Plan:
Introduction :
Chapitre
I : quid du particularisme de la garantie à première demande?
Section I : L’autonomie de
l’engagement bancaire :
Section II : Les mécanismes de l’appel de
garantie de la garantie :
Section III : le contenu de la
garantie à première demande :
Chapitre
II : la mise en œuvre de la garantie à première demande :
Section
I : l’appel de garantie :
Section II : Les moyens de
défense opposables au bénéficiaire :
Section
III : les recours :
Conclusion :
Introduction :
La garantie à première demande, encore appelée autonome ou indépendante,
fait partie des garanties personnelles. Elle a été créée par les pratiques
bancaires, dans le cadre du commerce international.
La garantie autonome est un engagement de payer une certaine somme,
prise en considération d’un contrat de base, à titre de garantie de son exécution.
Elle se distingue du cautionnement en ce que l’engagement du garant est
indépendant et non pas accessoire de celui du débiteur. Il en résulte que le
garant ne peut invoquer les exceptions qui appartiennent au débiteur principal
à l’encontre dubénéficiaire et doit payer, lorsque les conditions de la
garantie sont réunies, sans différer, ni soulever de contestation.
Le législateur français définit cette garantie comme étant l’engagement
par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par
un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des
modalités convenues[1]. Il
ressort de cette définition que trois personnes interviennent dans le circuit
de garantie : le donneur d’ordre, le bénéficiaire et la banque garante.
Contrairement à son homologue français, le législateur marocain n’a
prévu aucun régime spécial pour La garantie autonome. Par conséquent elle
demeure régie par la théorie générale de la liberté contractuelle énoncée par
l’article 230 du D.O.C.
Si le législateur marocain est muet sur ce point, la jurisprudence n’en
est pas pour autant étant donné qu’elle
a affirmé la validité d’une telle garantie dans arrêt de principe rendu par la cour de
cassation le 31 Janvier 2001[2].
Il va falloir donc s’interroger dans un premier chapitre sur le
particularisme de la garantie autonome. Le second chapitre sera réservé à
l’étude des modalités de sa mise en œuvre.
Chapitre I :
Quid du particularisme de la garantie à première demande :
La garantie à première demande présente trois traits particuliers :
L’autonomie de l’engagement bancaire et la rapidité de sa mise en jeuainsi
que son contenu.
Section I : L’autonomie
de l’engagement bancaire:
L’engagement que prend le banquier dans la garantie à première demande
est un engagement indépendant du contrat commercial qui lie les deux parties
contractantes. Par cette autonomie, l’engagement bancaire n’est point un
engagement accessoire, mais un engagement principal, il se distingue de ce fait
du cautionnement.
D’où cette autonomie de l’engagement bancaire découle le principe de
l’inopposabilité des exceptions en ce sens que le garant ne peut se prévaloir
de la nullité du contrat ou de sa résiliation par le donneur d’ordre pour
refuser le paiement. Il devra donc payer à première demande du bénéficiaire
sans soulever aucune objection. Le fondement de cette inopposabilité des
exceptions n’est autre que l’engagement autonome pris par le garant, au terme
duquel il a renoncé à se prévaloir des exceptions inhérentes au contrat de base
liant le donneur d’ordre au bénéficiaire.
L’autre trait caractéristique de la garantie à première demande réside dans ses mécanismes d’appel.
Section II : Les mécanismes de l’appel de
garantie de la garantie :
L’originalité de la garantie à première demande réside dans la rapidité
de sa mise en jeu et la force obligatoire de l’engagement bancaire. Le banquier
doit exécuter son engagement à première demande du bénéficiaire. Le contrat de
base ne le regarde pas. On distingue généralement, selon les conditions de mise
en jeu, deux formes de garanties à première demande :
A-La garantie sur simple
demande :
Dans cette forme de garantie, le bénéficiaire est payé par la banque sur
simple demande écrite de sa part. Il suffit que la banque reconnaisse
l’authenticité de la demande formulé par le bénéficiaire pour que l’obligation
de paiement s’impose. Cette forme de garantie est la plus fréquente en
pratique. Elle constitue la formule la plus sécurisante pour le bénéficiaire.
Elle demeure, cependant, très contraignante pour le donneur d’ordre. Celui-ci
n’est pas notamment à l’abri d’une mise en jeu abusive de cette forme de
garantie.
B-La garantie documentaire :
La demande de paiement doit s’accompagner de documents dont la liste est
expressément fixée d’avance dansl’engagement de garantie : simple
attestation écrite du bénéficiaire exposant les motifs de l’appel de garantie,
certificat d’expertise, voire même une sentence arbitrale[3].
Ces documents sont censés établir le bien-fondé de l’appel de la garantie.
Cependant,la présentation de tels documents ne remet pas en cause le
principe de l’obligation de payer à première demande. Dans le même sens, et
d’un point de vue jurisprudentiel : « l’exigence d’une demande justifiée
qui ne confère pas au garant une quelconque faculté d’en discuter le bien
fondé, ne suffit pas à exclure la qualification de garantie autonome »[4]
Néanmoins, la présentation de tels documents peut constituer, preuve à
posteriori, pour le donneur d’ordre afin de justifier le caractère abusif de la mise en jeu par
rapport aux clauses contractuelles. Cette forme n’est pas très utilisée en
pratique.
A ce niveau une importante distinction s’impose entre la garantie
documentaire et le crédit documentaire.
En effet, la garantie autonome est un engagement par signature qui n’est
exécuté qu’en cas d’incident dans le déroulement normal d’une opération
commerciale, alors que le crédit documentaire est avant tout un moyen de
paiement anticipé qui intervient dans le processus ordinaire d’une opération.
En sus, le crédit documentaire est ouvert, sur ordre de l’acheteur, afin
de garantir le paiement au vendeur, alors que la garantie autonome est une
signature souscritepar la banque, sur ordre du vendeur, qui garantit à
l’acheteur la bonne exécution d’une transaction.
En pratique, les deux instruments sont souvent réunis : le vendeur exige
un crédit documentaire et l’acheteur une garantie autonome.
Section III : le contenu
de la garantie à première demande :
Le texte de la garantie doit être clair, concis et précis. Une
terminologie confuse ou équivoque rend souvent délicate sa réalisation voire sa
qualification. Les banquiers doivent prêter une attention toute particulière à
la rédaction de l’acte de garantie. Certaines banques proposent des modèles
types à leur clientèle. Cependant, ces modèles types ne sont pas toujours
acceptés par les bénéficiaires. Un compromis doit donc être établi.
Dans tous les cas, le texte de garantie doit comporter expressément un
certain nombre de mentions obligatoires. Ces mentions se rapportent aussi bien
aux personnes intervenant à l’opération, au moment et à l’objet de garantie, à
sa durée de validité ainsi qu’aux
modalités de son appel.
A-
la
désignation des intervenants :
Force est de constater que dans les opérations du commerce
international, on trouvera, dans la majorité des cas, quatre intervenants :
Un donneur d’ordre de la garantie généralement il s’agit d’un
vendeur-exportateur ;
La banque du donneur d’ordre qui jouera la banque contre garante ;
Le bénéficiaire de la garantie il s’agit d’un acheteur-importateur ;
Une banque locale située dans le même pays que le bénéficiaire.
B- Le montant de la garantie :
Le montant de la garantie doit être clairement exprimé. Généralement il
porte non seulement sur le montant de l’obligation
principale mais aussi sur les frais accessoires, pénalités et intérêts de
retard qui peuvent éventuellement être réclamés.
L’indication du montant de la garantie en devises entraîne pour le
banquier garant et pour le donneur d’ordre, un risque de change dont il faut
tenir compte. Aussi, les banquiers marocains sont-ils amenés à libeller la
garantie en dirhams (contre-valeur en dirhams de la somme en devises afin de
transférer sur les partenaires étrangers la gestion du risque de change[5]).
C-La cause de la garantie :
Généralement, la cause de la garantie autonome est l’engagementpris par
le garant afin de renforcer le crédit du donneur d’ordre, pour lui permettre
d’obtenir ce qu’il sollicite du créancier bénéficiaire. Il en résulte donc que
la cause de garantie devrait être recherchée dans le rapport fondamental liant
le donneur d’ordre au bénéficiaire (Le contrat de base) ce qui, par conséquent,
apporte un tempérament à l’application du principe de l’autonomie de
l’engagement de garantie.
Il existe des cas où le donneur d’ordre n’est point partie au contrat de
base ce qui pose le problème de l’existence ou pas d’une cause pour l’engagement de garantie.
Ainsi et dans ce sens qu’on peut relever un arrêt de principe de la Cour
cassation française affirmant que : « l’engagement du garant à
première demande est causée, dès lors que le donneur d’ordre a un intérêt
économique à la conclusion du contrat de base, peu importe qu’il n’y soit pas
partie[6] »
D- La durée de validité :
La garantie doit comporter une date limite de validité, Au-delà de
laquelle le banquier garant n’est plus engagé. A défaut d’une telle indication,
le banquier se trouve engagé pour une durée indéterminée, avec toutes les
conséquences juridiques qui en découlent.
Chapitre
II : la mise en œuvre de la garantie à première demande :
La garantie autonome est mise en œuvre par le bénéficiaire sous la forme
de l’appel (section1). C’est à ce stade que se manifeste l’efficacité de la
garantie, du fait du peu de moyens de défense opposable au bénéficiaire(section2).
La nature même de garantie implique néanmoins l’existence de recours(section3).
Section I : l’appel de
garantie :
Sauf stipulation contractuelle contraire, l’appel de la garantie n’est
soumis à aucune formalitéparticulière.
En outre, l’appel devra ou non être accompagné de certains documents
justificatifs, selon que la garantie est à première demande justifiée ou
documentaire.
L’appel doit être effectué par le bénéficiaire lui-même, ou par son
mandataire spécial, ce qui exclut tout mandataire général[7].
En effet ni le bénéficiaire, ni le garant ne sont tenus d’informer le
donneur d’ordre de l’appel. De même, le garant n’a aucunement l’obligation
d’avertir le donneur d’ordre du paiement. En pratique, toutefois, le garant
préfère informer le donneur d’ordre, notamment pour permettre à celui-ci de
mettre en œuvre certains moyens de défense.
Section II : Les moyens
de défense opposables au bénéficiaire :
La garantie autonome est très sécurisante pour le créancier, en raison
du peu de moyens de défense que peut lui opposer le garant.
Le garant ne peut se prévaloir ni du bénéfice de discussion, ni du
bénéfice de division. En effet, la garantie autonome est dominée par un
principe d’une importance capitale : l’inopposabilité des exceptions. Bien
évidemment, le garant peut invoquer les exceptions tirées du contrat de
garantie. Mais les autres exceptions ne sont pas opposables.
Il est donc naturel que les exceptions tirées de la relation entre le
garant et le donneur d’ordre soient inopposables, puisque le créancier est un
tiers à l’égard de cette relation. Par exemple, le garant ne peut s’opposer à
l’appel sous prétexte que le donneur d’ordre ne lui a pas versée la commission
convenue.Cette inopposabilité des exceptions est plus caractéristique dans la
relation entre le donneur d’ordre et le bénéficiaire en ce sens que le garant
ne peut s’opposer à l’appel en invoquant par exemple la nullité du contrat de
base. Une telle inopposabilité n’existe pas dans le cautionnement, en raison du
caractère accessoire de celui-ci.
Cependant, il existe un moyen de défense opposable au bénéficiaire, à
savoir la théorie de l’appel manifestement abusif, qui n’est en réalité qu’une
application à la garantie autonome des théories de l’abus de droit et de la
fraude. La garantie autonome a pour objet de garantir le bénéficiaire contre
une inexécution, un retard… mais non de lui permettre d’obtenir le paiement de
sommes indues.
En effet, pour qu’un appel soit manifestement abusif, trois conditions
doivent être réunies :
L’absence de droit du bénéficiaire contre le donneur d’ordre : cette
condition sera remplie lorsque l’événement contre lequel était garanti le
bénéficiaire ne s’est pas réalisé (ex : inexécution du contrat de base).
La mauvaise foi du bénéficiaire : cette mauvaise foi du
bénéficiaire se concrétise dans la conscience de la part du bénéficiaire de son
absence de droit contre le donneur
d’ordre.
Le caractère manifeste de l’abus : l’abus ou la fraude doivent
apparaître ouvertement de manière incontestable. Leur vérification ne doit pas
nécessiter un examen approfondi.
A-
Les recours du garant :
Parce que la garantie autonome est une sûreté personnelle, le garant
peut réclamer au donneur d’ordre le remboursement des sommes versées. Dans
l’hypothèse d’une garantie complexe, il préférera demander ce remboursement au
contre-garant, qui lui-même pourra se retourner contre le donneur d’ordre.
Contrairement à la caution, le garant ne dispose d’aucun recours avant
paiement.
Le garant possède un recours personnel, et se trouve subrogé dans les
droits du bénéficiaire (puisqu’en payant sa dette, le garant a permis la
libération du donneur d’ordre à l’égard du même créancier). Se prévaloir de la
subrogation l’expose cependant aux exceptions tirées du rapport fondamental, et
que le donneur d’ordre pouvait opposer au bénéficiaire.
Le garant disposeaussi d’un recours contre le bénéficiaire, lorsque
celui-ci a appelé indûment la garantie, et que le recours contre le donneur
d’ordre est rendu inefficace, par exemple du fait de l’insolvabilité de ce
dernier.
B- Les recours du donneur
d’ordre :
Si l’appel de la garantie par le bénéficiaire était infondé, le donneur
d’ordre, après avoir subi le recours du garant, dispose d’un recours contre le
bénéficiaire, afin d’obtenir remboursement de l’indu. Malgré les apparences, il
ne s’agit pas d’une action en répétition de l’indu, puisqu’elle n’est pas
exercée par le Solvens[8].
Un recours contre le garant est également concevable. Il peut en effet
être plus commode pour le donneur d’ordre d’agir contre celui-ci, notamment
dans le cadre des garanties internationales. Il est alors nécessaire que le
donneur d’ordre démontre que le garant a payé, alors qu’il avait connaissance
d’éléments établissant le caractère manifestement abusif de l’appel, ou encore
qu’il a payé une garantie documentaire sans obtenir au préalable communication
des documents mentionnés dans la garantie.
Il s’agit dans ce cas d’une atténuation, admise par la jurisprudence
française, au principe de l’autonomie de la garantie et l’inopposabilité des exceptions
tirées du contrat de base dans l’hypothèse où l’appel de la garantie est
manifestement frauduleuxou abusif. Ainsi un arrêt de la cour de cassation
française prévoit que « si la garantie àpremière demande est autonome par rapport au contrat de base, en revanche
l’interdiction d’opposer les exceptions tenant à l’inexécution du contrat cède
en cas de fraude manifeste »[9].
Conclusion :
En guise de conclusion, il importe de
noter que la garantie à première demande est engagement selon lequel le garant
s’oblige, sur ordre d’une personne (le donneur d’ordre), irrévocablement et inconditionnellement, une somme
déterminée à une autre personne (le bénéficiaire).
Cette garantie se caractérise par deux principes marquant son
particularisme à savoir le principe de
l’autonomie de la garantie et celui de l’inopposabilité des exceptions. En
effet ces deux principe ne sont point absolus
dans la mesure où la cause de la garantie est toujours recherchée dans
le contrat de base liant le donneur d’ordre au bénéficiaire. Ainsi que le
garant est en droit d’opposer au
bénéficiaire certains moyens de défense (fraude manifeste, appel abusif de garantie).
Dans tous les cas la garantie à
première demande demeure la garantie personnelle la plus efficace, surtout en
matière des cautions bancaire, garantissant la rapidité et le crédit nécessaire
pour l’exercice de l’activité
commerciale que se soit sur le plan interne qu’international.
Bibliographie :
OUVRAGEs :
T.DAOUDI,
LES CAUTIONS BANCAIRES, EL MAÄRIF EL JADIDA, Rabat 1992
Gaêl
PIETTE, Droit des sûretés , Mémentos LMD , 4 édition 2010.
lois :
DAHIR
DES OBLIGATIONS ET CONTRATS ;
code
civil français ;
[1] Article
2321 du code civil français.
[2]Arrêt de
la Cour Suprême, n° 231, le 31 janvier 2001
[3]T.DAOUDI,
LES CAUTIONS BANCAIRES, EL MAÄRIF EL JADIDA, Rabat 1992, page 39
[4]Cas com
française, de 12 juillet 2005
[5]
T.DAOUDI, op cit, page 41
[6]Cass.
Com,19 avr.2005,JCP E 2005 ,n°916, note J. Stoufflet, cité par Gaêl
PIETTE, Droit des sûretés , Mémentos LMD , 4 édition 2010.
[7]Gaêl
PIETTE, op cit, Page 76.
[8]Solvens est
un mot latin désignant la personne qui effectue le paiement d'une obligation.
[9]Arrêt de
la cour de cassation française, chambre commerciale, de 10-juin-1986