ou territoire.
Comme l’écrit si justement Edwy
Plenel, « la fiscalité n’est pas
l’ennemie de la liberté, qui comprend celles de s’enrichir. Mais elle civilise
cette liberté individuelle en l’insérant dans une relation collective où
chacun, à la mesure de ses moyens, contribue à la richesse nationale, afin
qu’il y ait des écoles, des hôpitaux, des routes, etc, dans l’espoir qu’ainsi
personne ne sera laissé en dehors de la cité commune. » La fiscalité
est nécessaire pour le développement des nations et une réglementation la plus
juste possible doit la structurer, la mettre en musique.
La
réglementation internationale sur la fraude fiscale n’est pas réellement
construite, en dehors des velléités récentes à échanger automatiquement les informations
entre Etats. Il est en effet difficile d’intervenir globalement sur une
question sensible, fortement liée à la souveraineté des Etats. Chacun veut
jalousement défendre ses prérogatives en la matière. Et même lorsque l’Europe a
sauvé l’Irlande de la crise financière et bancaire de 2008, cette dernière a
refusé de durcir sa fiscalité, qui met pourtant à mal l’ensemble de ses
partenaires européens. Le principal écueil concerne le prix de transfert,
véritable casse-tête économique.
Le
prix de transfert ou prix de cession interne peut se définir par « tout flux intragroupe et transfrontalier,
refacturation de coûts… » Or l’OCDE estime que les échanges
intragroupes représentent plus de 60ù du commerce mondial. Il est alors tentant
pour les multinationales d’utiliser les disparités fiscales domestiques pour
optimiser leurs prix et leurs flux de marchandises et de services dans un souci
de rentabilité.
Les
stratégies d’optimisation s’appuient généralement sur plusieurs outils se
groupant en 4 grandes catégories :
-Les régimes de type
« mère-fille » qui permettent d’exonérer en totalité ou
quasi-totalité les dividendes qu’une filiale établie dans un état fait remonter
à sa mère située dans un autre état ;
-Le financement par endettement qui
génère des charges financières déductibles de l’assiette imposable, alors que
l’augmentation du capital ne permet pas, sauf exception, de déduire les
dividendes versés en contrepartie ;
-L’optimisation
des produits hybrides, qualifiés différemment par deux Etats, par exemple
traités comme des titres de dette dans un Etat et comme des titres de
participation dans un autre : leur émission crée des charges financières
déductibles dans le premier Etat mais les produits qu’ils génèrent ne sont pas
imposés dans le second lorsqu’ils sont perçus sous un régime de type
mère-fille ; ou la création d’entités hybrides ;
-Les prix de transfert qui valorisent
les échanges transfrontaliers réalisés entre entités liées, typiquement au sein
d’un groupe de sociétés. « En application des principes de l’OCDE, ces
prix de transfert doivent être déterminés selon le principe de pleine
concurrence, comme s’ils valorisaient des échanges entre entreprises
indépendantes. Or, les entreprises peuvent manipuler ces prix de transfert, toujours
selon la même logique de localisation des charges et des produits. Si elle
n’est pas nouvelle, l’optimisation fiscale des entreprises est profondément renouvelée
par la conjonction de deux phénomènes : la globalisation de l’économie,
d’une part, et le développement de l’économie numérique, d’autre part. Du fait
de la globalisation de l’économie, les flux intragroupe représentent environ
60ù du commerce mondial ; la problématique des prix de transfert est donc
cruciale. Elle l’est d’autant plus que les prix de transfert les plus
difficiles à valoriser et, pour la rémunération des actifs incorporels. Or, la
place des actifs incorporels devient centrale du fait du développement de
l’économie numérique. »
Dans
ce cadre, l’OCDE a développé plusieurs méthodes permettant de fixer et
contrôler un prix de transfert telles que :
+Méthode du prix comparable ou
CUP : elle vise à comparer les prix de transfert pratiqués au sein d’une
entreprise multinationale avec les prix qui sont pratiqués entre entreprises
indépendantes pour des transactions comparables. S’il n’existe pas de
transaction exactement comparable, il est admis de procéder à des correctifs
lorsque ceux-ci peuvent être effectués avec suffisamment de fiabilité.
+Méthode du prix de revient majoré ou
COST PLUS : elle consiste à calculer le coût de revient d’un bien, d’un
service ou d’un actif incorporel et à ajouter une marge bénéficiaire comparable
à celle qui serait pratiquée entre 2 entreprises indépendantes.
+Méthode du prix de revente ou RESALE
MINUS : elle consiste à établir le prix du marché par référence à la marge
réalisée sur la vente d’un produit, d’un service ou d’un actif incorporel
identique ou entre parties indépendantes dans des conditions similaires. La marge
réalisée entre parties indépendantes est alors déduite du prix de revente
pratiqué au sein du groupe afin d’établir le prix d’achat qui devrait être
pratiqué au sein du groupe.
+Méthode
de la marge nette ou TNMM : elle consiste à comparer la marge nette
réalisée sur une transaction au sein du groupe avec les marges nettes qui sont
réalisées sur des transactions comparables avec ou par des sociétés
indépendantes. Ici, on ne compare pas des prix mais des niveaux de marge nette.
+D’autres
méthodes telles que : la méthode de la marge comparable ou CPM, la méthode
du partage de bénéfices ou Profit Split,…
Section 2 : Les transferts des
revenus et de la fortune des personnes physiques :
§1 :
Les
transferts des revenus :
Il y a transfert de revenus à l’étranger
lorsqu’ne personne physique ou moral établit dans un état étranger où elle est
assujettie à l’impôt, perçoit en contrepartie du service effectivement rendu,
des revenus non enregistrés quant à leur montant, mais dont le bénéficiaire
réel est une personne relevant de l’impôt en France.
-Sur
le plan international, cette pratique se traduit par des flux massif de
capitaux dans certains pays et contribue ainsi au désordre monétaire
international.
-Sur
le plan interne, elle lèse les intérêts du trésor public et continue à cet
effet une infraction indirecte à la réglementation des exportations ou des
importations des capitaux.
§2 :
Les
transferts de la fortune :
Le transfert de la fortune entraine la
perception des droits de mutation, dès lors que ce transfert intervient à la
suite d’une donation ou d’un décès.
Ce
transfert est soumis à un impôt dit « impôt sur la fortune ».
Celui-ci prend diverses formes en ce qui concerne le fait générateur et
l’assiette.
En
effet, l’impôt peut être exigible à raison soit de la possession d’un
patrimoine, soit de sa transmission, il peut être assis soit sur certains
éléments de ce patrimoine soit sur l’ensemble de celui-ci.
En France, les personnes qui n’ont pas
leur domicile fiscal échappent à l’impôt sur la fortune. Cependant, les
placements financiers faits en France par des personnes physiques qui y ont
leur domicile fiscal n’en peuvent pas échapper.
Les
contribuables de nationalité française étaient donc susceptibles de bénéficier
de l’exonération citées ci-dessus, dès lors qu’ils pouvaient être regardés
comme ayant leur domicile fiscal hors de la France. Cette possibilité était
de nature à les inciter à transférer pour des motifs fiscaux leur domicile à
l’étranger ce qui constitue une évasion fiscale.
Section 3 : Les supports de la
fraude et de l’évasion fiscales internationales :
Tous les procédés de la fraude et de
l’évasion fiscales ne peuvent aboutir que grâce à l’appui de certains supports.
Il s’agit de sociétés implantées sur le territoire d’un Etat privilégié
fiscalement, un paradis fiscal si l’on préfère.
Ces
supports peuvent être effectifs, c'est-à-dire qu’ils exercent une activité bien
réelle, il s’agit là des holdings et des sociétés de services, comme ils
peuvent être fictifs à l’image des sociétés relais et sociétés écrans qui
n’existent que sur le plan juridique sans véritable activité économique, ne
servant ainsi que de lieu de transit pour les capitaux fuyant une lourde
imposition.
Bien
qu’ils diffèrent par l’ampleur de leur activité, l’objectif escompté par ces
supports reste le même : localiser la matière imposable dans un Etat
refuge à faible pression fiscale afin de réduire le montant de l’impôt à payer.
§1 :
Les supports effectifs :
A-Les
sociétés holding :
Appelée également, société de
portefeuille, société de gestion ou société mère, la holding est une société
dont les actifs sont constitués par des participations dans différentes
entreprises industrielles, commerciales ou financières. C’est une société ayant
pour vocation de regroupe des participations dans diverses sociétés et dont la
fonction est d’en assurer l’unité de direction.
Avec une internationalisation des
échanges et une mondialisation de l’économie de plus en plus accrues, il est
normal de constater l’expansion de l’activité des holdings partout dans le
monde ; un essor duquel ont su profiter les paradis fiscaux qui, par leurs
faibles pressions d’imposition, sont devenus attractifs de tout type de sociétés,
holding y compris. L’idée principale, c’est que la holding située dans un
paradis fiscal, détecte et recueille les dividendes versés par les filiales
afin de les acheminer vers ledit paradis où ils seront exonérés ou légèrement
imposés.
B-
Les sociétés de services :
Ce sont des sociétés qui assurent la
gestion de brevets et procédés techniques qu’elles sont chargées de mettre en
valeur. Elles accordent les licences d’exploitation aux diverses unités du
groupe dont elles dépendent, et reçoivent en contrepartie des honoraires,
commissions ou redevances.
Il y a deux différences entre les
sociétés holding et les sociétés de services même si elles ont le même but à
savoir échapper au fisc dans un pays à forte pression fiscale et centraliser la
matière imposable dans un autre à système fiscal privilégié :
-D’abord,
les sociétés de services n’ont que rarement des participations financières dans
d’autres sociétés. Cela veut dire qu’il n’est pas fréquent qu’une société de
service gère et contrôle une autre société du groupe.
-Ensuite,
les sociétés de services sont dans la majorité des cas des filiales d’une
société mère qui les contrôle.
§2 : Les supports fictifs :
A-Les
sociétés Relais :
C’est une entité juridique installée et
imposable dans un pays à faible taux d’imposition, souvent un paradis fiscal. Généralement
cette société est créée et contrôlée par une personne physique ou morale
installée dans un pays à fort taux d’imposition.
Dans
l’organisation d’une société relais, trois éléments sont à prendre en
considération :
-La
personne morale ou physique qui contrôle la société dispose d’un pouvoir qui
doit être total.
-La
société relais est située dans un paradis fiscal. Celle-ci prendra en général
la forme d’une société de capitaux.
-Les
revenus de la société relais peuvent provenir soit du pays du fondateur et
actionnaire principal de la société relais, soit d’un pays tiers.
La mise en place d’un tel montage,
utilisant une société relais constituée dans un paradis fiscal peut répondre à
divers objectifs : réduire la masse imposable, dissimuler la véritable
identité des investisseurs et transmettre des fonds.
1)Réduire
la masse imposable : La technique va consister à diriger les revenus vers
la société relais localisée dans un paradis fiscal pour leur éviter de subir
des impôts élevés.
Pour
un groupe de société, cette technique permet de constituer une sorte de
« caisse noire » dans un paradis fiscal qui rendra possible le
financement d’opérations particulières.
2)Dissimuler
la véritable identité des investisseurs : L’utilisation de sociétés de
relais permet dans certaines affaires de dissimuler l’identité des
investisseurs. La société joue aussi très souvent un rôle d’écran,
indispensable pour dissimuler les véritables bénéficiaires des sommes
transférées dans le paradis fiscal. Ainsi, il arrive que le circuit le plus sûr
pour transférer des sommes au Liechtenstein passe par les Caraibes via le
Luxembourg.
3)La
société relais peut souvent jouer un rôle dans la transmission de fonds entre
firmes transnationales :
C’est
là une pratique du commerce international qui conduit les sociétés
internationales à verser une commission à un intermédiaire pour obtenir un marché important à l’étranger.
B-
Les sociétés écrans :
Une société écran est une société
fictive, créée pour masquer les opérations financières d’une ou plusieurs
personnes physiques ou morales. C’est une secrétaire, un ordinateur et un
bureau établis dans un havre fiscal, une sorte de boite aux lettres.
Elle
permet de faire endosser les bénéfices au profit de sociétés établies dans un
pays à basse fiscalité.
Créée avec un minimum de substance, le
seul but de la société écran est de rapatrier la matière imposable et la
diriger vers un paradis fiscal.
Partie 2 : Les moyens de lutte
contre la fraude et l’évasion fiscale :
L’essor du commerce international a
rendu ses opérateurs plus avides du profit qu’ils peuvent en tirer. Désormais,
on ne conteste plus le montant de l’impôt à payer, mais on conteste la
légitimité du concept de l’impôt en tant que tel.
Les
groupes multinationaux comme les personnes physiques cherchent à s’installer là
où ils seront le moins taxés. Cette option leur est offerte par les paradis
fiscaux qui sont entrés dans une véritable concurrence fiscale pour
l’attraction de capitaux circulant dans la sphère économique internationale.
Ces entraves et ces contraintes ont
incité les Etats à déclencher une course à l’armement fiscal : La
souveraineté fiscale des Etats est une parcelle inaliénable de leur
souveraineté politique. En effet, la fraude et l’évasion fiscale signifient un
manque à gagner pour les trésors publics, ce qui fera moins de recettes pour
financer les dépenses publiques.
Afin de lutter contre les divers aspects
de fraude et d’évasion fiscale, les Etats ont mis en œuvre plusieurs
dispositifs ; de prévention d’abord puis de répression.
Toutefois,
aucune lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ne peut se couronner de
succès sans une action parallèle entreprise au niveau des paradis fiscaux qui
ne cessent de résister aux revendications de la société internationale.
Notons
que les moyens conventionnels de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales
montrent leurs limites aussi bien d’ordre politique que technique.
Au Maroc, partant du rôle incitatif que
joue le régime fiscal en matière d’investissement, parallèlement à une réforme
effective du système fiscal désormais rationalisé, simple et harmonisé, au
niveau des structures administratives, le Direction Général des Impôts a
procédé à des réaménagements de ses services internes, dont le but est
d’asseoir une administration efficace.
En
effet, le contrôle fiscal au Maroc, exercé par les organes de le DGI, essaie de
réprimer au mieux possible, les traits de fraude et d’évasion fiscales, tout en
garantissant les droits du contribuables et en lui assurant la possibilité de
s’adresser aux voies de recours appropriées.
Chapitre 1 : Le rôle du droit
fiscal international dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales :
Le développement d’une économie mondiale
demeure largement tributaire de la coopération internationale surtout en
matière fiscale. La fraude est une entrave au bon fonctionnement du marché
économique, elle est source de distorsion de concurrence. Elle
est aussi une source d’injustice fiscale et d’illégitimité du système
d’imposition car le poids de l’impôt finit par retomber sur ceux qui n’ont pas
les moyens de développer une stratégie d’évitement. Il n’empêche qu’une autre
voie que celle de la lutte frontale contre l’évasion et la fraude est également
possible, il s’agit de celle privilégiant la prévention car prévenir vaut mieux
que guérir.
Section 1 : Les mesures
préventives:
Les
moyens de prévention contre la fraude et l’évasion fiscales permettent
d’anticiper les agissements des contribuables essayant de limiter leurs charges
fiscales.
Ces
moyens de prévention portent essentiellement sur les points suivants :
Le contrôle des prix de transferts
Le contrôle des versements effectués
à l’étranger
Le contrôle des rapatriements de
recettes
§
1 : Les prix de transfert :
Les groupes multinationaux peuvent être
tentés de manipuler les prix de transfert pour réduire la charge fiscale
globale de leur groupe en faisant apparaître le bénéfice là où il sera peu
taxé. L’application des prix de transfert trouve son lieu de prédilection dans
une situation qui met en jeu des entreprises associées situées, l’une dans un
pays à fiscalité élevée, et l’autre dans un pays à fiscalité privilégiée.
En
raison des liens d’interdépendance qui unissent ces sociétés, l’administration
fiscale de chaque pays considère avec circonspection les transferts de
ressources qui s’opèrent entre elles, recherchant dans chaque cas si ceux-ci ne
revêtent pas un caractère anormal et n’ont pas pour conséquence de faire
échapper à l’impôt national des éléments du bénéfice imposable.
Dans ce sens, les conventions modèles de
l’OCDE et les conventions fiscales internationales ne font que consacrer le
pouvoir de redressement des bénéfices imposables que les administrations
fiscales des Etats tirent de leurs législations internes.
Ce
pouvoir de redressement des prix de transfert, reconnu aussi bien par les
conventions que par les législations fiscales, repose sur un principe
fondamental : le prix de pleine concurrence.
En
vertu de ce principe, les prix de transfert entre entreprise associées ou
interdépendantes devraient être fixés, à des fins fiscales, sur la base des
prix qui seraient appliqués entre des entités indépendantes engagées dans des
transactions similaires à des conditions similaires sur le marché libre.
§ 2 : Les
versements effectués à l’étranger :
Afin de limiter et de contrôler le
transfert de frais, réels ou fictifs, vers un paradis fiscal, certaines
législations ont prévu l’interdiction de déduction de frais payés à l’étranger.
Toutefois, cette interdiction peut être soit à priori, interdisant tout
versement sans autorisation préalable, soit à postériori, qui ne peut être
constatée qu’à la suite d’un contrôle fiscal.
A-Contrôle
à priori des versements à l’étranger : Ces Etats appliquent conjointement
la réglementation fiscale et la réglementation douanière.
B-Contrôle
à posteriori : Dans la plupart des pays industrialisés, le transfert de
telles sommes est soumis à une législation de change relativement souple. Par
contre, au niveau fiscal, des interdictions généralisées de déduction sont
apparues. Ces interdictions qui ne sont contrôlées qu’à la suite d’une
vérification, trouvent leur source légale dans les textes généraux.
Il
s’agit de l’application de la théorie de l’acte de gestion anormale qui est
prévue par la plupart des législations. Cette théorie réprime les abus de
droit, c’est à dire, le transfert des bénéfices dans le but d’éviter, en
totalité ou en partie, l’impôt.
Bien
que l’exploitant soit en principe libre dans sa gestion, que les frais qu’il engage pour le
fonctionnement de son entreprise constituent normalement des dépenses
déductibles et que l’administration ne soit pas autorisée à s’immiscer dans la
gestion des entreprises, elle peut cependant remettre en cause les dépenses qui
ne se rattachent pas à une gestion normale ou n’auraient pas été exposées dans
l’intérêt direct de l’entreprise.
§
3 : Les rapatriements des recettes :
Il existe un autre moyen d’évasion
fiscale, qui est celui de l’utilisation de sociétés relais qui permettent soit
de maintenir un bénéfice dans un paradis fiscal, sans le rapatrier dans l’Etat
du domicile du contribuable, soit d’utiliser une société pour disqualifier le
revenu. Chaque législation possède ses propres principes pour éviter
l’imposition des revenus étrangers.
Section 2 : Les solutions
communautaires :
L’importance prise par la fraude et
l’évasion fiscale ainsi que l’efficacité incertaine des moyens conventionnels
utilisés pour les combattre ne pouvaient laisser insensibles les Etats membres
de la communauté : ces pratiques sont, en effet, de nature à provoquer des
distorsions dans les mouvements des capitaux et dans la condition de la
concurrence incompatibles avec le bon fonctionnement du marché commun. Aussi
les Etats se sont –ils engagés dans la voie d’une action concertée qui a porté
ses fruits puisque les mesures préconisés par les autorités communautaires ont
été suivies d’effets sur le plan interne.
§
1 : L’assistance préconisée :
L’action
communautaire s’est traduite, d’abord, par la résolution du conseil du 10
Fevrier 1975. Elle s’est poursuivie, ensuite, par l’adoption de deux directives
en date, respectivement, du 19 décembre 1977 et du 6 décembre 1079.
A- La résolution du 10 Février
1975 :
Cette résolution marque une date
importante sur le plan politique : elle est, en effet, la première
manifestation de la volonté des Etats membres d’entreprendre une action
concertée dans le domaine de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales
internationales. Certes, cette volonté se limite aux impôts sur le revenu. Mais
les mesures préconisés sont importantes.
Au-delà de l’assistance à l’assiette
entre les Etats membres destinée à faciliter l’échange des renseignements dont
ils disposent, la résolution proclame, en effet, la nécessité de procéder à
l’harmonisation des moyens d’investigation reconnus à l’administration fiscale
dans les différents Etats, en même temps qu’elle estime souhaitable de mettre
en place une collaboration des agents des différents Etats.
B-La directive du 19 décembre
1977 :
La portée de cette directive est à la
fois plus étroite, et surtout, plus large que celle attachée à la
recommandation de 1975.
Les
objectifs assignés aux Etats membres par la directive sont, en effet, en recul
au regard de ceux que définissait la résolution de 1975. Désormais, il s’agit
seulement d’organiser l’échange des renseignements entre les Etats
membres ; les objectifs plus ambitieux relatifs à l’harmonisation des
législations en matière de contrôle fiscal et, dans une certaine mesure,
l’action concertée des agents, n’ont pas été repris.
C- La directive du 6 Décembre
1979 :
Cette directive renforce encore un peu
plus l’action entreprise en étendant à la taxe sur la valeur ajoutée le champ
d’application des dispositions que la directive de 1977 avait réservé aux
impôts sur le revenu et sur la forme. La portée des mesures préconisées est
donc très large en ce qui concerne les impôts visés. Le contenu, par contre,
laisse à désirer.
§ 2 : La directive du 24 Juillet 2006 :
Les Etats membres ayant toutefois des
besoins différents, elle ne crée pas d’obligation : elle leur ouvre
uniquement certaines options, à charge pour chacun d’entre eux de retenir en
tant que de besoin les mesures adéquates, lesquelles sont ainsi prévues comme
une alternative à la règle normale de droit commun.
Les administrations fiscales et
douanières pourront par conséquent mieux réagir face aux montages fiscaux
destinés à obtenir un avantage au titre de la TVA , procédés
auxquels ils sont confrontés de manière croissante.
Pour
les entreprises, la mesure prévue n’est pas non plus dépourvue d’avantage, le
développement de la fraude à la
TVA ou des pratiques d’évasion portant atteinte à la loyauté
de la concurrence.
Section 3 : Les mesures
conventionnelles et leurs limites :
Sous l’influence des organisations
internationales, l’assistance administrative est aujourd’hui pratique courante.
Elle se traduit par une action concertée en vue de renforcer la lutte contre la
fraude fiscale. Cette coopération revêt, parfois, un caractère
multilatéral : tel est le cas de l’expérience menée par le « groupe
des quatre » la France ,
l’Allemagne, les USA et le Royaume unis. Il s’agit d’une action bilatérale
fondée sur des clauses d’assistance à l’assiette au recouvrement contenues dans
les conventions fiscales. Ces clauses font l’objet de restrictions qui nuisent
à leur efficacité. Selon les cas, les limitations sont inspirées par des motifs
d’ordre technique ou politique.
§1 :
Les
limites techniques :
Ces
considérations conduisent à limiter la
portée de l’assistance administrative à l’assiette et, plus encore, celle de
l’assistance administrative au recouvrement.
A-Les limites à l’assistance à
l’assiette :
Ces limites sont expressément prévues
par le modèle de convention de l’OCDE. D’une part, il n’est pas concevable que
l’assistance administrative qui résulte d’un accord diplomatique permette
d’obtenir plus de renseignements qu’il n’est possible d’en collecter sur le
fondement de la législation des Etats contractants. D’autre part, il apparait
nécessaire d’éviter que l’échange de renseignements mette en cause les intérêts
vitaux des ressortissants des Etats concernés. Dans le premier cas, les limites
résultent de la condition de réciprocité ; dans le second, elles sont
liées au secret.
1-Condition
de réciprocité :
Les
avantages consentis à l’Etat contractant par une convention fiscale ne le sont
que sous le bénéfice de la réciprocité. Cette condition se traduit par une
double limitation de l’efficacité de l’assistance à l’assiette qui provient de
l’état du droit de l’Etat requerant et l’Etat requis.
-L’état du droit de l’Etat
requérant :
L’Etat requérant ne peut solliciter la
transmission d’informations que sa propre législation ne lui permet pas d’obtenir,
quel que soit, l’état de la législation de l’Etat requis. A l’appui de cette
impossibilité, il faut faire valoir deux arguments. Il n’est pas concevable,
d’abord, qu’un Etat demande des renseignements qui ne peuvent être obtenus
qu’en application d’une procédure qu’il n’a pas jugé opportun d’introduire dans
sa propre législation. La solution inverse se heurtait, en outre, et à raison
de cette carence de sa législation, à l’impossibilité de transmettre à son
cocontractant les mêmes renseignements si la requête lui était adressée.
-L’état du droit de l’Etat requis :
Corrélativement, l’Etat requis ne peut
être tenu d’aller au-delà de ce que le droit interne lui permet d’obtenir. Il
ne peut transmettre que des renseignements que sa propre législation lui permet
d’obtenir, même si celle de l’Etat requérant est plus complète.
La combinaison de deux législations
conduit à ne pas permettre l’échange des renseignements que sur la base de
celle qui est plus restrictive.
2-
La règle du secret :
Le
secret limite les possibilités offertes par la procédure d’assistance
administrative. Il s’impose à l’Etat requérant en même temps qu’il peut lui
être opposé.
-Le secret imposé à l’Etat requérant :
Cette
obligation imposée à l’Etat requérant découle du secret fiscal que
reconnaissent les différentes législations fiscales. Elle conduit à ne
permettre l’utilisation des renseignements transmis par l’Etat requis que dans
le cadre des procédures fiscales relatives à des impôts vidés par la convention,
à l’exclusion de toute autre utilisation. En revanche, le renseignement peut
être utilisé aussi bien par les autorités administratives pour la détermination
des bases d’imposition ou du montant de l’impôt que pour les autorités
juridictionnelles à l’occasion d’un litige intéressant le principe ou le
montant de l’impôt.
-Le secret opposé à l’Etat requérant :
Cette
limitation a une portée beaucoup plus grave même si elle n’est pas discutable
en son principe. Elle permet à l’Etat requis de refuser de transmettre les
renseignements demandés dès lors que leur transmission serait susceptible de
mettre en cause le secret des affaires entendu au sens large. Il parait
nécessaire de protéger les informations industrielles, commerciales, bancaires
ou de toute autre nature, qui, si elles étaient connues, placeraient les
entreprises de l’Etat requis dans une situation défavorable face à leurs
concurrentes de l’Etat requérant.
B-Les limites d’assistance au
recouvrement :
L’assistance au recouvrement est plus
contraignante pour l’Etat requis que l’assistance à l’assiette : elle le
conduit à procéder sur son territoire au recouvrement de créances fisclaes de l’Etat requérant selon les règles et
procédures applicables au recouvrement de ses propres impôts. Cela explique le
contenu plus vaste des limites assignées à la collaboration des Etats en la
matière. Outre celles déjà rencontrées tenant à la condition de réciprocité et
à la règle du secret fiscal l’assistance au recouvrement connaît d’importantes
limites qui lui sont propres. Ces dernières procèdent de la définition et du
régime des créances recouvrables sur le territoire de l’Etat requis.
-La
définition des créances concernées :
Il
résulte de l’article 2 et de l’article 6 du modèle de convention de l’OCDE que
les limites de l’assistance au recouvrement tiennent à la fois à la nature et
aux caractères des créances concernées.
+Nature des créances concernées :
Cette
condition conduit à exclure de la procédure d’assistance au recouvrement aussi
bien les créances représentatives d’impôts non visés par la convention qui lie
l’Etat requérant et l’Etat requis que celles qui trouvent leur origine dans des
prélèvements non fiscaux.
+Le caractère des créances
concernées :
Les
créances susceptibles de recouvrement sur le territoire de l’Etat requis
s’entendent uniquement des créances définitives insusceptibles de recouvrement
sur le territoire de l’Etat requérant.
-Le
régime des créances concernées :
Dans
chaque Etat, les créances fiscales obéissent à un régime particulier dont le
contenu est de garantir le recouvrement lorsque la bonne volonté du
contribuable fait défaut. Ce régime se traduit par l’existence de procédures
spécifiques de recouvrement des impôts et des privilèges qui confèrent au
Trésor Public une priorité sur les autres créanciers.
§2 :
Les
limites politiques :
Les limites techniques de l’assistance
administrative ne mettent pas en cause le principe de la collaboration entre
les Etats. Elles témoignent seulement de leur volonté conjointe à mettre cette
coopération dans des modalités réalistes. Tel n’est pas le cas des limites
d’ordre politique qui révèlent que les impératifs de la lutte contre la fraude
et l’évasion fiscales internationales s’effacent parfois devant des prérogatives
attachées à la souveraineté des Etats qui font alors prévaloir leurs intérêts,
soit ceux de leurs nationaux.
C’est l’intérêt des Etats qui explique
aussi bien le pouvoir d’appréciation reconnu aux Etats contractants dans
l’application des dispositions conventionnelles à l’assistance que le refus de
certains de collaborer à la lutte contre les mécanismes internationaux de refus
de l’impôt. Le refus d’assistance résulte dans plusieurs cas de l’ordre public
permettant à l’Eta requis de refuser de communiquer les renseignements demandés
chaque fois que cette communication serait contraire à l’ordre public.
Chapitre 2 : Les moyens de lutte
contre la fraude et l’évasion fiscale au Maroc :
Au Maroc, la fraude et l’évasion
fiscale, dysfonctionnement du système fiscal, est un produit des enjeux, des
interactions et des interdépendances des demandes du système politique
exprimées en dépenses publiques en croissance permanente, et de réactions des
acteurs du système économique aux contraintes du système fiscal.
L’approche
de la politique fiscale, alternant, simultanément, les modifications des taux
d’imposition et l’octroi d’exonérations fiscales, a contribué à la réunion des
conditions favorables à l’amplitude de la fraude fiscale qui sont :
-Une
fiscalité pénalisante pour l’entreprise
-Des
prélèvements fiscaux à la source qui grèvent lourdement les salaires ;
-Une
fiscalité indirecte qui décourage la consommation.
Dans le contexte marocain, il nous semble
que la fraude fiscale est une réaction défensive, certes anormale, des
contribuables contre l’instrumentalisation sélective et inégalitaire du système
fiscal.
Pour
affirmer ces propos, il est opportun d’analyser les actions des pouvoirs
publics pour les comportements frauduleux des contribuables et d’évaluer leur
performance et efficacité.
Section 1 :Les limites des
dispositions classiques de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale :
La réforme fiscale a instauré un système
synthétique déclaratif axé principalement sur le monde de la retenue à la
source au titre des revenus salariaux et des revenus de capitaux mobiliers et
du paiement spontané en ce qui concerne la TVA et l’impôt sur les sociétés.
Le fondement du système fiscal déclaratif
est que l’acte fiscal accompli par le contribuable au titre de la déclaration
de ses revenus, de son chiffre d’affaires, sous sa propre responsabilité, jouit
de la présomption de sincérité jusqu’à preuve du contraire.
Cependant,
les résultats du contrôle fiscal font observer que la fraude fiscale est une
réalité qui porte atteinte à la répartition équitable des charges publiques et
qui fausse les règles de la libre concurrence.
§1 :
L’organisation
administrative du contrôle fiscal :
Etablir l’équilibre entre les acteurs
économiques et contribuer à la cohésion sociale constituent l’enjeu du contrôle
fiscal. De ce fait, le contrôle fiscal doit être une action stratégique de la
politique publique à objectifs multiples et variés dont l’exécution est assurée
par l’administration fiscale.
La logique du contrôle fiscal impose la
recherche du meilleur rendement afin d’assurer à l’Etat les ressources
nécessaires pour couvrir les différentes charges.
L’objectif
juridique du contrôle fiscal est de veiller à l’application de la loi fiscale
dans le cadre des procédures de taxation spécifiques qui sauvegardent les
garanties des contribuables et assurent la crédibilité du régime déclaratif du
système fiscal.
L’objectif
socio-économique du contrôle fiscal est de sauvegarder les règles de la
concurrence entre les opérateurs économiques mais aussi d’assurer l’application
du principe de l’égalité devant l’impôt et par l’impôt et la régulation de
l’économie.
Le
contrôle fiscal constitue donc un ensemble de moyens juridiques au service d’une
organisation publique dont les actions et les décisions administratives
obéissent à une rationalité de politique publique de lutte contre la fraude et
l’évasion fiscales.
Ainsi, le contrôle fiscal requiert une
superposition de plusieurs fonctions complémentaires et hiérarchisées qui
peuvent être regroupées dans les attributions :
-De
conceptions, d’analyse et de suivi d’exécution des programmes de vérification,
assurés par les services de l’administration centrale ;
-De
contrôle opérationnel des comptabilités des entreprises exercé par les brigades
régionales de vérification et du contrôle sur pièces par les inspecteurs de
l’assiette.
§2 :
Les
procédures du contrôle fiscal :
A priori les déclarations souscrites par
les contribuables sont présumées sincères. Cependant, l’administration se
réserve le droit de contrôler leur caractère probant dans la limite du délai de
reprise, afin de réparer les omissions et les irrégularités et de sanctionner
les actes frauduleux.
Ainsi,
le contrôle fiscal a pour fonction principal de vérifier la sincérité des
déclarations et s’assurer, sur place, de l’existence matérielle des biens
figurant à l’actif.
La vérification comprend deux phases
distinctes mais complémentaires :
-Le
contrôle de la déclaration fiscale effectué par l’agent d’assiette, dans son
bureau : contrôle sur pièces ;
-La
vérification de la comptabilité qui est effectué sur place, selon des
programmes préétablis : le contrôle externe.
A la base du contrôle fiscal, il y a la
collecte de renseignements permettant de déceler les insuffisances et les
dissimulations dans les déclarations fiscales. La recherche de renseignements
par l’administration auprès des tiers s’inscrit, par voie législative, dans le
droit de communication.
Lorsque, à l’issue d’une vérification comptable, l’inspecteur est amené
à rehausser la base d’une imposition primitive il doit, avant d’établir
l’imposition supplémentaire et les sanctions correspondantes, engager la
procédure contradictoire des rectifications des impositions.
Comme toute infraction pénale, le délit
en matière fiscale doit nécessairement être constitué par la réunion de trois
éléments :
-un
élément légal reposant sur l’existence d’une disposition législative réprimant
le fait incriminé ;
-un
élément matériel ayant trait à la preuve de l’infraction commise ;
-un
élément intentionnel ayant trait à l’intention frauduleuse.
Les
infractions considérées manœuvres frauduleuse, doivent avoir pour mobile, la
volonté de :
-Se
soustraire à la qualité de contribuable ou au paiement de l’impôt ;
-
Ou d’obtenir des déductions ou des remboursements indus.
Les
faits constitutifs des infractions sont les suivants :
-Délivrance
ou production de factures fictives ;
-Production
d’écritures comptables fausses ou fictives ;
-Vente
sans factures de manière répétitive ;
-Soustraction
ou destruction de pièces comptables légalement exigibles ;
-Dissimulation
de tout ou partie de l’actif du redevable en vue d’organiser son insolvabilité.
Il
appartient à l’administration fiscale d’apporter la preuve de l’existence de
tels faits.
Ces
infractions sont constatées par PV établi par deux agents de l’administration
fiscale ayant au moins le grade d’inspecteur, commissionnés à cet effet et
assermentés conformément à la législation en vigueur.
Cette
constatation ne peut avoir lieu que lors d’un contrôle fiscal et à l’occasion
d’une vérification de comptabilité.
La
loi prévoit l’application de sanctions pénales sous forme d’une amende de
5 000 à 50 000 dhs et, en cas de récidive, une peine d’emprisonnement
de 1 à 3 mois, est-ce suffisant ?
L’initiative
de la plainte, pour l’application des peines pénales appartient au Ministre des
Finances ou à la personne déléguée par lui à cet effet.
Cette
plainte est obligatoirement soumise à l’avis préalable et constitutif d’une
commission dite « commission des infractions fiscales ».
Après
avis de la commission des infractions fiscales, le Ministre des Finances ou la
personne déléguée par lui à cet effet peut saisir peut saisir le Procureur du
Roi compétent du lieu de l’infraction. Le procureur du roi saisi le tribunal
compétent qui doit charger un de ses membres en vue de procéder à un complément
d’information, étant précisé que le caractère dudit complément d’information
est une dérogation aux règles de procédure pénale de droit commun.
§3 :
Les
limites inhérentes au système de contrôle fiscal :
La performance du contrôle fiscal est
tributaire de certaines difficultés et insuffisances liées directement aux conditions
d’exercice du droit de vérification des comptabilités par les inspecteurs
vérificateurs, et concernant tout particulièrement :
-Le
cadre législatif et réglementaire régissant le droit d’appréciation de
l’administration ;
-L’approche
de programmation des entreprises à vérifier ;
-Les
ressources du contrôle fiscal ;
Nul besoin de démontrer que le système
fiscal doit tenir compte des caractéristiques du système social. En retour, les
mesures fiscales doivent aussi rétroagir sur le système social pour répondre
aux objectifs et aux exigences des systèmes économiques, financiers et
politiques. C’est cette dynamique des systèmes qui devra présider à l’effort de
réforme et d’adaptation du système fiscal à son environnement.
En
matière de contrôle fiscal, l’évolution d’amélioration des structures
financière et organisationnelle des entreprises impose à l’administration
fiscale une dynamique d’adaptation des règles et des techniques de contrôle aux
finalités d’équité et d’efficacité du système fiscal.
A
ce titre, la plus part des vérificateurs perçoivent le cadre législatif
contraignant en apportant trop de garanties aux contribuables au détriment de
la performance du contrôle. C’est le cas :
-du
pouvoir d’appréciation de l’administration fiscale ;
-de
la procédure de taxation d’office.
Le contrôle fiscal, action
opérationnelle de lutte contre la fraude fiscale, est un outil de régulation du
système économique et financier. Son efficacité dépend des règles et des
mécanismes régissant l’organisation et le fonctionnement des acteurs
économiques et financiers.
De
même, l’objectif d’équité et d’efficacité du contrôle fiscal demeure tributaire
de la transparence des flux économiques et financiers des entreprises.
Autrement dit, le rendement du contrôle fiscal est conditionné par le niveau de
développement du système informationnel de l’économie.
Section 2 : Les voies nouvelles
de lutte contre la fraude fiscale au Maroc :
La fraude fiscale est un phénomène
social complexe dont la caractéristique principale est « le manquement à
l’éthique sociale ».
En
effet, l’interdépendance et l’interaction des divers facteurs politique,
économique, administratif et culturel conditionnent les comportements
frauduleux des acteurs du système économique. Dans cette perspective, la fraude
fiscale est perçue comme un dysfonctionnement résultant à la fois des
contraintes budgétaires et des exigences du système politique d’une part, et
des réactions des acteurs du système économique contre le poids de la pression
fiscale élevé au moyen de comportements frauduleux d’autre part.
La situation s’aggrave du fait que
« la fraude fiscale a tendance à prendre aujourd’hui des formes inédites,
les structures juridiques sont plus complexes et plus opaques,
l’internationalisation des échanges engendre une délocalisation croissante de
la matière fiscale, les nouvelles technologies et le commerce électronique
semblent ouvrir de nouveaux chemins à la fraude et à l’escroquerie.
La
réussite d’une stratégie de lutte contre la fraude fiscale dépend de
l’importance attachée à cette dernière au sein de la sphère sociale, économique
et politique de la société.
Dans cette perspective, le Maroc doit
faire face à un double défi :
-intégrer
le processus de la mondialisation des échanges avec tout ce qu’il implique
comme changement culturel, économique, politique et organisationnel avec
l’objectif affiché de rattraper le gap de l’avance technologique pour réduire
sa dépendance.
-puiser
dans la fiscalité intérieure, dont le potentiel est encore peu exploité du fait
de la pratique de la fraude fiscale à grande échelle pour justement augmenter
la capacité de financement du Trésor public.
-contribuer
à augmenter de façon continue les recettes fiscales.
-Développer
chez les acteurs économiques, les décideurs politiques et les membres de la
société civile une nouvelle culture fiscale basée sur transparence, la
participation et la responsabilisation.
-Procéder
à une réforme fiscale permettant à l’entreprise marocaine d’intégrer l’ère de
la mondialisation des échanges au moindre coût.
La complexité de la fraude fiscale et
l’incapacité des pouvoirs publics par des actions unilatérales, le plus souvent
à caractère coercitif, ne s’inscrivant pas dans une démarche globale pour
juguler ce fait social, il nous semble qu’un processus d’interaction/négociation
et de coordination entre les divers intervenants dans le champ de la fraude
fiscale est de nature à créer les conditions favorables à l’élaboration et la
mise en œuvre de voies nouvelles de lutte contre la fraude qui intègrent deux
actions complémentaires.
-La
première action politico-administrative de lutte contre la fraude fiscale
s’intéresse principalement à la gestion du système fiscal. C’est une réflexion
managériale en termes de coût/efficacité de l’action publique de lutte contre
la fraude intégrant l’ensemble des acteurs du système fiscal. Cette nouvelle
conception de la lutte contre la fraude fiscale sera concrétisée par
l’institution d’un conseil national de lutte contre la fraude fiscale qui aura
la charge d’élaboration d’une stratégie nationale en la matière.
-
La deuxième action politique est une proposition de réforme fiscale qui amène
un changement, qualitatif dans le système fiscal et ce, dans le but d’assurer
son adaptation à son environnement dans le sens :
+De
sécuriser les acteurs/contribuables ;
+De
créer les conditions favorables de la légitimité de lutte contre la fraude
fiscale en tant qu’action collective.
CONCLUSION :
Pour conclure, nous dirons que trois
leviers d’action permettent de renforcer le consentement à l’impôt : le
premier est l’adaptation de la loi fiscale dans le sens de la simplification et
de la recherche d’un niveau de prélèvement et de modalités de répartition
maintenant un large consensus. Le deuxième est la réorganisation des
administrations fiscales afin de développer le service aux contribuables
volontaires et de bonne foi à cibler les moyens coercitifs sur les autres. Le
troisième est celui de l’éducation, de l’information, de la communication sur
la bonne utilisation de l’argent public.
Notons que l’efficacité de la lutte
contre la fraude et l’évasion fiscales est tributaire fondamentalement de la
volonté et l’engagement des acteurs politiques et économiques à soutenir,
coordonner, animer et contrôler les actions de toutes les administrations
concernées directement ou indirectement par la fraude.
Pour, donc, renforcer la lutte contre la
fraude fiscale, un débat multidisciplinaire et transnational sur les questions
sensibles suivantes et primordial :
-La
détection et la diffusion des fraudes transfrontalière qui usent de
procédés et de structures sophistiqués et
artificiels pour échapper illégalement à l’impôt.
-L’harmonisation
des systèmes fiscaux.
-La
délimitation du secret bancaire et professionnel eu égard à l’évolution des
structures d’exercice des activités économiques et des techniques juridiques et
technologiques de transfert des capitaux.